Le MCU, c'est de la merde !
Publié le
28.10.22
Par
Nolt
— Un MacDo après un bon Avengers, qu'est-ce qu'on peut demander de plus ? — Clair, on est trop bien là. En plus, j'ai reçu mon t-shirt Captain America. Si j'emballe pas des bonnasses avec ça... |
Pour bien aborder le MCU, donc l’adaptation au cinéma de l’univers Marvel, il est important de faire tout d’abord un rapide état des lieux de l’univers de base, en comics. Car si Marvel regorge de sagas cultes (Civil War, House of M, pour ne prendre que deux exemples modernes) et d’auteurs talentueux (Straczynski, Bendis, Morrison…), il est navrant de constater à quel point la direction éditoriale actuelle a abouti à une surenchère d’events vides de sens qui se suivent sans pour autant apporter un regain d’intérêt et, pire, qui aboutissent à un surplace narratif que nous avons déjà évoqué, entre autres, ici. Bien entendu, il existe des exceptions, comme l’excellente saga The Vision (par Tom King) ou, si l’on remonte un peu plus loin, le début des Runaways. Clairement à chaque fois des personnages ou groupes secondaires. La même qualité peine à se retrouver sur les plus grosses licences. Pour une raison simple : plus un personnage est connu, moins les auteurs semblent libres dans leur écriture.
Et ce défaut va se retrouver au cinéma, de manière incroyablement amplifiée.
Car, si les films Marvel sont si médiocres, c’est avant tout parce que ce ne sont pas des œuvres artistiques mais des produits pré (et mal) fabriqués à partir de cahiers des charges aussi contraignants que sclérosants.
L’on peut prendre n’importe quel personnage ou équipe (Thor, Iron Man, les Avengers...), chaque film se ressemble dans son manque d’ambition et sa pauvreté. Au point qu’arriver à en visionner un jusqu’au bout sans pour autant s’endormir relève de l’exploit. Entendons-nous bien, ce sont probablement d’excellents films pour enfant, et j’aurais sans doute adoré les voir à 8 ou 10 ans, mais quand on a envie d’assister à un peu plus qu’un joli son & lumière (et une histoire doit évidemment être plus que cela), impossible de ne pas être déçu par ces fast-movies qui sont au cinéma ce que MacDonald est à la gastronomie : un produit ultra-calibré, trop gras et produit à la chaîne par des mercenaires/employés qui n’inventent rien.
Rien ne va dans ces films. Même l’humour tombe à plat tellement on sent que les répliques sont artificielles et ne correspondent qu’à un besoin de cocher la case « vannes » (parfois avec un peu de réussite, comme dans Deadpool 2, parfois en confinant au ridicule, comme avec la plupart des films mettant en scène Thor). Si l’action est certes souvent bien fichue (encore heureux !), elle est systématiquement soporifique ; ce qui est tout à fait normal, vu qu’il n’y a aucune liberté au niveau des enjeux, donc aucune dramatisation possible. L’action pour l’action n’a évidemment aucun intérêt. Si elle ne sert pas un propos, elle devient lourdingue et inutile.
Et parlons-en du propos ! Mais… bordel, quand donc les boss de Marvel se décideront-ils à engager des réalisateurs avec une vision, un style, une ambition quelconque ? [1] (Et surtout à leur donner carte blanche !) Rien ne fonctionne jamais, tout est survolé, il n’y a aucun fond, aucune thématique qui tienne un peu la route, aucune prise de risque.
Quand je pense que des adultes en viennent à pleurnicher quand on leur « spoile » une de ces merdes ! Déjà, un spoiler, ce n’est pas une info (cf. cette Parenthèse de Virgul), mais surtout, comment on pourrait gâcher un film fade et terne dont on connaît le déroulement avant même de l’avoir vu ?
Certains trouveront sans doute ces propos un peu « durs », alors qu’il s’agit d’un simple constat lorsque l’on fait preuve d’un peu de recul et d’honnêteté. Cela commence d’ailleurs dès les Spider-Man de Raimi : les deux premiers sont atroces et le troisième commence un peu à remuer quelque chose d’intéressant (mais, sans surprise, c’est celui qui est considéré comme le moins bon par le grand public). Ne serait-ce qu’au niveau des personnages, les problèmes sont légion et de taille ! Mary Jane, d’abord. Dans les comics, c’est une fille « spectaculaire », elle prend toute la vue quand elle débarque quelque part, elle est sûre d’elle, pleine d’énergie et de charisme. Avec Raimi [2], elle se transforme en « girl next door » fadasse et pleurnicheuse ! Et le traitement de Peter est encore pire… on a envie de lui foutre des baffes (alors que Peter doit attirer la sympathie) ! Le changement a depuis été salutaire, Tom Holland étant un excellent Peter Parker (il incarne à la perfection le Parker Ultimate, plus jeune que sa version Amazing), et il y a des scènes sympathiques dans les films qui lui sont consacrés, mais ça reste des gags et du fan-service. Au final, aucun propos, aucune vision, aucune profondeur, c’est aride, vain, plat, donc forcément chiant.
Il est nécessaire à ce stade de se poser une question essentielle : que va-t-on chercher dans une histoire ?
Non, déjà il faut effectuer quelques précisions, notamment évacuer les psychopathes qui sont prêts à envoyer des menaces de mort aux auteurs si un film ne leur plaît pas. Et on va évacuer également de l’équation les connards de wokistes qui sont aussi fragiles en apparence qu’un bébé prématuré mais qui ont des manières de hooligans enivrés par la bière tiède et l’effet de meute.
Donc, reformulons, qu’est-ce qu’une personne saine d’esprit, équilibrée, mature et construite intellectuellement va chercher dans une histoire ?
Eh bien, au-delà du genre (du récit), des différences de styles, des inclinations personnelles, l’on va chercher de l’émotion ou du sens dans un récit. Et bien souvent, pour bien faire passer l’un, il faut la présence de l’autre. Il faut de l’affect et une maîtrise de la forme pour souligner un propos et le rendre digeste. Et il faut du fond pour que l’action ou le divertissement ne soient pas qu’une vaine agitation. C’est donc un juste équilibre qu’il faut trouver. On peut parfois, pour des tas de raisons, faire un peu pencher la balance d’un côté ou de l’autre, mais ce n’est jamais une bonne idée de n’aller que dans un seul sens.
Privilégiez l’intelligence du propos sans vous soucier de l’aspect divertissant de votre histoire et vous obtenez des récits peu engageants voire élitistes et pédants. Faites l’inverse, privilégiez l’emballage et les paillettes, sans vous préoccuper du fond, et vous obtenez le MCU (et d’autres saloperies équivalentes, ce n’est en rien un cas unique).
Et que l’on n’aille surtout pas m’objecter (comme Alan Moore, qui peut dire parfois des trucs intelligents mais qui sort aussi régulièrement d’énormes conneries) que le genre super-héroïque induirait, par nature, un propos enfantin ou limité. Ce serait comme dire que la science-fiction ou le western sont destinés, par nature, aux demeurés et aux enfants : c’est évidemment faux. Le genre super-héroïque est un simple contenant. Le contenu est déterminé par le niveau des auteurs et la liberté qu’on leur laisse.
Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil à Defendor, le meilleur film de super-héros jusqu’à aujourd’hui, qui n’est pourtant jamais sorti en salles. Attention, parce que je sais déjà que les génies de la bande ne vont pas bien comprendre ce qui est dit ici (et bizarrement, c’est toujours les premiers à ouvrir leur gueule). Bien sûr qu’on peut ne pas aimer Defendor, il y a aussi une composante subjective dans l’art narratif. Il ne s’agit pas de ça, mais de l’aspect technique, qui lui est aussi objectif que de constater que des boulons sont suffisamment serrés et bien à leur place. Dans Defendor, il y a un propos, bien amené, construit, et des scènes d’action qui servent des personnages rendus touchants par une mise en place habile. Et il y a aussi de l’humour, mais bien écrit. Il ne s’agit pas d’une vanne attendue et kitsch que l’on sent venir à des kilomètres. C’est cela qui manque au MCU : une écriture propre, fine, efficace. Bref, un vrai travail.
Il serait faux de penser que ces défauts se retrouvent uniquement chez Marvel, ils sont la conséquence d’un système de production lamentable qui fait des dégâts bien au-delà de ces seuls films. La grande majorité des comédies françaises n’ont, par exemple, pas plus d’intérêt que les marvelleries. Il y a d’ailleurs des similitudes assez incroyables entre ces deux genres de productions, séparées pourtant par un continent : scénario convenu et prévisible, personnages à la psychologie inexistante, absence de style, d’ambition et de fond. Autre point commun, les comédies françaises sont montées sur le casting (et non la qualité du scénario), ce qui est un peu le cas des films du MCU également (pas forcément le casting en termes d’acteurs, mais de « grands noms » de personnages issus des comics).
Alors, faut-il pour autant jouer les vieux cons et beugler sur des films qui, au final, peuvent ne pas se regarder si on ne les aime pas ? Ben… oui. Les vieux cons, c’est important. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
À une époque, j’allais très souvent au cinéma, voir des tas de films. On était dans les années 80, j’étais adolescent, et je n’étais pas d’accord avec la plupart des critiques que j’entendais alors (même celles d’Hebdogiciel). Aujourd’hui, avec l’expérience et le poids des ans, il y a des films de cette époque que je défends toujours et que je considère comme de grands films (et d’honnêtes divertissements), comme Aliens, Die Hard, Platoon, Retour vers le futur, Karaté Kid, Stand by me… et il y a des films qui, même s’ils peuvent me procurer un frisson nostalgique, me semblent aujourd’hui bien pauvres, voire indigents (Cobra, SOS Fantômes, Les Goonies, Karaté Tiger…).
Il est normal que le palais s’affine avec le temps. Tout comme il est normal, une fois adulte et (au moins un peu) cultivé de déceler des facilités, des égarements, des maladresses qui échappent aux plus jeunes.
Cet univers Marvel, à la base, je l’apprécie. Je n’ai donc aucune raison de le condamner « par défaut ». UMAC existe justement parce que, à une époque où ce n’était pas la mode, je souhaitais défendre la qualité de la bande dessinée américaine (ou du moins, de certaines BD, pour peu qu'elles soient bien adaptées, cf. le désastre Panini). Si aujourd’hui je critique non seulement le MCU mais la majorité de la production comics, ce n’est pas par « principe », mais parce que j’essaie toujours de considérer la qualité intrinsèque de ce que je lis ou regarde. Je ne vais pas défendre des merdes (dessinées ou filmées) sous prétexte qu’elles sont estampillées « Marvel ». Je ne fais partie d’aucune « communauté », encore moins la supposée communauté des lecteurs de comics (jamais compris pourquoi je devrais me sentir proche d’un inconnu sous prétexte qu’il a en partie les mêmes lectures que moi… je connais pas mal de gens qui se lavent les dents, et on ne forme pas une « communauté » pour autant). Marvel, pour moi, est juste un éditeur parmi d’autres, qui produit parfois de très bonnes choses, parfois des bouses infâmes. En tant que lecteur, mieux, en tant que « lecteur expérimenté » ayant envie de défendre ce qui vaut le coup d’être acheté et lu, il me semble important de ne pas simplement plier sous le vent et le sens de la mode mais d’essayer au contraire de tenir un cap simple et essentiel : si c’est bon (pas si on aime, ça c’est subjectif, je parle de qualité technique), on défend. Si c’est à chier, on le dit aussi (en argumentant). C’est la ligne de conduite que j’ai toujours défendue et imposée sur UMAC.
Il est important de faire le tri, de s’extasier sur des œuvres magnifiques, qui ont demandé du travail et de l’investissement, mais aussi de condamner des conneries mal foutues et produites à la chaîne. Parce que tout ne se vaut pas.
On essaiera toujours, du moins, les escrocs et les incapables essaieront toujours de vous faire croire que tout se vaut. C’est dans leur intérêt. Mais c’est faux. Et il n’est pas nécessaire d’être soi-même un brillant technicien ou un artiste accompli pour le comprendre. Il y a une nuance entre Racine et Hugo. Il y a un gouffre entre Hugo et Lemaitre (qui sont tous les deux bons). Et il y a un univers de distance (donc des règles physiques différentes) entre Lemaitre et Legardinier. Cette hiérarchisation technique de la capacité à conter, elle est présente aussi dans les comics ou les films. Et elle donne des résultats bien différents. Souvent non compris par la masse (masse qui, comme chacun le sait, ne se distingue pas par son discernement).
Ce n’est pas vrai que tout est histoire de goût. Le goût existe, oui, et il concerne l’ananas ou l'artichaut sur la pizza. Pas sa cuisson. Quand on vous sert un mets cramé, c’est une faute technique, un manque de maîtrise d’une étape essentielle. Peu importe si certains clament leur amour du trop cuit. C’est quand même trop cuit.
Les vieux cons, du moins, ceux qui sont plus érudits que bêtement égocentrés, sont utiles parce qu’ils permettent de rappeler cette distinction entre ce qui relève de l’inclination personnelle et la technique objective. Entre les ingrédients et la cuisson. Entre l’esbroufe et l’investissement réel.
Vous avez le droit de préférer une pizza à une fricassée de noix Saint-Jacques aux champignons. Et vous avez le droit de choisir les ingrédients sur votre pizza. Mais le fait qu’elle arrive cramée n’est pas un choix, même si certains vous le font croire.
Et il n’y a pas plus cramé que le MCU.
[1] On rêve de voir ce que donnerait la vision d'un Tarantino, d'un Cameron, des frères Coen ou des frères sœurs formes de vie Wachowski aux commandes d'un Marvel. Pour peu qu'on ne leur impose pas des idées de commerciaux à la con, bien sûr.
[2] Si vous voulez voir un bon film de Sam Raimi, il y a par exemple Jusqu'en Enfer. Mais si vous voulez voir un putain de chef-d'œuvre, on vous conseille Un Plan Simple.