Simetierre version 2019
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Alors que le DVD/Blu-ray sort le mois prochain, nous revenons en détail sur cette nouvelle adaptation de Simetierre.

Simetierre, ou Pet Sematary en version originale, c'est d'abord un excellent roman de Stephen King, datant de 1985. Probablement l'un de ses meilleurs récits avec It et la saga de La Tour Sombre, l'un des plus sombres en tout cas (cf. cet article). Une première adaptation cinématographique, catastrophique, était sortie en 1989. La réalisatrice Mary Lambert avait alors totalement échoué à rendre tout le côté poignant et poisseux (nous y reviendrons) du roman, malgré un scénario de King lui-même [1]. Ne restait alors qu'un film d'horreur de série B, sans âme ni ambition.

Il a fallu attendre trois décennies pour qu'une nouvelle tentative voie le jour, avec Kevin Kölsch et Dennis Widmyer à la réalisation, d'après un scénario de Jeff Buhler. Et sans être parfait, ce remake tient bien mieux la route que son prédécesseur.
Il faut cependant tout de suite éclaircir un malentendu : Pet Sematary, le roman, n'est pas un roman d'épouvante, c'est un drame familial (à de multiples niveaux). Si l'on ne comprend pas ça, l'on ne peut alors faire une "bonne" adaptation. Et, en ce sens, celle de 2019 rate tout autant l'objectif principal si l'on s'accorde à reconnaître qu'il consiste à conserver l'esprit du récit originel (tout en trouvant le moyen de transposer l'essentiel sur grand écran).

Venez habiter à la campagne, vous verrez, il n'y a pas ce côté vrombissant des villes...

Je dois dire que pour un premier jour de taf,
j'ai connu mieux.
Mais, voyons déjà un peu le pitch. Louis Creed est un médecin qui débarque avec sa famille à Ludlow, un trou paumé en pleine campagne, dans les profondeurs d'un Maine aux forêts encore sauvages et pleines de mystère. Néanmoins, la civilisation, en tout cas la "ville", l'écrasante mécanique urbaine (thème que l'on pouvait aussi retrouver dans le magnifique Se7en), n'est pas absente puisqu'une charmante route, sur laquelle foncent régulièrement d'énormes poids-lourds, borde la propriété des Creed.
Un jour sinistre, le pauvre Church, brave matou de la famille, se fait méchamment aplatir par l'un de ces camions. Jud, le voisin des Creed, retraité sans histoires, vient alors en aide à Louis en lui suggérant d'aller enterrer le chat dans un cimetière pour animaux, tout proche. En fait, Jud va même faire plus que ça, il va dévoiler à Louis un moyen de faire revenir Church...

On ne va pas aller plus loin dans l'intrigue, disons que le retour du chat se passe mal et que la famille Creed est ensuite confrontée à un drame bien plus important. Ce qui va donner des idées à Louis, ivre de douleur et incapable de supporter la perte d'un être cher.
Dans le roman, l'aspect familial, et notamment la multiple exposition de relations dysfonctionnelles au sein des familles, est fondamental. C'est beaucoup moins le cas ici, même si le film est loin d'être inintéressant. Il réserve notamment une surprise de taille à ceux qui connaissent déjà le roman, surprise qui vient changer une scène importante tout en conservant l'intrigue intacte. C'est plutôt inattendu et bien fait, donc un très bon point. Le passé de Rachel Creed est également relativement bien évoqué, même si le personnage reste assez terne et presque "peu concerné" par les événements.

Les points négatifs sont, eux, plus nombreux. Exit la relation houleuse entre Louis et sa belle famille, et donc la scène fondamentale et déchirante lors de l'enterrement. Exit la relation patiemment construite entre Louis et Jud, leur rapport presque père/fils, et donc les mises en garde qui allaient avec. Exit même le lien, pourtant fort, qui existaient entre Louis et Rachel, cette dernière rentrant chez elle presque sur un coup de tête au lieu de sentir, peu à peu, que quelque chose de terrible se trame.
Quant au lieu en lui-même, au Wendigo et à la forêt, c'est relativement survolé et beaucoup trop peu impactant au final.

— Chéri, s’il se passait quelque chose de bizarre, tu me le dirais ?
— Heu… je… c’est-à-dire que… tu sais… on ne p… je crois qu… heu… si je pouvais d… il y a des… hmm… choses qui… ben… en fait, oui, je... heu... te le dirais.
— Ouf, tu me rassures ! Je suis trop conne dès fois, j’ai cru que tu me cachais quelque chose, ha ha ha !

Dans certaines critiques parues dans la presse, l'on peut voir notamment que le film ne fait pas "peur". Il distille tout de même une certaine ambiance stressante on va dire, mais, encore une fois, le but de ce récit, à la base, n'est pas de faire chier dans leur culotte des ados en mal de sensations fortes mais bien de bâtir un drame inéluctable, gorgé d'émotions fortes, à la portée philosophique ésentielle.
Si on veut faire flipper avec ça, surtout au cinéma, ben... c'est compliqué, parce que c'est juste un putain de chat et un mioche. On a vu pires comme menaces, surtout à l'époque de Walking Dead. Par contre, si l'on comprend qu'il s'agit de parler de l'essence même des êtres que l'on aime, de ce qui fait que l'on éprouve de l'affection pour une forme de vie, alors, ouais, ça peut commencer à vraiment mettre mal à l'aise et faire réfléchir. Le roman en tout cas y parvenait parfaitement.

Du coup, deux manières de considérer ce film. En tant que tel, coupé de sa filiation littéraire, ce qui en fait un divertissement honnête, qui ne se contente pas de "jump scares" pour titiller le spectateur. En tant qu'adaptation, ce qui en fait un tout aussi "honnête" ratage, résumant les grandes lignes de l'intrigue mais échouant à transmettre ce qu'elle était censée faire naître chez le lecteur.
Si cette histoire vous intéresse, ne faites pas de bêtise, lisez d'abord le roman. Il va vous retourner l'âme plus que le bide et vous hanter longtemps. Et puis, un jour, quand vous aurez digéré tout ça, que vous aurez envie de revenir à Ludlow, de cheminer dans ses bois maudits, ce film fera alors office d'album de souvenirs. Car c'est au final ce qu'il est : une photographie, certes animée mais bien trop plate, d'un essentiel situé ailleurs.

À tenter après avoir lu le roman, en gardant à l'esprit que la photo d'un baiser, même fougueux, ne recrée en rien sa magie.

Oh, tu t'es blessée pauvre petite fille, attends, je vais t'aider en recouvrant ta plaie de terre, ça soulagera ta douleur...
Hmm ? Ah, oui, je vis dans les années 80, sinon, je ne me serais pas approché de la gamine, pas envie de faire la une des
réseaux sociaux avec le hashtag #dénoncetonredneckserviablequiagitcommeunpédophile.


[1] King est un romancier génial mais une vraie brêle en tant que scénariste ou réalisateur. Autant il maîtrise à la perfection les effets qu'il veut amener dans une intrigue écrite, autant il passe complètement à côté lorsqu'il se retrouve derrière une caméra ou à l'écriture d'un scénario. Il suffit de voir son Maximum Overdrive, ahurissant navet qu'il a écrit et réalisé, pour constater qu'il y a un gouffre entre le King hallucinant d'aisance dans ses romans, et le King peinant à comprendre les mécanismes d'un monde animé et séquentiel qu'il ne parvient pas à dompter.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un film plutôt bien foutu, à l'ambiance flippante.
  • Un changement important et pertinent dans l'intrigue par rapport au roman.

  • Une adaptation qui passe à côté de la thématique principale et n'atteint aucunement le niveau dramatique et douloureux du roman.
  • Des aspects relationnels essentiels totalement absents.