Revenge
Publié le
20.3.20
Par
Nolt
Brutal, gore, parfois inventif mais certainement pas sans défauts, Revenge rentre dans la catégorie des rares films français de genre qui ne sont ni des polars ni des comédies.
À la base, l'histoire est très simple : une nana, trois brutes bas de plafond, une propriété isolée, des hormones non-contrôlées... et un gros dérapage. Le titre à lui seul résume parfaitement ce long métrage de Coralie Fargeat. En gros, c'est du Death Wish mais sans l'environnement urbain et la moustache de Charles Bronson. Ce qui est par contre étonnant, c'est que là où certains voyaient dans la vengeance du vieux Charlie une horrible ode au fascisme (les bien-pensants ont tendance à pardonner bien peu aux victimes), certains journalistes croient reconnaître dans Revenge un brûlot féministe engagé et moderne.
Franchement, je ne pense pas qu'il y ait une autre volonté ici que celle de divertir. Ce n'est pas parce que la réalisatrice et le personnage principal sont des femmes que tout devient forcément "féministe" pour autant. Enfin, il faut l'espérer. [1]
Voyons un peu, pour commencer, les défauts de ce film. Le plus grand provient sans doute de l'écriture. Toute subtilité est sacrifiée sur l'autel de l'esthétisme. Les personnages déjà, caricaturaux au possible. Ils sont très souvent involontairement drôles, à commencer par Stan, qui regarde la nana de son pote comme si c'était un gâteau au chocolat après un mois de disette (non mais, vraiment, il faut voir ça, c'est tellement exagéré que l'effet tombe complètement à plat). Au niveau de sa psychologie, ce n'est guère mieux, puisqu'il se montre au départ particulièrement sadique (la "conversation" dans la chambre est assez flippante, et réussie pour le coup) pour finalement se comporter ensuite comme un benêt fragile et amorphe. Jen, le personnage principal, n'est guère mieux lotie. De bimbo décérébrée et allumeuse, elle passe en mode Rambo avec un manque de logique déconcertant.
La vraisemblance n'est pas la priorité non plus de Coralie Fargeat, qui signe ici également le scénario. La chute de Jen, du haut d'une falaise, aurait par exemple dû suffire à lui faire passer l'arme à gauche. Là en plus, elle s'empale sur la branche d'un arbre mort (j'espère vraiment que ce n'est pas une pseudo-métaphore phallique...), ce qui ne va nullement l'empêcher, malgré une blessure qui devrait s'avérer mortelle, de gambader joyeusement pour assouvir son désir de vengeance (la manière dont elle se "libère" est en plus totalement ridicule).
Bref, tout cela est très maladroit, presque enfantin... et pourtant, ce n'est pas si grave, du moins si l'on prend ce film pour ce qu'il est : un divertissement violent et purement jouissif qui ne s'embarrasse d'aucun message et bâtit peu à peu une course-poursuite pêchue à la forme léchée.
On en arrive tout doucement aux qualités. Fargeat, plus que les dialogues (pratiquement inexistants), le fond ou une quelconque intrigue, s'est attachée à soigner la photographie, le rythme, les images choc et les émotions. Dans le genre glauque et impactant, les gros plans de fourmis par exemple, pratiquement assommées par des gouttes de sang qui ressemblent à de terrifiants projectiles tombés du ciel, contribuent à installer un malaise durable. Ces changements d'échelle, loin d'être anodins, renforcent, malgré la distanciation apparente, la dureté des scènes ou le sentiment de menace diffuse.
Le grand final est également l'un des points forts du film tant il se révèle original, angoissant et sanglant jusqu'à l'absurde. Cette longue partie de cache-cache mortelle, à travers des couloirs qui se teintent peu à peu du sang des participants, vaut à elle seul le détour.
Au final, on passe un bon moment, on est surpris, dégoûté parfois (mais c'est volontaire) et l'on se dit qu'avec une écriture un peu plus rigoureuse et inspirée, l'on aurait pu avoir là un chef-d'œuvre au lieu d'une curiosité acidulée mais terriblement superficielle.
À voir tout de même.
[1] Une explication ne devrait pas s'imposer, mais de nos jours... elle s'impose. Ce que je veux dire par là, c'est qu'une condamnation du viol (même aussi peu évidente, car je rappelle que l'on est, dans ce film, plus dans l'action que la réflexion) est purement logique et va de soi. Pour tous. Ça n'a rien de "féministe" d'être contre le viol. C'est juste du bon sens. Au même titre que ne pas cramer une forêt n'a rien "d'écolo", c'est normal. Encore une fois, les gens se jugent sur ce qu'ils FONT, pas ce qu'ils SONT. Le sexe, la couleur de peau, l'origine, la religion ou je ne sais quoi encore n'obligent aucunement à se comporter comme une merde. La condamnation de maltraitances ou de crimes n'a donc rien à voir avec un quelconque mouvement politique ou une tendance, cela concerne tout être humain suffisamment évolué. Et puis soyons honnête, si c'est là l'expression du féminisme actuel, Aliens était alors bien plus (involontairement) engagé, et de manière ô combien plus inspirée, dans les années 80.
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