Spider-Man : L'Histoire d'une Vie
Publié le
8.2.20
Par
Nolt
La mini-série Spider-Man : Life Story vient tout juste de sortir en VF. On voit tout de suite ce que ça donne !
Le concept est plutôt intéressant : il s'agit de retracer toute la vie de Peter Parker, alias Spider-Man, de ses débuts dans les années 60 à nos jours. Mais avec ceci comme différence de taille : le personnage vieillit normalement.
Là, il nous faut faire un point sur la notion de temps dans l'univers Marvel. Les personnages ne sont pas figés, ils vieillissent bien, mais très lentement. Lorsque Parker se fait mordre par une araignée, en 1962, c'est alors un adolescent. De nos jours, on estime (ce n'est pas toujours très clair et l'on peut même découvrir des infos contradictoires dans certains comics) qu'il a entre 25 ans et le début de la trentaine. Et surtout, étant donné que les événements du monde réels (élections de tel ou tel président, guerres...) ont lieu également sur la Terre-616 (l'univers Marvel classique), il est nécessaire, pour les lecteurs, d'adopter un processus (souvent inconscient) permettant ce que nous avons théorisé, sur UMAC, comme la réduction de la dissonance cognitive appliquée à la fiction (cf. cet article). Dit comme ça, ça a l'air très compliqué, mais en réalité, il s'agit juste d'une doublepensée (à la manière de ce qui se fait dans le roman 1984) permettant de faire cohabiter des faits contradictoires.
Ici donc, plus besoin de jongler avec un temps dilaté pour les personnages et des événements se déroulant en temps réel puisque les protagonistes vieillissent normalement. Bien entendu, ce n'est pas la première fois que l'on peut lire les aventures d'un Tisseur qui prend de l'âge. L'on peut citer notamment le joli et crépusculaire Spider-Man : Reign, qui mettait en scène un Parker solitaire et à la retraite dans une société dictatoriale.
Le scénariste, Chip Zdarsky, va faire défiler les grands événements du marvelverse (et les aventures marquantes de Spidey) tout au long de ces 6 épisodes. Or, 6 épisodes, même s'ils font 30 planches au lieu du standard actuel de 20, ça reste tout de même très peu pour couvrir presque 60 années de sagas diverses et variées.
De la mort de Gwen Stacy à La Dernière Chasse de Kraven, en passant par les Guerres Secrètes organisées par le Beyonder, la Saga du Clone ou encore Civil War, l'auteur se lance dans un tour d'horizon aussi vaste que déstabilisant. Chaque époque (un chapitre couvrant une décennie) est survolée, sans possibilité d'installer une intrigue solide ou de développer les personnages. Il y a bien diverses variations (parfois importantes) qui apportent quelques surprises et influent sur la continuité classique, mais tout cela va trop vite et reste trop embryonnaire pour avoir un impact émotionnel réel.
Graphiquement, l'on retrouve aux crayons un Mark Bagley qui fait office de vieux briscard puisqu'il a notamment participé à la Saga du Clone citée plus haut et qu'il a également été aux côtés de Brian M. Bendis lors de son long run sur Ultimate Spider-Man (cf. ce dossier). L'on peut toutefois noter que son travail ici est quelque peu inégal. Si certaines scènes dégagent dynamisme et puissance, quelques cases sont par contre vraiment dépouillées niveau décor. Certains visages peuvent aussi parfois sembler approximatifs. Rien de honteux, mais ça n'aide pas toujours à créer la tension dramatique déjà difficile à faire naître à cause du rythme de la narration.
Du coup, l'impression est mitigée. L'idée a un potentiel énorme, mais malgré certaines audaces (Captain America qui prend une position plutôt inattendue pendant la guerre du Vietnam par exemple, ou la vie de famille très chaotique de Parker et son attitude discutable), l'on est en face d'un gros What if ? qui, malgré son ambition, ne prend pas le temps de véritablement développer les sous-intrigues qui apparaissent plus comme les déclinaisons anecdotiques de faits marquants plutôt qu'un tout cohérent.
Les fans comprendront les références mais risquent d'être déçus par le manque de lyrisme de l'ensemble, alors que les nouveaux lecteurs vont se perdre rapidement dans un dédale confus et, au final, pas si intéressant que ça.
Dispensable, dommage.
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