Sélections UMAC : cinq polars, à voir ou revoir
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Nous vous proposons aujourd'hui une petite sélection de polars, bien écrits, bien réalisés, et disponibles pour la plupart à petit prix.

Bound : sexe & mafia

Avant de réaliser leur mythique trilogie Matrix, les frères Wachowski (enfin, sœurs maintenant apparemment...) sortent discrètement un petit film, léché et très maîtrisé, qui se veut être une sorte de huis clos sulfureux.

Corky, une jeune femme qui vient de sortir de prison, est employée pour retaper un appartement qui jouxte celui d'un mafieux. Elle rencontre rapidement la petite amie de ce dernier, Violet, qui tombe sous son charme et la drague lourdement.
Alors qu'une relation plutôt risquée s'installe, Violet confie à Corky vouloir changer de vie. Pour cela, elle pourrait compter sur deux millions de dollars (un petit pécule, ça aide toujours à démarrer dans la vie) qu'elle envisage de piquer à son mec. Qui est donc un gangster de la mafia, si vous avez bien suivi. Et ces gens étant connus pour être plutôt ombrageux, rancuniers et pas spécialement enclins à distribuer leur pognon, cela pourrait causer quelques problèmes...

Si le pitch peut sembler banal, le traitement de l'histoire par les Wachowski va transcender ce petit film. Les deux actrices principales - Gina Gershon et Jennifer Tilly - apportent bien sûr un indéniable atout charme (une "sex consultant" sera même embauchée sur le film), mais l'ambiance chaude, feutrée et sombre sera également cruciale. Les Wachowski et le directeur de la photographie, Bill Pope, ont d'ailleurs admis avoir trouvé l'inspiration visuelle dans  les films "noirs" et certains comics, dont le Sin City de Frank Miller.

Avec un budget limité, peu de décors et sans débauche d'effets spéciaux, voilà un récit mené de main de maître et qui se revoit encore avec plaisir.
Pour l'anecdote, un studio, à la lecture du scénario, avait proposé de transformer le personnage de Corky en homme. Les Wachowski ont refusé. Et on ne va pas s'en plaindre.




Un Plan Simple : neige & pognon

Sam Raimi n'a pas à son actif que la trilogie Spider-Man, il a aussi réalisé de bons films. Un Plan Simple, finalement peu connu, est probablement pourtant son meilleur boulot.

Un petit bled du Minnesota, en hiver. Hank Mitchell et sa femme, Sarah, mènent une vie paisible, rythmée par leurs boulots alimentaires respectifs. Hank est raisonnable, plutôt intelligent, probablement heureux. Un jour pourtant, sa vie va basculer. Alors qu'il se retrouve au milieu des bois en compagnie de son frère, Jacob, et de l'ami de ce dernier, Lou, les trois hommes découvrent l'épave d'un petit avion de tourisme.
À l'intérieur : plusieurs millions de dollars.
Hank prend les choses en main. Parce qu'il est instruit et que son frère est un paumé, au chômage. Il va élaborer un plan simple pour leur permettre de bénéficier de cette manne financière inattendue en toute sécurité.
Malheureusement, même les plus simples des plans ne se déroulent pas toujours sans accroc.

Ce long métrage est en fait basé sur le roman éponyme de Scott Smith (qui va d'ailleurs signer le scénario de cette adaptation). Et avec une matière première pareille, difficile de se planter.
L'histoire policière, qui connaît un dénouement très... énergique on va dire, est en fait sous-tendue par une exceptionnelle étude de mœurs, un drame humain où les gens "bien comme il faut" vont se révéler cruels ou insensibles, alors que les benêts, en tout cas les types habitués à être méprisés et regardés de haut, vont balancer quelques vérités bien senties. Car visiblement, dans la fiction comme dans la vraie vie, ceux qui ont des grands principes plein la bouche sont ceux qui les appliquent souvent le moins.

La relation entre Hank et Jacob est à ce titre une pure merveille, et la composition de Billy Bob Thornton est aussi juste qu'émouvante. Bridget Fonda, en implacable libraire transformée par l'appât du gain, tient également un rôle discret mais crucial.
Le suspense est constant et la situation s'aggrave jusqu'au dénouement final, sans jamais tomber dans le grand n'importe quoi. Quant au décor, rural et magnifié par la neige, il permet, en plus de ses qualités esthétiques, de renforcer encore, par contraste, la noirceur cachée de certains protagonistes.

Un magnifique récit, profond et jamais ennuyeux.




The Big Lebowski : pipi & bowling

Difficile de ne pas caser, dans cette sélection, ce film culte des frères Coen.

L'histoire est si étrange que je m'en étais servi pour tenter de démontrer, dans ce dossier sur l'écriture, que l'histoire - en gros ce que l'on peut "pitcher" - est sans doute ce qu'il y a de moins important dans un récit. Tout dépend en effet de la manière de raconter, et les frères Coen sont loin d'être des manchots à ce petit jeu.
Mais, voyons tout de même de quoi il retourne.

"Dude" (le "duc" en VF) Lebowski est un glandeur fini, perpétuellement dépenaillé, amateur de Russe Blanc [1] et qui n'a qu'une passion : le bowling.
Un jour, à cause d'une homonymie malheureuse, des types débarquent chez lui et le menacent. Ils font même plus que le menacer : ils lui foutent la tête dans les chiottes et pissent sur son tapis. Un tapis auquel il tenait. Tout cela parce que sa femme leur devrait du pognon. Or, le Duc n'est pas marié.
Alors qu'il tente de tirer cet imbroglio au clair, avec les conseils de son meilleur ami, Walter - un vétéran du Vietnam - le Duc se retrouve embrigadé dans une affaire d'enlèvement, dans laquelle on lui demande de jouer le rôle d'intermédiaire entre les kidnappeurs et la famille de la personne enlevée. Entre des histoires de tricherie au bowling, une nana qui aimerait bien emprunter le sperme du Duc pour tomber enceinte et les idées, aussi saugrenues qu'inefficaces, de Walter, notre brave Lebowski va connaître la période la plus mouvementée de sa vie !

Que dire ? Ce film est génial. Une pure merveille. La casting y est pour beaucoup : John Goodman notamment, extraordinaire en vétéran monomaniaque et hargneux, ou John Turturro, en "Seigneur des Boules" pédophile... Mais tout en fait est parfaitement calibré, de la bande son (The Man in Me, de Dylan, ou encore le Hotel California, version Gipsy Kings) à la distribution (Julianne Moore, Steve Buscemi, Sam Elliott...) en passant par les dialogues, réellement hilarants (ce que bien des comédies échouent à produire).

C'est drôle, brillant, inattendu et parfaitement rythmé.




Arnaques, Crimes et Botanique : drogue & gros flingues

Premier film de Guy RitchieLock, Stock and Two Smoking Barrels a été complètement descendu par la presse spécialisée lors de sa sortie, en 1998. On se demande bien pourquoi, car il recèle de nombreuses qualités (que l'on retrouvera par la suite dans Snatch ou RocknRolla, du même metteur en scène).

Eddy a réussi, en empruntant du pognon à ses trois meilleurs potes, à se faire admettre à une partie de poker illégale, où l'on mise très gros. Seulement, la partie est en fait truquée et Eddy se retrouve avec 500 000 livres de dette. Dette qu'il contracte envers un type de la pègre, pas vraiment réputé pour plaisanter avec les mauvais payeurs.
Eddy et sa petite bande n'ont pas d'autres choix que de trouver l'argent. Heureusement, ils ont pour voisins des types louches qu'ils se proposent de braquer...

Personnages franchement hors normes et "larger than life", récits parallèles qui finissent par se percuter avec force et habileté, le tout sur une bande-son particulièrement bien choisie, pour un premier essai, il est largement transformé.
Même techniquement, entre la photographie travaillée et pas dégueu et les effets (ralentis, plans fixes...) bien employés, ce film est clairement abouti.

Une plongée, pleine d'humour noir, dans le milieu des malfrats londoniens.




Kiss Kiss Bang Bang : Hollywood & détectives privés

Vous connaissez très certainement Shane Black, réalisateur de cette excellente comédie policière. D'abord parce qu'il a mis en scène Iron Man 3 ou The Predator, mais aussi parce qu'il est le scénariste d'une flopée de films très connus (de L'Arme Fatale au Predator original, en passant par Le Dernier Samaritain ou Last Action Hero).
Il délaisse ici les super-héros et les aliens agressifs pour s'intéresser à un tandem plutôt savoureux, composé de Robert Downey Jr et Val Kilmer. On a vu pire comme casting pour un premier film !

Harry Lockhart est un petit voleur qui, en cherchant à échapper à la police, va se retrouver par le plus grand des hasards au milieu d'une audition. Blessé, il semble jouer si bien qu'il décroche un rôle pour un polar hollywoodien. Et pour préparer au mieux le personnage qu'il doit incarner, la production engage même un véritable détective privé, censé lui fournir quelques astuces.
Mais Harry, qui joue de malchance, va bientôt être entraîné dans une véritable affaire criminelle, avec de bien réels cadavres.

Outre une satire du milieu hollywoodien, Black propose ici une comédie futée qui s'amuse avec les codes du polar et se permet de tourner en dérision les clichés présents dans ce genre de films (le dialogue au téléphone, quand Harry annonce à Gay comment il a laissé son ADN sur un corps, est par exemple une pure merveille de drôlerie et d'ingéniosité).

Mélange d'humour féroce et de dialogues finement ciselés, KKBB demeure un incontournable pour les amoureux des classiques qui ne craignent pas les moqueries et l'impertinence intelligente.




[1] Le Russe Blanc, ou White Russian, est un cocktail à base de vodka, liqueur de café et crème liquide (ou lait). Ajoutez des glaçons, passez au shaker et servez dans un verre "old fashioned". À consommer sans modération, sauf si vous avez moins de 12 ans, auquel cas, limitez-vous à 5 verres par jour.