Civil War II en Marvel Deluxe
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Il y a un mois à peine sortait en Marvel Deluxe la saga Civil War II. Tout de suite, le point sur l'ouvrage et un petit bilan de l'event.

Nous avions évoqué Civil War II en début d'année (cf. cet article), sans cacher que la thématique, très largement inspirée de la nouvelle de Philip K. Dick, The Minority Report, possédait un énorme potentiel. En effet, l'intrigue est basée sur la possibilité pour Ulysse, jeune Inhumain, de prédire l'avenir. Un don que Carol Danvers, alias Captain Marvel, s'empresse d'exploiter pour contrer diverses menaces.
Malheureusement, une intervention se passe mal et James Rhodes reste sur le carreau alors que Jennifer Walters (She-Hulk) est, elle, dans un état critique. Bientôt, Tony Stark s'oppose ouvertement à Danvers. Celui-ci a en effet des doutes sur le bien-fondé des prévisions d'Ulysse. La tension monte alors que les visions de l'Inhumain sont de plus en plus terrifiantes...

Voilà donc le sujet central du récit, posant un épineux dilemme moral : peut-on changer le futur en arrêtant un criminel avant qu'il ne commette un crime ou doit-on au contraire préserver ce même futur en considérant que nul ne peut être accusé de ce qu'il n'a pas encore fait, au risque de condamner des innocents ?
Tout comme pour la première saga Civil War, il y a déjà dix ans, il n'y a donc pas a priori de "mauvais" camp, chacun étant persuadé d'agir pour le mieux. Cela renvoie d'ailleurs au problème bien réel du profilage de terroristes qui, pour être efficace et permettre d'épargner des vies, demande d'agir avant que les faits ne se produisent.


Brian Michael Bendis, aux commandes du scénario de la série principale, livre un récit certes intéressant mais n'exploitant finalement que peu les énormes possibilités que la thématique offrait. Tout comme pour Millar lors du premier opus de Civil War, l'on a un peu l'impression que l'auteur prend trop parti, qu'il fait agir ses personnages (surtout en l'occurrence Carol Danvers) avec trop peu de discernement pour donner une chance égale à chaque camp dans l'esprit du lecteur. Dommage car c'est pourtant ce qui permettrait de donner toute sa dimension dramatique à l'affrontement : dresser un portrait positif de chaque clan en montrant leur logique. L'accent n'est pas assez mis sur les possibles vies sauvées et, tout comme Stark il y a dix ans, qui était parti dans un trip répressif assez extrême [1], Danvers semble perdre toute mesure et a la menace bien trop facile.
Finalement, l'aspect philosophique finit par se perdre un peu au fil des épisodes pour laisser la place à des affrontements plus ou moins spectaculaires et à un jeu d'alliances qui vacillent ou se forment.

Notons que Bendis s'en sort tout de même très bien, notamment grâce à des dialogues enlevés et bourrés d'humour et de second degré (parfois avec quelques références qui échapperont peut-être au novice). On passera sur l'étrange choix, à l'ancienne, de masquer les jurons dans la VF [2].
Outre le prologue, l'épisode du Free Comic Book Day et les huit chapitres de la saga titre, l'on trouve encore dans ce Deluxe The Fallen et The Accused, deux one-shots centrés sur l'une des victimes du récit et son assassin. Le choix de ces deux comics est judicieux (même Panini ne peut pas tout le temps taper à côté, ne serait-ce que pour des raisons statistiques) puisqu'il permet d'apporter à la fois de grands moments d'émotion (avec la réaction des proches de la victime) et une véritable réflexion, avec le procès du meurtrier (lui-même loin de tout manichéisme).



Tony Stark et Peter Parker, sous la plume de Brian Michael Bendis.

— Imaginons que ce type vienne nous voir en courant en criant : « Oh mon dieu, je viens d’avoir une vision de Hulk couchant avec Ultron… et un bébé naissait… et le bébé était la réincarnation d’Hitler. »
— Je paierais pour voir ce film.
— Tu m’étonnes. Mais est-ce qu’on arrête Hulk avant que ça n’arrive ? Est-ce qu’on l’enferme avant qu’il ne fasse quelque chose qu’on n’apprécie pas ?



Le final laisse toutefois le lecteur sur sa faim, avec un statu quo un peu fade en comparaison du drame principal qui intervenait bien plus tôt dans le récit.
Graphiquement, c'est par contre un sans faute, David Marquez livrant de belles planches, certaines étant même très impressionnantes (surtout en ce qui concerne les visions apocalyptiques) et méritant bien l'appellation de splash pages. L'on retrouve également avec plaisir d'autres artistes bien connus, comme Mark Bagley ou Olivier Coipel.
Niveau bonus, rien à part des covers, dont certaines sont franchement trop petites pour être appréciées (quatre sur une même page, avec de larges marges en plus). La traduction de Jérémy Manesse est de bonne qualité, par contre, l'on regrette, comme toujours avec les vendeurs d'autocollants, qu'il n'y ait aucune présentation des personnages pour faciliter la compréhension des nouveaux lecteurs, l'introduction de l'ouvrage étant bien trop insuffisante et généraliste pour expliquer le contexte complexe dans lequel l'histoire se déroule.

Une saga agréable à suivre mais qui n'exploite qu'imparfaitement sa thématique.
Plutôt bon tout de même dans l'ensemble.   



[1] Avec des arrestations massives et la construction d'une prison dans la zone négative, ce qui donnait à Stark et ses alliés l'apparence de fanatiques alors qu'ils étaient les seuls à respecter la loi mais aussi la volonté du peuple, voire le simple bon sens.
[2] L'on avait déjà abordé le sujet (dans cet article par exemple), mais l'on se demande toujours si Panini pense vraiment s'adresser à des enfants (il existe des gammes de comics pour les plus jeunes, celle-ci est plutôt axée ados et adultes). Et même dans ce cas, en est-on encore à protéger les "chastes" oreilles/yeux des quelques "merde" ou "putain", justifiés par les scènes ? Surtout à l'époque du net (voire d'un certain sous-rap), ces prudes @*!% sont parfaitement ridicules et bien en deçà de ce que l'on entend dans une simple cour d'école. Certains feraient mieux de faire gaffe à la concordance des temps plutôt que de nous servir un hypocrite politiquement correct qui n'a rien à faire dans l'édition.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une thématique passionnante.
  • De superbes planches.
  • L'humour et les dialogues à la Bendis.
  • Le choix des deux épisodes supplémentaires.

  • La thématique sous-exploitée en raison d'un trop grand parti pris.
  • Aucun effort rédactionnel de l'éditeur français, pour le prix (30€), ça fait clairement mal au cul.
Bonnes Fêtes !
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Toute la rédaction UMAC se joint à Virgul (sur son 31 pour l'occasion) pour vous souhaitez de bonnes et heureuses fêtes de Noël et, un peu en avance, une année 2018 pleine d'excellentes lectures et de moments magiques !




Test de la Classic Mini SNES de Nintendo
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Bien avant que le retrogaming devienne une mode, la Super Nintendo avait déjà la réputation d’une console incontournable. Valeureuse 16 bits au catalogue impressionnant, elle a laissé d’impérissables souvenirs dans l’esprit des joueurs du début des années 90, alors que la guerre vidéoludique faisait rage entre Sega et Nintendo.
De jolis classiques...
Avec cet émulateur officiel (possédant des qualités et de vrais gros défauts), Nintendo s’adresse aux gamers vétérans mais aussi aux plus jeunes, curieux de découvrir des titres historiques, pour certains encore capables d’offrir de belles heures de jeu.
Tout de suite, nous plongeons au cœur de la Nintendo Classic Mini : Super NES.

Si l’émulateur précédent, consacré à la NES, a connu un certain succès, il faut reconnaître que son intérêt était plus historique que ludique, les jeux 8 bits se révélant certes amusants à redécouvrir mais pour beaucoup trop peu évolués pour susciter un engouement réel de nos jours.
Ce n’est pas le cas de la Super Nintendo qui conserve dans sa ludothèque des jeux 2D au charme certain et à la jouabilité exemplaire. Mais commençons par le contenu de la boîte. Enfin, non, commençons par la manière de se procurer la susdite boîte… car bien que la mini SNES soit sortie il y a peu de temps, elle s’est retrouvée presque instantanément en rupture de stock, à la grande joie des spéculateurs qui tentent de vous refourguer le bestiau à des prix tout bonnement ridicules. Bref, si vous souhaitez acquérir l’engin en neuf, il vous faudra patienter jusqu’à… l’été 2018. Argh.

Revenons-en au contenu. L’on découvre une très jolie mini-console, ressemblant à l’originale, et deux manettes. Plutôt sympa d’avoir pensé à cette deuxième manette, d’autant que, vous allez voir, c’est bien la seule chose sur laquelle Nintendo s’est montré généreux.
Niveau connectique, on trouve un câble HDMI, un cable d'alimentation USB et… pas d’adaptateur secteur. En gros, démerdez-vous. Bien entendu, tout le monde possède ou presque un chargeur USB de nos jours, m’enfin, sur le principe, le fait de vendre un truc incomplet, qui ne peut pas s’utiliser sans du matériel additionnel, c’est tout de même mesquin.

Une interface simple et pratique.

Une fois cette légère déception encaissée (de bien plus grosses nous attendent), l’on passe au branchement et à l’interface. Menu simple et pratique, diverses options visuelles (4:3, format d’origine ou filtre cathodique [1]), quatre emplacements de sauvegarde par jeu, quelques cadres pour remplir les bords vides de chaque côté de l’écran, bref, du fonctionnel, clair et efficace.

Une 3D pas franchement sexy.
La déception majeure vient du nombre de jeux, à peine 21 (alors que la NES en proposait 30 [2] et que l’émulateur Megadrive en contient 85 par exemple, même si ce ne sont pas tous des jeux 16 bits). Evidemment la sélection comporte d’énormes poids lourds, de Donkey Kong Country à The Legend of Zelda : A Link to the Past, en passant par Yoshi’s Island ou Mega Man X, mais difficile de se contenter d’aussi peu alors que l’intérêt de cet émulateur est de fournir une immersion dans le passé avec des jeux anciens et déjà largement rentabilisés. Surtout que la console n’offre aucune possibilité d’évolution : pas de port cartouche ou USB pour rajouter des jeux.

Et ce n’est pas tout. Certains choix s’avèrent pour le moins surprenants. Plutôt que Street Fighter II turbo, pourquoi ne pas avoir opté pour Super Street Fighter II, qui proposait plus de protagonistes ? D’autres jeux, comme Star Fox (et d’ailleurs sa suite inédite Star Fox 2), sont tout simplement hideux. La 3D de l’époque étant bien trop dépassée et limitée pour offrir une expérience ludique agréable, il aurait mieux valu privilégier les (nombreux et élégants) jeux 2D que contient le catalogue de la SNES.
Autre souci, tous les jeux sont des versions anglaises. Cela ne pose bien entendu aucun problème pour un Mario Kart ou un Super Mario World, mais vu le nombre de RPG (très bavards) présents, cela va sérieusement limiter les possibilités des plus jeunes et des adultes qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare. Bon, ça s’explique : apparemment, il fallait choisir entre des versions US à 60hz et des Fr à 50hz. Privilégier la rapidité n’est pas un choix stupide, mais il aurait alors fallu penser à limiter les jeux basés sur les dialogues et les pavés de texte.

Contra III : The Aliens Wars ou encore Super Ghouls 'n Ghosts font partie de la sélection.

Outre ces gros défauts, il y en a aussi de plus anecdotiques. Les câbles des manettes, un peu court avec leur 1,5m. Le système d’accès au menu principal, demandant de passer par le bouton reset de la console (ce qui est ultra casse-couille n’est pas pratique, surtout au début lorsque l’on veut tester un peu tous les jeux). Il est quand même loin le temps où Nintendo bâtissait sa réputation sur sa rigueur et les qualités de ses finitions.
Beaux souvenirs et graphismes mignons.
Dans les points positifs, l’on peut citer une fonction replay permettant de revenir jusqu’à 45 secondes en arrière, ce qui apporte un certain confort si l’on est un peu rouillé. Il y a aussi les manettes, toujours aussi ergonomiques, mais difficile de compter comme point positif le simple fait que Nintendo soit capable d’imiter les manettes que la société produisait il y a 25 ans (c’est quand même pas devenu une entreprise française non plus, ils ne sont pas à la ramasse à ce point-là).
Certains critiquent également la qualité du plastique, franchement, c’est du pinaillage. Outre le fait que l’on s’en tape royalement, la mini SNES possède suffisamment de défauts pour qu’on n’aille pas lui en inventer.

Eh bien, au final, que penser de cet émulateur ?
Il y a deux manières d’aborder les choses. Soit l’on en reste à la version officielle, donc aux 21 jeux d’origine, et on se dit que c’est quand même pas des masses. Soit on passe par le bidouillage. Et honnêtement, en proposant une console « fermée », sans possibilité de rajouts, avec une line-up si restreinte, c’est comme si Nintendo avait foutu un autocollant « crackez-moi ! » sur le capot.
Ça n’a d’ailleurs pas traîné, le net regorgeant déjà de tutoriels pour expliquer comment procéder. Donc là, deux solutions. Soit on se retrousse les manches, on télécharge le logiciel adéquat (Hakchi2), et on fait tout soi-même (ce qui est quand même un comble pour un produit censé être plug & play), soit on trouve une console d’occase déjà blindée de jeux. Si vous optez pour cette solution, attention, ne vous faites pas avoir, il est possible de trouver des consoles à 100 euros, port compris, avec 200 jeux [3]. Vingt euros de plus par rapport au prix du neuf (introuvable) pour 180 jeux supplémentaires, ça semble tout de même très raisonnable. Par contre certains vendeurs se lâchant bien plus, il faudra parfois patienter un peu plutôt que de participer à un emballement des prix.

Pour un produit Nintendo, cette mini SNES trimballe tout de même un bon gros lot de défauts : pas d'adaptateur secteur, système d’accès au menu mal pensé [4], fils des manettes trop courts, versions anglaises uniquement et, surtout, seulement 21 jeux et aucune possibilité « officielle » pour augmenter la liste.
Cela rend l’expérience nostalgique assez frustrante (et finalement onéreuse), sauf si l’on opte pour le système D, transformant alors le petit émulateur radin en ludothèque de rêve.
À vous de voir…  

Des hits, mais trop peu de jeux au final pour un produit de ce type.



[1] Ce filtre est clairement la meilleure option et permet d'améliorer un peu le rendu graphique.
[2] À ce rythme-là, Nintendo va sortir la mini N64 (prévue pour fin 2018) avec seulement dix jeux… et pour la mini GameCube, ils nous revendront les jeux à part, comme si elle venait de sortir.
[3] Cela dépend des préférences et souvenirs de chacun, mais dans le lot des jeux que l’on se fait une joie de récupérer de cette manière, l’on peut citer Super Mario All-Stars, dont l'absence est incompréhensible et ne peut être imputé à un problème de droits, The Adventures of Batman and Robin, Donald in Maui MallardAxelay, Zombies ate my Neighbors, Pilotwings, Super R-Type ou encore International Superstar Soccer Deluxe qui présente, dans la catégorie sport, un défi tactique bien plus intéressant que le Super Punch Out!! choisi par Nintendo. 
[4] Par contre, sur une version crackée, il suffit de faire "select + bas" pour accéder au menu principal à partir de la manette... une astuce bien pratique mais que le géant nippon a négligée grâce à sa nouvelle politique du "on s'en branle tant que les connards achètent". 



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une mini SNES !!
  • Des jeux de qualité, pour certains encore tout à fait jouables de nos jours.
  • Présence d'une deuxième manette.
  • La fonction replay.
  • Le nombre d'emplacements de sauvegarde.
  • L'interface (avec jaquettes).

  • Le faible nombre de jeux présents.
  • Aucun moyen prévu à l'origine pour étoffer le catalogue.
  • Adaptateur secteur non fourni.
  • Câbles des manettes trop courts.
  • RPG en versions anglaises.
  • Système de retour au menu principal peu pratique.
  • Manque de pertinence dans le choix de certains jeux. 
UMAC's Digest #45
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Les sélections UMAC dans l'actu de la pop culture



-- THE LAST JEDI (sans spoilers) --

Après un épisode VII raté (et décevant), que vaut la huitième salve de Star Wars sous l'égide de Rian Johnson, réalisateur du très bon Looper et d'excellents épisodes de Breaking Bad ?
Clairement, Les Derniers Jedi s'avère être aussi divertissant que… clivant. En effet, le metteur en scène, auteur également du scénario, semble balayer ce qu'avait mis en place J.J. Abrams dans l'épisode précédent mais aussi - et surtout - une certaine idée de la "mythologie" Jedi. Cette désacralisation va clairement déstabiliser un paquet de fans. Du reste, on retrouve la jeune Rey en pseudo formation Jedi chez Luke (épatant Mark Hamill), isolé et reclus, tandis que la Résistance, en petit comité, fuit le terrible Premier Ordre. En découle un surplace narratif et temporel assez pénible, des séquences interminables (le film dure 2h30 !), parfois totalement inutiles (tout l'arc avec Finn et Rose) ou peu cohérentes.
Le cruel manque de fond géopolitique génère une première partie hyper convenue et poussive (à l'exception notable de la superbe scène d'introduction). Un humour trop prononcé et "marvelien" ainsi que des loupés épiques (qu'on ne spoilera pas) constituent d'autres points négatifs de l'œuvre. MAIS… Rian Johnson ose et s'aventure loin de certains sentiers battus et délivre des morceaux d'histoire originaux, il prend des risques et propose quelques surprises (et réponses) bienvenues. Techniquement irréprochable et esthétiquement époustouflant, Les Derniers Jedi comporte son lot de plans iconiques et de scènes épiques. Les 45 dernières minutes sont magistrales.
Un huitième épisode qui innove, bouscule et déçoit/surprend par ses choix. On le conseille pour cette audace et le spectacle visuel proposé.
#blockbuster





-- BATMAN NIPPON --

Ceux qui suivent la page facebook UMAC ont pu voir il y a quelque temps cette bande-annonce que nous avions relayée. Il s'agit de Batman Ninja, un dessin animé mettant en scène le Dark Knight dans un Japon médiéval.
L'on sait d'ores et déjà qu'il s'agit bien du Batman classique, expédié dans le passé, donc aucunement une réinvention de sa mythologie. En ce qui concerne les adversaires, outre le traditionnel Joker, seraient présents le Pingouin, Harley Quinn ou encore Double-Face. Batman pourra compter, lui, sur l'appui de Robin, Catwoman et Nightwing.
Warner Bros. Japan annonce la série pour 2018. Au vu des premières images, animation et character design semblent soignés et devraient emballer les amateurs de combats au katana. En ce qui concerne les fans du justicier de Gotham, ça reste à voir... 
#MartyMcFlycagoulé






-- GOODIES POUR RUPINS --

Vous venez de gagner au loto ou bien vous avez une vieille tante richissime qui est particulièrement généreuse à Noël, allez donc faire un tour sur le site de Hollywood Collectible où même un vague support pour poser un flingue coûte la peau du cul.
Bon, pour être honnête, c'est très joli, les répliques sont magnifiques, les statues aussi, mais les prix sont véritablement ahurissants (et la vaseline n'est même pas fournie avec votre achat). Allez, juste quelques exemples pour rire, le blaster de Blade Runner 2049 à 900 $ (avec le support en sus, à 70 ou 80 $, suivant que vous le preniez en plastoc ou en bois), ou encore un Rocky Balboa (certes d'une cinquantaine de centimètres) à 400 $. Si vous êtes plus Batman, vous avez un joli masque sur son support, à 600 $. Pour les fans d'Aliens, un bon vieux M56 vous tend les bras pour 1200 $. Ou encore les gants d'Edward aux mains d'argent, pour à peine 800 $. Bref, c'est donné, à ce prix-là, ce serait dommage de s'en priver. Argh...
#AspirateuràPognon







-- TERREUR FROIDE --

The Terror, la nouvelle série d'AMC, basée sur le roman éponyme de Dan Simmons (cf. dans un autre registre sa trilogie d'Elm Haven), sortira sur les écrans en mars 2018 (le 26 exactement).
Ce thriller horrifique, qui met en scène une véritable expédition arctique britannique, qui a eu lieu au milieu du XIXe siècle, est produit par Ridley Scott. Si les bases sont historiques, l'on basculera rapidement dans le fantastique et l'épouvante avec une menace étrange et sanguinaire qui rôde sur la glace...
Un petit trailer pour se faire une (vague) idée.
#bestiolepolaire








-- SÉQUESTRATION SOPORIFIQUE --

Parmi les auteurs de thriller qui connaissent un certain succès actuellement figure Hans Koppel, alias Petter Lidbeck. Châtiments, réédité l'année dernière en poche, semblait être une bonne manière d'aborder ce romancier suédois. Malheureusement, malgré un début intrigant et un pitch qui se voudrait sulfureux, l'histoire tombe vite dans le fade et l'invraisemblable. Alors qu'Ylva est enlevée de manière rocambolesque par un couple cherchant à se venger d'un passé dont on ne sait rien, son mari, mou et pleurnichard, tente de convaincre les autorités qu'il n'est pour rien dans la disparition de la jeune femme.
Le thème de la séquestration, décidément à la mode (cf. Captifs dans le Digest #19), est ici survolé avec maladresse et une touche de voyeurisme érotique. Les situations, lorsqu'elles ne sombrent pas dans le cliché, frôlent parfois l'absurde. Quant aux personnages, ils sont aussi développés que le QI d'un présentateur télé. Restait le cadre, la Suède, sur lequel on comptait pour être au moins dépaysé, malheureusement, le récit pourrait se dérouler n'importe où ailleurs tant le décor importe peu. Pire, les seules touches "d'exotisme" viennent de noms certainement connus en Suède mais incompréhensibles la plupart du temps pour un lecteur gaulois. Ainsi, l'on ne sait jamais si l'auteur évoque une rue, une place, une galerie marchande ou un fleuve. Quelques notes de bas de page de la part de l'éditeur français n'auraient pas été superflues. Encore que... vu l'intérêt du truc. Ouais, on s'en fout en fait.   
#cale-meuble 








-- LES DÉCASTÉS D'ORION --

Sur une planète de la constellation d'Orion, les Hommes ont oublié leurs origines terrestres. Ils ont développé un système de castes rigide que Kohlen, un guerrier, se voit obligé de quitter après être tombé dans un piège. Le voilà seul, décasté, portant désormais la croix des parias. Il va cependant faire une rencontre qui pourrait bien bouleverser son destin, et pas seulement le sien : une femme disant venir d'une lointaine planète et possédant un incroyable véhicule volant...
Ce court récit de science-fiction, en deux volumes, est scénarisé par Corbeyran et dessiné par Jorge Miguel. Il s'agit de l'adaptation d'une histoire de l'écrivain (non, on ne dit pas "écrivaine" ou "auteure", allez vous faire mettre !) Julia Verlanger.
Un coffret réunissant les deux tomes est disponible chez Les Humanoïdes Associés. L'ensemble est gentiment sexy, superbement colorisé et plutôt prenant, le tout dans des décors très réussis.
Un beau conte SF/fantasy. 
#mondelointain



Avant-Première : Bustes Star Wars Altaya
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Le père Noël est passé avec un peu d'avance à la rédaction et nous a laissé de jolis bustes Star Wars.

Après les bustes Marvel, dont nous vous avions déjà parlé, Altaya lance cette fois une collection de bustes Star Wars. Nous avons reçu les trois premiers que nous vous présentons ici : Dark Vador, un Stormtrooper et Boba Fett.
Les personnages sont en résine, peints à la main, et font de 10 à 12 cm de hauteur environ, pour une envergure pouvant aller jusqu'à une bonne quinzaine de centimètres. Les finitions sont de bonne qualité, c'est particulièrement visible sur Boba Fett notamment, avec des impacts, usures et autres traces de combat sur la tenue.

Comme toujours avec ce genre de collection, l'abonnement (sur ce site) vous permettra d'obtenir quelques cadeaux : des posters, un chargeur Han Solo (possédant deux ports USB), le numéro #3 gratuit, un t-shirt, un mug, et même deux bustes supplémentaires (Légion 501 et Soldat Clone d'Utapau) si vous vous abonnez avant le 10 janvier. L'option de prélèvement automatique vous donne, quant à elle, droit à trois autres bustes bonus : Yoda, un Ewok et un Jawa.
Enfin, avec l'offre premium (qui vous coûtera 60 centimes de plus par numéro), vous aurez accès aux cinq bustes des musiciens de la cantina de Mos Eisley.

La collection comprendra 60 numéros, au prix de 17,99 euros chacun, sauf pour les deux premiers, moins chers (ce à quoi il faudra ajouter 75 centimes de frais de port). De quoi avoir un large panel de Jedi, Sith, princesses, drones, mercenaires, contrebandiers, soldats impériaux et autres extraterrestres.
Chaque buste, numéroté, est accompagné d'un fascicule abondamment illustré. Celui-ci contient un topo sur chaque personnage (ou race, type de soldat, etc.) concerné, avec ses caractéristiques et origines, les détails de son armure de combat, ses armes, son évolution et diverses informations sur la création des différents protagonistes (par exemple, les premières esquisses de Boba Fett ou encore sa première apparition sur le petit écran, dans un dessin animé).

Tout cela est donc assez complet et soigné. Il ne reste plus, si vous êtes tenté, qu'à trouver une place de choix pour loger toute la troupe ! 
Sortie en kiosque prévue pour le 27 décembre 2017.





Extrait du fascicule #2.

Extrait du fascicule #3.

Alan Turing ou l'énigme de la pensée
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Il y a parfois des films sur lesquels l'on ne s'attarde pas, parce que l'on n'a pas accroché à l'époque sur le pitch. Et puis, un soir, par hasard, on tombe dessus. Et c'est alors une incroyable découverte, drôle, bouleversante, enivrante, tragique. Et à travers Imitation Game, ce n'est pas seulement la guerre, les mathématiques, la logique, la philosophie et l'Histoire que nous abordons, mais aussi l'Homme, parfois seul, perdu, encagé par sa différence. C'est quand même pas mal pour un film d'environ deux heures.

Imitation Game, de Morten Tyldum, est un long-métrage contant l'histoire d'Alan Turing, mathématicien et cryptologue de génie, à travers la quête qui l'a rendu célèbre bien après sa mort : le décryptage d'Enigma, la machine qui servait à coder les transmissions militaires du IIIe Reich. Sur le coup, ça peut sembler un peu ardu, voire chiant, mais en réalité, peu importe l'intrigue, c'est la manière dont on la met en scène qui fait tout l'intérêt (ou pas) du récit.
Et dans ce cas, c'est magnifiquement fait.

Il faut mettre tout d'abord en avant l'interprétation, fantastique, de Benedict Cumberbatch (surtout, voyez ce film en VO ! ne vous imposez pas une barrière inutile entre ce putain d'acteur et vos sens). Le rôle n'est pas évident, loin de là, mais le comédien britannique parvient à lui donner une véritable épaisseur et des tas de nuances. En gros... imaginez une sorte de Sheldon Cooper tragique. Quelqu'un dont l'intelligence le coupe déjà du monde, qui a aussi du mal à décoder les gens, les émotions courantes, et qui, en plus, sera poursuivi à cause de ses préférences sexuelles. C'est extrêmement difficile de ne pas en faire trop, de parvenir à le rendre sympathique, parfois drôle, parfois touchant. Eh bien Cumberbatch fait un carton plein. Il n'était pas le premier choix pour le rôle, mais c'est une chance que DiCaprio ait décliné l'offre tant l'interprète de Sherlock Holmes (la série TV de la BBC) livre une composition magistrale de justesse.

Évidemment, si l'interprétation est excellente, elle repose aussi sur un matériel de base fascinant, à savoir le fameux Alan Turing. Grosso modo, il est l'un des pères de l'informatique, il pose des questions essentielles et fascinantes (ce en quoi il rejoint largement le cercle des philosophes modernes) et il a donné son nom à un test qui est en soi un défi. Le test de Turing [1] consiste en fait, pour un individu, à discuter à distance avec "quelqu'un" et à déterminer s'il s'agit d'un humain ou d'un programme. Jusqu'à présent, même si des avancées ont eu lieu en la matière, il est assez aisé de mettre les bots en défaut. Si ça vous amuse, vous pouvez tester un chat avec A.L.I.C.E., Cleverbot ou encore Eliza. Et, bien qu'elles soient intéressantes, ces tentatives d'intelligence artificielle sont encore loin du but, à savoir "penser", même différemment.


Le "différemment" est ici d'une importance capitale, bien rendue dans le film qui montre à quel point Turing souffre de sa non-adaptation sociale. Celle-ci prend d'ailleurs plusieurs formes. La cruauté de ses "camarades" de classe lorsqu'il était plus jeune, l'hostilité de ses collègues ensuite, mais aussi sa condescendance, amusante, ses tentatives touchantes de se faire accepter (à l'aide de pommes distribuées et d'une blague), et sa solitude, extrême, étouffante, inacceptable.
Je ne basculerai pas dans le "spoiler" en dévoilant la fin, puisque cette fin est déjà connue et qu'elle ne gâchera en aucun cas le film, qui est un monument de délicatesse et de subtilité. Turing, homosexuel à une époque où c'est un crime en Grande-Bretagne, se voit proposer un choix épouvantable : la prison ou la castration chimique à base de prise d'œstrogènes. Il grossit, développe une poitrine féminine et tombe en dépression. À partir de là, les versions divergent...

Certains pensent qu'il a pu mourir par accident, lors de l'une de ses expériences. Pratique, non ? Le film, lui, choisit la thèse du suicide. Qui ne semble pas idiote. Après tout, vous êtes un génie, vous avez permis à votre pays de gagner la guerre, mais vous n'avez pas le droit d'aimer qui bon vous semble. Au contraire, l'on vous met devant une alternative atroce : la prison ou une chimie ignoble qui détruit non pas vos envies, mais ce que vous êtes, votre corps, votre esprit. Voilà à quoi l'a conduit la défense de ces "grandes" démocraties dont on vante tant les mérites. Car le monstre, bien entendu, c'est le vaincu. Le vainqueur, lui, est forcément bon, peu importe l'horreur de ses actes.
Le 8 juin 1954, Alan Turing est retrouvé mort chez lui. L'autopsie conclut à un suicide au cyanure.
En 2009, à l'initiative d'un informaticien, John Graham-Cumming, une pétition est envoyée au premier ministre britannique pour demander des excuses officielles du gouvernement, accusé d'avoir, par ses poursuites, précipité la mort d'Alan.
En 2013, dans ce qui reste comme l'un des actes les plus cyniques de notre temps, la reine Elisabeth II "gracie" Alan (comme s'il était coupable de quelque chose) et signe un "acte royal de clémence".

Ah ben, quand on peut faire preuve de "clémence" et que ça coûte rien, on va pas se gêner. Mec, on t'a conduit au suicide après que tu aies sauvé nos nobles culs de demeurés, mais 60 ans après, OK, on est clément, on admet que bon, même si tu aimais la bite, ça méritait pas qu'on te drogue et qu'on te pousse au désespoir.
Belle leçon de tolérance à rebours, vraiment, on se dit qu'il a bien fait de rouler pour l'Angleterre ce pauvre Alan.

À travers ce fantastique film qu'est Imitation Game, et au travers de la non moins fantastique vie que fut celle d'Alan Turing, c'est un questionnement essentiel qui se pose. Sur l'intelligence, artificielle ou non (et la plus artificielle parfois n'est pas nécessairement celle des machines), sur l'isolement et les dogmes sociaux, sur la cruauté de régimes présentés comme "bons" et... peut-être aussi sur notre époque.

Les tentatives de création de machines pensantes nous seront d'une grande aide pour découvrir comment nous pensons nous-mêmes. 
Alan Turing   

L'histoire est écrite par les vainqueurs.
Robert Brasillach 



[1] Il existe une blague "geek" assez connue qui consiste à dire à quelqu'un qu'il a échoué au test de Turing lorsqu'il profère quelque chose de stupide ou de particulièrement inadapté à une situation, sous-entendant ainsi que l'individu en question a la maladresse d'une machine. Après, bon, quand on connaît bien les humains, on se demande si échouer à ce test n'est pas plutôt une bonne chose... 

Tokyo Kaido 1 : les Enfants prodiges
Par

Le Festival d'Angoulême 2017 a remis son Prix de la Série à Minetarô Mochizuki pour Chiisakobé, son adaptation d'un roman de Yamamoto. Le mangaka était déjà connu dans l'Hexagone pour son travail sur Dragon Head qui le promettait déjà à un grand avenir avec un style singulier et son intérêt pour les altérations subjectives de la réalité. Toutefois, avant de voir de quoi retourne ce titre, il serait pertinent de se pencher sur Tokyo Kaido, une œuvre antérieure (2008) du même artiste que le remarquable éditeur Le Lézard Noir a décidé de publier cette année, avec la même application, en trois tomes luxueux.

Tokyo Kaido nous plonge dans le quotidien improbable de jeunes patients internés à la clinique Christiania, spécialisée dans les troubles du cerveau, sous la houlette de l'intriguant Docteur Tamaki, dont le look androgyne laisse rêveur. On y trouve ce jeune homme qui ne peut s'empêcher de dire ce qu'il pense, sans aucun filtre, déversant à ses interlocuteurs malchanceux sa haine pour le monde qui l'a fait ainsi (il a été victime d'un accident qui lui a laissé un fragment dans le cerveau). Tout le contraire de cette jeune femme, patiente douce et attentive, qui est la proie d'orgasmes incontrôlés et imprévisibles dont l'origine est inconnue. A leurs côtés, il y a cette petite fille qui vit dans une réalité dont les humains sont absents, s'émerveillant de tout ce qui l'entoure et incapable de communiquer avec autrui, et ce garçon seul survivant d'un drame, qui se prend pour un surhomme prêt à sauver la planète d'une invasion extraterrestre.


Aussi déroutant que fascinant, le premier tome fait partie de ces œuvres inclassables qui suscitent des sentiments contradictoires. Le style épuré mais ciselé, d'une netteté presque chirurgicale, induit pour chaque case des interprétations équivoques mêlant symbolique et onirisme. C'est incontestablement beau, par moments teinté d'une sorte d'innocence puérile, d'autres fois admirable dans sa conception graphique, sa recherche de l'épure signifiante et sa composition savante. Tout en multipliant les angles de vue, Mochizuki ne pratique pas l'ostentatoire et nous laisse le soin de voyager au-delà des cases millimétrées. D'autant que les personnages, tous plus énigmatiques et singuliers les uns que les autres (tant les patients que les praticiens de cette clinique du cerveau), interpellent automatiquement l'imaginaire du lecteur qui parviendra pourtant difficilement à s'identifier, cherchant constamment à anticiper sur des caractères et des situations qui finissent immanquablement par lui échapper. Rien n'est figé, rien n'est certain dans ce récit particulier, parfois sobrement angoissant, parfois délicatement émouvant comme dans la partie "livre dans le livre" où l'on explore le manga - intitulé "Tokyo Kaido" ! -  que Hashi, le garçon mal dans sa peau, est en train de créer en y injectant toute sa frustration et sa douleur.

Pour ce premier tome sous-titré les Enfants prodiges, on pense parfois à Twin Peaks, parfois aux X-Files (le lecteur attentif ne peut pas passer à côté de subtiles allusions) avant d'opter, mais sans grande conviction, pour les Nouveaux Mutants : en fait, on ne sait pas vraiment où l'on va avec cette œuvre délicieusement poétique semblant construite sur une multitude d'images subliminales, toujours à la lisière du fantastique mais sans jamais l'aborder de front - surtout que la question de l'interprétation est au centre du récit. Qu'est-ce qui est réel ? Et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Philip K. Dick n'a qu'à bien se tenir. Si ça se trouve, on en ressortira avec de pures tranches de vie de personnes qui se croient différentes et cherchent simplement, avant de comprendre pourquoi, à s'intégrer dans la normalité d'un quotidien qui leur échappe. Leur souffrance, leur incompréhension, leurs joies et leurs peurs sont bien concrètes et nous rappellent qu'il s'agit de patients que leur handicap place à part de notre société. A moins que leur vision de la réalité soit plus effective que la nôtre et que les aliens, qui ont déjà débarqué sur Terre, nous aient clairement éradiqués. 
A vous de voir.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un bel ouvrage résultant d'une édition soignée : 212 pages d'excellente qualité sous une couverture pelliculée du meilleur effet.
  • Des personnages principaux insolites et accrocheurs dans un contexte étrange.
  • Un récit singulier, multipliant les points de vue, déroutant et plein de charme.
  • Un style agréable par ses traits précis, son cadrage méticuleux et le soin apporté aux détails. 

  • Une impression délétère de ne pas savoir où l'on va : ça peut facilement déstabiliser.
Les royaumes carnivores
Par
En-cas laissant sur sa faim, les Royaumes carnivores, trouvaille des éditions Akata, se déroulent sur les terres africaines où la tribu des lions exerce la terreur, à cause de leur quête absurde de la chair de goût. Dominant hyènes et gazelles de Thomson [1] dans leur territoire, ils ne remarquent pas la rébellion poindre.

Cérémonieuses, disciplinées, sous le joug des fauves, les Thommies s’inclinent au retour des chasseresses royales. Les carnivores amènent un troupeau de zèbres pour nourrir l’imposant clan. Si les herbivores esclaves ne deviennent que rarement le diner, c’est la faute de leur chair réputée peu savoureuse. En échange de protection et de sécurité, elles servent les lions, mais gare aux débordements ! Une seule incartade et voilà la gazelle incriminée déchiquetée sans pitié devant le peuple réuni. Les hyènes, elles aussi esclaves des grands félins, se délectent des reliefs des repas. Dans ce semblant d’ordre où la loi du plus fort règne, Buena, un bovidé adolescent, refuse le massacre de très jeunes zèbres pour le plaisir du palais des imposants fauves. Idéaliste, il imagine chacun capable de désobéir en face de ce qu’il considère comme une injustice. N’écoutant que son courage confinant à la bêtise, il s’oppose aux lions pour délivrer les jeunes équidés. Alors que tout semble perdu pour lui — il ne fait pas le poids face aux carnivores —, la « démone blanche », dernière représentante des guépards, surgit et massacre une partie des fauves de l’assemblée, donnant l’occasion à Buena de fuir. Elle ne se nourrit que de ces félins à crinière depuis que son espèce a été décimée par eux, guidée par leur goût culinaire. Buena libéré, il ramène les zèbres à leur troupeau et essaye de fomenter une rébellion avec les mammifères des alentours.

Ce titre étonnant, dynamique et bien dessiné est la première œuvre de Yui Hata. Dans son univers, les animaux de la savane anthropomorphes possèdent des caractéristiques humaines : ils ont abandonné la quadrupédie pour la bipédie, ils usent de la parole, et portent des cache-sexes et des colifichets. Les lions façonnent des armes, des bijoux, vivent dans des maisons et, ultime indice d’« évolution » : la gastronomie. La famille royale comporte des mâles aux caractères affirmés : le replet dissimulant une grande force, la brute, le seigneur coquet mais retors, pervers et redoutable, sans que l’on ne rencontre le roi. Les gazelles, toutes semblables jusqu’au slip en tissu, sont de même bipèdes et cantonnées au travail de force. Elles sont surveillées par les hyènes, bipèdes elles aussi. Tous se partagent des territoires et sont hostiles les uns envers les autres, redoutant par-dessus tout les lions, incapables de tenir la moindre parole.

L’auteur arrive à insuffler une personnalité à chacun de ses protagonistes et utilise avec habileté leurs caractéristiques animales tout en évitant le manichéisme : les carnivores et les herbivores peuvent s’associer pour affronter un ennemi commun. Les expressions faciales et gestuelles soignées paraissent naturelles. Les relations sociales naturelles sont exploitées. Le mangaka adapte les visages : si la majorité des bêtes possèdent une vision sur le côté, ici, les créatures ont quasi toutes des yeux de face ; cela peut être perçu comme un signe d’évolution, la bipédie amenant le regard facial scrutateur. Dans leurs interactions, les combattants que réunit Buena sont tous experts dans leur art bestial. Les affrontements sont brutaux, Yui Hata ne craignant pas de montrer la violence des fauves, les éviscérations, déchiquetages, arrachages de membres. Les organes tombent au sol, étalant l’horreur de la domination.

La tribu des lions apparait comme une métaphore d’une société totalitaire à la recherche du plaisir soi-disant le plus raffiné, le plus inutile pour la survie : faire la fine bouche devant la nourriture, n’hésitant pas à la gaspiller, à la consommer sans prendre soin de renouveler et d’entretenir le cheptel et surtout, imaginant des accouplements inter-espèces pour en dévorer les petits.

En seulement trois tomes, l’auteur ne résout pas son postulat de base : la rébellion contre les lions. Pire, dans le second volume, l’histoire change de cap et se concentre sur la guépard, majestueux personnage, et le sauvetage de son unique progéniture, contre les rois de la savane. L’amour du mangaka pour la blanche féline transparait, ses apparitions sont sublimes, son regard, magnifique. Elle dégage un tel charisme que l’on est irrésistiblement attiré et que l'on attend chacune de ses irruptions. Hélas ! en refermant le dernier volume, un goût amer d’inachevé reste en bouche et appelle irrémédiablement une suite. Ces trois tomes ne sont que les prémisses d’une longue aventure, originale, d’un graphisme de qualité, avec des enjeux certes simples (la loi du plus fort n’est pas forcément la meilleure, la résignation non plus, mais l’entraide peut apporter beaucoup, plutôt que d’être dominé, classé, noté gustativement, les animaux préfèrent être dévorés selon la nature établie, pour la survie...) mais forts et universels, portés par des personnages intéressants.
La version française propose de belles couvertures au logo travaillé, la quasi-totalité des onomatopées adaptées, la traduction soignée, impression de qualité sur du papier assez épais.

Notons que ce manga n’est pas la première bande dessinée animalière asiatique sortie en français qui se consacrent à des bêtes sauvages ; l'éditeur Clair de Lune avait en sont temps, publié plusieurs récits autour des tigres [2].
Les Royaumes carnivores demeure une œuvre que l’on aimerait plus développée avec une conclusion sur le sort des lions et de leurs esclaves. Une histoire à potentiel trop vite terminée, laissant un arrière-gout de frustration, un suspense intolérable.



[1] La Gazelle de Thomson, également appelée Thommie, fait partie de la famille des bovidés. De petite taille, elle se trouve uniquement en Afrique de l’Est.
[2] Tigre (2 volumes), Histoires de tigres (1 volume), le Tigre blanc du mont Baekdu (1 volume), Kaichambi le bébé tigre (1 volume), tous par AHN Soo-Gil. Mais les animaux aux visages expressifs demeuraient sur quatre pattes.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le graphisme soigné et détaillé jusque dans les décors.
  • Un univers vaste amenant de multiples rebondissements.
  • Une édition de qualité.
  • Questionnement social actuel.
  • Un récit prenant mais avec une impression d'inachevée et d'expédié.