Retroreading : les Rois des étoiles
Publié le
5.1.17
Par
Vance
Un roman de science-fiction d’Edmond Hamilton (1947) édité par Hachette en 1952.
Un empire galactique. Des étoiles à perte de vue, chacune accompagnée de mondes peuplés d’étranges créatures. Des vaisseaux naviguant par milliers sur les marées stellaires, s’affrontant en d’improbables armadas au milieu d’explosions cataclysmiques et de faisceaux multicolores. De nobles héros, élancés, vaillants, séduisants, un peu téméraires, à l’œil vif et à l’intelligence pratique. Des femmes fatales, au caractère solide et à la beauté sidérale. Des ennemis implacables. Des armes absolues, capables d’anéantir un système solaire, voire une galaxie entière.
Du suspense ! De la romance ! De l’action !
La garantie d’un dépaysement total.
Le space opera, c’était cela. Guère davantage, et
souvent aussi naïf que ces annonces façon Hollywood le laissent croire. C’était
le standard d’une époque révolue, où la SF se publiait en magazines bon
marché (les pulps, qui tirent ce surnom de la qualité du papier)
dans lesquels les plus grands auteurs de l’Age d’Or (et Asimov le
premier) ont pu faire leurs armes. Le spectre de la Guerre mondiale puis celui
de la Guerre froide fournissaient à ces écrivains la possibilité de traduire
leurs craintes, leurs cauchemars sous les traits de personnages monstrueux,
souvent non-humains, qui venaient sur notre belle planète enlever nos femmes,
lesquelles étaient immanquablement (dé)vêtues de robes légères afin de donner aux
illustrateurs le prétexte à des couvertures furieusement tentatrices. Et pour
détourner l’attention du lecteur avide d’aventures exotiques, on l’entraînait
en des mondes inconnus sur lesquels, les décors mis à part, se rejouaient les
dramaturgies classiques où vengeance, jalousie, avidité et héroïsme flamboyant
se taillaient la part du lion.
On ne fait pas de politique dans le space opera. On n’y
parle qu’assez peu de la sauvegarde des espèces ou de la protection de la
Nature (il faudra attendre pour cela la toute fin du XXe siècle et la résurrection d'un genre tombé en désuétude). En fait, on s’y dispute, on s’y affronte à la tête de puissantes
armées : les vaisseaux spatiaux remplacent les galions ou les chars
d’assaut et il y a toujours un traître planqué quelque part dans l’entourage du
prince.
Cela dit, si ces romans prêtent aujourd’hui à sourire, ils
n’en ont pas pour autant perdu leur pouvoir attractif : si les années 60
ont balayé ces poncifs en recentrant la SF sur des domaines plus
« sérieux », lui conférant par là même ses lettres de noblesse grâce
à la plume d’auteurs engagés et talentueux, il n’en reste pas moins que, à
l’instar du western au cinéma, ce sous-genre n’est pas mort. Le temps de le
digérer, de l’assimiler et de trouver le bon moment pour le ressortir des
cartons. Dan Simmons, avec l'hénaurme Hypérion, a prouvé qu’on
pouvait écrire de la SF de haute volée qui demeure pourtant fidèle aux principes
du space opera. Peter F. Hamilton (l'Aube de la nuit, l'Etoile de Pandore) en est même devenu le nouveau pape avec ses sagas cosmiques à tiroirs dans lesquelles le genre humain s'aperçoit systématiquement que, malgré ses avancées scientifiques, il ne connaît rien ou presque de l'immensité de l'espace. Les comics ne sont pas en reste (Letter 44 rappelle vaguement le début de l'Etoile de Pandore). Alors pourquoi renier les Pères fondateurs ?
Parmi ces derniers, Edmond Hamilton (1904-1977, à ne pas confondre donc avec le Hamilton britannique cité plus haut, l'un ayant inspiré l'autre) est une référence en la matière, spécialiste (avec ses
amis E.E. Smith et Jack Williamson) de ces récits fondés sur
l’épopée stellaire : chez lui, les vaisseaux sont des croiseurs
intergalactiques qui filent cent fois plus vite que la lumière à travers l’espace
sidéral.
Les belligérants usent d’armes atomiques, de faisceaux de
lumière cohérente quand ce n’est pas une arme secrète tel ce disrupteur qu’on avait utilisé en 129 411 afin de repousser les
monstrueux envahisseurs venus d’un des Nuages de Magellan… C'est dans cet univers que va se retrouver John Gordon, modeste employé new-yorkais qui a accepté d'échanger son esprit avec celui du prince Zart-Ann, grand scientifique vivant 200 000 plus tard. Un univers dans lequel, bien entendu, les princesses sont sublimes :
voici Lianna, reine de Fomalhaut, fiancée de Zarth
Arn.
Fierté, beauté, conscience de sa valeur et de son autorité,
telles étaient les qualités que Gordon lut sur le visage finement ciselé, les
lèvres rouges et légèrement dédaigneuses, les yeux gris et froids de la
princesse…
Pas étonnant que ce brave Américain du XXe siècle en
tombe amoureux – sans savoir que son alter ego la hait profondément. Mais c’est
aussi compter sans son épouse morganatique, Murn :
Ses longs cheveux noirs flottaient sur ses épaules nues,
encadrant un visage adorable dont les yeux bleu foncé rayonnaient de bonheur.
Une enfant ? Ce n’était pas un corps d’enfant qui transparaissait sous la
chemise de nuit arachnéenne…
Gordon, fasciné, émerveillé par ce que peut procurer un
empire interstellaire foisonnant, va profiter de la situation jusqu’à ce qu’il
se rende compte qu’il ne lui est pas possible de retourner d’où il vient, alors
même que se profile une guerre terrible à laquelle il sera forcé de prendre
part, au milieu d’intrigues politiques aussi nébuleuses que
nauséabondes. Il sait à présent qu’à un moment ou un autre, il se verra
contraint d’user du disrupteur dont il est censé posséder le secret –
mais voilà, il n’est qu’un imposteur…
Allons, c’est moins puéril qu’un Buck Rogers mais
de la même veine, c’est assez enlevé, parfois suranné et toujours léger, sous
des tournures empesées et un tempo d'un autre temps. On n’est pas très loin du cadre de Star Wars, la
mythologie et l’aspect initiatique en moins. Peut-être moins réussi que son
cycle des Loups
de l’Univers, ce roman n’en reste pas moins agréable à lire. Il s’est vu
adjoindre, bien plus tard, une suite (image ci-contre), assez dispensable sauf pour ceux qui
seraient tombés sous le charme désuet des personnages.
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