DragonBall Evolution : Réhabilitation
Publié le
14.1.17
Par
Nolt
DragonBall Evolution mérite-t-il vraiment son titre de pire navet de l'histoire du cinéma ?
Surprise hier en découvrant le programme de soirée de SyFy, la chaîne diffuse le si décrié DragonBall Evolution. Je ne l'avais jamais vu mais le film est précédé d'une telle réputation que je suis persuadé à l'avance qu'il s'agit d'un truc épouvantable. Les critiques sont si mauvaises (14 % sur Rotten Tomatoes) et si nombreuses que je ne résiste pas à la curiosité et m'installe confortablement, convaincu que je vais assister à un désastre d'ampleur cosmique.
En réalité, il n'en est rien et je me sens franchement stupide d'avoir parlé de "nanar" [1] avant même de l'avoir vu. Comme quoi les réactions de masse, ça reste tout de même très aléatoire [2].
Alors, c'est spécial c'est sûr, il y a un côté cheapouille, les effets spéciaux et les décors sont parfois moyens, mais le film ne s'en sort pas si mal. Le casting est bon (j'y reviendrai plus tard), c'est souvent drôle, ça a le bon goût de ne pas se prendre au sérieux et c'est très fidèle à l'esprit des premières aventures du manga [3]. En fait, bien qu'adapter Dragon Ball au cinéma avec de véritables acteurs ne soit pas vraiment l'idée du siècle, l'on a du mal à imaginer ce que le pauvre James Wong aurait pu faire de plus.
L'adaptation n'a rien de honteuse et est même carrément au-dessus des merdes pompeuses et ennuyeuses inspirées de l'univers Marvel par exemple.
Du coup, je me suis amusé à voir un peu ce qui revenait le plus dans les critiques sur les sites francophones et anglophones. Beaucoup n'avancent pas le moindre argument et décrètent simplement qu'ils n'ont pas aimé. Mais quand arguments il y a, ils ne sont très souvent pas franchement pertinents ou objectifs. Voyons un peu ça.
Tout d'abord, certains trouvent le film trop court. Étrange de ne pas aimer et dans le même temps trouver le moyen de se plaindre qu'il n'y en a pas assez. Je suppose que cela revient à dire que c'est insuffisant pour développer le récit, ce qui est faux. Au contraire par exemple de La Bataille du Sanctuaire, qui abordait une portion épique de Saint Seiya en bâclant concepts et personnages, DBE propose un récit complet tout à fait compréhensible.
Autre point qui revient souvent, le casting, jugé archi-nul. Heu... à la base, il ne faut pas oublier que Goku, c'est un petit garçon potelé, avec une queue de singe et une coupe à la con. Il aurait fallu prendre qui ? Mimie Mathy avec une perruque ? Chatwin fait aussi bien l'affaire qu'un autre. L'on a une très jolie Bulma, un Chow Yun-Fat qui est dans le ton de Tortue Géniale... ça reste une adaptation, mais au vu du matériel de départ, ça n'a rien de grotesque.
Autre critique souvent entendue : ce n'est pas assez "sérieux" ou encore "il n'y a pas assez de combats". Là encore c'est oublier que Dragon Ball est à la base un univers loufoque, avec des petits garçons qui volent, des extraterrestres improbables qui bouffent des cyborgs et des véhicules ou des maisons contenues dans de petites pilules. Le ridicule aurait justement consisté à tenter de prendre trop au sérieux cet univers déjanté. Quant à ceux qui ne jugent la qualité d'un film que par le nombre d'explosions et de castagnes, ils peuvent toujours se rabattre sur DBZ et ses confrontations qui durent 25 épisodes chacune. Les combats de DBE sont relativement bons, fidèles (l'on parle bien du début du manga, pas de sa dérive DBZ) et même amusants (la baston tout en esquives lors de la fête est très réussie).
Il y a parfois ensuite des critiques plus précises et totalement farfelues qui touchent divers domaines très anecdotiques. L'un va par exemple reprocher le fait que Bulma n'ait pas les cheveux bleus (ah ces salauds de réalisateurs qui ne respectent même pas les teintures !), un autre que Goku soit ado (imaginez la gueule du film si le héros était un gamin de dix ans !), ou encore que l'un des acteurs avoue n'avoir pas lu Dragon Ball, crime apparemment impardonnable (pour le réalisateur ou le scénariste, ça se comprend, mais qu'est-ce qu'on s'en cogne que les acteurs aient ou pas lu la BD ?).
Bref, tout cela est très exagéré mais resterait anecdotique si, à force de menaces et de messages haineux, le scénariste n'avait pas été carrément poussé à... présenter ses excuses aux fans de la saga !!
Hallucinant.
Déjà, on se demande bien en quoi les lecteurs de Dragon Ball (dont je fus) mériteraient des "excuses" (cf. cet article revenant en profondeur sur les fans et leur rapport aux œuvres). Si l'auteur original, à la limite, n'est pas content, ça peut se comprendre, c'est son œuvre, mais que les fans choppent la chiasse parce qu'ils n'apprécient pas le travail d'un scénariste, c'est déjà plus étonnant. L'on peut ronchonner bien sûr, et même critiquer sans problème, mais que Ben Ramsey, ledit scénariste, en vienne, selon ses propres termes, à recevoir des "messages de haine du monde entier", ça donne une assez bonne idée du niveau des fameux fans. La déception peut à la rigueur se comprendre, la haine à l'encontre d'un inconnu qui ne vous a rien fait, beaucoup moins.
Mais bon, donnez aux gens un peu de temps libre et un anonymat virtuel et ils passeront leur frustration sur le premier venu, surtout s'il est à un continent de distance et que des milliers d'autres hyènes hurlent avec eux. Je suppose que ça doit être du "courage", je ne me rends pas bien compte.
Bref, je ne sais pas ce que les gens attendaient d'une telle adaptation, mais celle-ci remplit parfaitement son rôle. C'est un honnête divertissement pour enfants que les adultes peuvent suivre avec plaisir. DBE n'est clairement pas un chef-d'œuvre mais il n'est pas plus une bouse non plus. Juste une comédie d'action sympa que l'on peut apprécier avec un peu de recul.
Le film repasse dimanche 22 à 18h00 sur SyFy. Si vous ne l'avez pas vu, faites-vous votre propre idée, d'autant qu'on a déjà vu bien pire.
[1] Uniquement sur facebook dans un post lapidaire, mais une connerie reste une connerie, ne pas la reconnaître serait ajouter l'entêtement à l'erreur.
[2] Il faut aussi comprendre certaines réactions émotionnelles totalement subjectives, comme ces jeunes gens qui, naguère, n’aimaient pas Astérix dans les adaptations en DA, sous prétexte que le personnage principal n’avait pas… la même « voix » que dans les BD.
[3] Petite précision sur la fameuse fidélité à l'esprit du manga. Certains s'insurgent en ergotant sur la taille du singe, la chorégraphie du kaméhaméha ou le fait que Goku fasse des études, mais tout cela reste des détails insignifiants, cela ne change pas la nature du récit. Rester fidèle à "l'esprit" d'une œuvre, c'est donc bien prendre des libertés sur l'anecdotique (changements rendus de toute façon nécessaire à cause du support différent) et conserver le ton, l'ambiance générale. DB est un manga complètement barré, certainement pas réaliste ou sérieux (surtout les premiers tomes) et très second degré, et le film qui en est tiré possède exactement les mêmes caractéristiques.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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