First Look : Iron Fist
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A l'heure où le personnage ressort des cartons poussiéreux de la Maison des Idées afin d'être exploité dans les nouvelles séries Marvel/Netflix, les éditions Panini ont le bon goût (oui, ça leur arrive, à moins que ce ne soit un opportunisme financier) de proposer, enfin, une adaptation française de l'Intégrale des premières aventures d'Iron Fist, cet homme au poing de fer qualifié d'"Arme vivante" qui eut bien du mal à percer à la grande époque de Bruce Lee et fit partie pendant longtemps de ces héros oubliés qu'un scénariste inspiré réinjectait régulièrement dans certains events.

Soyons honnête : Iron Fist n'est pas, et de loin, le super-héros le plus connu de l'univers Marvel et, malgré quelques artistes de renom ayant travaillé sur ses séries, il n'a pas vraiment su s'imposer auprès du public et des critiques. On ne jettera pas (immédiatement, parce que ce serait trop facile) la faute à son costume (heureusement totalement mis de côté dans l'adaptation télévisée) qui aujourd'hui n'aurait de popularité qu’auprès des fans un peu allumés du cosplay. Les trentenaires lecteurs de comics connaissent sans doute les Heroes for Hire, série assez décalée dans laquelle Iron Fist était associé à Luke Cage dans une agence spécifique sous la houlette de Misty Knight (série qui va être rebootée prochainement), mais les plus âgés se souviennent de la publication des premiers épisodes en France dans Strange et Titans. C'est justement de ceux-là qu'il est question aujourd'hui, réunis dans le premier volume de l'Intégrale Panini Iron Fist (1974-1975) et reprenant les numéros 15 à 25 de Marvel Premiere ainsi que les deux premiers numéros de la première série Iron Fist. 

Inutile de détailler plus avant le volume qui répond aux cotes habituelles de l'éditeur, avec la reprise des couvertures originales dans les dernières pages ainsi que sur la jaquette et une introduction assez limitée ; le blanc des Intégrales Daredevil, le vert pomme des Intégrales Hulk ou le bleu ciel des Intégrales X-Men est ici remplacé par un vert tendance kaki assez laid. Mais qu'en est-il du contenu proprement dit, sachant que la première histoire date de 1972 ?


Il faut avouer que c'est assez déstabilisant. Comme souvent pour les anciens lecteurs, la nostalgie le dispute à la raison, et l'on aura parfois du mal à trouver les mots justes pour vilipender une œuvre à laquelle on était attaché dans sa jeunesse, quand bien même elle serait totalement dépassée, démodée ou simplement médiocre. Et franchement, l'on a bien du mal à s'enthousiasmer pour les premières apparitions du maître des Arts martiaux (titre qu'il dispute à Shang-Chi, personnage apparu à peu près à la même époque mais encore moins populaire).
L'intégrale ravive les mémoires et saura redonner le sourire aux vénérables anciens amateurs des aventures de ce héros vite ringardisé (non mais ce costume, c'est plus possible !). Les deux premiers épisodes construisent habilement les origines du héros tout en annonçant sa quête actuelle (la vengeance, tout simplement : Daniel Rand, riche héritier d'un immense empire financier, veut retrouver l'homme qui abandonna son père et sa mère à leur sort au cours d'une excursion en Himalaya, excursion dont il ne réchappa de justesse qu'en étant accueilli dans la mystérieuse cité de K'un-Lun, sorte de Shaolin millénaire hors du temps et de l'espace).

Roy Thomas, avec son talent habituel de conteur, propose une histoire qui tient parfaitement la route et est équilibrée, Gil Kane l'illustre avec soin et dynamisme. Si cela démarre sur des bases encourageantes, ça se gâte très vite ensuite avec une ribambelle de scénaristes bien moins compétents qui se succèdent associés à de piètres dessinateurs, lesquels ne proposent que des épisodes assez banals qui ont tout de même le mérite d'afficher des combats d'arts martiaux sur plusieurs pages, quoique rendus ridicules par l'utilisation de termes assez peu glamour que la traduction rend encore plus ridicules (coup du singe, coup de l'éléphant, coup du dragon...). C'est bien Iron Fist qui prend le pas sur son alter-ego, Danny étant ainsi mis de côté dans des aventures où notre héros se voit injustement accusé de meurtre et se retrouve chaque fois confronté à un ennemi redoutable (bizarrement, il attend toujours d'être au seuil de la défaite pour user de son poing de fer). Comme il faut lui trouver des adversaires dignes de ce nom, on lui propose des ninjas, des assassins et des vilains de la trempe de... Batroc. C'est à croire qu'il n'y avait pas grand-chose à attendre de ce super-héros atypique. On aura droit également à un monstroïde dans des épisodes qui ont achevé depuis longtemps d'intéresser le lecteur le moins exigeant.

Toutefois, avant de boire le calice jusqu'à la lie, on aura droit à une éclaircie avec l'arrivée de Chris Claremont au scénario. Si l'homme qui forgea le succès des X-Men n'est plus aujourd'hui aussi adulé, force est de reconnaître qu'il a su redonner un certain souffle et une épaisseur nécessaire aux aventures d'Iron Fist, remettant Danny Rand à la place qu'il aurait dû avoir (l'homme doit maintenant trouver son rôle dans un monde qu'il a quitté dix ans auparavant). Les deux derniers épisodes de cette intégrale voient aussi l'arrivée de John Byrne, indissociable compagnon de route de Claremont, qui va insuffler une vision plus aiguë, un découpage plus stimulant et un point de vue plus moderne aux pérégrinations de l'Arme vivante. Il n'a pas encore la fluidité de ses esquisses sur les équipes de mutants ou Alpha Flight, mais le bond qualitatif est incontestable. Et ça nous permet d'avoir une confrontation moins grotesque avec Iron Man !
Une intégrale alternant le bon et le totalement dépassé, frustrante par son manque de développement d'une franchise prometteuse et une ambition visiblement limitée. L'ouvrage se termine quand la série redevient intéressante, mais sans parvenir à accrocher le profane, ni même le fan passéiste. Dommage.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une plongée sympathique dans notre enfance.
  • Les origines d'un héros qui retrouve aujourd'hui la place qu'il aurait dû avoir.
  • Quelques grands noms de la scène comics (Roy Thomas, Chris Claremont, John Byrne).

  • Une intégrale manquant d'intérêt dans son ensemble.
  • Des épisodes quasiment impossibles à lire aujourd'hui tant ils sont lourds et indigestes.
  • Un manque de cohésion artistique lié à une discontinuité dans les équipes créatives.
  • Un costume... euh...
  • Un personnage manquant singulièrement de charisme.
Avant-Première - Street Fighter Origins : Akuma
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Grosses bastons au menu du jour avec l'avant-première de Street Fighter Origins : Akuma.

Ce comic, qui sortira en novembre chez Urban, est bien évidemment tiré du célèbre jeu vidéo éponyme. Comme le titre l'indique, ce premier opus est centré sur Akuma (ou Gouki au Japon), perso bien balèze apparu en 1994 dans Super Street Fighter II Turbo en tant que boss secret. Il deviendra par la suite un protagoniste récurrent de la saga vidéoludique.
Cette adaptation en bande dessinée est l'œuvre de Chris Sarracini au scénario, et Joe NG au dessin.

Tout commence alors qu'Akuma est un tout jeune enfant qui, accompagné de son frère Gouken, aide son père dans leur petite ferme isolée.
Un soir, un groupe de guerriers débarque pour en découdre avec le vieux fermier qui visiblement a un lourd passé et n'a pas toujours manié que la fourche. Mais les deux frères n'auront pas l'occasion d'interroger leur père sur ses jeunes années, car celui-ci est exécuté, obligeant Gouken et Akuma à fuir...
Akuma va alors connaître l'âpreté de la vie sauvage, puis le dojo d'un puissant maître, et enfin les ruelles malfamées de Tokyo. Les épreuves qu'il va traverser vont faire de l'enfant un homme, mais aussi un guerrier entraîné sur une pente sombre et dangereuse.


Bien entendu, ce récit est tout spécialement destiné aux fans de Street Fighter qui souhaitent découvrir le background de leur jeu favori. Un autre personnage très célèbre fait d'ailleurs une apparition à la fin de ce tome.
Les combats - qui sont tout de même l'un des aspects centraux du récit - sont fort bien rendus, avec une impression de puissance qui n'empêche pas une parfaite lisibilité. L'on retrouvera bien évidemment les coups spéciaux du jeu.
L'intrigue, quant à elle, est tout de même relativement simple et sans grande surprise. L'auteur joue sur des clichés martiaux que l'on a pu voir dans nombre de films [1] : la quête spirituelle, le côté sombre qu'il faut éviter, le père que l'on veut venger, le maître qu'il convient de dépasser...

Graphiquement, sans être d'une incroyable finesse, le style reste efficace et bourrin comme il se doit au niveau des personnages, très musculeux. Les décors sont souvent très beaux (forêt enneigée, cascade, rues de Tokyo...). Le côté parfois un peu artificiel (et flou, comme des captures d'écran de dessin animé) est justifié par le matériel d'origine et les références aux jeux.
L'ouvrage est complété par des études de personnages commentées, des crayonnés de découpage et des artworks officiels issus des jeux vidéo.

Sans doute indispensable pour les fans de la saga, ce comic s'avère un peu trop convenu pour séduire réellement au-delà d'un public très ciblé.

Sortie : Novembre 2017 - Urban Comics (collection Urban Games)
(128 pages - 14 euros)



[1] En parlant de films, il existe une web-série, remontée sous forme de (long) film sur youtube, qui traite également des origines des personnages (surtout Ken et Ryu, mais Akuma est aussi présent). C'est plutôt bien fait (à voir ici, en anglais).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Martial, massif et musclé.
  • De belles planches.
  • Un univers mythique.

  • Des scènes souvent trop prévisibles et convenues.
First Look : Jérôme K. Jérôme Bloche
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Nous partons à la découverte d'un sympathique détective avec le premier tome de la série Jérôme K. Jérôme Bloche, intitulé L'Ombre qui tue.

Jérôme (dont le nom est une référence directe à l'auteur de Trois Hommes dans un Bateau) est un jeune détective, ou plutôt un aspirant détective encore en formation, passionné par les polars (qu'il traduit parfois) et les... sirènes de police du monde entier (qu'il collectionne sur cassette). Alors qu'il est en plein travaux pratiques, son professeur de criminologie et d'investigation se fait assassiner par la fameuse Ombre qui terrorise Paris depuis des mois. Avant de rendre l'âme, le professeur Maison a le temps de révéler à Jérôme que l'assassin est l'un de ses élèves.
Le jeune enquêteur va donc terminer ses études en se frottant à un cas bien réel.

C'est en 1985 que débute cette série, publiée chez Dupuis. C'est Alain Dodier qui en est le dessinateur, il se chargera par la suite également du scénario, les premiers tomes étant écrits par Pierre Makyo et Serge Le Tendre.
Cette entrée en matière pose les bases d'un univers réaliste, abordant parfois des thématiques fortes (l'esclavagisme par exemple, avec le vingt-cinquième et dernier album en date) ou des éléments historiques (l'assassinat de JFK, la deuxième guerre mondiale...). Le ton reste cependant clairement grand public, avec un personnage principal quelque peu maladroit et un humour souvent présent, que ce soit dans le texte ("encore une nuit difficile... je n'avais dormi que dix heures.") ou les situations.


Outre les enquêtes, l'on peut suivre l'évolution des personnages principaux, et notamment la relation sentimentale qui débute ici (de manière certes très platonique) entre Jérôme et Babette, une jolie hôtesse de l'air qui ne rechigne pas à aider le jeune homme dans certaines affaires.
La plus grande originalité vient probablement du traitement du personnage principal qui, bien qu'habillé comme Bogart, avec chapeau, trench-coat et clope au bec, est loin de l'image classique du privé endurci et hardboiled. Gourmand, naïf, parfois gaffeur et tête en l'air, claustrophobe, ayant peur du noir, Bloche est finalement très humain et ne doit ses succès qu'à sa persévérance, son courage et un certain flair tout de même.

Graphiquement, le style de Dodier fait des merveilles. Les décors sont souvent superbes, les scènes d'action dynamiques, les visages expressifs et différenciés, les plans parfois inventifs, comme cette scène où, alors que Jérôme s'est réfugié dans un ancien manège qu'il aimait fréquenter enfant, c'est dans les reflets d'une flaque d'eau qu'on le voit discuter avec le propriétaire (pas seulement une coquetterie visuelle puisque cela rend aussi compte de son état d'esprit à ce moment-là).
La colorisation, par Cerise, est également très réussie et parvient à créer les atmosphères adéquates.
Allez, juste pour trouver un défaut, le lettrage est plutôt correct sauf en ce qui concerne les points des "i", qui ressemblent à des accents aigus. Pas de quoi se pisser dessus, OK, m'enfin, un point, ce n'est pas un trait.

Sensible, intelligente, drôle et agréablement amère parfois, voilà une série policière originale et bien menée, à conseiller absolument.



Les autres BD de la rubrique First Look : 

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un personnage principal attachant et très différent des clichés habituels.
  • Un mélange de gravité et d'humour très bien dosé.
  • Élégance et charme du dessin.

  • Certaines enquêtes, parfois un peu trop vite réglées, auraient mérité d'être développées sur plusieurs tomes.
Caught
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Puisque nous l'avons rapidement évoqué il y a peu dans notre article sur l'économie du Livre, nous avons pensé que le moment était approprié pour aborder Harlan Coben. Et nous commençons avec Faute de Preuves.

Dan Mercer, un éducateur pour adolescents, voit sa vie basculer lorsqu'il pense se ruer au secours d'une gamine qui semble avoir des ennuis. Arrivé chez elle, il trouve une porte ouverte et... une équipe de télévision.
Wendy Tynes, journaliste/présentatrice de télé-réalité, vient de lui tendre un piège. En direct à la télévision, des milliers de gens apprennent que Dan est un dangereux prédateur sexuel.
Parallèlement, les flics du coin sont toujours à la recherche de la jeune Haley McWaid, disparue subitement il y a trois mois et laissant ses parents dans une angoisse qui va grandissant.
Bientôt, les deux affaires vont s'entremêler. Et pour Wendy commence une enquête, ou plutôt une quête qui la mènera vers la vengeance ou le pardon.

En général, quelques lignes suffisent pour savoir si un auteur est bon ou pas. Quelques pages disons pour les plus retors. Il ne s'agit pas de savoir si le récit vous plait mais s'il fonctionne, s'il est suffisamment travaillé pour vous permettre d'y croire vraiment. Chez Coben, dès les premières lignes, force est de constater que l'on est dedans. C'est efficace, bien foutu, très habile même, ne serait-ce que dans le changement de point de vue qui s'opère entre l'introduction (déjà excitante) et le premier chapitre (tout aussi bien construit et prenant).
Eh ouais, Harlan, c'est pas Legardinier. On pourra lui reprocher quelques broutilles, mais il est évident qu'il sait ce qu'il fait.

Difficile au premier abord de trouver un quelconque défaut à ce roman, intitulé Caught en VO. Les personnages sont plutôt bien campés, l'intrigue est parfaitement construite, la narration est rythmée, le style efficace. Le genre de thriller/polar qui se lit en deux soirées maximum, pas parce que c'est court mais parce que l'on a du mal à lâcher prise.
L'on peut toutefois trouver quelques petites maladresses en cherchant bien. Parfois, c'est très anecdotique, comme la journaliste qui a besoin de son fils pour... rejoindre un groupe facebook.

Certains auteurs, comme King ou ici ce brave Harlan, ont vraiment du mal avec le net et les ordinateurs en général. Du coup, ils ont toujours besoin, dans leurs récits, d'un "spécialiste" qui se charge des basses besognes. Là, ça ne marche pas pour un tas de raisons évidentes. D'abord la journaliste est jeune, elle fait un métier où, quand même, on utilise un peu le net et les réseaux sociaux, elle est loin d'être idiote, elle fait d'ailleurs elle-même tout un tas de recherches, mais, subitement, alors qu'elle a un compte facebook, elle ne sait pas comment rejoindre un groupe. C'est son fils qui est obligé de lui dire de cliquer sur "rejoindre le groupe". Sinon, la nana était stoppée dans son enquête, parce que ça ne lui serait pas venu à l'idée que le lien "rejoindre le groupe" permettait en fait de... rejoindre le groupe. Ah ben, c'est compliqué hein. ;o)

Plus sérieusement, la thématique du pardon et de la vengeance est tellement dégoulinante de bons principes politiquement corrects qu'elle en devient même irritante. La morale est trop manichéenne pour être seulement digne d'intérêt. Et surtout, ce n'est pas en enfonçant des portes déjà largement ouvertes que l'on peut faire admettre à ceux qui souffrent que ne rien faire face aux salauds est la meilleure solution. Par contre, la thématique, plus subtile, sur le net, les dénonciations, la calomnie, les apparences, est bien plus efficace car nettement mieux approchée et gérée. L'on voit ici la différence entre la reprise facile d'un dogme en vogue chez les bien-pensants et un véritable questionnement (donc un véritable travail d'auteur) sur des dérives actuelles inquiétantes.

Reste encore un tout petit bémol sur les retournements de situation. Les rebondissements sont si nombreux dans le dernier quart du roman que ça en devient un peu artificiel. C'est untel, ah ben non, c'est l'autre, et finalement c'est cette personne-là, mais il y a encore ça que tu n'avais pas vu, et un dernier coup de théâtre ! Ce jeu des poupées russes au niveau des révélations et dénouements est un poil trop poussé. Au bout d'un moment, on "sent" l'auteur derrière, en train de manipuler ses marionnettes.

Ceci dit, l'on peut ergoter mais au final, Coben est un auteur honnête, qui ne fait pas n'importe quoi et ne se fout surtout pas de la gueule de ses lecteurs.
Il y a  dans ce roman un véritable propos offrant une réflexion sur les médias et le net, une mise en scène étudiée qui ménage le suspense, des personnages attachants, un brin d'humour et une manière d'emballer les idées les plus prévisibles dans une touche personnelle qui rattrape le coup.

Conseillé.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Efficace et prenant dès les premières lignes.
  • Suspense constant.
  • Personnages attachants.
  • Un sous-thème intéressant sur la diffamation.

  • La thématique principale sur le pardon, inepte tellement elle est convenue et sans nuance.
  • Une cascade de retournements de situation un peu too much.
Retroreading : Etoiles, garde à vous !
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Alors oui, Robert A. Heinlein est un ancien militaire, frustré par une grave maladie qui lui a fait renoncer à la brillante carrière qu’il avait entamée. On ne discutera pas non plus le fait que l’armée et les valeurs qu’elle véhicule ont fortement impacté son œuvre.
Oui, (d’ailleurs) la citation finale du roman Étoiles, garde à vous ! est bien :
A la gloire éternelle de l’Infanterie.
Oui également, la seule note historique incluse dans le livre met en exergue l’acte d’héroïsme du soldat de 2e classe Rodger Young pendant la Seconde Guerre Mondiale (blessé trois fois, il a pu à lui seul détruire un nid de mitrailleuses et permettre à son unité de s’en sortir).
Oui derechef, le roman est dédié à un certain A. G. Smith ainsi qu’à tous les adjudants de tous les temps.

Et oui, enfin, l’histoire met en lumière la façon dont un jeune ado désœuvré trouvera dans l’armée le cadre et les valeurs qui feront de lui un homme, c'est à dire un adulte parfaitement intégré dans la société : un "citoyen". En effet, le roman (publié en 1959)  se déroule à l’aube du XXIIe siècle, lorsque Juan Rico décide de s’engager dans l’Infanterie Spatiale. Le Terre sur laquelle il vit est alors régentée par l’Armée depuis la Grande Guerre Atomique dont il a fallu un siècle pour se relever (espérons que l'auteur ne soit pas visionnaire, sinon on va droit dans le mur). Et l’exploration spatiale repose sur des principes similaires. Juan, déjà échaudé par un premier refus au poste qu’il souhaitait, va devoir se conformer à la dure loi du fantassin, un entraînement rigoureux et impitoyable, d’autant que, sur les mondes lointains, la guerre contre les Arachnides fait rage…


Doit-on pour autant s’arrêter à ces observations et classer définitivement ce roman dans la catégorie des livres militaristes et réactionnaires ? Ce serait une erreur, pourtant régulièrement commise par la plupart des critiques littéraires français de la fin du XXe siècle. Car quoi qu’on en dise, Heinlein est un sacré écrivain (cf. cet article consacré à l'adaptation de son All you zombies). Autant pour les passages où les personnes doutent, se sermonnent, prennent des résolutions, que pour les moments de bravoure où il décrit les combats, âpres, inhumains, au sein desquels le fantassin, malgré son équipement incroyable (armure auto-réparatrice, unité de propulsion - ou jet-packs - permettant de faire des bonds de plusieurs dizaines de mètres, réseau de communication inter-unités - ceux qui ont vu le très bon Edge of tomorrow peuvent se faire une bonne idée de ce que cela représente) n’est qu’un pion presque impuissant, mais un pion nécessaire, dans un conflit dont les enjeux le dépassent. Face à l’adversité, à l’enfer qui se déchaîne à la surface des planètes où s’effectuent les raids, oui, les jeunes hommes pour survivre doivent faire appel à toutes leurs ressources, et ne font confiance qu’à la voix féminine qui leur signalera le retour au bercail (car dans cet univers, les femmes, plus vives, plus douées, plus rationnelles et dignes de confiance que les mâles, occupent des postes capitaux comme celui de pilote des vaisseaux de combat).

Starship Troopers est un roman jouissif d’une très rare qualité d’écriture, redoutablement efficace dans ses descriptions, pertinent et dynamique dans sa narration. Si nombre des juveniles de l'auteur (livres pour la jeunesse) insistent effectivement sur la place que doit se faire un jeune être humain dans une société où l’ordre doit être rétabli, des petits romans sincères et sensibles comme Une porte sur l’été ont su étonner par leur justesse de ton et un certain accès de sentimentalisme nostalgique – et puis, on remarquera au gré des lectures son amour immodéré pour les chats, et un homme qui aime et respecte autant nos amis félidés est forcément représentatif de l’élite humaine. Avec En Terre étrangère et son cycle sur l'Histoire du Futur (un cycle construit patiemment et depuis ses débuts comme écrivain, divisé ultérieurement en quatre âges), Heinlein a d’ailleurs prouvé qu’il était capable d’écrire encore autre chose, dans une perspective plus étendue et avec un talent sans cesse renouvelé, même s’il a eu bien du mal à convaincre l'intelligentsia française qui ne voyait dans ses écrits que des pamphlets réactionnaires et vains (sans doute les mêmes qui réduisaient Clint Eastwood au personnage de l’inspecteur Harry…).
L'adaptation cinématographique par Verhoeven, pourtant singulièrement jubilatoire, d’une grande audace stylistique, a souffert d'une forme similaire de rejet lié à une compréhension biaisée, alors que son anticonformisme triomphant n'est finalement pas si éloigné du sous-texte d'Heinlein, quand bien même, et il faut le reconnaître, l'auteur admette son attirance pour des régimes autoritaires, tout en rejetant avec la plus grande force toute forme de communisme (c'est particulièrement évident dans sa description de la civilisation extraterrestre). On pourra également hésiter face aux arguments développés sur la nécessité du rétablissement de la peine de mort dans certains cas extrêmes. Rico (le roman est écrit à la première personne) et son mentor, un professeur d'Histoire aigri (on le serait à moins devant le gâchis total qui a engendré les conflits nucléaires), développent également cette notion de civisme particulière mettant en avant les devoirs au détriment des droits citoyens. Ces thèses assumées par Heinlein lui ont valu quelques volées de bois vert et un statut de réactionnaire dont il a lui a fallu quelques décennies pour se débarrasser, même si, le succès aidant, il fut par ailleurs largement récompensé (Starship Troopers, le titre original du roman, a reçu notamment le prix Hugo de la SF en 1960). Aujourd'hui, face à l'ampleur de l'œuvre qu'il a conçue, ces polémiques ont fait presque toutes long feu.


A noter que le titre français est emprunté à une chanson de... Guy Béart dont les paroles figurent en exergue. Dit comme ça, ça fait drôle, et presque peur…  


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un grand récit de SF, brillant et passionnant.
  • Un style dynamique, des concepts clairs et un univers cohérent.
  • Un regard novateur sur les sexes et le rôle de chacun dans la société.
  • Un récit d'initiation jalonné de ce qu'il faut d'embûches, de désillusions et de drames.
  • Un texte à la première personne bien équilibré.

  • Une glorification de l'armée qui a été diversement appréciée selon les pays et les époques.
  • Une critique à peine voilée du communisme qui aujourd'hui pose moins de problèmes.
Économie du Livre : quelques chiffres et constatations
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Nous allons aujourd'hui nous attarder sur la réalité du monde de l'édition, un secteur fort mal connu du grand public et sur lequel beaucoup de fantasmes circulent.

Pour cette petite analyse, nous allons nous appuyer sur le rapport de mars 2015 de l'Observatoire de l'Économie du Livre, disponible en ligne sur le site de la Société des Gens de Lettres. Les chiffres concernent les années 2013 et 2014, donc une période suffisamment récente pour éclairer sur l'état actuel de l'édition et ses réalités économiques.
Alors, on va essayer de pas être trop chiant, le but est d'être informatif, certains chiffres nécessitant d'être expliqués et remis dans leur contexte. On va même parler de vos... goûts. Car le top 30 des ventes est édifiant.
Mais commençons par quelques données générales.

L'on peut constater que la production est en augmentation (+ 3,7 % en 2013, + 7,3 % en 2014) alors que les ventes sont en baisse, que ce soit en volume (nombre d'exemplaires vendus) ou en chiffre d'affaire (grosso modo, aux alentours de - 3 % en 2013).
L'édition est donc le seul (à ma connaissance) secteur économique où l'offre augmente artificiellement alors que la demande est de plus en plus faible (même si une légère reprise a pu être constatée en 2015, cf. ce document, suivie d'une stagnation en 2016, cf. cet article du Monde). Le résultat est qu'évidemment les livres se vendent peu. Très peu.

Lorsque j'avais avancé dans cet article (pour démontrer l'imbécilité de l'un des arguments de Télérama sur la SF) que la majorité des romans (en tout cas les premiers romans d'auteurs inconnus) se vendent à quelques centaines d'exemplaires seulement, j'avais eu droit à quelques réactions sceptiques. C'est pourtant la réalité, mais cette réalité est biaisée pour le grand public, principalement à cause de deux faits que l'on peut très bien constater dans ce rapport.
D'une part, le public ne connait que ce qui se vend "anormalement" beaucoup par rapport à la production globale. Les éditeurs ne communiquent évidemment que sur ce qui cartonne et les médias ne s'intéressent qu'aux énormes succès également. Cela donne déjà une fausse image de la réalité du secteur, un peu comme si vous n'aviez, dans votre entourage, que des gagnants du loto.
D'autre part, les moyennes qui sont rendues publiques n'ont aucun sens dans ce secteur, justement à cause de la présence de quelques exceptions qui les faussent.

Si l'on prend par exemple le tirage moyen, l'on constate qu'il est annoncé à 5966 exemplaires. Pas mal, pas mal du tout même. Sauf que l'immense majorité des livres ne sont pas tirés à autant d'exemplaires. Et encore moins vendus dans ces proportions. Les moyennes concernant les livres ne sont pas interprétables directement car il existe une trop grande disparité entre l'immense majorité qui se vend très peu et les best sellers qui atteignent des sommets.
Prenons un exemple simple. Admettons que sur dix livres, neuf se vendent à 500 exemplaires et un à 150 000. En faisant une moyenne, l'on obtient 15450. Cette moyenne ne correspond à rien et ne reflète pas la réalité de la majorité des auteurs qui n'auront jamais assez de leurs seuls droits d'auteur pour vivre. Dans l'exemple ci-dessus, la moyenne ne rend aucunement compte de la majorité des ventes (90 % des livres se vendant 30 fois moins que ce que semble annoncer le calcul moyen).
L'Express annonce dans cet article que les ventes d'un premier roman se situent entre 500 et 800 exemplaires, c'est déjà assez optimiste (je les soupçonne de ne pas tenir compte des petites maisons d'édition). M'enfin, cela permet de constater qu'un premier roman, en moyenne, va rapporter à son auteur environ... 1000 euros. Voilà qui permet de ne pas s'enflammer quand on signe un premier contrat.

Niveau nouveautés, l'on comprend pourquoi il est si hasardeux de se lancer dans l'édition : plus de 66 000 nouveautés en 2013, plus de 68 000 en 2014. Quand on sait que les Français lisent peu (seuls 53 % des Français ont acheté au moins un livre en 2014), l'on comprend que cette immense masse de nouveautés ne peut absolument pas trouver un public. D'autant que les nouveaux romans (même s'il n'y a pas que des romans compris dans ce chiffre) ne sont pas en "concurrence" avec les seules nouveautés mais avec l'ensemble des titres disponibles (qui ne disparaissent pas d'une année sur l'autre).
Ainsi, en 2014, c'est plus de 700 000 références qui sont disponibles en France à la vente (auxquelles il convient d'ajouter l'occasion, qui a son poids aussi).

Au niveau de la répartition des livres, il est intéressant de constater que c'est encore le roman qui compose la plus grande part du total (25 %), suivi de près, et à égalité, par le secteur Jeunesse (13 %) et Loisirs/Vie Pratique (13 %). Ce sont ensuite les Sciences Humaines (10 %) et les livres scolaires (9 %) qui suivent. La bande dessinée est en sixième position en représentant 7 % de la production.
La part des traductions est finalement assez faible (aux alentours de 17 %), l'essentiel de la production étant donc locale.

Intéressons-nous maintenant au plus énervant (ou rigolo, suivant l'état d'esprit), les 30 livres les plus vendus en 2014, tous genres confondus. Prenez un petit Tranxene parce que je vous assure, il y a de quoi se fracasser les burnes sur une enclume !
Numéro #1 des ventes, Valérie Trierweiler, avec Merci pour ce moment. Le livre le plus vendu en 2014 n'est pas un roman, ni même une BD, c'est le truc égocentré d'une gonzesse qui déballe les histoires de coucheries de son ex !! Ah on est dans la grande littérature.
Putain, et ça s'est vendu à 603 000 exemplaires !!
C'est à désespérer du genre humain.
Et c'est pas fini.

Dans le top 10, il y a trois livres d'Erika Leonard James. Trois. Dans le top 10.
Vous ne savez pas qui c'est ? C'est l'auteur de 50 nuances de Grey et de ses suites, les fameux récits de SM gentillets pour ménagère ménopausée.
Donc, ce qui intéresse les gens, c'est de la bite, de la chatte et des nichons ?
Si encore c'était un peu ambitieux, avec du fond, un vrai propos, mais bordel, c'est le niveau zéro de l'écriture ! Mon chat a plus d'idées et de style, et pourtant il ne pense qu'à bouffer et dormir.

Alors, ensuite, il y a quand même deux fois Gilles Legardinier. Je vais être franc, je n'ai pas lu les deux romans qui sont classés, mais j'avais fait une tentative avec Et demain tout change, dont j'ai, chose très rare, abandonné la lecture en route tellement c'était mauvais. Une litanie de lieux communs, de facilités, de bons sentiments débiles et de personnages creux, un truc écrit avec les pieds, sans l'once du début d'un style ou d'une idée quelconque. Donc à moins que je sois tombé sur un roman écrit sous LSD en deux jours, je suppose que le reste de sa production est du même acabit.

Une bonne BD tout de même dans le lot.
L'on retrouve aussi plusieurs Levy et Musso. Je sais qu'il est de bon ton de les critiquer (et il est vrai qu'ils ne sont pas parfaits, cf. cet article), mais je vous assure que comparés à Legardinier, les deux-là c'est Shakespeare et Hugo hein.

Bon, on trouve aussi des machins sociétaux ou des recueils humoristiques, comme les deux volumes de La Femme Parfaite est une Connasse ou Voyage en Absurdie. Pas de quoi casser trois pattes à un connard (non, il n'y a pas de coquille dans cette phrase). L'on a aussi des livres pour ados, du style Nos Étoiles contraires.
Niveau BD, l'on peut noter la présence de trois albums : le Chat de Geluck, un Joe Bar Team et un Blake et Mortimer.
Dans les auteurs très connus, l'on peut citer D'Ormesson, avec un "roman sur rien", ou une sorte de longue divagation sentencieuse, et Zemmour, avec un essai intelligent et bien écrit, mais toujours pas de roman de genre dans tout ça !
C'est un peu Harlan Coben qui sauve les apparences, avec Ne t'éloigne pas.
Pour le reste, j'avoue ne pas connaître suffisamment pour émettre un avis. Mais tout de même, ce n'est pas folichon.

Ne vous méprenez pas, bien entendu que chacun a le droit de lire ce qu'il veut, même des conneries, même Voici si ça lui chante. Mais... sur plus de 60 000 nouveautés, c'est ça le top 30 ? Ce sont ces trucs-là qui dépassent les 200, 300, 500, 600 000 exemplaires ?
On peut se consoler en se disant qu'il y a le Goncourt dans le lot (Pas Pleurer, de Lydie Salvayre, qui a succédé à l'excellent Au-revoir là-haut de Pierre Lemaitre), mais c'est aussi une forme de conformisme regrettable, puisque c'est "ce qu'il faut lire".
Bref, les gens ont des goûts étranges, voire des goûts de chiottes (pas les chiottes propres, avec le carrelage qui brille et un doux parfum de désodorisant fruité, des chiottes bien crades, avec des coulures maronnasses sur les murs et des morceaux qui flottent dans la cuvette), mais ce n'est ni nouveau ni surprenant. Juste triste.


First Look : Wunderwaffen
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Guerre uchronique et avions de légende sont au cœur de ce First Look consacré à l'album ouvrant la série Wunderwaffen.

Le premier tome de Wunderwaffen, intitulé Le Pilote du Diable, sort en 2012 chez Soleil. Le scénario est écrit par Richard D. Nolane (auteur également de Space Reich dans un genre similaire), les dessins sont de Maza.
Tout commence en août 1946, alors que les alliés ont connu plusieurs revers, dont l'échec du débarquement en Normandie le 6 juin 1944. Les scientifiques et ingénieurs du Reich ont mis au point de nouvelles armes dont le niveau technologique leur donne une supériorité tactique évidente.
C'est dans ce cadre qu'évolue le capitaine Walter Murnau, pilote chevronné aux commandes d'un Lippisch P13a. Mais dans l'Allemagne nazie, remporter des combats aériens ne suffit pas toujours pour rester à l'abri des foudres d'un Führer plus paranoïaque que jamais après un attentat lui ayant coûté un bras.

C'est en premier lieu l'aspect visuel, superbe, qui frappe le lecteur. Les avions sont magnifiquement représentés, les décors sont très beaux, les personnages historiques parfaitement reconnaissables. Si le novice pourra prendre au départ les avions à réaction présentés dans ces planches pour de pures inventions, les amateurs reconnaîtront sans problèmes les engins dessinés ici. Le niveau de documentation, indispensable pour ce genre de récit, est donc bon.


Niveau intrigue, nous sommes dans du géostratégique, c'est le destin de plusieurs nations qui se joue ici, ce qui relègue les protagonistes dans un rôle parfois minimaliste. Ainsi, Murnau, le personnage principal, n'est défini que par le fait qu'il est un excellent pilote et qu'il ne porte pas Hitler dans son cœur. Un peu léger. Tous les autres personnages secondaires "non historiques" sont complètement lisses. Dommage, un peu de chaleur humaine aurait permis d'atteindre un niveau supplémentaire de dramatisation.

Certains éléments sont néanmoins parfois un peu légers question vraisemblance. Les échanges radio par exemple ne respectent pas la phraséologie ni même une vague approximation ("on arrive" comme seul échange avec la tour lors d'une approche, c'est quand même un peu light). Au niveau du réalisme de vol, là aussi une scène un peu mal foutue où un bimoteur Focke-Wulf 189 semble plonger vers le sol parce qu'il perd un moteur. Il faut savoir que même si les deux venaient à s'arrêter au même moment, l'avion continuerait de planer si le pilote le laisse descendre légèrement [1]. Le fait d'atterrir sans moteur fait d'ailleurs partie de la formation initiale d'un pilote.

Dans le domaine stratégique, si l'on comprend fort bien que l'échec du débarquement ait pu porter un sérieux coup d'arrêt aux prétentions des alliés, l'on voit mal comment la simple mort de Joukov (et d'une partie de son état-major) pourrait justifier l'effondrement du rouleau-compresseur soviétique et le rétablissement allemand à l'Est.
Cette petite insuffisance explicative mise de côté, le récit, basé sur de nombreux éléments réels, parvient à convaincre. L'on retrouve bien sûr des noms très connus (Himmler, Churchill, De Gaulle, Goebbels...) mais aussi les fameuses armes miracles développées par les Allemands (qu'elles aient été réellement utilisées au combat ou qu'elles soient restées à l'état de prototype).


Il faut dire que les progrès stupéfiants de l'Allemagne dans tous les domaines techniques sont encore aujourd'hui une source d'émerveillement tant les technologies pouvaient passer pour de la pure science-fiction pour l'époque. Premier chasseur à réaction, premier bombardier à réaction, premier hélicoptère, premier fusil d'assaut, premier équipement de visée nocturne à infrarouge, sans compter des études sur les premiers appareils à décollage vertical, ces engins tenaient effectivement du "merveilleux" (= wunder).
Quelques pages en fin d'ouvrage reviennent d'ailleurs sur ces appareils parfois si exotiques (le Messerschmitt Me 163, un enfer à faire atterrir, le Lippisch à ailes delta, à l'aspect si futuriste encore aujourd'hui, l'aile volante Horten Ho-229, l'Arado ar 234...). Ce supplément évoque également l'enjeu majeur que représentait le vol de technologie après la défaite allemande (l'opération américaine Paperclip exfiltre des centaines de scientifiques, dont Wernher von Braun, qui sera l'artisan principal du programme spatial US) mais aussi les légendes et thèses complotistes qui fleurirent après la guerre (avec un extrait, relativement bien vu, du magazine français Top Secret, un torchon publiant un ramassis de conneries, allant des théories de la Terre plate à la mise en doute de l'existence des missions lunaires ou même des satellites).

Si la série en est déjà à son onzième tome (sorti le mois dernier), il faut également reconnaître que les auteurs ont tendance à diluer énormément une histoire qui aurait gagné à être plus dense. Notons également que des éléments plus SF/fantastique donnent à la suite une atmosphère quelque peu différente (qui peut aussi s'expliquer néanmoins par les recherches occultes de Himmler).
Un contexte historique passionnant, des engins volants fascinants, de superbes planches et un côté ésotérique et mystérieux parviennent à rendre ce titre addictif et agréable malgré quelques petits défauts et un souci de rythme sur la longueur.

Vivement conseillé aux passionnés d'aviation, d'Histoire et d'uchronie.



[1] Le rapport entre la hauteur de l'appareil et la distance qu'il peut parcourir après une panne moteur totale s'appelle la finesse. Contrairement à ce que l'on pourrait instinctivement penser, la plupart des gros avions de transport civils possèdent une très bonne finesse.



Les autres BD de la rubrique First Look : 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une uchronie partant sur de très bonnes bases.
  • Un background particulièrement riche.
  • Des avions mythiques, parfaitement représentés.
  • Le côté informatif (et très intéressant pour le non-spécialiste) des bonus.

  • Des personnages peu développés.
  • Une intrigue un peu trop diluée sur la longueur de la saga (toujours en cours).
  • Quelques approximations techniques et stratégiques. 
UMAC's Digest #40
Par
Les sélections UMAC dans l'actu de la pop culture



-- LES VAMPIRES ATTAQUENT LA NUIT --

Le tome 7 de l'intégrale Tanguy et Laverdure vient de sortir chez Dargaud. Dans les deux albums regroupés ici, Les Vampires attaquent la Nuit et La Terreur vient du Ciel, les célèbres pilotes sont confrontés à un personnage mystérieux, le Vampire, qui menace de larguer des bombes nucléaires sur le sol français.
Le tout est blindé de bonus (certains très intéressants sur les relations entre les rédactions de diverses publications de l'époque) mais, surtout, contient la première partie du roman L'Avion qui tuait ses Pilotes, écrit par Jean-Michel Charlier, publié en 1971 dans la fameuse Bibliothèque Verte et difficilement trouvable d'occasion de nos jours. Un peu dommage de scinder le récit en deux parties, m'enfin, l'idée de le joindre à cette intégrale est excellente.
Un bel ouvrage, passionnant et bénéficiant des dessins de Jijé.
#thrilleraérien 




-- MIGRATION --

Les abonnés Freebox n'auront pas pu profiter longtemps des nouvelles chaînes gratuites apparues après l'accord avec Canal. En effet, cinq d'entre elles sont maintenant des exclusivités SFR. Les deux chaînes Discovery et E! sont déjà inaccessibles, 13e Rue et surtout Syfy suivront en septembre.
C'est évidemment SyFy qui laissera un grand vide, car la chaîne spécialisée dans la science-fiction et le fantastique n'a pas d'égale à l'heure actuelle et ne sera pas remplacée. 13e Rue, qui diffusait principalement des conneries déjà vues mille fois (Femmes de Loi, Candice Renoir, RIS, New York District...) sera par contre remplacée par Polar+.
Bah, oui, ce serait dommage de se passer des vieilles séries policières, c'est pas comme si TOUTES les chaînes en diffusaient déjà !
#byebyeSyFy 


-- ERREUR DE CASTING ? --

Le mois prochain doit sortir le premier film tiré de la saga La Tour Sombre, de Stephen King (dont on vous a déjà dit beaucoup de bien, cf. La descente, Ce qu'il faut lire avant ou encore l'Étape finale).
Problème, Roland est interprété par... Idris Elba.
À la base, Stephen King a toujours dit que Roland était largement inspiré, physiquement, par Clint Eastwood (ça tombait bien, son fils lui ressemble comme deux cartouches issues du même barillet). Aujourd'hui, l'auteur prétend que ça n'a pas d'importance. Heu... par rapport au récit, c'est quand même crucial.
Changer la couleur de Roland modifie par effet ricochet un grand nombre de personnages mais surtout cela empêche la plupart des scènes, très importantes, l'opposant à Susannah/Odetta, qui est l'un des protagonistes centraux de la saga. 
Avec un casting qui parvient dès le départ à rendre l'adaptation du récit hasardeuse et bancale, voilà un film qui part très mal.    
#pasrassuré



-- DANS LA GUEULE DU LOUP --

Le Lombard a publié le mois dernier le premier tome de la série Jack Wolfgang, une BD aux personnages anthropomorphes et au pitch très intéressant.
Les animaux ont évolué depuis le moyen âge. Peu à peu, certains ont appris à parler, à marcher sur leurs pattes arrière et ont été intégrés à la société.
Le scénariste, Stephen Desberg, met en scène un loup critique gastronomique qui est en fait un redoutable agent de la CIA. Les dessins d'Henri Reculé sont magnifiques et donnent aux planches une ambiance feutrée qui convient parfaitement à cette histoire située entre Blacksad et James Bond.
À tester.
64 pages, 13,99 €
#bestiolesfutées



-- MYTHES & PÉCHÉS --

Le mois prochain, le 18 août précisément, sort l'intégrale de Pandora Box chez Dupuis.
Les huit albums, scénarisés par Alcante, explorent la thématique des sept péchés capitaux en leur associant une technologie moderne et un mythe grec. Les dessins de chaque tome sont réalisés par un artiste différent.
Le coffret, disponible au prix de 48 euros, permettra de réaliser une belle économie et de découvrir une série mélangeant fantastique, SF et aventure.
Notons qu'une intégrale en deux tomes était déjà sortie en 2009.
#boîteàproblèmes



-- FINE ÉQUIPE --

DC Comics et Dynamite Entertainment viennent d'annoncer un deuxième crossover réunissant The Shadow et Batman.
Le premier opus de la mini-série en six épisodes sortira en octobre de cette année.
L'écriture a été confiée à Steve Orlando, les dessins seront l'œuvre de Giovanni Timpano. On nous annonce une menace ancienne, maléfique et terrifiante à laquelle les deux justiciers seront opposés.
Sur le papier, le duo est sexy, reste à voir ce que donnera le récit (on sait d'expérience que l'écriture des crossovers n'est pas toujours très soignée, c'est le moins que l'on puisse dire).   
#team-up