Batman : Flashpoint Beyond
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Vous aviez aimé Thomas Wayne en Batman de Flashpoint ? 
DC comics l'a bien compris et vous offre la possibilité de le retrouver, plus sombre et expéditif que jamais. 


On ne va pas vous rappeler pendant 115 ans ce qu'est le Flashpoint : Barry Allen (Flash) a voulu sauver sa mère des griffes de son assassin en remontant dans le temps et, ce faisant, a créé un nouveau continuum temporel dans lequel sa mère est en vie, certes, mais où nombre de nos héros ont vu leur passé modifié.
Un de ceux pour qui le changement fut le plus drastique fut Batman : plus de Bruce Wayne orphelin s'entraînant depuis le plus jeune âge pour venger l'assassinat de ses parents en combattant le crime, mais bien un Thomas Wayne d'âge mûr fou de colère endossant la cape pour faire payer aux criminels la mort de son fils abattu en pleine rue... et une Martha Wayne devenue une Joker au féminin aussi démente que l'original.

Lors de sa dernière apparition, ce Batman dur à cuire aux méthodes radicales mourut face à Darkseid dans l'Univers Prime et clôtura ainsi l'existence de l'Univers Flashpoint dont il était l'ultime vestige.

Mais pourquoi se passer d'un personnage aussi jouissif qu'un Batman capable de loger des munitions de tous calibres dans le crâne de tout qui se met en travers de sa route vers l'accomplissement de sa vision très personnelle de la justice ?

Après tout, le public semble avoir envie d'une version de Batou capable d'employer tous les moyens pour parvenir à ses fins et, comme ce type de récit n'est pas accessible à Bruce si l'on souhaite garder un minimum de cohérence psychologique dans le traitement du personnage... autant créer une situation (fut-elle hautement improbable et capillotractée) où Papa Thomas pourra encore être exploité !

L'on retrouve donc un Thomas de retour dans sa Gotham, conscient de tout ce qui s'est déroulé auparavant et du fait que son existence comme celle de son univers sont des anomalies. Déjà quand il pensait vivre dans le plus cruel, certes, mais le plus légitime des mondes, Wayne Senior prenait rarement la peine de faire dans la finesse... alors imaginez les méthodes qu'il va employer pour comprendre les raisons de son retour à l'existence dans un monde qu'il considère comme illégitime et où, selon ses propres dires, "rien ne compte". Oui, ça va défourailler façon Punisher et l'on comprendra aisément pourquoi la tenue de cette itération de la chauve-souris ne porte sur elle que du noir et du rouge : le sang laisse moins de traces. 

Geof Johns
retrouve donc le personnage tragique du père de Bruce et en profite pour traiter, comme il a l'habitude de le faire, de la filiation. Avec Jeremy Adams et Tim Sheridan à ses côtés pour l'écriture, il va nous soumettre ce qui pourrait être le départ d'un tout nouvel arc narratif très distinct de l'ère Infinite que nous connaissons pour le moment.

Maintenu réel par un pari audacieux de Bruce dans l'Univers Prime, l'Univers Flashpoint fait ici un peu penser à ces "univers de poche" que présentent nombre d'œuvres de fiction.
Si cela peut plaire aux fans ayant apprécié cette réalité parallèle lors de sa découverte en 2011, après tout, pourquoi pas ?
Mais encore faut-il que cela soit bien fait.

Qu'en est-il donc de la qualité de ce one shot, plutôt dédié aux connaisseurs, et ouvrant potentiellement la porte vers une exploitation à venir de tout un autre monde ?


Scénaristiquement, on est d'emblée balancés dans cet univers où Atlantes et Amazones se font la guerre pour dominer l'Europe (ah bah, super !), où Flash n'existe pas, où Superman a été emprisonné par les Américains dès son arrivée sur Terre... Rien n'a changé depuis 2011 et c'est tant mieux : ce qui va nous intéresser, ce seront les décisions de Thomas Wayne, dans ce monde qu'il considère factice ; la façon dont il finira ou non par accorder de l'importance à ces existence qui n'auraient jamais dû être.
Tiraillé entre le besoin de comprendre pourquoi tout cela perdure, l'envie que cela cesse et l'évidente et entêtante volonté de survivre et de sauver ceux qu'il juge dignes de rester en vie, il va mener son enquête (se maudissant au passage d'être en cela bien moins compétent que son fils de l'Univers Prime) à coups d'attaques létales. Avec Thomas, on n'a pas le plus grand détective du monde... plutôt un enquêteur prêt à tout.
L'on retrouvera durant son périple quelques-uns des plus fameux adversaires de Thomas, quelques alliés revêches, le dernier membre en vie de sa famille et... quelques incursions scénaristiques dans l'Univers Prime où l'on comprend que Bruce se bat contre les règles des Maîtres du Temps pour garder son père en vie. 
Visuellement, le tome s'ouvre sur des planches signées Eduardo Risso qui ne sont pas ce que l'album a de plus innovant à offrir, loin de là. D'un classicisme aussi passionnant qu'un match de ping-pong dans la neige (ouais, c'est ça : on ne voit pas la balle, tu as compris la vanne !), elle ne doivent pas pour autant vous décourager : le meilleur reste à venir.
Une fois passé le prologue, Xermanico et Mikel Janin reprennent le flambeau pour un traitement autrement plus actuel et détaillé. Dès lors, tant la mise en page que les couleurs se mettent au diapason du dessin et l'on retrouve l'esprit des comics de chez DC de 2023, avec la particularité d'un trait très mature et sec, assez judicieux au regard de la personnalité du personnage central.

Quelques très belles pleines pages, quelques doubles pages bien exploitées, un découpage parfois significatif... le tout nappé de couleurs vives très contrebalancées par des ombres assez présentes.

Au final, nous voici avec un comic qui plaira de toute évidence à tous ceux que Thomas Wayne avait convaincu en Batman radical... mais aussi aux curieux qui étaient passés à côté et qui maîtrisent un peu le Batverse. Pour les autres, Urban fait toujours un travail d'édition de qualité avec un résumé des événements précédents très clair en début de volume et (mon péché mignon) les illustrations de couverture des publications américaines en pleines pages en guise d'annexes.

Un petit ovni dans l'époque Infinite, donc... mais un ovni bienvenu.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le retour de Thomas Wayne, le Batman hard boiled de l'Univers Flashpoint.
  • Une explication plus ou moins plausible à son retour.
  • Une approche de la psychologie du personnage qui ne laisse pas trop de doutes au sujet de ses valeurs et motivations.
  • Un dessin en adéquation avec son discours.

  • Un prologue dessiné dans un style trop suranné.
  • Une réapparition que l'on pourrait quand même juger un brin mercantile... non ? Allez, un peu... à peine !
  • Un récit dont l'enquête semble trop souvent faite de coïncidences heureuses.

Ange Leca
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Lorsque la Seine sort de son lit, elle fait se lever avec elle des secrets enfouis.


Nous sommes en janvier 1910. Paris est submergée par les eaux. Rues, boutiques, habitations, métro, tout est noyé sous une Seine ventripotente charriant son lot de détritus et... de cadavres.
Un buste de femme impitoyablement démembré et dont les seins furent découpés est remonté à la surface et la police n'a aucun moyen de l'identifier.
C'est le journaliste Ange Leca, corse d'origine, qui va prendre la décision d'enquêter sur cette étrange affaire.
Opiomane abstinent, il semble momentanément reporter son addiction sur la personne d'Emma, épouse du propriétaire de son journal. 
L'enquête va peu à peu nous dévoiler le Paris de l'époque, certaines vérités sur ces démembrements réellement assez courants au début du vingtième siècle et de troublants rapprochements entre cette affaire et l'entourage de Leca. 
Le personnage central de cette histoire pourrait être Paris elle-même ou cette inondation, comme aimeraient sans doute le dire nombre de chroniqueurs ayant envie d'émettre des flatulences à des hauteurs stratosphériques. Mais il n'en est rien. Leca est le personnage central. Lui et son chien Clémenceau vont voir défiler un nombre important d'adjuvants et d'opposants à leur quête dans une enquête où les convictions personnelles feront parfois pour lui, très subjectivement, office de preuves.
Voici un album à la lecture simple et au trait agréable qui semble vouloir avant tout se faire porteur d'une ambiance : celle de la Belle Époque. Une Belle Époque colorée dont seules des peintures sont encore les témoins puisque les photos d'alors étaient encore en noir et blanc. C'est le premier charme de l'album.


C'est Victor Lepointe qui se charge de dessiner Ange Leca, selon le scénario de Tom Graffin et Jérôme Ropert. C'est selon nous bel et bien le dessin qui fait l'intérêt de cet album. Bien qu'intrigant, le scénario nous offre une enquête dont la résolution tient parfois un peu trop au hasard des circonstances et, si elle est d'un cruel réalisme, la fin décontenancera plus d'un lecteur avide de justice et de conclusions en happy end. On retiendra également à son crédit le fait de mettre en lumière certains crimes odieux bien connus, quelques pionniers de la police scientifique et le destin tragique de certaines courtisanes de l'époque (un cahier de documentation traitant entre autres choses de ces thèmes termine d'ailleurs l'ouvrage, signe d'un intérêt particulier et documenté des auteurs pour leur sujet).

Mais au dessin, donc, nous trouvons l'artiste derrière La guerre des loups et Après l'orage (bandes dessinées à caractère historique également, se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale). Le parcours de ce passionné le prédestinait peu à la BD puisque sa formation est essentiellement basée sur l'architecture et l'infographie. Toutefois, c'est bien dans ces secteurs qu'il va acquérir la maîtrise de la tablette graphique dont il use aujourd'hui en tâchant de conférer à ses planches l'aspect de la couleur directe. Même si tout son travail est numérique, il copie intentionnellement le mieux possible les effets des aquarelles, des glacis, des acryliques et autres gouaches... Selon ses dires, son style consiste en "une ligne claire, mais hésitante ou spontanée, et une mise en couleur signifiante et travaillée". Le moins que l'on puisse dire est qu'il a une idée assez juste de sa pratique : c'est tout à fait ça !

Cette histoire complète éditée chez Bamboo dans son excellente collection Grand Angle nous narre donc en 72 pages (et pour environ une quinzaine d'euros plutôt bien dépensés) un moment de la vie de cet exilé (et ex-îlé) corse dont on appréciera ou non le caractère romantique au sens littéraire du terme : sujet à des passions qui le soumettent, fasciné par la mort (ici dans les faits divers), éperdument engagé dans un amour impossible...
Le personnage peut plaire comme il peut horripiler mais il est bien écrit et ses failles sont autant d'interstices dans lesquels le scénario fait parfois s'écouler cette omniprésente eau de la Seine pour y faire craqueler un peu plus sa personnalité et mettre à jour ses faiblesses, comme autant de cadavres démembrés ramenés à la lumière du jour par une crue subite.
Cet album peut sans nul doute contenter une bonne partie de son lectorat, malgré ou grâce à sa fin frustrante. En ce qui nous concerne, il nous a intéressés et l'on a apprécié de pouvoir lire une bande dessinée consacrée à cette parenthèse historique assez étrangement peu exploitée.

Ah oui, n'oublions pas : le dessinateur avoue avoir été ravi de pouvoir dessiner de jolies femmes pour la première fois. Étant donné la façon dont il les restitue, nous n'en sommes pas mécontents non plus.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un dessin agréable et une mise en couleurs désaturée d'un très bel effet.
  • Un scénario parfois un peu facile mais pas indigent.
  • Un personnage un peu inhabituel qui a du caractère.
  • Une reconstitution intéressante de la Belle Époque.

  • Un héros néanmoins un peu agaçant.
  • Une enquête parfois relancée un rien artificiellement.
Le Frankenstein de Dean Koontz en comics
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Retour sur Frankenstein : Prodigal Son
L'univers de Koontz est-il aisément déclinable en BD ? La réponse, tout de suite.

New Orleans. Une série de meurtres horribles secoue la ville. Des cadavres sont retrouvés amputés de certains membres ou organes. Des pieds, des oreilles, un foie, des reins... l'assassin semble se livrer à un macabre jeu de puzzle humain.
Les inspecteurs Carson O'Connor et Michael Maddison sont sur la piste du serial killer maintenant surnommé le "chirurgien" dans les médias. Ils vont croiser la route d'un étrange type au corps bardé de cicatrices. Il dit s'appeler Deucalion. Il est le résultat d'une lointaine expérience. Le produit maudit d'une arrogante utopie qui a tourné au drame. D'autres sont comme lui en ville. Des êtres sans âme, créés par la science, sans l'accord de Dieu. Des monstres supposés parfaits qui attendent en souffrant l'heure de la délivrance.
L'un d'entre eux a décidé de se mettre en quête de ce qui lui manque le plus : une humanité qu'il cherche au plus profond des corps.

Commençons par dire un mot sur Dean Koontz. Pour ceux qui n'en auraient jamais entendu parler, il s'agit en fait d'une sorte de Stephen King en moins connu (chez nous en tout cas). Les deux écrivains partagent le même goût pour le surnaturel, le suspense et les personnages attachants. Pour en savoir plus sur le style particulier (et non dénué de défauts) de l'auteur, nous vous conseillons cet article. Et si vous souhaitez découvrir certains de ses romans, nous vous encourageons à vous précipiter sur Spectres (Phantoms), Le Rideau des Ténèbres (Darkfall), La Nuit des Cafards (Whispers) ou l'émouvant Chasse à Mort (Watchers).
Bref, il y a de quoi vous occuper et à bas prix vu que tout cela est disponible en poche.



Mais revenons à ce qui nous intéresse ici, le mythe de Frankenstein revisité par Koontz (et publié à l'époque en français chez Milady).
L'adaptation est signée Chuck Dixon (Freddy, les Griffes de la Nuit) pour ce qui est du scénario. N'ayant pas lu les romans originaux, je ne peux juger de la fidélité de la transposition. L'histoire est en tout cas ici parfois un peu confuse. Les scènes s'enchaînent sans grande logique et les personnages ne sont souvent que très peu développés. Du coup, l'on perd l'aspect viscéral de l'écriture de Koontz et cette proximité pourtant essentielle entre le lecteur et les protagonistes.
L'aspect artificiel et froid de l'ensemble empêche frissons et empathie, deux éléments pourtant indispensables dans ce genre d'histoires. Quant au côté "froid" justement, ce ne sont pas les dessins qui vont arranger ça...

D'un point de vue graphique, le style est très particulier. Les illustrations ont été confiées à Brett Booth, qui visiblement est un fan du regretté Michael Turner. Spécial, m'enfin, il faut reconnaître que ce n'est pas non plus hideux. Par contre, le côté lisse rajoute encore à l'involontaire effet glacial et impersonnel, d'autant que l'impression de déjà-vu n'aide pas beaucoup l'héroïne dans sa quête désespérée de charisme. Et ne parlons même pas de son collègue à la personnalité inexistante. La colorisation, très flashy (on n'a pas pris les pires exemples pour illustrer cet article), renforce encore l'aspect irréel et n'aide pas à l'immersion ni à l'ambiance glauque recherchée.

Tout cela donne un résultat franchement moyen. Le Koontz sur la cover est alléchant mais l'on est loin de retrouver la patte de l'auteur derrière ce comic fade et sans âme.
On peut néanmoins se consoler avec le prix, modique, et des bonus comprenant une galerie de crayonnés et un petit épisode supplémentaire de onze planches. Reste à savoir si des pages en plus sont un réel bonus lorsqu'elles sont aussi pauvres.

Du Koontz expurgé de ce qui fait l'essentiel de son intérêt. Un comic qui n'a de fantastique que le genre.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Du gore "soft", aseptisé par le style graphique (je ne suis même pas sûr que ce soit un point positif).
  • Un classique revisité par Koontz.


  • Une colorisation manquant de nuances et de subtilité.
  • Des personnages sans véritable épaisseur.
  • Un aspect global assez fade. 
Rewind : Joey
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Il y a deux façons d'aborder Joey, la chanson de Concrete Blonde.
Ne vous inquiétez pas, on va voir les deux.

En 1990, l'album Bloodletting (Saignée) de Concrete Blonde fait un carton partout sur la planète. Enfin, partout où les gens sont civilisés et occupés à se bourrer le bide de donuts et les oreilles de pop rock. Partout ? Non, il existe quelques contrées qui ne sont pas versées dans le rock alternatif et sombre de la formation de Johnette Napolitano. Mais quand même, c'est dur de ne pas connaître au moins Joey, le gros hit du groupe.

La première fois qu'on l'entend, impossible de ne pas être marqué par la voix de la frontwoman. Elle passe d'un truc hyper bas, où elle en est presque à susurrer, à une envolée plus musclée mais totalement maîtrisée et lyrique. C'est propre, mélodiquement parfait, ça tape droit dans le bide.
Les paroles ? 
Oh, rien d'extraordinaire, c'est une gonzesse qui écrit, donc c'est forcément nunuche. Elle a un chagrin d'amour, son mec lui manque, elle pleurniche pour qu'il revienne.
Ça, c'est la première façon d'aborder Joey. Et la plus superficielle.

Mais Johnette Napolitano, ce n'est pas la première pétasse venue, qui montre son cul sur TikTok ou devient chroniqueuse chez Hanouna. Elle est née en 1957, en Californie, dans une famille italo-américaine. Enfant, elle pouvait reproduire des mélodies au piano, comme ça, l'air de rien. Douée la gamine. Elle va faire partie de plusieurs groupes, elle va fonder Concrete Blonde, et elle va interpréter et écrire Joey, qui deviendra un tube mondial.
Ce titre est issu d'un album inspirée des écrits d'Anne Rice (beurk) mais que Nap's (je l'appelle comme ça, j'adore Johnette, mais ce prénom, c'est pas possible, donc à partir de maintenant, c'est Nap's) parvient à magnifier et s'approprier. 

Et, dans cet album, qui compte par exemple un excellent et envoûtant Darkening of the Light (si vous ne connaissez pas ce titre, accordez ce plaisir à vos oreilles, au moins une fois), il y a aussi… Joey. Une "love song" de plus, a priori sans âme. Sauf que…
Dans cette chanson, Nap's fait référence à son ex-petit ami. Un gazier du nom de Marc Moreland, guitariste de Wall of Voodoo. Et accessoirement alcoolique. 
Du coup, quand on relit les paroles de Joey, tout prend du sens et se pare de tragédie : 

I just stand by and let you
Fight your secret war
Elle évoque ici une guerre intérieure, secrète,  qui est en fait une guerre contre la bouteille.


But if it's love you're looking for
Then I can give a little more
And if you're somewhere drunk and
Passed out on the floor
Là, Nap's crie qu'elle peut lui donner encore plus d'amour, elle a compris qu'il était malade et que, même à terre, même ivre, elle voulait, elle pouvait l'aimer.

Oh Joey, I'm not angry anymore
C'est la phrase clé de la chanson. Le premier refrain se termine par "if you're hurting so am I" (si tu es blessé, je le suis aussi) et les derniers par "je ne suis plus en colère".
Là, on comprend qu'il ne s'agit pas d'une chanson d'amour comme les autres, que c'est bien plus que ça. Nap's avoue, crie même, à Joey/Marc qu'elle est là, qu'il peut compter sur elle, où qu'il soit, qu'elle ne veut pas fermer la porte, qu'elle peut donner un peu plus… parce qu'elle n'est plus en colère. Et donc, par une litote évidente, parce qu'elle l'aime. 

Marc Moreland a été rattrapé par ses démons en 2002.
Johnette Napolitano a, aujourd'hui, 65 ans.
Enfin, elle a 65 ans pour ses proches et les inconnus qui la croisent.
Les fans de Concrete Blonde et les amoureux de Nap's savent qu'elle aura à jamais la trentaine. Elle se trémousse dans une robe à fleurs, digne, vêtue d'un manteau noir, coiffée d'un chapeau de la même couleur. Et elle nous plante ses lyrics dans le cœur, de sa voix unique et magique. En essayant de sauver la vie de son ex… et, cerise sur la chanson, si l'on ne connaît pas l'histoire, impossible de se rendre compte qu'il s'agit d'une tragédie. Surtout avec le dernier "angry anymore", léger et serein, doux et rassurant. Ce faisant, en tant qu'auteur et interprète, Nap's s'inscrit au Panthéon des grands auteurs, en tout cas dans la lignée des auteurs respectables, qui savent exprimer beaucoup tout en ayant la décence de masquer et magnifier la réalité. 

Reste un truc à éclaircir... j'ai déjà vu Nap's chanter cette chanson, en live, avec le sourire aux lèvres. Au début, je me suis dit "merde", elle débloque, mais en fait... non. Une œuvre reste rarement statique. Et, quand Nap's interprète aujourd'hui ce titre, elle doit aussi faire avec les fans, l'engouement, l'incompréhension, la nostalgie, etc. Alors, oui, elle sourit, et ça me dérange, parce que je sais ce que les paroles cachent, mais en même temps, c'est son histoire, son parcours, sa manière de faire. 
Tout comme elle était la seule, à une époque, à comprendre le poids de certains mots, elle est la seule à juger de leur interprétation. Et quand bien même elle se tromperait, il reste tout de même ces notes, ce moment hors du temps, ce trouble, qui inscrit cette chanson dans notre mémoire, si ce n'est dans l'inconscient collectif. 



Femmes dans la fiction : propagande et réalité
Par
— Tiens, je me demandais, Druuna, c'est bon ou pas pour l'image de la femme, à ton avis ?
— Ben, je sais que, perso, cette BD a toujours contribué à attiser mon intérêt envers la gent féminine en tout cas.



Bon, OK c’est juste la page Panini, tenue par un demeuré, mais quand même, ce ne sont pas les seuls à sortir ce genre de… « pubs » ? Conneries ? Du coup, il ne me semble pas inutile de revenir sur le sujet.

Tout d’abord, comme c’est précisé dans le post, Marvel met en scène depuis très longtemps des héroïnes. Ça n’a rien d’extraordinaire. C’est normal en fait. Ce qui est anormal, c’est de se sentir obligé de le faire.

Quant à cette « journée internationale des droits de la femme », elle serait certainement très utile là où elle n’est pas célébrée, c’est-à-dire dans un paquet de pays arriérés, mais en Occident, l’égalité en droit entre hommes et femmes, c’est pareil, ça fait longtemps que c’est un fait. Faire croire le contraire, c’est une escroquerie intellectuelle.

Alors, il y a le fameux argument bateau « ouais mais les femmes sont moins payées à poste égal que les hommes ». Ça aussi, c’est une arnaque. Une preuve ? Ben, il y a des hommes moins payés que d’autres hommes, à poste égal. Oh, ben ça alors, comment ça se fait ? Ce n’est pas basé sur le sexisme alors ?
Ben non. Parce qu’en fait, ton salaire n’est pas uniquement lié à ton poste, mais à ton ancienneté, à l’endroit où tu vis (tu n’es pas payé pareil à Paris et à Épinal), à ton assiduité, au fait de simplement demander des augmentations, etc.

Vous croyez vraiment qu’en 2023, en France, quand une entreprise recrute deux nouveaux collaborateurs, elle accorde une prime au candidat masculin sous prétexte qu’il a une bite ? Allons… un peu de sérieux.

Ce qui me gêne le plus dans cette manière de mettre des livres en avant, c’est que l’on ne s’occupe plus de leur qualité, mais uniquement de ce qu’ils sont censés symboliser. 
Personnellement, quand je lis un roman, je me fous parfaitement que le personnage principal soit un homme, une femme, un extraterrestre, un vampire ou un animal. Ce qui m’importe, c’est la qualité de l’écriture. Je veux être touché, transporté, diverti, étonné, bousculé. 

Une œuvre littéraire, que ce soit un roman ou une BD, ce n’est pas un tract, une affiche ou un support à slogan creux. Si un auteur a un message à faire passer (autre chose qu’une simple évidence), libre à lui de le faire, mais encore faut-il avoir les capacités de le transmettre avec efficacité et élégance.

Dire « mon personnage est une femme », ça ne défend en rien l’image de la femme.
C’est un pis-aller de fainéant ou d’incapable. 
Pire, c’est dangereux.

Les gens comme les personnages ne doivent pas être jugés sur ce qu’ils sont, mais sur ce qu’ils font.
La respectabilité, ça s’acquiert par les actes.
Personne n’est responsable de son sexe, sa couleur de peau ou ses origines, mais tout le monde est responsable de ses agissements. C’est donc cela, et cela uniquement, qu’il convient de  juger.

Et si vous faites partie de ces gens qui pensent que les auteurs ont attendu les féministes pour créer des personnages féminins forts et charismatiques, alors vous êtes sans doute passé à côté de Buffy, Fantômette, Lisbeth Salander, Wonder Woman, Lara Croft, Mafalda, Jo March, Yoko Tsuno, Hermione Granger, Miss Marple, Arya Stark, Candy, Scarlett O’Hara, Bridget Jones, Clarice Starling, Kerry Chang, Claude du Club des Cinq, Harriet « Makepeace » Winfield, Ellen Ripley… et bien d’autres. Tant d’autres qu’au final, ce n’est peut-être pas un hasard si vous ne les avez pas vues. Mais peut-être juste une preuve d’une sélectivité coupable. 

Imposer des contraintes sociétales – fluctuantes et discutables par nature  aux auteurs, c’est se condamner à tyranniser le seul espace où l’on devrait être parfaitement libre. C’est aboutir à une littérature sous diktat. C’est valider les autodafés qui vident les rayons des bibliothèques en Amérique du Nord. C’est accepter l’écriture sous tutelle (cf. les « experts » littéraires improvisés qui distribuent des bons points ou « cancelent » les auteurs). C’est remplacer la souplesse de l’encre par la raideur des barreaux.

Nos livres ne sont pas le terrain de vos combats.
Une histoire, pour être génératrice d’émotion, pour qu’elle ait du sens, pour qu’elle puisse transcender son sujet, doit être impactée, signée, modelée par son auteur. Et son auteur seul.
Et si elle vous choque… tant mieux. Qui a dit que l’on devait vous protéger de l’imaginaire ?