Any Empire
Publié le
14.7.19
Par
Nolt
Retour sur Any Empire, un comic ambitieux mais au final indigent.
Lee est un gentil garçon, qui aime jouer aux soldats et lire des comics. Purdy, lui, est très méchant car il fait du mal aux animaux. Et Sarah est très intelligente, car elle va réussir à mener une enquête - dont on ne verra quasiment rien - pour confondre les auteurs des brutalités animales.
Le tout délivré avec un message magnifique : la guerre, c'est mal.
Voilà donc le résumé de l'histoire. Attention, il ne s'agit pas du résumé du début mais de tout le livre, soit 300 pages.
Bon, commençons par voir qui a bien pu pondre un tel navet. Il s'agit de Nate Powell, un type qui a commencé à s'auto-publier dès l'âge de 14 ans. Quand on voit le résultat, on se dit que le filtre éditorial reste tout de même indispensable. L'auteur a maintenant la trentaine et il livre ici un épouvantable ramassis de lieux communs, "soutenu" par une narration totalement bancale.
Les dessins, par contre, sont très réussis. Là on a fait le tour des qualités de Any Empire, pour les défauts, il va falloir malheureusement bien plus de temps.
Le résumé de la quatrième de couverture était pourtant encourageant et permettait d'imaginer le meilleur : des gamins livrés à eux-mêmes, un défi assez terrible à relever (tuer "quelque chose" pour faire partie de la bande), une enquête, un chassé-croisé mêlant les enfants d'hier et les adultes d'aujourd'hui... pourtant, malgré ces ingrédients, le plat est franchement raté.
Le récit, publié en France en 2012 chez Sarbacane, est tout d'abord très économe en texte, trop d'ailleurs puisque les scènes muettes totalement incompréhensibles sont légion. L'enchaînement de ces mêmes scènes, allié à des ellipses, flashbacks et digressions sauvages, forment également un incroyable fatras. Alors, il y a bien l'alibi de l'onirisme, m'enfin, entre une scène onirique et une écriture sous acide, il y a une marge qui est ici franchie.
Difficile de juger l'histoire tant il n'y en a pas. L'affaire, si l'on peut appeler ça comme ça, des tueurs de tortues est totalement survolée. Tout comme le dilemme que l'on pensait voir naître chez Lee. Les personnages, eux, à force d'être ébauchés à coups de cases silencieuses et solennelles, sont d'une pauvreté hallucinante. Rien ne fonctionne.
Mais si l'on commence à s'intéresser au message véhiculé par l'auteur, alors là on arrive vraiment dans le domaine du n'importe quoi. Cela se voudrait intelligent, pas de bol, c'est idiot et prétentieux. Prétentieux parce que, vraiment, pour faire aussi ampoulé et s'étaler pendant 300 pages en aboutissant à un résultat aussi misérable, il faut vraiment avoir plus de balloches que de cervelle. Idiot parce que c'est là un propos aussi facile que vide, politiquement correct jusqu'à la nausée et typique d'une condamnation de principe, sans aucune réflexion ni le moindre recul. Tout ou presque peut pourtant se défendre, mais encore faut-il le faire avec un minimum d'élégance, sans enfoncer des portes déjà largement ouvertes depuis longtemps.
Powell se sert d'un tas de clichés pour appuyer son délire lourdingue. Cela va des comics GI Joe, jusqu'au paintball ou le hard rock (?!), en passant par le sport et, forcément, les supporters ultra-violents. Le but étant, évidemment, de démontrer l'existence d'un quelconque culte de la violence, culte qui n'existe bien souvent que dans la tête de ceux qui le dénoncent.
Si l'idée consiste à révéler aux lecteurs ébahis que la paix est un état préférable à la guerre, alors bravo à Powell pour sa science du consensus par la niaiserie. Et si l'auteur avait quelque chose de plus subtil en tête, ce dont il est permis de douter, c'est raté puisque noyé dans une forme inintelligible.
Bref, tout est à jeter. Enfin non, comme précisé plus haut, le gars dessine bien. Il ne reste plus qu'à lui trouver un scénariste.
Stupide, maladroit et suffisant : le trio magique.
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