Collector #2 : Portal
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Deuxième opus de notre série Collector consacrée cette fois-ci à l'univers du célèbre jeu Portal.
Découvrez tout de suite, en photos, notre sélection d'objets (plus ou moins réussis) à collectionner.

Mini tourelles à collectionner - Neca


Ces petites tourelles d'environ 8 cm sont les répliques exactes de celles de la fabrique à tourelles d'Aperture Laboratories (on notera le soucis du détail du packaging avec le petit clin d'œil à Portal 2). La finition n'est pas exceptionnelle mais reste tout à fait correcte pour un gadget à un prix si peu élevé.

A l'achat, le risque est de se retrouver avec des doubles car dans chaque boite se cache une tourelle aléatoire qu'on ne peut pas choisir.
Environ 10€ la tourelle.

Figurines Atlas & P-Body - Neca


Incontournables de l'univers Portal, voilà Atlas et P-Body, deux figurines d'une vingtaine de centimètres, accompagnées de leurs Portal Gun respectifs, articulées et qui font de la lumière !

Ce sont deux objets bourrés de détails, les matériaux utilisés pour la fabrication ne font pas trop "cheap / plastique" et pour de tels goodies, le prix est vraiment attractif. Par contre, ce sont des produits extrêmement fragiles (après une simple chute de sa hauteur, le bras d'Atlas s'est cassé). Ils sont idéals pour l'exposition en vitrine mais ne peuvent pas être trop manipulés sous peine de s'abîmer rapidement.
Environ 35€ la figurine.

Boite à cookies - Think Geek


Un très bel objet de collection cette fois (en plus d'être potentiellement utile) la fameuse boite à cookies reprenant la forme du célébrissime Cube de Voyage Lesté, en céramique peinte à la main (environ 20 x 20 cm). L'objet fait "homemade" (coups de pinceaux apparents, peinture pâle) et c'est ce qui fait tout son charme.

Pour ce qui est de sa fonction première, la boite en elle-même n'est pas hermétique donc les aliments (bonbons ou gâteaux) ne se conservent malheureusement pas. A utiliser plus pour y ranger des objets plutôt que de la nourriture...
Environ 60€ la boite.

Portal Gun - Think Geek


Un bout de plastique doté de sons et de lumières absolument hors de prix, mais qui a la classe ; l'incontournable Portal Gun ! Il y a des armes pour gosses bien plus évoluées en magasin qu'on peut avoir pour bien moins cher, mais dès qu'il s'agit de "collectibles" sous license, les prix atteignent des sommets.

Néanmoins même si ce "jouet" est très cher, les finitions sont superbes, un socle est fourni avec le gun, les sons sont clairs et bien forts, la lumière est un peu faiblarde, mais le tout envoie tout de même du bien, bien lourd ! Le Portal Gun de Neca se fait de plus en plus rare et reste le produit dérivé le plus convoité des fans...
Environ 200€ la réplique. Ouille.

Tourelle Personnalisable - Neca


Un bon gros flop pour la fin de ce petit tour d'horizon : la tourelle à personnaliser. Sur papier, le concept est plutôt sympa, en vrai, c'est une autre histoire. Le marqueur (estampillé Aperture, quand même) fourni avec le kit laisse des traces immondes sur l'objet, sa mine n'est pas adaptée à un travail de précision. Pour ce qui est des autres techniques, la peinture n'accroche pas au plastique (acrylique ou gouache, elle s'effrite) et les feutres ne marquent pas... C'est une catastrophe !
Environ 20€ le kit.


Pour ceux qui souhaiteraient dénicher d'autres babioles, vous trouverez des goodies supplémentaires sur ce site.

Chroniques des Classiques : Ubik
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Retour du grand Philip K. Dick dans les chroniques des classiques avec un roman SF dense et déroutant : Ubik.

Publié en 1969, Ubik, bien que moins accessible que Le Maître du Haut Château, partage avec ce dernier la thématique toujours riche des mondes parallèles et de la perception de la réalité.
L'action se situe dans un futur (le futur de Dick à l'époque, qui nous apparait aujourd'hui comme le passé, évidemment) où la société est dominée par de gigantesques entreprises qui offrent - ou plutôt louent - des services psioniques.
Deux grands groupes s'affrontent depuis fort longtemps : l'un mené par Ray Hollis, qui comporte des télépathes et autres précogs, l'autre dirigé par Glen Runciter, qui emploie des anti-psi dont le rôle est de "nullifier" les pouvoirs du premier.
Tout commence alors qu'un groupe d'anti-psi de Runciter tombe dans un piège sur la Lune, entraînant la mort de Runciter lui-même. Joe Chip, testeur de talent, toujours fauché, va tenter de sauver ce qui reste de son patron. Car dans ce monde, l'on peut être maintenu en semi-vie...

Ce qui frappe en premier lieu à la lecture de ce roman est bien l'incroyable mélange de genres qu'il présente. Le récit évolue sans cesse, allant de la SF technologique pure à la réflexion métaphysique en passant par les paradoxes temporels.
Bien vite classé par certains comme critique anti-capitaliste [1], Ubik se révèle en fait bien plus ambitieux, même si effectivement l'ironie concernant l'argent ne manque pas. Ainsi, dans le monde originel de Runciter et Chip, tout est payant. Rien de nouveau me direz-vous, tout est payant dans le nôtre également (même ce qui est présenté comme "gratuit" est forcément payé par quelqu'un), la différence se situe ici dans l'immédiateté du paiement, qui crée le décalage. Les personnages ne paient pas une facture d'eau tous les mois mais doivent avoir de la monnaie sur eux à chaque fois qu'ils prennent un bain. Même chose pour la cafetière, tous les objets, automatisés et souvent parlant, fonctionnant à coups de piécette. Le concept est poussé si loin que même les portes, pour être ouvertes, doivent être payées.

Mais en rester à la simple critique économique serait passer à côté de l'essentiel. Dick parvient à dérouter le lecteur en multipliant les réalités et les retournements de situation. L'on en vient à douter de qui est réellement vivant ou mort, sans parler de cet univers si étrange dans lequel sont plongés les semi-vivants.
L'auteur fait également preuve d'habileté en décrivant certains phénomènes psioniques avec une grande précision et des métaphores appropriées (les différents futurs possibles vus par les précogs comme les multiples alvéoles construites par les abeilles). Cependant, le foisonnement de thèmes et de pistes constitue aussi le point faible de l'histoire. Bien des éléments sont très vite survolés (l'incroyable pouvoir de Pat Conley par exemple), les personnages sont finalement peu développés, au profit de l'action (ou de la fuite en avant), et certains passages peuvent sembler quelque peu obscurs. A vouloir tout caser (fusées, pouvoirs télépathiques, lignes temporelles changeantes, domaine de l'après-vie...), Dick charge un peu la mule, surtout pour un si court roman.

L'ambiance particulière, onirique, folle, dramatique, absurde parfois, est pour beaucoup dans le résultat final et l'impression de déliquescence et d'urgence qui domine. C'est ce ressenti, mélange de malaise et d'étrangeté, qui donne à Ubik cette saveur unique, toujours piquante près de cinquante années après son écriture.
Pas sans défauts, sans doute moins bien construit que Le Maître du Haut Château, Ubik apporte toutefois une réelle réflexion sur la nature de la réalité, doublée d'un humour mordant qui s'offre le luxe d'être encore d'actualité.

À découvrir.

Plongez dans la baignoire pour voir d'où vient le vent.
Vous êtes tous morts, je suis vivant.



[1] Sans doute par les mêmes qui voient dans tous les films de zombies une critique de la société de consommation. À force de suranalyser, l'on peut découvrir dans toute œuvre des sens que l'auteur lui-même ne souhaitait pas forcément y mettre. Que cet aspect soit présent, certes, qu'il soit le centre d'Ubik, certainement pas.

Autres classiques chroniqués : Des Fleurs pour Algernon / 1984 / Sa Majesté des Mouches / Le Maître du Haut Château.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Style enlevé.
  • Richesse de la thématique.
  • Humour caustique.
  • Réflexion métaphysique.
  • Une certaine forme de poésie surréaliste.

  • Des personnages à la personnalité succincte.
  • Une certaine confusion due à un large mélange d'éléments disparates.
Atlantis Attaque !
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Les Omnibus de chez Marvel sont l'occasion d'enrichir les rayons de sa bibliothèque avec un objet imposant, esthétiquement beau et sobre, et permettant au collectionneur de posséder une saga complète sans avoir à explorer les recoins de son antre pour exhumer les différents numéros publiés en kiosque.
Atlantis attaque ! c'est cela et plus encore puisque la saga en question est un crossover entre épisodes parus non pas dans les séries classiques mais en annuals durant l'année 1989 et qui concerne la grande majorité des super-héros de la Maison des idées ainsi que le bestiaire qui les accompagne. La première de couverture signée Mike Mayhew, à l'encrage splendide, nous dévoile une sombre menace se profilant derrière Captain America, Iron Man, Thor et Namor en lutte contre une horde d'Atlantes alors qu'on devine au second plan les silhouettes inertes de Jean Grey, Sue Storm, Miss Hulk, l'Epée, Tornade et la Sorcière rouge. C'est plus qu'alléchant, d'autant que la quatrième nous révèle les numéros ayant servi pour le présent omnibus et touchant non seulement les Avengers et leurs homologues de la "West Coast" mais également le Silver Surfer, Hulk, les X-Men, Spider-Man, le Punisher, Daredevil, les New Mutants et X-Factor ! Excusez du peu !


L'émerveillement continue dès les premières pages de présentation avec le récapitulatif des artistes ayant œuvré dans ces annuals : quiconque a grandi à l'ère bénie (mais définitivement révolue) des éditions LUG, des Strange et autre Special Strange ou Titans puis qui a connu la révolution graphique entraînée par l'émergence d'Image comics ne peut que se réjouir de noms comme Steve Englehart, David Michelinie (papa de certains des meilleurs épisodes d'Iron Man), Peter David (celui qui fit de Hulk une série aussi dense que riche et adulte), Fabian Nicieza ou Roy Thomas (dont je raffolais des adaptations de Conan) au scénario. Les dessinateurs ne sont pas en reste puisque se côtoient des figures de proue comme Ron Lim (rappelez-vous les grandes sagas cosmiques entre le Surfer et Thanos), Mark Bagley et surtout l'inoubliable John Byrne des X-Men et d'Alpha Flight.
Avouez que c'est alléchant.

Restait donc à goûter au contenu. Je connaissais vaguement la Couronne du Serpent, cet artefact qu'on a retrouvé entre les mains de différents prétendants à la domination universelle, qui permet à son possesseur d'entrer en symbiose avec le dieu Set et d'acquérir par ainsi des pouvoirs défiant l'imagination. Vaguement car, sous une forme ou une autre, elle est réapparue régulièrement dans de nombreuses séries, au gré de scénarios alambiqués la rattachant à des projets de conquête d'un individu plus ambitieux qu'un autre ou simplement à une manipulation de la divinité susdite.
A ce propos, le dernier quart du présent volume nous propose une synthèse des aventures ayant eu cet objet comme point focal et retraçant son parcours à travers les âges, depuis la Création jusqu'à nos jours. Peter Sanderson et Mark Bagley utilisent le vieux truc du Gardien Uatu, qui a tout vu et sait (presque) tout, en narrateur des péripéties entamées dès la naissance du monde par un conflit entre Gaïa et Set et qui s'est poursuivi au fil des âges et sur d'autres mondes, dont une Terre alternative sur laquelle œuvre l'Escadron suprême. Il pourrait être intéressant de commencer la lecture de l'Omnibus par ce rappel qui a au moins le mérite d'être rapide et concis et de proposer une vision chronologique des événements. Car ces derniers sont innombrables qui ont vu les différentes tentatives de Set pour reprendre corps dans notre réalité et asservir les humains.

Le gros morceau de l'ouvrage est tout autre : maladroit, confus, naïf, aux ressorts grossiers et surtout sans continuité artistique. Le problème c'est que nous sommes face une compilation d'annuals, des épisodes conçus au départ comme hors continuité et permettant de donner de quoi manger aux lecteurs avides tout en laissant les artistes de la série officielle souffler un peu. C'est donc là que le bât blesse, quand bien même le projet de crossover ait réussi à impulser une dynamique chez les artistes conviés à la tâche. On y retrouve donc les manigances de Ghaur, le Grand Prêtre Déviant qui va s'associer à Attuma d'Atlantis en lui permettant de conquérir la surface tandis qu'il œuvre en secret à la résurgence du dieu Set. Vous l'aurez compris, l'attaque d'Atlantis n'est qu'une manœuvre de diversion afin d'occuper les héros de la Terre alors que se trame un plan bien plus machiavélique.

Ça commence fort avec l'épisode du Silver Surfer, rythmé et bien encré et particulièrement agréable à lire même de nos jours. En revanche, le script de Steve Englehart use de procédés qui me semblent suspects en faisant revenir du néant Ghaur, qui jadis posséda le pouvoir d'un Céleste mais fut défait par le Grand Esprit des Eternels. Disons que je n'ai pas du tout été convaincu par la manière dont le scénario attirait le Surfer jusqu'à Ghaur et surtout par celle dont le Surfer a réagi quand il a su ce que mijotait cet être qu'il savait néfaste au plus haut point (en gros, il abandonne les Terriens pour se consacrer à ses propres problèmes).
On continue sur Terre avec une série de petits événements impliquant les héros en divers endroits jusqu'à ce qu'ils comprennent que cela dissimule un enjeu plus important. C'est d'abord Iron Man qui se joint à Namor : la couverture laisse penser aux grandes heures du Vengeur en armure sous la houlette de Bob Layton et John Romita Jr : il n'en est rien et on assiste à un épisode poussif, aux décors minimalistes et qui a pris un méchant coup de vieux - comme bon nombre d'autres chapitres de l'ouvrage. Parfois, on est agréablement surpris en retrouvant des intermèdes signés John Byrne (comme la Réunion des West Coast Avengers), mais on retombe dans le médiocre ensuite (les apparitions de Hulk/Joe Fixit, la pénible aventure des X-Men divisés en quatre équipes malgré eux). Le "team up" Miss Hulk/Spider-Man a du chien pourtant, d'autant qu'ils affrontent l'Abomination, mais c'est malheureusement illustré par Rob Liefeld - et j'ai franchement passé l'âge de ces silhouettes approximatives et ces décors vides.


Ce sera du même acabit tout du long, les épisodes les plus agréables étant ceux qui ont le moins d'impact sur le crossover (comme celui, un peu cul-cul de Rich Buckler pour les New Mutants). Ce qui déçoit c'est avant tout la manière très artificielle avec laquelle les séries se joignent et les motivations ou réactions parfois incompréhensibles de nos héros. Le coup des Sept Épouses est d'ailleurs assez imbuvable, même si, graphiquement, c'est le haut du panier. Cependant il faut reconnaître que le côté désespéré du finale à rebondissement parvient à tenir en haleine, avec sa part d'actes héroïques et de sacrifices (qui n'en sont pas).
Une déception à la hauteur de l'épaisseur du livre et des promesses qu'une telle collection de talents et de personnages pouvait engendrer.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un Marvel Omnibus, ça en jette dans une bibliothèque.
  • Des noms d'artistes qui nous ont fait rêver.
  • Un assemblage de super-héros comme on n'en retrouve que dans les plus grands "events".
  • Le plaisir de retrouver des équipes qui ont disparu depuis (les West Coast Avengers, les X-Factor originaux, les New Mutants).
  • Une bonne synthèse sur la Couronne du Serpent qui permet un bon passage en revue des grands moments du monde Marvel.

  • Des ressorts dramatiques souvent risibles.
  • Des réactions parfois incompréhensibles.
  • Un assemblage un peu artificiel et une profusion de noms qui entraînent la confusion.
  • Des dessins et des encrages qu'on a aujourd'hui du mal à supporter.
Résolution #09 : Junk Food
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— Je ne sais pas pourquoi on vient ici, même une pizza serait meilleure pour la santé. Et regarde Virgul ! Tu vas le rendre malade à lui donner des saloperies comme ça à manger. Un chat, ça ne se goinfre pas au MacDo ! Encore moins pour s’enfiler trois Big Mac et deux boites de nuggets.
— On était affamés !
— Ce n’est pas une raison pour se remplir la panse de bombes à graisse.
— Ouais, mais il n’y a que ça qui me donne cette sensation de complétude métaphysique libératoire fondamentale.
— De… de quoi ?
— Je ne veux pas seulement arriver à satiété, je veux me détester, arriver à un dégoût de moi-même tel que j’oublierai pour un temps la médiocrité du quotidien, la nourriture constituant alors une sorte de point culminant de mon introspection régressive.
— Ok, c’est le mois Marvel ou je sais pas quoi au niveau des Happy Meal ?
— Heu… Star Wars en fait. Ils… ils ont des porte-clés Dark Vador !
— Et t’as besoin de ça ?
— Je ne sais même pas comment j’ai pu vivre sans jusqu’ici. J’ai l’impression que ce petit gadget va illuminer mes journées, transcender mon existence. Avec lui, outre le fait que je pourrai éviter de perdre mes clés, je vais retrouver goût à la vie. Il me le faut absolument, même si je dois buter la serveuse.  
— Ça me rassure vraiment de te voir si équilibré… et amène ton chat aux toilettes, je crois qu’il va encore vomir.

Résolution #009 – masquer mon intérêt pour les petites conneries par de grandes phrases : failed
Voici l'Homme : un chef-d'oeuvre provocateur de Michael Moorcock
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Choisir un livre pour un voyage n’est pas chose aisée. Pas de comics (ils pourraient être abîmés, vu leur taille et la fragilité de leur couverture). Pas de grands formats pour les mêmes raisons. Evitons les livres neufs aussi, au cas où une trop grande compression dans la valise, un choc imprévu laisse une marque regrettable. Reste le meilleur compromis : un livre de poche, si possible de seconde main. Ne sachant si l’aventure américaine me laisserait le temps (et l’énergie) de lire beaucoup, je me suis contenté de 2 romans de taille modeste issus de ma modeste bibliothèque : le Dieu venu du Centaure, parce que c’est Dick et que je m’étais à l’époque engagé sur un Challenge littéraire, on le mène jusqu’au bout ; et Voici l’homme.

Il s’agit d’un roman de Michael Moorcock, un auteur que j’apprécie particulièrement pour sa manière très particulière qu’il a d’interpréter le mythe du Héros au travers de son gigantesque cycle, un peu inégal, du Champion éternel. Comment ne pas tomber sous le charme singulier de cet être unique qu’est Elric, jouet de forces qui le dépassent, nanti d’une épée sombre buveuse d’âmes qui le possède, empereur déchu d’un empire qu’il a détruit, homme fragile et magicien puissant ? Ses récits ne sont pas tous des réussites formelles, mais le mythe est incomparable.
Seulement Moorcock, génial touche-à-tout, n’est pas qu’un auteur de fantasy, si sombre qu’elle puisse être. Il est aussi, et peut-être avant tout, un écrivain de SF inventif, provocateur et percutant.

Voici l’homme a choqué, en son temps. On a même crié au blasphème, ainsi que l’indique obligeamment le petit édito présentant l’auteur et l’œuvre en page de garde (l’exemplaire en ma possession est paru aux éditions l’Age d’Homme en 1971, traduit par Martine Renaud & Pierre Versins).
Soit. Comme vous le savez sans doute si vous me lisez, une polémique n’est pas du tout pour me déplaire.
Seulement, de l’eau est passée sous ces ponts de cendres.
Moorcock est rentré dans le rang depuis, s’étant consacré, après sa glorieuse carrière de directeur de la revue New Worlds (qui révéla parmi les plus grands auteurs britanniques), à des récits annonçant le steampunk. Elric a fait florès, ainsi que Hawkmoon, un autre avatar du Champion, grâce à de très bons jeux publiés en France par Oriflam. Et on a oublié Jerry Cornélius, peut-être son personnage le plus intrigant, le plus mystérieux et le plus prometteur. Jerry Cornélius, dont les initiales hantent les œuvres les plus personnelles de Moorcock. Dont, et d’ailleurs, celle-ci.

Voici l’homme a pour « héros » un certain Glogauer. C’est un être pitoyable. Mal-aimé depuis toujours, brimé, psychotique et suicidaire, il cherche une réponse à sa vie misérable et morne ; il entreprend des études de psychologie et fréquente les personnes susceptibles de lui apporter un peu de réconfort. Malheureux en amour, il passe son temps à s’auto-flageller, ne s’estimant jamais digne et lassant ses rares compagnes. Incroyant mais fétichiste de la croix, il en vient à souhaiter que les religions reposent sur une base tangible et cohérente. Il fait de cette aspiration le seul but de sa vie médiocre.
Or voilà qu’un de ses anciens amis lui propose d’essayer une machine temporelle de son invention. Glogauer accepte, à condition de choisir précisément la date et le lieu : ce sera la Galilée, en l’an 29 de notre ère. Car il a l’intention de rencontrer le Christ, le vrai, d’assister à sa crucifixion pour enfin donner un sens à sa vie, et par elle à l’existence tout entière. Cependant, le voyage ne se déroule pas comme prévu. Blessé dans le crash de la machine, Glogauer est recueilli par un certain Jean, qu’il finit par identifier comme le Baptiste, chef des Esséniens…

Dans Voici l’homme, on n’a plus ce style ampoulé et un peu affecté que j’appréciais néanmoins dans la saga d’Elric : c’est nettement plus direct, brut, sur un ton souvent cassant. Le récit est déconstruit, mais se suit assez aisément, entre le présent (Glogauer se crashe dans sa machine et est secouru par une tribu étrange aux mœurs ascétiques), le passé du personnage (de son enfance brimée à l’annonce du voyage, en passant par ses études compromises et ses amours sabotées) et des réactions vives, à la première personne, dont certaines semblent précéder le présent ; le tout s’entremêle assez habilement. Les intentions de l‘auteur sont vite claires, et les enjeux promptement assimilés : Moorcock ne cherche pas à surprendre, mais à définitivement choquer le lectorat. Et ainsi, à donner un bon coup de pied dans les fourmilières de la pensée végétative. Si Jean (le) Baptiste n’est pas si éloigné du prophète bourru condamné à être décapité sur un caprice de Salomé, le reste du paysage galiléen ne correspond guère aux attentes et du lecteur, et du héros. Ce n’est que grâce à une méticuleuse préparation et une grande culture (qu’on associe aussitôt à l’auteur) que Glogauer parvient à comprendre plus ou moins qu’il a bien « atterri » au bon endroit et à la bonne époque – même si nul Messie du nom de Jésus ne s’est manifesté. Les temps sont durs, la sédition menace et les troubles publics couvent : Pilate cherche à mettre un terme à ces rumeurs malsaines de rébellion mais sans se salir les mains, afin de ne pas exacerber les tensions entre communautés. Il compte sur une erreur d’appréciation du falot Hérode. Le contexte, les personnages coïncident, nonobstant quelques arrangements. Toutefois il y manque la pièce maîtresse : le Nazaréen, l’homme des Evangiles. Il n’a pas accompli de miracle, n’a guéri personne, n’a pas marché sur l’eau ni rassemblé ses apôtres.
Et nul ne le connaît.

Pour un homme tel que notre personnage principal, perdu dans une psychose quasi mystique, au sein d’une ère dont il sait qu’il ne pourra s’échapper, c’est inacceptable – tout comme il refuse d’assumer le rôle que tient à lui faire jouer Jean dans son projet ambitieux.
Alors, désespéré, meurtri et hagard, perdu dans un temps étranger, il entreprend le voyage ultime vers Nazareth. Les autochtones voient en lui un illuminé, ou un prophète, s’exprimant étrangement et manifestement dérangé.
Toute sa vie, Karl Glogauer a fui sa condition, ses obligations, et nié ses principes. Cette fois, il ne fuira pas : bien décidé à prouver au futur des hommes la pertinence de la logique chrétienne, il part en quête de celui qui est destiné à souffrir pour l’Humanité. Dans sa quête irraisonnée, il finira par toucher au but : il va enfin trouver Joseph, un charpentier aigri, époux de la belle et concupiscente Marie, qui lui a donné six enfants. Parmi ces derniers se trouve bien Jésus : mais il n’est qu’un garçon demeuré incapable de la moindre parole sensée…

p. 153 : Le fou, le prophète, Karl Glogauer, le voyageur temporel, le psychiatre névrosé manqué, qui voulait que les choses aient un sens, le masochiste, l’homme au désir de mort et au complexe messianique, l’anachronisme, se frayait un chemin à travers la  place du marché, haletant.
 Il avait vu l’homme qu’il cherchait. Il avait vu Jésus, le fils de Marie et de Joseph. Il avait vu l’homme en qui il reconnaissait, sans le moindre doute, un idiot congénital.


Désormais, Glogauer sait qu’il n’aura plus d’échappatoire : l’amère, la cruelle désillusion laissera la place à la ferme intention d’accomplir ce qui doit l’être. Lui, l’iconoclaste, fera que Son règne advienne… quoi qu’il lui en coûte.
Dévastateur et brillant, un livre qui n’a rien perdu de sa force. Un très grand roman de science-fiction.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un pitch osé.
  • Une écriture crue, brute, voire brutale.
  • Un développant brillant, provocateur et jusqu'au boutiste.
  • Un héros détestable mais dont on aime le chemin de croix.
  • Une mise en lumière intéressante des enjeux sur lesquels repose une grande part de notre culture judéo-chrétienne.  

  • Des personnages antipathiques, aux travers souvent grossis.
  • Une SF plus cérébrale que démonstrative.
  • A ne pas mettre entre les mains de pratiquants manquant d'ouverture d'esprit (ou si ?).
the X-Files : en comics chez Glénat
Par

En plein dans le revival X-Files, Glénat propose aux amateurs de bande dessinée de plonger dans l'univers désormais familier de la série par le biais d'albums au design soigné, étoffés (du moins pour le tome premier, nous verrons si c'est toujours le cas ensuite) de petits suppléments éditoriaux aussi utiles que pertinents.

On pourrait a priori penser qu'on est face à une entreprise plutôt opportuniste, ne cherchant qu'à surfer sur la vague du succès - la dernière saison ayant fait le buzz, réveillé les ardeurs des anciens aficionados et attiré de jeunes loups assoiffés de vérités qui dérangent. Le neuvième art a souvent été le support privilégié pour les fans frustrés de ne pouvoir prolonger l'expérience de la projection de leur film ou série préférée. Rappelez-vous (je parle bien entendu aux plus vieux d'entre vous, ceux qui ont tenu au moins une fois entre les mains des exemplaires de Strange édités chez Lug) des épisodes de Star Wars comblant les trous (et les attentes) avec parfois quelques grands artistes aux pinceaux (je crois me souvenir que Carmine Infantino en a illustré quelques-uns). La qualité de ces numéros de papier n'était pas toujours au rendez-vous, ayant la même vocation que les one-shots, mais on y dénichait quelques perles. X-Files a d'ailleurs eu, ici en France, les honneurs d'une adaptation en BD dont de nombreux épisodes ont été publiés dans des fanzines, et notamment le X-Files Mag de 1996 : il s'agissait d'un comic-book officiel publié outre-Atlantique chez Topps et dont les premiers auteurs étaient Stefan Petrucha & Charles Adlard. A la même époque, le geek ultime pouvait également se procurer une version manga - qui s'éloignait toutefois un peu plus des canons imposés par le père de la saga, Chris Carter.

Or, ce dernier, en tant que producteur exécutif, a validé la série que Glénat publie, laissant à Joe Harris & Michael Walsh à peu près la même liberté que la majorité des intervenants sur la série TV, c'est à dire davantage que George Lucas sur Star Wars mais moins que David Lynch sur Twin Peaks. Mieux même - en tout cas pour le véritable amateur des aventures de Mulder & Scully - le premier album est en fait un arc intitulé "Ceux qui croient" et qui s'inscrit presque directement après le dernier épisode de la saison 9, reprenant quelques éléments du second film, X-Files Régénération, tout en lorgnant vers la saison 10. Par conséquent, les points forts de cette nouvelle saga papier devraient conforter les fans purs et durs, même ceux qui regrettaient la disparition un peu cavalière de Doggett et Reyes : car the X-Files #1 est avant tout un (gros) épisode lié à la mythologie (donc à l'histoire de Mulder depuis l'enlèvement de sa sœur, aux multiples complots touchant des branches plus ou moins secrètes du gouvernement et aux projets d'invasion/colonisation extraterrestre). Et en tant que tel, par le truchement de petits chapitres très denses (mais aux ellipses un peu erratiques), on nous propose de passer en revue quasiment tous les éléments essentiels de l'univers de la série : outre le déroulement sur le mode du thriller de l'intrigue principale (axée sur... le fils de Dana et Fox, qui avait été confié à l'adoption dans une famille lambda afin qu'il soit mis hors de portée des forces cherchant à garder la mainmise sur la planète), on assistera avec un mélange de stupeur et de plaisir nostalgique à la réapparition de protagonistes qui avaient fait le sel de nombreuses saisons. On sent bien dans ce projet la volonté de mettre beaucoup (trop ?) d'œufs dans le même panier, comme pour tenter d'authentifier au maximum l'initiative.


Le résultat est plutôt plaisant. Mais surtout à la lecture, car je dois avouer que les dessins sont d'une rare laideur, et notamment du côté des visages : Michal Walsh a cherché à demeurer le plus proche possible des traits de nos héros, mais son coup de crayon manque cruellement de finesse. Ne parlons pas des décors qui sont minimalistes, des scènes d'action parfois ridicules, reposant sur des artifices d'un autre âge et d'une mise en page sans âme. Cependant, l'histoire tient la route et parvient à fasciner par sa propension à se rapprocher des standards télévisuels. On a notamment l'excellente surprise de retrouver cette forme d'humour particulière initiée par le créateur Chris Carter (qui avait atteint des sommets frôlant l'auto-parodie dans la saison 7) mais qui s'était un peu perdue depuis et qui semblait sonner faux dans la dixième saison.
Pour 10€ (il s'agit d'une offre "découverte"), on tient un bon épisode construit à l'ancienne, avec la qualité et les défauts propres à la mythologie carterienne (des révélations qui mènent à d'autres questions), plutôt rythmé et proposant rebondissements et péripéties à foison. C'est ce que j'appelle un bon début.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le plaisir de retrouver les personnages emblématiques de la série, même ceux qu'on croyait disparus.
  • L'impression persistante d'être dans un épisode de la série, construit suivant les mêmes canons.
  • Une intrigue dense et prenante, articulée sur certains des points forts des X-Files.
  • Un dosage habile de l'humour particulier aux X-Files.
  • De belles couvertures.
  • Un travail éditorial conséquent avec une préface et un dossier intéressants.
  • On en a pour son argent (prix de lancement : 10€).

  • Le côté graphique très mal exploité.
  • Une mise en page sans originalité.
  • Des dessins assez laids avec des visages parfois grotesques.
  • Quelques efforts à faire du côté de la relecture avec une ou deux coquilles.
Chroniques des Classiques : Des Fleurs pour Algernon
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Remarquable roman, Des Fleurs pour Algernon fait partie de ces rares œuvres qui laissent une empreinte durable dans l'esprit de ses lecteurs.

C'est donc le chef-d'œuvre de Daniel Keyes que nous abordons aujourd'hui. Considéré par de nombreux ouvrages comme un classique de la science-fiction, Des Fleurs pour Algernon est à la fois moins (l'aspect science-fiction étant ici bien peu présent) et bien plus que cela (il s'agit d'un classique de la littérature tout court).

Charlie Gordon est un attardé mental plus ou moins autonome qui travaille dans une boulangerie. Ses collègues se moquent régulièrement de lui et lui jouent de mauvais tours mais Charlie s'en fiche : il ne s'en rend même pas compte, il est heureux d'avoir des amis et de rire avec eux. Charlie aimerait cependant être un peu plus intelligent, car il sent bien qu'il est différent. Il suit avec assiduité les cours de miss Kinnian, s'appliquant et faisant preuve d'une détermination sans faille.
Un jour, des scientifiques contactent Charlie. Le voilà sélectionné pour une opération révolutionnaire qui pourrait lui permettre de rattraper son retard intellectuel, peut-être même le rendre supérieurement intelligent. Il est cependant prévenu, les progrès seront lents. Les premiers tests commencent. Charlie doit maintenant affronter une petite souris, Algernon, dans un jeu dont le but consiste à sortir le plus rapidement possible d'un labyrinthe...

Il est impossible de lire ce récit et de ne pas être bouleversé par ce qu'il évoque. Par bien des aspects, Des Fleurs pour Algernon illustre parfaitement le principe d'identification par l'affect (détaillé dans cet article), procédé certes connu mais parfaitement employé par Keyes. Tout repose en effet sur la sympathie que va immédiatement susciter Charlie, brave demeuré à la gentillesse désarmante, victime d'une mère pas vraiment aimante et de collègues franchement odieux.
Keyes, qui travailla notamment aux côtés de Stan Lee, évoque ici une transformation spectaculaire, un poignant voyage des ténèbres vers la lumière.

D'un point de vue pratique, le récit se présente sous la forme de comptes-rendus écrits par Charlie qui, pour les besoins de l'expérience, doit noter son évolution et tout ce qui lui passe par la tête. De ce fait, les premiers chapitres sont un peu délicats à lire car le personnage utilise un langage et une orthographe clairement déficients. Peu à peu, le traitement s'avérant efficace, l'écriture s'améliore au même rythme que le quotient intellectuel de Charlie.
C'est là que les ennuis commencent pour lui, car cet accès à la réflexion s'accompagne de révélations douloureuses. Charlie voit son passé sous un autre œil, il comprend le petit manège malsain des gens qu'ils prenaient pour ses amis, il découvre la souffrance, la solitude, les tares des professeurs que, dans son innocence, il imaginait parfaits.

Keyes manipule le sujet pourtant sulfureux du retard mental avec une intelligence et une sensibilité extraordinaires. Il dépeint un Charlie "affamé de contacts humains" et évoque d'une façon poignante ceux qui sont atteints du même trouble, considérant d'une manière poétique qu'ils restent à jamais des enfants.
Une infirmière aura ainsi ces mots en évoquant ses patients : "Les enfants normaux grandissent trop vite, ils cessent d'avoir besoin de vous... ils s'en vont de leur côté, oublient qui les a aimés et a pris soin d'eux. Mais ceux-là ont besoin de tout ce que vous pouvez leur donner... toute leur vie."
Et c'est clairement de cela qu'il s'agit, Charlie, l'enfant éternel, devenant (trop) rapidement adolescent puis adulte, découvrant la sexualité, la musique, les romans mais aussi la mesquinerie, les déceptions, la petitesse du monde réel.

L'histoire, magnifique, se transforme en tragédie humaine lorsque ce que Charlie soupçonnait se réalise : la transformation n'est que temporaire, son état va se dégrader et le replonger vers la bêtise et son néant. À partir de cet instant, il tente de tout faire pour profiter des derniers moments de lucidité, pour conserver ce savoir qui l'a ébloui et a fait de lui un phénomène aussi calé en langues qu'en mathématiques ou en économie. Il tente de maintenir la tête hors de l'eau, d'aspirer la connaissance comme l'on recherche l'oxygène après une trop longue apnée. Mais ces enfants-là ne sont pas faits pour grandir...

Les thèmes soutenant le roman sont clairement universels et intemporels (la solitude provoquée par la différence, la possible froideur d'une intelligence inhumaine, la recherche désespérée des blessures anciennes et refoulées qui ont façonné notre personnalité...), tout comme le style employé, totalement moderne bien que le récit date de 1966. Quant à Charlie et la petite Algernon, il serait illusoire de penser ne pas s'y attacher.
Des Fleurs pour Algernon se révèle une démonstration magistrale et brillante, un exemple parfait de ce qu'une lecture peut offrir comme choc émotionnel et réflexion en profondeur.

Un livre totalement indispensable, autant pour le plaisir et l'émotion qu'il engendre que pour l'élégance technique de sa construction.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Personnage attachant.
  • Intelligence du propos.
  • Intensité de l'aspect émotionnel.
  • Techniquement brillant.

  • D'une tristesse infinie (pas un défaut en soi, mais ne vous attendez pas à vous poiler toutes les deux pages, même si une certaine forme d'humour est présente parfois).