Publié le
23.1.25
Par
Nolt
Gros plan sur Le Mercenaire, peut-être visuellement une des plus belles sagas de BD.
Le Mercenaire est une bande dessinée de Vicente Segrelles, scénariste et dessinateur espagnol qui va développer ce long récit de 1982, date à laquelle sort le premier tome, jusqu'en 2004, année de publication du chapitre final.
En France, Glénat a réédité l'ensemble dans une intégrale luxueuse comprenant trois tomes. L'éditeur nous dit qu'il s'agit d'une série emblématique au "succès mondial". Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler. Je signale d'ailleurs que je dois sa découverte à l'excellent blog de Présence. Comme quoi, il n'y a pas que des conneries dans mon fil facebook...
Mais penchons-nous tout d'abord sur le pitch de cette série.
Nous suivons les aventures du Mercenaire, un héros droit et courageux, qui vit dans une vallée cachée au cœur de l'Himalaya et située au-dessus d'une épaisse couche nuageuse qui ne se dissipe jamais. Ce pays mystérieux bénéficie en outre d'un climat bien particulier (chaud et agréable) qui a permis de préserver une espèce de ptérosaures, aujourd'hui domestiquée et utilisée comme source de montures volantes. Le Mercenaire est au service de ce Pays des Nuages, protégeant les innocents et combattant notamment un ennemi récurrent, Claust l'alchimiste.
Dans un premier temps, l'on peut regretter l'aspect monolithique du personnage, au caractère finalement peu développé (une sorte de Bob Morane médiéval-fantastique en quelque sorte), ainsi que des intrigues d'un classicisme presque scolaire. Toutefois, Segrelles va peu à peu enrichir l'univers qu'il dépeint, construisant un monde relativement cohérent, et en tout cas fascinant, et basculant peu à peu vers la science-fiction. Et si les intrigues ont un déroulement attendu, elles ne sont pas dénuées d'une forme de subtilité, surtout pour l'époque (avec par exemple des personnages féminins "forts" qui dépassent largement le rôle de simples "demoiselles en détresse").
Notons une touche parfois sexy, avec de la nudité qui évite toute forme de vulgarité, et une violence non édulcorée (qui peut parfois être quelque peu "gore").
Mais là où l'auteur touche à l'excellence, c'est dans l'aspect graphique de ces albums. Les planches sont en fait des peintures à l'huile, en couleurs directes, qui donnent à l'ensemble une beauté et une atmosphère exceptionnelles (en plus d'un réalisme prononcé).
Tout est soigné, des magnifiques décors aux visages en passant par les vêtements ou armures. Loin du format classique (et quelque peu "étriqué") du "gaufrier" franco-belge, Segrelles utilise de grandes cases, parfois des pleines pages, propres à rendre toute la mesure de son talent (et de son savoir-faire, car on ne peint pas ainsi de manière innée mais après des années de travail).
Le Mercenaire fait partie de ces œuvres inclassables et marquantes, qui portent la signature de leurs auteurs. Le lecteur se surprend à s'attarder sur les planches, à admirer les détails d'une tenue, d'un paysage, le tout dans une atmosphère de rêve éveillé et hors du temps. Chaque case ou presque pourrait être un tableau. Et pas un truc moderne de kéké hein, un vrai tableau de Maître. Au sein de cet aspect très contemplatif surgissent parfois des pics d'émotion, lors de la mort d'un animal par exemple, qui doivent beaucoup à la narration graphique et à l'habileté de ce bougre d'auteur dont on découvre peu à peu l'implication et les effets visuels parfaitement contrôlés.
Signalons que le troisième tome de l'intégrale comprend également une nouvelle illustrée, plusieurs histoires courtes et un cahier graphique. Chaque volume commence et se termine également par une belle double-page représentant à chaque fois une illustration différente. Une seule petite réserve : le lettrage, assez petit et surtout très fin, ce qui nuit au confort de lecture. La typo choisie manque d'ailleurs singulièrement de "caractère" pour de tels ouvrages.
Une saga magistrale, à l'ambiance graphique exceptionnelle.
À savourer au calme, en prenant son temps et en se laissant emporter doucement au travers des nuages.
À savourer au calme, en prenant son temps et en se laissant emporter doucement au travers des nuages.
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Publié le
21.1.25
Par
Vance
Un album aux proportions généreuses est apparu sur les étals de vos librairies préférées peu avant les fêtes de fin d'année. En voici le pitch :
Une faille dimensionnelle a surgi quelque part sur Terre, de laquelle des créatures monstrueuses ont surgi. Passées les premières défaites, les nations humaines ont réagi en s'associant pour mettre au point la technologie qui leur permettra de venir à bout de ces envahisseurs invincibles ; des robots géants, pilotés par l'homme, ont réussi à égaliser les chances. Désormais, la tendance s'est inversée, ces pilotes de mechas, devenus de véritables superstars, tiennent la dragée haute aux terreurs de l'au-delà...
Et là, comme un seul homme, vous vous levez pour hurler : "Je connais, c'est Pacific Rim !" tout en vous demandant si cela n'était pas déjà sorti en bande dessinée. Perdu ! C'est de Dawnrunner, écrit par Ram V et publié chez Bragelonne, que nous allons parler.
Et là, je sens que vous faites la grimace. C'est que ça ressemble tellement à l'intrigue du film ! Et vous avez raison. C'est sans aucun doute un élément qui risque de limiter l'intérêt de l'ouvrage, la crainte de ne lire qu'une resucée, même talentueuse, d'un film certes primaire mais très réussi (contrairement à sa suite nettement plus laborieuse). Je ne vais pas vous mentir, j'ai même failli reposer l'album après une dizaine de pages, tant j'avais l'impression de lire une pâle copie du script de Guillermo Del Toro.
Pourtant, c'est de Ram V qu'il s'agit, et l'auteur nous avait enthousiasmés avec deux de ses précédents comics : le moins que l'on puisse faire c'est de lui donner sa chance et d'aller au bout du projet pour voir ce qu'il a dans le ventre.
Bien nous en a pris. Est-ce que la suite ôte le sentiment de déjà-vu trop tenace ? Non, ce serait exagéré de le prétendre. Toutefois, sur la base d'une histoire sans surprise, le scénariste élabore quelque chose de plus subtil, plus profond et déconcertant. De Pacific Rim, on se sent glisser insidieusement vers du Mamoru Oshii (tendance Patlabor) voire le Hideaki Anno d'Evangelion. C'est un peu comme si on avait deux récits parallèles, chacun étant intimement intriqué dans l'autre.
Reprenons. Anita Marr est la pilote vedette de la société Cordon : chacune de ses sorties contre les Tetzas, ces monstres qui émergent régulièrement de la faille ouverte un siècle auparavant en Amérique centrale, est suivie par des millions de fans, et ses prestations aux commandes d'un des Iron Kings sont quotidiennement commentées. De ce fait, elle est chouchoutée outre-mesure par son PDG et mentor, qui décide de surfer sur ce succès, au point de refuser de partager ses avancées technologiques avec les quatre autres firmes produisant les armes capables de faire face aux Tetzas. D'ailleurs, c'est à Anita qu'est promis le tout dernier modèle d'Iron King, au nom de code ronflant : Dawnrunner bénéficie des progrès stupéfiants réalisés en étudiant ces envahisseurs, notamment en termes d'interface homme/machine. L'objectif est de réduire le temps de latence entre l'ordre conscient et le geste sur le champ de bataille : chaque milliseconde gagnée pourrait sauver des vies. À défaut d'être parvenus à déchiffrer le langage de ces monstres (au bout de cent ans, quand même !), les scientifiques de Cordon promettent un avenir radieux à Anita aux commandes de leur dernier joujou.
Évidemment, tout ne se passe pas comme prévu : plongée dans la cuve permettant la meilleure connexion possible avec la machine, Anita se retrouve immergée dans les souvenirs d'un autre, un homme à la recherche de ses enfants, au tout début de l'invasion Tetza... Et plus elle utilise son Jaeger robot, plus la connexion est profonde, au point qu'elle en arrive presque à fusionner avec l'individu, vivant ses propres aventures, pourtant vieilles de plusieurs décennies. Mais dans le temps présent surgit de la faille une créature sans commune mesure avec ce qui en était sorti auparavant... si Anita ne reprend pas le contrôle, personne ne sera en mesure de vaincre ce titan et le monde sera perdu.
Rien de bien original, on le voit. Néanmoins, Ram V parvient à insérer un brin de suspense presque l'air de rien, notamment lorsqu'un des partenaires de notre héroïne, qui surveille ses connexions neurales, lui annonce que le gars avec qui elle est en symbiose n'a jamais retrouvé ses enfants : dans ce cas, si ce ne sont pas des souvenirs, est-elle en train de réécrire le passé ? Et ce père de famille, peut-il alors interférer sur le présent ? Oui car en outre, Anita élève seule une fille qui se meurt à cause d'un virus importé par ces satanés aliens... Voilà un embrouillamini assez touffu qui redonne du piment au concept. Et c'est tant mieux car, côté dessins, on n'est pas à la fête. Attention ! Evan Cagle n'est pas le dernier venu, loin de là, et il nous gratifie de temps à autre de planches absolument magnifiques. Ce graphiste de formation nous campe une Anita fort séduisante, racée et énigmatique, accompagnée de personnages aux visages subtilement dépeints. Les tenues et les décors sont particulièrement soignés. Reste que l'un des axes principaux de l'album consiste en une confrontations entre des géants mécaniques et des créatures monstrueuses, et là, c'est la cata : on n'y comprend goutte, on a un mal fou à réussir à deviner la morphologie d'un Tetza dans ce fouillis de lignes qui s'entrecroisent et ce n'est guère plus évident quant au design des Iron Kings. Les scènes de combat sont illisibles et les phylactères n'aident guère : on ne parvient pas à savoir si le mecha a tranché un membre, vidé son chargeur ou décoché une mandale titanesque, on sait juste que c'est cataclysmique. Dommage, et terriblement frustrant. La galerie de dessins préparatoires en fin de volume apportera une petite aide bienvenue cependant, démontrant le sérieux de l'entreprise.
Un album qui, cette fois, ne fera pas date, intéressant mais pas aussi réjouissant qu'il aurait pu l'être, et plombé par cette persistante impression de déjà vu.
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Publié le
19.1.25
Par
Nolt
On n'y croyait pas et pourtant Rodolphe Lauga signe un bon polar français, bien écrit et lorgnant sur d'illustres ancêtres : Ad Vitam.
Franck Lazarev, ancien du GIGN, mène une vie en apparence normale avec sa femme, enceinte. Pourtant, ils ne vont pas tarder à subir diverses attaques, dont une invasion très violente de leur domicile. Commence alors pour Franck, après un long flashback, une course contre la montre, contre des salopards prêts à tout et même contre ses anciens collègues.
Voilà un pitch simple au service d'un film efficace et franchement bien foutu. Le premier rôle est assuré par Guillaume Canet, qui co-écrit également le film avec Lauga. Et c'est une réussite totale. Au niveau de l'écriture, on parlait de la nullité abyssale du Jardinier il y a peu, ici c'est tout l'inverse. Le flashback par exemple, installant les personnages, leurs relations et la source des problèmes de cet ex-flic, est un exemple de finesse et d'efficacité. Les personnages sont crédibles, humains, "épais", on comprend la profondeur des liens qui les unissent, on comprend la difficulté de leur métier, il y a même de l'humour, et tout ça est impeccablement joué.
Bon, en ce qui concerne Canet, le fait qu'il joue bien n'est pas non plus une surprise. Il a même un registre assez large (entre Rock'n roll, Au Nom de la Terre, La prochaine fois je viserai le cœur et ce film, il y a tout de même un sacré putain de grand écart facial !). Mais il était difficile de camper avec justesse ce "chat maigre" de service, sans en faire un super-héros mais en montrant qu'il a bien plus de vécu que le quidam moyen. Canet y parvient avec une aisance assez remarquable.
Les scènes d'action, sans verser dans la démesure, restent honnêtes et bien filmées. Avec ici un cousinage qui rappelle certains Lautner (les plus sérieux) ou même Delon. Le ton est moderne, bien entendu, mais demeure dans la lignée de certains grands films d'action à la française. En tout cas, on ne s'ennuie pas et on passe un excellent moment, avec ce qu'il faut de bourrinage et de moments plus calmes et subtils.
Quelques défauts tout de même. La scène de baston dans l'appart, avec une femme enceinte qui défonce des gars entraînés... c'est un poil exagéré pour qui prend un minimum en compte la réalité d'un combat de ce genre. Le final est également quelque peu abrupt, avec une résolution globale un peu rapide.
Il faut tout de même revenir sur certaines critiques, ahurissantes. Que ce film ne plaise pas à tout le monde, cela ne pose aucun souci, on l'a vu, il n'est pas parfait, mais parfois on se demande vraiment de quelle manière certains demeurés ont obtenu leur carte de presse. Télérama, ce torche-cul, réussit encore un exploit : non seulement sa critique de ce film est à côté de la plaque et sans nuances, mais le journaleux qui la signe écrit, totalement détendu, "qu'on déplore tout de même, sans parler de la teneur pro-flics de l’ensemble qui célèbre la cavale d’un chien fou armé et incontrôlable, l’écriture lourdaude des dialogues et, globalement, du récit". Alors, outre le fait que c'est au contraire, au moins pour la première moitié du film, très bien écrit, depuis quand une "teneur pro-flics" est censée être un défaut ? Dans quel monde de dégénérés ne pas chier sur la police, et notamment sur les plus braves d'entre eux (ici le GIGN, dont on connaît les missions, et qui relève d'ailleurs de l'armée, mais peu importe), serait critiquable ?? Vraiment, le gauchisme est une maladie mentale. Et ce sont les mêmes bourgeois évaporés qui se branlent sur des Rodéo ou des merdes dans le genre. Ces gens pensent qu'être un criminel, que buter des passants au volant d'une bagnole volée, pratiquer des tournantes ou attaquer des commissariats, vaut mieux qu'être un flic... résultat pitoyable de décennies d'inversion des valeurs, de négation de l'Histoire et du réel, et de mépris du peuple. Alors, oui, si vous êtes un connard qui pense qu'il faut être un merdeux pour être sympathique, ici le personnage est quelqu'un de sensé, respectable et normal. Mais à part Télérama et quelques organes gauchistes et pro-criminels du même genre, ça ne devrait choquer personne.
Bref, Ad Vitam s'avère être un bon film, bien réalisé et produit, qui a certes quelques défauts minimes mais qui ne l'empêchent pas d'être un divertissement honnête et bien pensé.
À voir sur Neflix.
À voir sur Neflix.
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Publié le
18.1.25
Par
Nolt
Je ne sais même pas par où commencer... bon, commençons par le pitch (qui n'est en soi ni bon ni mauvais). Serge, un haut fonctionnaire en passe de devenir ministre, se retrouve sur une liste de personnes à éliminer. Alors qu'une équipe des forces spéciales arrive chez lui pour le liquider, il va être aidé par... son jardinier, un type bien balèze ayant bourlingué.
Cette histoire-là, bien écrite, bien jouée, bien filmée, elle pourrait être sympa. Le problème, c'est qu'ici, tout est incroyablement bâclé et mauvais. C'est même fou à ce point-là, parce que même des amateurs pourraient faire mieux avec un smartphone et aucun budget.
Bon, commençons par le "héros", Michael Youn. Clairement pas un bon acteur à la base, mais quand il reste "sobre" au niveau de son jeu, ça passe. Il n'est pas ridicule (dans Carbone par exemple). Le problème, c'est quand il est en roue libre et qu'il veut être drôle. Ce qui passe dans un Fatal, parce qu'il incarne un rappeur, donc un abruti décérébré, mais ici, quand il joue un "mec normal", c'est catastrophique. Le jeu est du niveau des séries AB.
Parlons-en du montage, il y a des erreurs flagrantes absolument folles. Je parle ici de grammaire cinématographique pure. Par exemple, si tu as un plan large où un ennemi arrive par une porte à gauche, et que le héros est à droite, cette "grammaire" t'interdit de faire suivre un plan plus serré où le héros balancerait un gnon au mec en étant situé à gauche de l'écran, avec l'ennemi à droite. Ça n'aurait aucun sens, ça perturbe juste la lecture de l'action. Ben ici, visiblement, ça on s'en cogne.
Abordons ensuite le cas Jean-Claude Van Damme, qui vient clairement cachetonner. Ce qui m'étonne, c'est la réaction de certains qui regrettent que Van Damme "gâche" sa fin de carrière en se commettant dans ce genre de film. Mais... heu... Van Damme, c'est pas Stallone hein ! Il n'a jamais fait de bons films. Même les meilleurs, au début de sa carrière (Bloodsport, Kickboxer...) sont des mauvais films. Il joue mal dedans, c'est mal réalisé, etc. Ça passait quand tu avais 15 ans et que tu voulais mater un film de baston dans les années 80, mais si tu regardes ces trucs maintenant, tu vois bien que c'est lamentable (je conseille même Karate Tiger, hallucinant et hypnotique tellement c'est amateur, mal filmé, mal éclairé...). Donc, que Van Damme joue dans un mauvais film, ça n'a rien de surprenant, ce qui est choquant ici, c'est qu'il fait seulement acte de présence. Il ne joue pas "mal", il ne joue pas du tout. Rarement on a pu lire un "je m'en tape de ce film" aussi flagrant sur le visage d'un acteur. Quant aux scènes "d'action", l'âge aidant, c'est la doublure qui bosse. Et mal, avec un montage à chier.
Quelques belles scènes à base de vomi. On n'avait pas vu plus drôle et subtil depuis Nicky Larson. |
Au niveau des seconds rôles, citons les "méchants", incarnés par Jérôme Le Banner, Kaaris et Matthias Quiviger, alias "Ragnar", un quidam qui fait des vidéos pas drôles mais censées l'être. Le point commun de ces trois gars, c'est qu'à la base, ils ne sont pas acteurs. Dans ces cas-là, soit tu leur demandes quelque chose de très simple et proche de leur personnalité, soit il faut les diriger au millimètre près. Là, pareil, ils sont en roue libre et donc... ils sont mauvais. Il faut dire que le texte, à chier, ne les aide pas non plus.
D'ailleurs, en début de film, il y a une scène entre Youn et un guest, Elie Semoun (qui fait du Elie Semoun, comme toujours), qui est gênante tellement c'est mal écrit et mal joué. On dirait des répétitions. Et des répétitions de mecs vraiment pas doués. Citons enfin Nawell Madani, qui joue la femme de l'autre quiche de Serge. Et qui est à la ramasse elle aussi avec un jeu aussi fin que celui d'un poêle à granulés.
Tout cela est assumé par David Charhon, qui réalise cette merde et l'a co-écrite. Parce qu'ils sont trois pour pondre ce truc. Et ça, c'est déjà fou en soi. L'écriture à plusieurs, ça à tendance à "lisser". Si tu es très bon et que tu as un style bien à toi, en partageant l'écriture, ça va gommer tes effets les plus pertinents. Mais si tu es très mauvais, le fait d'être à plusieurs va normalement gommer aussi les pires saloperies. Là, non. Au contraire, on a l'impression qu'ils ont fait un concours de la scène la plus débile et du dialogue le plus fade. Et honnêtement, les trois ont gagné, bravo !
Tout ce truc prend l'eau dès le départ, tenir plus de trente minutes est quasiment impossible. Il y a pire, c'est toujours possible, mais on est vraiment à la limite extrême de l'incompétence et du j'm'en-foutisme. Vous vous souvenez du Baltringue, avec Lagaf ? On est dans la même catégorie.
Vraiment, le fond des chiottes.
Publié le
17.1.25
Par
Vance
Imaginez une France qui ne dit pas son nom, dans un futur beaucoup plus proche qu'on ne le croit. Repliée sur elle-même, la nation a fermé ses frontières et mis en place un Pacte National forçant chacun à contribuer : les hommes sont envoyés au front dans les zones troublées par les pays voisins, les femmes sont chargées d'enfanter. Car le pays a terriblement souffert, et pas uniquement à cause d'un dérèglement climatique incontrôlable : il a perdu la majeure partie de ses jeunes en quelques semaines, un cataclysme qui a tant marqué les esprits qu'il a poussé les dirigeants à adopter des mesures drastiques. Restriction des libertés, multiplication des contrôles : pour vivre décemment, il faut contribuer, on vous l'a dit. Travailler à l'effort national, se mettre en couple, avoir des enfants. Il ne fait pas bon atteindre 25 ans et être encore célibataire : non seulement, on vous regarde de travers, mais vous avez droit à des visites régulières pour vérifier votre santé physique et psychique. Quant aux loisirs, ils sont strictement surveillés : les réseaux sont verrouillés et il n'est plus possible d'accéder aux images et aux documents datant d'avant le Pacte. Quant aux livres, on en vend encore... au kilo, dans les supermarchés : uniquement de la littérature de gare, des romances et de l'aventure bon enfant, le reste étant formellement proscrit - car il est hors de question de donner de mauvaises idées à ces jeunes si influençables...
Évidemment, certains se souviennent du temps d'avant, où l'on pouvait lire de la prose enflammée ou des vers de mirliton, et surtout écrire autre chose que des passages du sacro-saint Pacte. Leur nostalgie imprègne ceux qui se sentent laissés pour compte, qui ne parviennent pas à s'insérer dans cette société trop fermée, qui ont envie d'ailleurs, ou d'autre chose, se sentent à l'étroit dans ces murs trop ternes et trop froids, ou dans leur corps dédié à la survie d'un peuple. Ils envient ceux qui ont eu le courage de partir : franchir la frontière, c'est se condamner à l'exil, et nul ne sait vraiment ce qu'il y a là-bas. La guerre, dans le Sud, sans doute, car peu en reviennent, mais ailleurs ? Le réchauffement implacable ou la montée des eaux a de toutes manières transformé une partie du globe en désert invivable. Toutefois, à la marge, certains fomentent déjà ce qui ressemble à une rébellion, acte désespéré visant à bousculer l'ordre. Et ceux-là ont entendu parler de cette communauté libre de femmes, qui ont vécu trente ans, pas si loin d'ailleurs, juste sur l'autre rive du Grand Fleuve, ont accueilli des clandestins, des réfugiés, des parias d'autres régions ou d'autres pays. Elles ont vécu et prospéré en dehors du système, chantant, dansant, travaillant la pierre et échangeant le fruit de leur labeur contre des biens trop difficiles à obtenir à la lisière de la forêt, entre le fleuve et la montagne. Elles ont aimé et se sont aimées.
Avant d'être exterminées.
Viendra le temps du feu est une dystopie qui prend le soin de ne pas abreuver ses lecteurs par un amoncellement de termes alambiqués, des références scientifiques trop abstraites ou des conjonctures trop irréelles : Wendy Delorme n'est pas John Brunner (mais elle en a l'acuité), elle n'est pas non plus George Orwell (mais on décèle nombre de ses principes dans son texte). Elle est entrée en science-fiction insidieusement, elle qui s'avère plutôt actrice et performeuse, voire ouvertement militante dans la défense des causes LGBT. Cause qui sous-tend le texte de son roman, sans pour autant le phagocyter : on est loin du pamphlet ou du plaidoyer. Elle a choisi pour raconter son histoire une base épistolaire, un choix risqué car il va sensiblement limiter l'action et le rythme en laissant davantage de possibilités aux personnages de s'exprimer et, par ainsi, de s'ouvrir au lecteur qui découvrira à travers eux les facettes d'un monde tellement proche du nôtre et cependant encore fort éloigné. Chaque chapitre s'avère donc un fragment d'une longue lettre rédigée en temps réel par les protagonistes, quand ce ne sont pas des extraits laissés par ceux qui ne sont plus.
Après une citation en exergue de Velibor Čolić (un écrivain bosniaque vivant en France), le roman s'ouvre par Ève qui écrit ces mots : "Elles sont mortes, toutes." Ève a fait partie de cette communauté vivant en quasi-autarcie mais a été contrainte de quitter ses "soeurs" pour s'installer à la Ville et y élever son enfant en tentant, tant bien que mal, de s'adapter aux codes d'une société totalitaire et brutale, se forgeant une existence relativement confortable en leurrant les Autres (c'est ainsi que les Soeurs appelaient les habitants de la ville) et en se leurrant, tout en portant en elle un traumatisme terrible, celui d'une perte et d'une trahison qui suppurent en son être comme une blessure ouverte.
Alors s'exprime Louise. Cette jeune femme ne vient pas de l'Extérieur, et pourtant elle ne se sent pas totalement chez elle dans les murs de la cité. Elle a grandi à l'autre bout du territoire, face à la mer, au pied des falaises, avant que les touristes n'en fassent une destination prisée et ôtent à son village natal toute son essence. Louise s'est adaptée, elle a grandi et s'est fait une double place ici : le jour, elle contribue à l'effort national en distrayant les clients du supermarché, sous un costume de castor. La nuit, elle se déshabille dans un club fréquenté par les hommes - car au coucher du soleil, le puritanisme de façade de la société laisse place aux désirs inassouvis qu'il engendre. Pour qu'on la laisse tranquille, elle s'est "mise en paire" avec Raphaël, son meilleur ami : il la protège et elle le protège (car il cache un terrible secret) et ensemble, ils donnent le change et s'évitent ainsi le regard inquisiteur et les questions suspicieuses des autres. Néanmoins, à 25 ans et sans enfant, ils commencent à éveiller des soupçons...
C'est dans ce Gentlemen's Club qu'elle a déniché, lors d'une pause, un livre. Oh, pas un de ces minables écrits distribués dans les commerces (et donc autorisés par l'État), mais un texte qui a échappé à la censure et aux autodafés, libellé par Rosa, une femme attendant la mort sous terre après l'assaut donné contre sa communauté, et dont la lecture la bouleversera.
Raphaël prendra également la plume pour écrire à sa mère une lettre d'adieux, car il prépare quelque chose qui bouleversera la société et il désire que cette femme, qui l'a tant aimé et protégé durant une enfance compliquée, puisse le comprendre et lui pardonner. Plus tard, le livre s'ouvrira aux écrits de Grâce, elle aussi issue de la sororité rebelle et qui survit dans les bas-fonds de la cité, se nourrissant grâce aux maigres avoirs dispensés pour les basses besognes dont personne ne veut, circulant dans les ombres des ruelles en évitant les rondes policières et cherchant des survivantes du massacre dont elle a réchappé. Et même l'enfant d'Ève s'essaiera à cet exercice de l'écriture, voulant faire comme sa maman qui écrit tous les soirs (et se mettant ainsi, sans le vouloir, hors-la-loi).
Par un style gracieux, aux tournures ciselées et élégantes et au lexique érudit (outre Les Guérillères de Monique Wittig, dont de nombreux extraits parsèment l'œuvre, l'on repèrera des citations sublimes des émouvantes Lettres à un jeune Poète de Rainer Maria Rilke tout comme des références plus discrètes au travail de Keiichiro Hirano), Wendy Delorme s'applique à nous narrer les actes d'amour, de foi, d'espoir et de désespoir d'individus qui refusent, d'une manière ou d'une autre, de se soumettre aux diktats d'une société qui ferme ses portes et se replie sur elle-même au prétexte de se protéger. En faisant de ses héros les narrateurs de leur propre histoire, elle souligne leur mal-être tout comme leurs joies ineffables et leurs rêves brisés et dépeint un monde gris, morne et terne dont les couleurs comprimées s'exhalent clandestinement dans l'ombre. Si le rythme manque, il est remplacé par une tension permanente : celle de Raphaël qui complote, de Grâce et Ève qui se cherchent sans le savoir, de Rosa qui sent la mort venir...
Et derrière ces combats pour la liberté d'être se dévoile un autre, qui nous touche davantage peut-être ici : celui pour la Culture. Car les livres, on l'a vu dans de nombreuses oeuvres tragiques et pessimistes (de Farentheit 451 à Equilibrium), sont les premières victimes collatérales d'une radicalisation aussi brutale : les forces de l'ordre s'en prennent aux livres faute de pouvoir tuer les idées et supprimer les émotions. Chez ces rebelles se rassemblant en secret, on cultive le goût des livres, on les recueille, on les protège, on les chérit et on les apprend, vestiges précieux des ères qui ne sont plus, témoignages de ce qui a été et pourrait advenir. Alors, pour survivre, on écrit.
Roman fascinant, profond et émouvant, qui saura séduire les lecteurs occasionnels comme les passionnés.
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