Retroreading - Iron Man : la Seconde Guerre des armures
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Sous ce gros titre un peu pompeux sur la couverture cartonnée de la version française (disponible dans la jolie collection "Best Of Marvel" chez Panini) se cache ce qui s'est davantage avéré être un prologue géant à un énième affrontement entre l'Homme de Fer et le Mandarin, ce dernier étant sur le point de conquérir la Chine avec l'aide du dragon mythique Fin Fang Foom.
Mais alors, ciel, ce serait un attrape-nigaud ? Non, mais on n'est pas loin de la publicité mensongère. Certes, Iron Man va bien avoir affaire à un pseudo Homme de Titanium avant d'affronter au final un ennemi coriace qui revêtira également une armure, toutefois on peut légitimement se sentir frustré si, comme moi, on a été attiré vers ce volume par la nostalgie de l'époque Michelinie/Layton et l'envie de relire la quête de Stark cherchant à retrouver tous ceux qui utilisaient sa technologie et ses brevets à des fins belliqueuses. Il ne s'agit donc pas du tout d'une suite à l'arc Armor Wars que, du coup (oui je suis revanchard), je chroniquerai d'ici peu.

Outre le titre ronflant, ce qui m'a attiré vers cet ouvrage tient également dans le duo d'artistes : pour un lecteur des premières heures comme votre serviteur, dénicher John Byrne et John Romita Jr aux commandes d'un titre, ça stimule un brin. Cette fois, ce n'est pas le Byrne dessinateur qui s'était investi aux côtés de Chris Claremont pour l'une des plus importantes périodes de la série Uncanny X-Men mais bien le scénariste qui, ayant fait ses armes sur les mutants, a ensuite officié sur Fantastic Four, Alpha Flight et She-Hulk avec talent et humour.
En 1990, au faîte de sa gloire - après un run controversé mais osé sur Superman - il se voit confier la série de Tête de Fer et adjoindre très vite les services de John Romita Jr. Le style de ce dernier a beaucoup évolué depuis l'ère où il se faisait encrer par le méticuleux Bob Layton (on en reparlera à l'occasion de l'article sur le Diable en bouteille) qui parvenait à conférer une formidable touche high-tech à ses crayonnés dynamiques.
Ici, c'est Bob Wiacek qui gère les finitions de ses esquisses, lesquelles ont évolué vers quelque chose de plus imposant mais moins fluide, torpillant les limites des sacro-saintes cases pour donner la pleine mesure aux déchaînements de puissance des super-héros majeurs (le Laser vivant qui dévaste un bâtiment) mais pénalisent les situations sans armure ni combat (des visages grossiers qui se ressemblent tous, des silhouettes disgracieuses) : il y a clairement une rétro-influence de Jack Kirby dans ces protagonistes aux poings démesurés et aux armures surdimensionnées. On n'a donc plus cette sensation de finesse technologique caractéristique de l'époque Demon in the Bottle (en gros 10 ans plus tôt), mais la lutte âpre d'un homme qui cherche à s'amender (le spectre de l'alcoolisme n'est jamais vraiment loin) et qui se voit trahi par son propre système nerveux : Stark ne doit donc plus courir après des hommes en armure à travers la planète mais comprendre comment quelqu'un parvient à "piloter" son corps à distance. Les anciens pourront y voir un autre parallèle avec l'époque où Justin Hammer était en mesure de télécommander  l'armure d'Iron Man, lui faisant commettre l'irréparable (le meurtre d'un diplomate). Autre élément du script qui rappellera des souvenirs : le moment où Tony Stark se retrouve enfermé dans sa propre armure (et cette fois, pas d'Ant-Man pour aller le secourir de l'intérieur, comme lorsqu'il avait vaincu Hulk).

Le récit est plutôt bavard, mais relativement conforme aux normes de l'époque, et se pare de très nombreuses réflexions sur la condition du héros, des soliloques parfois poussifs mais tout de même plus intéressants que les dialogues qui prennent souvent l'eau. Cela se lit sans déplaisir, c'est bien rythmé et on assiste à quelques duels impressionnants qui annoncent les futures déflagrations parsemant les comics qu'il dessinera (je pense notamment à la série Thor de l'époque Guerres obscures) : on peut déplorer le manque de finesse qui accompagne cette évolution du dessin (des traits tendus, un recours régulier aux angles droits) mais cela convient à certains moments où l'intensité des combats prime sur le réalisme des personnages.
Pas original donc puisque la plupart des idées ont été développées par ailleurs, mais un sujet plutôt bien traité par John Byrne qui se débarrasse un peu cavalièrement des seconds rôles afin de se concentrer sur deux duos : Stark/Rhodey et le Mandarin/Chen Hsu dans un montage parallèle maîtrisé décuplant le suspense.
Le plus gros défaut, finalement, de l'album, est qu'il s'achève sur un happening autrement plus saisissant que les déboires du milliardaire aventurier.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Deux artistes au sommet de leur art, piliers historiques de la Maison des Idées.
  • Une bonne bouffée de nostalgie.
  • Le retour de deux des ennemis les plus redoutables d'Iron Man.
  • Un album imposant, au format idéal.
  • Un style assez grossier mais qui illustre bien les combats titanesques.

  • Une histoire qui ne sert que de prologue à un arc plus important.
  • On est assez loin de l'esprit de la Première Guerre des Armures.
  • Des personnages dépeints sans finesse - et Stark n'est pas encore débarrassé de son horrible coupe de cheveux "années 80".
  • Pas vraiment d'originalité dans les situations.
  • Un contenu éditorial comme toujours (chez Panini) réduit à sa plus simple expression : une petite intro et quelques couvertures originales.