Aftermath : post-ap bancal
Publié le
12.1.17
Par
Nolt
La nouvelle série inédite de SyFy, Aftermath, vient de débuter en France. Sur le papier, ça avait l'air vraiment excitant. Finalement, c'est plutôt... embarrassant.
La bande-annonce laissait clairement entrevoir une série post-apocalyptique et effectivement, c'est apocalyptique sur bien des plans, mais pas forcément ceux attendus.
Le pitch tout d'abord.
Suite à une éruption solaire et diverses catastrophes, allant de l'ouragan à la chute de météorites en passant par les tremblements de terre, une étrange épidémie de violence frappe la Terre. La famille Copeland, composée du papa archéologue, de maman "Top Gun", ex-pilote d'hélico dans l'armée, et des rejetons Matt (footballeur), Dana (génie en herbe) et Brianna (fille cool et populaire), doit survivre dans ce contexte de fin du monde.
Et vu leur niveau de débrouillardise, c'est pas gagné.
Heureusement, les scénaristes sont là pour rattraper tout ça par n'importe quel moyen.
Alors, j'ai l'air de descendre bien méchamment la série mais j'avoue que je ne me suis pas ennuyé une seconde en regardant le début (les deux premiers épisodes diffusés le 10 janvier, mais vous pouvez encore les voir régulièrement sur SyFy). Si elle possède bien une qualité c'est de ne guère avoir de temps morts et de nous immerger très rapidement dans le bordel. Et ce dernier terme n'est pas employé au hasard.
Si dans un premier temps, certains aspects font un peu penser à du Crossed, l'on est vite déstabilisé par l'incroyable accumulation de menaces : démons, virus, bestiole préhistorique, prophétie biblique et catastrophes plus ou moins naturelles à profusion, on a l'impression que les scénaristes n'arrivaient pas à choisir un sujet et qu'au final ils les ont tous pris.
— Hé les gars, on le met pas
le robot-tueur géant ?
— Non John, j’ai peur que ça
fasse trop.
C'est donc un peu déstabilisant mais pourquoi pas, peut-être les auteurs vont-ils parvenir à réunir tout ça de manière logique (ça se sent que je n'y crois pas du tout ?). Malheureusement, si le côté "apocalyptique" est chargé, le reste est très léger. Non seulement les personnages sont bien peu épais, mais les clichés, les scènes téléphonées ou invraisemblables sont légion. Rien ne va, c'est une continuelle pluie de conneries, à tel point que l'on en vient parfois à se demander si ce n'est pas une forme de second degré volontaire. Et dans le cas contraire, le peu de soin apporté à l'écriture est hallucinant.
Allez, quelques exemples quand même, histoire de montrer l'étendue des dégâts.
L'on a par exemple dès le début la fameuse (et si légendaire) bonne idée de la séparation des forces. Les personnages sont dans une situation de crise majeure, ils savent que n'importe quel type peut se révéler être un danger, et quelle est la première décision qu'ils prennent ? Laisser partir Karen (la mère) pour aller prévenir le shérif qu'ils ont eu maille à partir avec un clampin local. Dès fois qu'il y ait de la paperasse à remplir, on ne va pas se mettre dans l'illégalité sous prétexte que c'est la fin du monde hein.
Dans le genre "on le voit venir à 1000 kilomètres", on a aussi le type recueilli qui parait louche à tout le monde sauf aux principaux intéressés qui ne trouvent rien de mieux à faire que de bouffer avec lui en attendant qu'il les agresse.
Les maladresses et invraisemblances ne s'arrêtent pas là. Karen qui sort de chez elle et ne remarque pas des centaines de poissons autour de sa maison (elle n'a donc pas une très bonne vue et sans doute encore moins d'odorat, parce que le poisson qui sèche comme ça au soleil...). La famille au complet qui ne voit qu'au dernier moment un ouragan énorme qui prend tout l'horizon. Brianna qui supplie des motards de l'emmener alors qu'elle pouvait prendre la bagnole des flics. Le téléphone portable qui fonctionne par intermittence, juste assez pour que les protagonistes aient le temps de se balancer les infos essentielles. Brianna, encore elle, qui se met à dos inutilement une nana rencontrée en refusant de lui prêter deux minutes son portable, ou qui échappe au souffle et à la chaleur d'une explosion en se planquant sous un bus (c'est un principe scientifique bien connu, la chaleur ne pense jamais, con comme elle est, à se propager sous les meubles ou les véhicules).
Bref, c'est un torrent continu d'imbécilités.
Une des meilleures au niveau comportemental : la station-service. Toute la famille est embarquée dans un camping-car blindé de carburant (ils ont 200 litres je crois de mémoire). Mais voilà, il manque dix litres dans le réservoir, du coup, ça serait trop bête de ne pas prendre un gros risque en omettant de s'arrêter dans un endroit louche. Et ça ne loupe pas puisque le pompiste (qui pue du cul, mais violent, le mec, tu le croises, t'as pas besoin d'être en situation de fin du monde pour te méfier) vient leur nettoyer le pare-brise avec un peu de sang. Mais il faut qu'il leur agite une tête coupée devant le pif pour que ça fasse tilt et qu'il y ait enfin une réaction.
Donc, dans la réalité, des gens aussi cons que ça, ils meurent au bout de 10 minutes, on est bien d'accord. On ne fait pas une série sur eux, ni un film, parce qu'ils ne vivent pas assez longtemps, au mieux on en tire un court-métrage comique. Mais bon, les scénaristes y tiennent à leurs neuneus, du coup, ils les aident, quitte à leur balancer flingues et informations n'importe comment.
— Oh, mais qu’est-ce que c’est
par terre ? Tiens, un fusil à pompe qui se recharge à l’infini !
Chouette alors.
— Eh bien moi maman, une dame
s’est suicidée à côté de moi avec un beau revolver tout neuf que j’ai pu lui
emprunter.
— Regardez les enfants, j’ai
encore mieux : un téléphone magique qui trouve du réseau dès que l’intrigue
est dans une impasse.
— Wouah, on en a de la chance…
— Ouais. Ou bien on est dans
une série de merde.
Niveau effets spéciaux, entre le mec qui vole bizarrement (oui, y'a des mecs qui volent, cherchez pas) et les skinwalkers qui ressemblent à des toons lorsqu'ils quittent les corps, on ne peut pas dire que l'aspect visuel vienne franchement renforcer l'ambiance.
Parlons-en d'ailleurs de ces "démons". On ne sait pas d'où ils sortent, pourquoi ils ne "possèdent" que certaines personnes, comment ils y parviennent, par contre, ce brave Joshua réussit très vite à les identifier grâce à quelques recherches dans ses bouquins. On vous avait bien dit à l'école que lire c'était important.
Même incohérence pour le fameux virus, présenté comme extrêmement contagieux mais ne contaminant finalement que les personnages secondaires. Je ne parle même pas de l'espèce de dragon à la fin (ah, l'heroic post-ap, c'est pas courant, les mecs inventent un genre là !), laissant supposer que le scénario a été rédigé avec l'aide de quelques psychotropes puissants.
Alors les gars, on s'éclate avec les fringues de mémé ? |
Même si le profil psychologique des personnages est proche du néant, il y a tout de même une tentative d'inversion des stéréotypes, avec une Karen jouant le rôle du personnage fort et prévoyant. Et des acteurs qui ne s'en sortent pas si mal.
L'on peut également supposer que le côté déstabilisant et fourre-tout de l'intrigue est voulu et réserve quelques surprises, malheureusement, il sera bien difficile de justifier les faiblesses et égarements qui minent complètement la série et en appauvrissent drastiquement le potentiel dramatique. C'est d'autant plus dommage que l'essentiel de ce qui est raté ne demandait pas de budget spécial ou même des compétences pointues mais nécessitait seulement un peu d'attention et de bon sens.
Aftermath aurait pu être une série originale et très dérangeante, voire mythique, mais se dirige pour l'instant vers le cimetière si encombré des machins vite oubliés.
À tester quand même, de toute façon, avec ce qui passe à la télé, c'est pas comme si on avait l'embarras du choix.
Virgul est quand même obligé de sortir une pancarte "bof", parce que vraiment on est dans du bas de gamme, mais c'est un très petit "bof".
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|