Alyson Ford #1 - Le Temple du Jaguar
Publié le
18.3.21
Par
GriZZly
De l'aventure, de l'exotisme, un message écologique, de l'amitié, des liens familiaux, du fantastique...
Tout ça dans une BD à destination de la jeunesse.
Les ingrédients sont bons... mais que vaut le cocktail ?
Alyson Ford est une jeune fille de onze ans surdouée : elle parle plusieurs langues, maîtrise la capoeira, connaît des techniques de survie... Son auteur la définit comme une "Spirou au féminin", ce qui explique peut-être la rousseur de la chevelure léonine de l'enfant.
Turbulente et excessive, elle grimpe aux arbres de son école anglaise, se bagarre avec les garçons qui l'embêtent et a la sensibilité exacerbée propre à son âge...
Elle va bientôt recevoir une lettre de ses parents, explorateurs de leur état : ces derniers sont depuis plusieurs semaines à la recherche du grand-père disparu d'Alyson.
Dans cette lettre, ils avouent être en danger et demandent à Alyson... de venir les aider... au Brésil... dans la forêt amazonienne ! Oui, ces parents sont de dangereux malades inconscients, on est bien d'accord !
Mais si nous réagissons ainsi, c'est parce que Vents d'Ouest ne renseigne nulle part sur l'album un élément pourtant crucial : c'est une BD à destination des jeunes ! Et c'est bien ainsi que nous allons nous efforcer de la lire, sans quoi il nous faudrait être extrêmement sévère avec son scénario.
Arrivée au point de rencontre brésilien déterminé dans la lettre de ses parents, la gamine y est accueillie par un allié dont sa Nanny (sa nourrice, en somme) lui avait parlé mais dont on ignorait jusque-là l'identité. Et cet allié n'est autre que... Spip ! Non, je rigole, Alyson baptisera cet allié Flèche, mais c'est bel et bien un écureuil.
Ah ça, je vous avais prévenu : avec une grille de lecture "BD jeunesse", ça peut passer... mais sans ça, à la première lecture, je me suis inquiété pour la santé physique à venir de la petite et pour la santé mentale du reste de la famille ! Un écureuil pour seul bodyguard avant de s'enfoncer dans la jungle, ça me semblait un peu léger.
Ah ça, je vous avais prévenu : avec une grille de lecture "BD jeunesse", ça peut passer... mais sans ça, à la première lecture, je me suis inquiété pour la santé physique à venir de la petite et pour la santé mentale du reste de la famille ! Un écureuil pour seul bodyguard avant de s'enfoncer dans la jungle, ça me semblait un peu léger.
Mais Alyson va se trouver deux autres alliés en les personnes de Paolo, taxi à scooter ayant sensiblement le même âge qu'elle, et sa copine Dorothy qui est... une sorte de belette, je crois. Du coup, moi, à ce stade-là, je suis hyper rassuré pour Aly : avec des compagnons pareils, elle ne risque plus rien.
En réalité, Alyson aura heureusement des alliés autrement plus efficaces sur place car, au fil de l'aventure, elle renouera avec la nature et les animaux qui l'abritent, comprendra le lien intime qu'elle a avec Flèche, et rencontrera des indigènes amicaux... et heureusement parce qu'elle va être confrontée à un méchant du genre "salaud de la pire espèce", le genre de type bien archétypal qui exploite hommes, femmes et enfants, pollue, détruit tout sur son passage et n'oublie pas de faire ça dans un costume d'un blanc impeccable même après avoir crapahuté une journée entière en pleine forêt vierge.
On va arrêter là, inutile de vous gâcher la lecture en en disant trop... parlons maintenant de la BD et non plus de son scénario.
Allez, Alyson, tu ne vas pas faire ta chochotte : qu'est-ce que c'est qu'une jungle infestée de dangers mortels quand on a onze ans comme toi, hein ? |
Au scénario, on trouve Joris Chamblain (l'auteur des hautement recommandables Carnets de Cerise qui sont des sortes de petits bonbons bédéistiques que ma fille aime encore feuilleter malgré ses seize ans... mais bon, vous vous en moquez, de ça !). Il avoue avoir toujours porté en lui ce projet de petite héroïne aventurière, forte et indépendante. On veut bien le croire : la personnalité d'Alyson est ce qui me semble le mieux écrit dans l'album. Le reste, par contre est d'un grande naïveté... mais pour un jeune lectorat, ça me semble plutôt un bon point.
On sent à plein nez des sources d'inspiration cinématographiques absolument évidentes : Indiana Jones, évidemment (Harrison Ford ayant bien entendu inspiré le nom de l'héroïne) mais aussi, à mon sens, La Momie (d'ailleurs, la maman d'Alysson s'appelle O'Connell... comme Richard O'Connell, le héros dudit film). Trésor, temple perdu, mystères fantastiques, ésotérisme... on a quasiment le package complet des films d'aventure façon eighties.
C'est à destination de la jeunesse mais ça bouge : il y a des armes à feu, Alyson est confrontée à des balles et des grenades, elle se bagarre, elle prend connaissance de l'exploitation d'humains, de dangers écologiques... Alors pourquoi trouver ça naïf ? Eh bien parce que le traitement est proche d'une histoire que se raconterait un enfant, multipliant les prouesses du héros et les effets façon deus ex machina pour surmonter des obstacles pourtant hypertrophiés en regard des capacités du personnage central.
Au dessin, nous trouvons Olivier Frasier (Les Tuniques bleues, Femmes en résistance) qui est capable du meilleur comme du moins bon... dans le même album. Il m'est difficile de parler du dessin de cet album car il lui arrive d'être inconstant.
Et puis, aussi, parce que l'on sent que la trilogie (car oui, il y aura au moins trois tomes) se dirige vers ça, il y a évidemment un message écologique qui imprègne tout le récit et l'on sent venir des notions comme le lien entre hommes, nature et mythes ancestraux... Je serais presque prêt à parier qu'on va voir arriver par la suite des forces mystiques, voire même des allusions à des mythes tels que le yéti, l'Atlantide ou le monstre du Loch Ness (dont l'existence est par ailleurs déjà sous-entendue ici). Et c'est sympa. C'est très "Indiana Jones"... mais très naïf, à mon sens. Une sorte de fourre-tout animiste, "on est tous fils de Gaïa, mangeons des graines en chantant Kumbaya", attachant mais vraiment, vraiment, vraiment tous publics.
L'auteur quitte ici le côté intimiste de ses autres albums pour s'ouvrir désormais sur des aventures plus amples, dans de plus grands décors. C'est peut-être pour ça que je trouve ça un peu léger à l'heure actuelle. Ce n'est pas son premier livre mais c'est sa première aventure et, en ce sens, il s'en sort pas mal... Là où je trouve le projet le plus intéressant, pour ma part, c'est qu'il trimballe des références que son jeune lectorat n'aura sans doute pas. Et je suis assez amusé par l'idée que des gamins d'aujourd'hui deviennent un jour cinéphiles et regardent des Indiana Jones... en se diant "Mais... ça ressemble à Alyson Ford !" et non l'inverse.
Au dessin, nous trouvons Olivier Frasier (Les Tuniques bleues, Femmes en résistance) qui est capable du meilleur comme du moins bon... dans le même album. Il m'est difficile de parler du dessin de cet album car il lui arrive d'être inconstant.
Frasier peut nous faire des cases d'une grande joliesse, où l'on a juste envie de se laisser emporter dans la poésie que Chamblain sait distiller. On touche à la communion scénariste-dessinateur et c'est vraiment agréable. Mais il peut aussi rater une pose, appuyer bien trop quelques traits par rapport au reste de la case (comme ci-contre) et nous sortir instantanément de la douceur de cette aventure en nous forçant à sortir de l'histoire et à nous interroger sur les raisons de cet écueil. Pour exemple, la case ci-dessus... La pauvre Alyson semble ne pas y avoir été dessinée par le même dessinateur que le reste de l'album.
Les premières planches sont vraiment jolies et les cases "à défauts" (à mes yeux) sont plus nombreuses vers la fin. Faut-il y voir de la précipitation dans les derniers temps de la création ? Je l'ignore. Mais c'est regrettable.
Parfois, il semble aussi trop compter sur la mise en couleurs pour donner vie à son dessin. Je pense par exemple aux pierres du temple qui se limitent à trop peu de lignes et ne gagnent en crédibilité que grâce à un apport d'ombres et lumières minimalistes mais efficaces.
Parfois, il semble aussi trop compter sur la mise en couleurs pour donner vie à son dessin. Je pense par exemple aux pierres du temple qui se limitent à trop peu de lignes et ne gagnent en crédibilité que grâce à un apport d'ombres et lumières minimalistes mais efficaces.
Je ne peux dire que ça ne me plaît pas... mais par contre, l'album aurait gagné à ressembler tout entier à sa couverture qui, elle, est vraiment très belle !
Comme toujours chez Vents d'Ouest, l'objet est beau ... À tel point que je trouve presque la couverture trompeuse. L'illustration, avec son turquoise organique troué par la rousseur de l'héroïne, de son écureuil et du jaguar est du plus bel effet. Et ce logo orange glacé en relief est une petite merveille de logo ! On voit la couverture et on entend le générique d'Indy : "Taaa-tadadaaa-tadadaaa...". Mais dans l'album, parfois, le souffle retombe un peu. Rien de dramatique. Mais un peu...
Alyson Ford est à mon sens aussi maladroit que son héroïne est adroite mais aussi bourré de bonnes intentions qu'elle...
Je ne doute toutefois pas qu'un jeune lecteur y trouverait bien plus d'intérêt que le daron que je suis !
Je ne doute toutefois pas qu'un jeune lecteur y trouverait bien plus d'intérêt que le daron que je suis !
Et je pressens néanmoins une montée en intérêt pour cette série. Ne me demandez pas pourquoi mais je sens que ces bases encore un peu légères pourraient soutenir deux tomes plus intéressants, au vu des enjeux sur lesquels se clôt celui-ci.
Oui, il l'a bien formée... Assez pour que la suite soit pleine de promesses. |
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