Dune... la "vision" de Denis Villeneuve
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Trop d'articles le décrivent comme un chef-d'œuvre. Je ne l'ai vu qu'hier et ne suis pas d'accord.
Alors j'écris une bafouille vite fait qui ne sera le reflet que de mon opinion personnelle ! 


Je pensais n’avoir aucun amour particulier pour la vision de Lynch de l’univers de Dune. Je la trouvais même un rien ridicule...
Force est de constater, après m’être infligé la « vision » (il faut le dire vite !) de Denis Villeneuve, que j’avais quand même davantage d’attachement pour cette version, pour sa personnalité, son inventivité, sa patte artistique et sa réalisation.
Je ne reviendrai pas sur celle de Lynch, des centaines de gars plus pointus que moi l’ont fait et refait avec talent…
Mais j’ai beau fouiller, je ne vois personne qui, concernant la version de Villeneuve récemment sortie, ne se soit empressé de mettre à plat ce qui semblait clocher. Et pourtant, il y a de quoi faire. Du coup, je vais le faire. Mais en vrac, comme ça me vient. Appelez-ça « GriZZly vide son sac », si vous voulez… Je suis seul responsable de cet épanchement, la rédaction décline toute responsabilité, ne venez pas déverser onze tonnes de vers à pêche devant chez notre rédac'-chef en signe de contestation... merci.

Pour moi, le principal défaut de cette œuvre est qu’elle est terriblement prétentieuse (un comble quand on connaît la fin de la saga !). J’imagine que c’est parce qu’elle est trop consciente du méta, qu’elle ne sait que trop qu’elle adapte un livre qui est devenu une sorte de Bible pour certains (alors que, je dois l’avouer, il me tombe des mains... mais je lui reconnais pas mal de qualités néanmoins). 
Mais toutes les scènes sont prétextes à des tableaux, des postures, des plans qui se voudraient iconiques si seulement il y avait du talent à la réalisation… ouais, c’est dur et ouais, j'envoie bouler tous ceux qui viendront me dire « Bah, t’es même pas capab’ de faire pareil, d’abord ! »… C’est vrai, Jean-Kévin ; et je ne sais pas cuisiner mais si un gars met du sucre sur mes frites, je ne me prive pas d’affirmer que c’est plutôt une mauvaise idée.

Techniquement, c’est vraiment au point : les équipes qui ont bossé dessus sont au top, à n’en pas douter. Mais c’est filmé en plans statiques inter-putain de-minables (petit clin d’œil) ! 
Prenons un exemple : on assiste à la sortie de l’eau d’un vaisseau gigantesque, à un moment. Scène très bien conçue et jolie mais filmée comme une carte postale. Une caméra unique, à l’horizontale et ça filme le bousin. Pas même un léger pivot vertical de la caméra commençant en plongée sur l’eau pour finir en contre-plongée, survolé par le vaisseau pour souligner sa taille impressionnante. C’est basique mais même ça, ce n’est pas fait. Un choix artistique ? Peut-être... mais un mauvais choix, alors, selon moi. Oui, Jean-Kévin : selon moi ! Ça s'appelle de la subjectivité, c'est un foutu billet d'humeur !

La direction artistique a de bonnes idées mais c’était obligé de nous livrer un film dont le sépia semble être la seule couleur à l’écran ? Ce n’est pas une identité visuelle, ça… c’est de l’ennui chromatique !

Trop, bien trop de scènes se déroulent dans des pièces semblant n’avoir été conçues que pour accueillir ces scènes. De grandes salles sans aucun autre signe de vie que ce qui s’y passe. Des pièces vides, sans histoire, sans intérêt autre que visuel… c’est nul : la seule pièce de bâtiment crédible est l’endroit où Paul dîne avec sa mère sur sa planète natale en début de film ; on imagine qu’ils y vivent aussi les autres jours et la pièce en témoigne. Toutes les autres sont visiblement des décors montés de toutes pièces pour tenter de conférer un caractère un peu symbolyco-impressionnant au film. C’est tellement visible que ça en devient risible. Et ces salles doivent êtres peu éclairées, hein... avec une petite lampe-drone qui suit les gens, parce que ça fait plus dark, évidemment...
Pire que tout : nombre de figurants font eux aussi office de décor et semblent n'avoir d'autre vie qu'avoir à apparaître derrière les personnages principaux... on ne croit pas une seule seconde en leur existence autonome. Ils existent pour se tenir comme des piquets à tel ou tel endroit. Quelle vie fascinante ! 

Tout dans ce film est postures : ça cabotine un max, visuellement. Pas dans le jeu des acteurs, hein, on y reviendra… mais les scènes elles-mêmes. Et que j’ai un long voile qui flotte au vent juste pour qu’il puisse flotter au vent. Et que la porte de mon vaisseau met bien 45 secondes à s’ouvrir sans raison pour que l’on puisse soutenir son mouvement interminable par une musique épique… parce qu’une soute qui s’ouvre, c’est badass, hein, faut pas croire. Et que je t’aligne les Sardaukars par centaines en mode discours du Reich pour introduire une bête conversation de recrutement… 
C’est de la débauche d’effets pour que dalle. Ça voudrait être épique mais, au fond, ben… ça ne l’est rigoureusement jamais.

À part la musique. La musique est épique. Mais du coup, on y a droit tout le putain de temps ! Hans Zimmer nous gratifie par exemple de lourdes percussions rappelant les marteleurs, ces machines attirant les vers des sables. Déjà, c’est loin d’être fin comme allusion, mais en plus, c’est récurrent. 
À part ça, on a droit à des chants en chorus étouffés façon moniales vénères qui doivent sans doute faire penser aux Bene Gesserits, à des chants et musiques arabisants parce que bon… il y a des déserts, tu vois… 
Tout, comme dans la réalisation, est tellement premier degré que ça a beau être bien foutu, j’ai eu du mal à ne pas rigoler par moments à cause des grosses ficelles musicales. Du coup, on ne m’ôtera pas de l’idée que c’est quand même vachement maladroit ou pondu cyniquement pour un public de débiles.
Puis bon, il y a deux vannes dans le film. Eh bien, celle que l’on voit dans la bande annonce avec Momoa/Idaho qui fait croire à Paul qu’il a pris du muscle (haha, jamais faite, la blague !) est dite sur un tapis musical épique ! Oui ! Parce que la scène n’est pas finie alors on ne coupe pas la musique, même si l’ambiance de la scène a basculé. C’est… putain, c’est tellement amateur !
Puis merde... pourquoi ce joueur de fucking cornemuse quand Leto sort de son vaisseau ? Il habite une planète qui ressemble aux Highlands alors, quand il débarque sur Arrakis, il faut du biniou ? Le mec est devenu ambassadeur de la musique irlandaise entre-temps et ça m’a échappé ? On est 8000 ans dans le futur et on n’a pas encore réussi à se débarrasser des cornemuses ?

Venons-en aux acteurs… j’avais un peu peur de Jason Momoa en Duncan Idaho tant la bestialité physique du bonhomme me semblait inadaptée… mais heureusement qu’il est là : les rares moments épiques viennent de lui. Parce que cet impact physique, cette gueule, cette façon de se mouvoir propre à cet acteur font de lui le seul personnage charismatique du film ! C’est tellement platement filmé qu’aucune scène sans lui ne m’a semblé impressionnante. Pourtant, il y a parfois une débauche d’effets, hein… mais même une bataille entre 40 gars sur fond de ville en flammes, c’est chiant comme un jour de pluie en Bretagne !

Et des personnages charismatiques, Dune en a à la pelle mais Villeneuve nous les filme sans aucun génie, au point de les rendre inconsistants…

Oscar Isaac a le look et l’attitude d’un Leto Atréides très convaincant mais on ne sent en lui aucune grandeur, aucune dignité particulière. Il est toujours écrasé par la grandiloquence des décors qui l’accueillent, malgré un jeu convaincant. C’est juste mal fait !

Timothée Chalamet est bien casté lui aussi : il a le physique d’un bon Paul Atréides… mais la direction d’acteurs lui impose une seule expression faciale sur les neuf dixièmes du film… on doit se soucier de ce qui lui arrive, à ce gosse ? On s’en contrebat les steaks ! Jamais on ne s'attache à ce môme geignard aux capacités proprement folles mais jamais rendues à l'écran de façon impressionnante. C'est un ado aussi intéressant qu'un Kylo Ren sous Prozac... enfin, non... Paul est bien écrit, lui. Mais joué à la façon d'un œuf dur. Même si je soupçonne le jeune comédien d'être capable de cent fois mieux avec une direction d'acteurs pertinente. Mince, quoi ! C'est lui que l'on suit durant plus de deux heures : rendez-le intéressant, si pas sympathique !

Rebecca Fergusson est une excellente comédienne mais qui nous livre une Dame Jessica pleurnicharde. Pardon ? Mais… elle a suivi l’enseignement des Bene Gesserits, elle a la prétention d’enfanter le Sauveur et… on en fait une fragile ? 

Sauvons Zendaya qui est une Chani plutôt convaincante… et pourtant, je suis loin d’apprécier la comédienne. Mais jusque-là, il émane d’elle un mystère sauvage bienvenu. 

Et que dire des Harkonen ? Stellan Skarsgård est un baron totalement dénué de la moindre once d’intérêt. Lisse. Comme tout le film. Dans la vision de Lynch, c’était une créature repoussante et purulente maintenue en suspension en l’air dans une sorte d’appareillage antigravitationnel... Tout chez lui exsudait : « Je suis malsain ». Ici, c’est un obèse qui flotte… C’est tout.

Quant à Dave Bautista… Le pauvre !
Il incarne Glossu Rabban. Okay, Bautista n’est pas un grand acteur, même si certains de ses films sont sympas, mais le rôle tel que conçu par Villeneuve (qui est un adepte de la simplicité, de toute évidence) ne nécessite pas un jeu exceptionnel : il faut une gueule et une présence. Impossible de se louper : celui qui fut Deacon Batista sur les rings de la WWE est un monstre musculeux du genre à boire du plomb en fusion au petit-déjeuner. Mais ils ont réussi à lui donner l’apparence d’un Sontarien ! Mais si, vous savez : ces ennemis du Docteur dans Doctor Who… Ceux qui ont des têtes de suppositoires et sont engoncés dans des scaphandres (voir ci-contre).
Ben voilà ! Bautista est ridicule ! Ils lui ont même lissé le visage à l’extrême : le gars n’a plus rien de ce qui fait son indéniable charisme habituel. C’est une hérésie !

Puis cette originalité à deux balles : Lynch avait fait les Harkonen roux (et ça donnait super bien) alors on doit vite-vite-vite trouver un autre truc… « Euh... Chauves ! Ils seront chauves ! Tous ! » C’est pitoyable !

Oh, puis il y a un truc qui me fait caler : les Fremens. Ils sont, eux, vraiment charismatiques, pour le coup. Et leur chef est bien campé, j’ai aimé cette fin de film où il commence enfin à y avoir du jeu d’acteurs.
Mais euh… les mecs trouvent le désert hostile (à raison) ; les mecs ont peur des vers des sables (à raison)… Alors pourquoi vous faites des randonnées dehors, les gars ? Pourquoi vous crapahutez partout au lieu de rester peinards dans vos sietchs (leurs « villages ») ? Pour que…? Pour que Paul puisse vous trouver par hasard. Bah ouais.

Je vois un peu partout des gens utiliser la formule : « C’est long mais je ne me suis pas vraiment ennuyé. » Sauf que quand c’est vraiment passionnant, on ne relève même pas la longueur du film. Ici, c’est vraiment le sentiment qui s’en dégage. C’est looong ! Mais bon, à mes yeux, ça respecte le rythme des livres. Disons que sans les autres points que je viens de relever, ça ne m’aurait pas gêné… mais bon dieu, que ces ralentis sur des plans fades avec effets de tissus qui ondulent au vent m’ont semblé durer une éternité ! Il en a foutu partout, des ralentis ! Souvent, ils ne sont même pas signifiants, juste « esthétisants »… mais sur une image d’une confondante banalité !

Notons que Villeneuve a du génie dans l'entretien de l'ennui : le gars arrive à filmer un génocide sans qu'on en aie rien à battre... à ce niveau d'incompétence, ça (re)devient de l'art ! Tout est filmé froidement, de façon dépassionnée.
Ce film se passe dans un univers supposément étouffant et succombant sous la chaleur du désert mais tout ce qui se dégage de lui est une froideur statique... c'est un comble, non ?
Et même en étant un rien terre-à-terre : les combinaisons des Fremens (les distilles) récupèrent la sueur des corps pour en faire de l'eau potable? Chouette idée. Mais comment faire avec des comédiens qui ne suent pas. Pas une once de transpiration sur leur visage. Ça ne sue que sous les bras à Hollywood ? On ne croit pas une seconde à la prétendue chaleur d'Arrakis. C'est nul, c'est raté et c'en est même presque insultant, à ce point !

On ne s’attache pas aux personnages. On n’apprend que trop peu de choses sur les familles Atréides et Harkonen et le peu qu’on apprend se paie le luxe d’être répété, comme si même les phases d’exposition du film devaient subir des ralentis.
Dune, c’est le genre de film qu’on ne peut pas détester parce que c’est « bien fait ». Mais je ne le recommande quand même à personne. Honnêtement ? Je regretterais le prix de mon billet s’il ne m’avait pas permis de passer une soirée en compagnie de ma femme sans les gamins.

La meilleure adaptation de Dune reste donc, à mes yeux, le jeu vidéo d’aventure et stratégie en temps réel de 1992 sorti par le studio français Cryo Interactive. Cela a été ma porte d’entrée dans cet univers… eh bien c’était foutrement mieux !


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Ça va pousser des gens à lire le livre... et c'est bien, ça, des gens qui lisent.
  • La plupart des comédiens jouent pas mal quand on les laisse jouer.
  • Euuuh...
  • Lisez l'article.. c'est trop long et j'ai déjà perdu assez de temps à regarder ce film bouffi de prétention.