Good Omens
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C’était un beau jour, comme tous les précédents. Il s’en était déjà écoulé largement plus de sept, et la pluie n’était pas encore inventée. Mais un amoncellement de nuages à l’est d’Éden laissait entendre que le premier orage était en route et qu’il serait costaud.
L’ange à la Poterne d’Orient leva ses ailes au-dessus de sa tête pour s’abriter des premières gouttes.
« Pardon, fit-il poliment. Tu disais ?
 Je disais : ce n’est pas ce que j’appellerais un franc succès, répéta le serpent.
 Oh, en effet ! » admit l’ange, qui s’appelait Aziraphale.
« Franchement, je trouve Sa réaction disproportionnée. Enfin, quoi : c’est la première fois. D'ailleurs, qu’y a-t-il de si terrible à connaître la différence entre le Bien et le Mal ? Ça m’échappe.
 Il faut que ce soit une très mauvaise chose », pontifia Aziraphale sur le ton légèrement troublé de quelqu’un qui s’inquiète de ne pas voir le problème, lui non plus. « Tu n’aurais pas été mêlé à cette histoire, sinon.
 On m’a simplement dit : Va semer la pagaille, là-bas, expliqua le serpent, qui s’appelait Rampant - ceci dit, il songeait à changer de nom. Rampant… non, décidément ça ne lui allait pas du tout.
 Oui, mais toi, tu es un démon. Je ne sais pas si tu pourrais bien agir. Ce n’est pas… dans ta nature, tu vois. Sans vouloir t’offenser, bien sûr.
 Reconnais quand même que c’est cousu de fil blanc. Il leur montre bien l’Arbre et II fait les gros yeux en disant “Pas Touche”. Ça manque un peu de subtilité, non ? Franchement, Il aurait pu le planter au sommet d’une haute montagne, ou très loin d’ici. À se demander ce qu’Il mijote vraiment.  
 Mieux vaut ne pas trop y réfléchir. Comme je dis toujours, on ne pourra jamais comprendre l’ineffable. Il y a le Bien et il y a le Mal. Et si on fait Mal quand on te dit de Bien faire, on mérite d’être puni. Euh, enfin… »

Ainsi commence De bons présages dans la traduction qu’en fit Patrick Marcel avec beaucoup de talent… Mais c’est sous les plumes (associées pour le meilleur et pour le rire) des géniaux Terry Pratchett et Neil Gaiman que ce livre vit le jour dans la langue d’Albion sous le titre de Good Omens: The Nice and Accurate Prophecies of Agnes Nutter, Witch.

Si je vous parle de ce livre, ce n'est pas pour annoncer enfin la sortie de l'adaptation cinématographique par l'ancien Monty Pyton Terry Gilliam, puisqu'elle devait normalement compter à son générique Johnny Depp et un certain Robin Williams, malheureusement depuis quelque peu décédé... ce qui constitue, reconnaissons-le, un contretemps non négligeable. Puis bon, de toute façon... tout projet de Terry Gilliam dont on parle depuis plus de deux ans sans qu'il soit réalisé se transforme en best of de Queen, c'est bien connu (si vous avez la référence, que faites-vous sur cet article ?).
Non, si nous parlons aujourd'hui de ce livre, c'est parce que nous allons découvrir son adaptation télévisuelle financée par Amazon et diffusée sur la BBC et Amazon Prime. Je ne suis pas en retard, non... J'aborde cette mini-série parce qu'Amazon a l'excellente idée de la sortir en DVD et en BluRay ! Oui, bientôt, ce précieux pourra être vôtre grâce à Koba Films.

Autant vous le dire de suite, je suis en train d'écrire cette chronique dans un bureau où deux étagères sont consacrées à l’intégralité de l'œuvre du regretté Terry Pratchett et une autre à une bonne partie de celle de Neil Gaiman... je serai donc soit emballé par le projet tel un fanboy de base, soit dégoûté au point de déchaîner sur cette production une ire apte à faire passer la colère divine pour un caprice de nourrisson.


Au commencement, Dieu créa le livre


Good Omens, le livre, est donc le fruit des imaginations débridées de :
- Terry Pratchett, essentiellement connu pour sa longue saga de light fantasy (heroic fantasy parodique) Discworld (Les annales du Disque-Monde) à laquelle il me reviendra sans nul doute un jour de consacrer un long article ici-même tant j'ai de choses à dire à son sujet ;
- Neil Gaiman, lui aussi adulé par nombre de geeks mais dont le grand public connaît parfois mieux les œuvres en raison du succès de l'adaptation de certaines pour le grand écran (Coralie), le petit écran (American Gods) et de sa participation à quelques productions à succès (il a scénarisé quelques épisodes de Doctor Who, a joué son propre rôle dans l'épisode 21 de la saison 11 de Big Bang Theory et même le rôle de Dieu dans la saison 3 de Lucifer !).

In a gadda da vida, honey (trouve qui a chanté ce titre de chapitre et gagne une poignée de main virtuelle)  

Aziraphale et Rampant.
Gardez cette image en tête pour quand on parlera des effets spéciaux.
Le livre s'inspire de quelques poncifs des religions Abrahamiques pour les tourner en dérision dans une histoire d'amitié entre un ange (Aziraphale, qui offrit à Adam son épée de feu et offrit donc à l'Humanité l'opportunité de massacrer des trucs... oups !) et un démon (Rampant, alias Rampa, le serpent du jardin d'Eden, juste venu là pour mettre le souk en tentant cette gourde d'Eve).
Une telle amitié ne va évidemment pas de soi a priori et elle mettra des millénaires à s'épanouir, nous menant de la Genèse à ce qui pourrait bien être l'Apocalypse, rien de moins.
Car en effet, si Aziraphale et Rampa ronronnent doucement sur Terre, vivant depuis des siècles le quotidien d'humains aux pouvoirs d'ange (déchus ou non) et s'acquittant de-ci de-là de missions pour leur camp, leur confortable situation va bientôt être perturbée par l'annonce prochaine de la Fin des Temps. Voilà qui est fâcheux.
Les voilà donc décidant de concert (et en contravention absolue avec les règles de leurs supérieurs) de garder un œil sur Abaddon (coucou, les fans de Warhammer 40K !) Dowling, fils d'un diplomate américain en Grande-Bretagne et supposément né pour être l'incarnation de l'Antéchrist. Le plan est simple : éduquer l'enfant de façon à ce qu'il soit toujours hésitant entre le Bien et le Mal afin qu'aucun camp ne gagne au bout de compte. Les deux compères espèrent ainsi retarder autant que possible la fin de toutes choses.
Et, au passage... ça fait ma deuxième chronique d'affilée parlant de la Bible... ça commence à bien faire, les petits gars !

Antichrist Superstar (trouve qui a chanté ce titre de chapitre et gagne un bisou virtuel)

Ces étranges nonnes ont bien déconné avec le bébé !
Mais bon... c'était peut-être prévu, après tout...
Néanmoins, c'était sans compter qu'un plan divin a forcément toujours quelques longueurs d'avance...
Abaddon est un gosse comme les autres. Un malencontreux échange à la naissance a suffi pour mettre l'Antéchrist entre les mains d'une famille banale de Lower Tadfield, dans l'Oxfordshire, un lieu cher à Pratchett en raison du fait que son théâtre fut le premier à mettre en scène ses textes théâtraux.
C'est d'ailleurs un peu ce que l'on y trouve dans le roman lorsque l'on fait la connaissance de l'enfant-antéchrist : Adam Young.
Inconscient de ses pouvoirs comme de son rôle à venir, élevés par deux anglais moyens, c'est un garçon charismatique qui s'est entouré de trois amis et a recréé autour de lui sans le vouloir un monde proche de celui du héros de la série littéraire William (de Richmal Crompton), sans doute convaincu que c'est là la quintessence d'une enfance anglaise.

The four horsemen (trouve qui a chanté ce titre de chapitre et gagne un mensonge affirmant que tu as tout mon respect)

Eux, je les aurais imaginés plus effrayants mais non, c'est bien vu.
On en parlera.
Plus l'enfant se découvre et plus nous faisons connaissance avec de nouveaux personnages.
Il y a tout d'abord le fameux chien des Enfers que l'enfant doit baptiser et dont le nom dictera la forme. Innocent de sa destinée, Adam l'appelle donc Toutou... s'assurant la présence d'un compagnon de jeu certes démoniaque mais mignon tout plein et très joueur.
Viennent également les motards de l'Apocalypse (oui, ils ont des bécanes, ici... Pratchett réutilisera d'ailleurs plusieurs fois ce gimmick dans Discworld avec La Mort qui délaissera parfois son destrier Bigadin pour une moto).
Ils sont évidemment au nombre de quatre.
« Pollution » remplace « Pestilence » depuis que celui-ci a pris sa retraite (en marmonnant quelque chose au sujet de cette saleté de pénicilline) et hérite de ses attributs, notamment sa couleur : le blanc.
« Guerre » reprend le rouge qui lui est associé de tous temps jusque dans les films belges (vu que "Le rouge, c'est la couleur du sang, la couleur des Indiens !"... big up à ceux qui ont la référence). Guerre est munie d'une épée... genre épée de feu... hum. Oups !
« Famine » hérite du noir.
Et enfin, « La Mort » est, comme toujours avec Pratchett, ce personnage archétypal squelettique couvert d'une robe de bure et qui s'exprime toujours en lettres majuscules. Il faut savoir que La Mort est un personnage central de l'univers de Pratchett (voir encadré tout noir et tout triste un peu plus bas...).
Arrivent enfin Anathème Bidule (descendante d'Agnès Barge) et Newton Pulsifer (descendant qui s'ignore de l'Inquisiteur Major Vous-Ne-Commettrez-Point-L'Adultère Pulsifer). Elle veille à la réalisation des prophéties de son ancêtre permettant de retrouver l'Antéchrist, et lui vient, par un hasard qui tient de la destinée, de rejoindre un ordre militaire déserté voué à traquer les sorcières.


Prophecy (trouve qui a chanté ce titre de chapitre et gagne un tango virtuel passionné en compagnie de notre rédac' chef)

Comme dirait l'autre : "Tu ne m'as pas crue, tu m'auras cuite."
Le début de l'histoire de ces deux derniers personnages commence au XVIIe siècle. À cette époque vivait Agnès Barge, la seule véritable prophétesse ayant jamais existé. Elle écrivit un livre intitulé Les Belles et Bonnes Prophéties d'Agnès Barge. Ce livre se vendit peu... certes, chaque prophétie y est parfaitement correcte mais tellement focalisée à chaque fois sur un détail que l'on en remarque difficilement la véracité si l'on n'est pas impliqué dans les faits en question.
Agnès Barge ne l'a fait publier que pour en obtenir un exemplaire gratuit. Elle a légué cet ouvrage à ses héritiers de génération en génération jusqu'à ce qu'il arrive entre les mains d'Anathème Bidule qui a pour mission de l'apprendre par cœur, histoire de reconnaître les signes lorsqu'ils se matérialiseront sous ses yeux.
Accusée de sorcellerie, Agnès fut mise au bûcher par l'Inquisiteur Major Vous-Ne-Commettrez-Point-L'Adultère Pulsifer. Cependant, comme elle avait vu cette fin dans ses prédictions, elle avait emballé 80 livres de poudre à canon et 40 livres de clous à toiture dans ses jupons. C'est avec le sens du devoir accompli qu'Agnès explosa donc sur le bûcher, tuant tous les spectateurs de son exécution et laissant donc à son livre le soin de traverser les âges pour préparer sa lignée à contrer l'Apocalypse.

Et ainsi, le livre décrira l'histoire de ce duo improbable angélico-démoniaque et de deux humains éclairés par leurs aïeux tentant de déjouer l'Apocalypse au nez et à la barbe de l'Enfer comme du Paradis.
Y parviendront-ils ? Il fallait autrefois lire le livre pour le savoir. Désormais, on peut aussi regarder cette mini-série !
Mais lisez le livre quand même. Pratchett, c'est tellement bon !
Oui, je suis l'objectivité incarnée, à n'en pas douter.


Et puis ensuite, Neil créa le live...


Il se dit dans les milieux autorisés à se dire ce genre de choses que, de retour des obsèques de son ami Terry, Neil Gaiman annonça à sa femme qu'il commençait immédiatement l'écriture de l'adaptation télévisuelle de Good Omens. Une façon, certes, de garder encore auprès de lui l'esprit de son coauteur (qui avait, de leur propre aveu, écrit bien plus de la moitié de l'ouvrage) mais aussi, sans doute, de ne plus procrastiner de quelque façon que ce soit et d'enfin mener à bien ce projet auquel Terry tenait beaucoup... Et cela, pour nous, augure du bon. Car adapter avec le cœur le travail de deux cerveaux géniaux... Pardon ? Oui, objectivité, je vous ai dit !

L'histoire 


Sans surprise, l'auteur a respecté son travail (que c'est étonnant !) et nous livre une histoire fidèle au matériau d'origine et agrémentée bien comme il faut de ce que l'image pouvait lui apporter (eh ! c'est que le Neil n'est pas à son coup d'essai, en matière de télé, hein !).
On zappe d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre,
d'une intrigue à l'autre et non.
Non, non, non, ce n'est en rien un défaut !
Et c'est déjà le moment de dézinguer du collègue... Comme dit dans d'autres chroniques, avant de rédiger, j'aime lire au préalable les critiques et articles sur d'autres sites et j'ai lu... des énormités !
La pire consistant à dire, dans les grandes lignes, que la narration est compliquée à suivre avec cette manie de zapper d'un personnage à l'autre et d'une intrigue à l'autre.
Mais c'est ridicule. C'est pile poil l'écriture de Pratchett. On zappe de personnage et de lieu à chaque chapitre jusqu'à ce que tous les destins se croisent et interagissent. C'est son schéma habituel. C'est justement très sympa, de retrouver dans une série cette façon de faire qui est presque une signature tant chez lui c'est récurrent.
Autre critique imbécile que j'ai pu lire : "Gnèèèh, c'est absurde.". Bravo, champion ! Oui. C'est de l'humour british et par conséquent souvent absurde, oui, bravo. Monty Python, tout ça... Ah ben oui, ça change des sketches sur les téléphones portables et les réseaux sociaux, hein ? Ah ben, il faut sortir, un peu !
Dernière stupidité : "Les changements de rythme, c'est perturbant : le début est très lent, puis..", boucle-la ! Tais-toi et va mater des soaps US insipides en comatant dans ton divan défoncé par des années de visionnage avec le cerveau sur off, baltringue ! C'est là aussi du Pratchett ! Pratchett construit méticuleusement ses univers et aime nous les faire connaître souvent jusqu'à leurs origines. Ici, on parle d'événements contemporains et l'histoire commence à la création de la Terre. Pas seulement parce qu'on a là un récit parodiant la Bible et donc la Genèse mais aussi parce que c'est marrant. La voix off qui donne au début l'âge exact de la Terre au jour près, c'est drôle, espèce de butor à pieds plats ridicule. Va donc faire une critique de la mire, ce sera plus de ton niveau !
Argh... je hais les gens.
Pardon.
Mais bon, certains le cherchent un peu, quand même !

La technique


"Tolkien’s dead.
JK Rowling said no.
Philip Pullman couldn’t make it.
Hi, I’m Terry Pratchett."
Et là aussi, il va falloir rebondir sur les propos de certaines et certains...
"Les effets spéciaux, parfois, c'est cheap, hein, façon années 80, limite !".
Mais non. Mais carrément pas. Mais tellement pas ! Regarde l'ensemble de la mini-série et prends du recul : certains effets sont en effet un peu ringards et d'autres non... Qu'est-ce que tu en conclus, bougrure d'andouille fourrée à la stupidité ? Ben que c'est sans doute un choix, non ? Quels effets sont ridicules et quels effets sont stylés ? Ça va ? Tu commences à comprendre ? Non ? Ajoute à ma remarque notre découverte d'au-dessus : humour absurde et british. Aaah, ça commence à venir... Oui, c'est ça, bravo champion ! On a droit à du pastiche et à de la parodie sous forme d'hommage à divers cinémas d'antan et à des petits saluts à leurs effets spéciaux. Quand on voit le niveau de certains effets, croire qu'il ne leur a pas été possible de faire un CGI de Rampa version serpentiforme qui ressemble moins à une créature en latex est assez naïf.
À chaque fois que les effets sont un peu cheap, ça renforce un procédé comique.
Et ce serait une coïncidence ?
Pour croire Gaiman et Pratchett incapables d'autodérision, il faut ne rien connaître d'eux. Pour preuve, la photo de Pratchett qui illustre ce paragraphe. Le gars arborait fièrement ce t-shirt lorsqu'il participait à des séances de dédicaces. Ne me dites pas qu'il n'y a pas là la preuve indéniable d'une autodérision évidente. Enfin quoi ! Ce n'est pas Amélie Nothomb qui porterait ça ! Pardon ? Oui, encore une photo de Pratchett, oui. J'adorais cet auteur, je fais ce que je veux, na !

À part ça, la photographie est souvent superbe et très signifiante, les couleurs et lieux visités parlent parfois autant que l'action elle-même. C'est très réfléchi et très abouti. 

La distribution


Okay, je l'avoue, ma famille toute entière est composée de Whovians. Vous savez, ces personnes bizarres qui poussent des petits glapissements de jouissance quand ils voient une cabine téléphonique bleue avec "Police Public Call Box" dessus... Alors quand on voit au même générique les noms des deux auteurs dont on a déjà parlé associé à celui de David "10th doctor" Tennant, on arrête tout, on sacrifie quelques adiposes au dieu des séries et on s'installe dans le canapé en espérant le meilleur.

Vous aurez compris que j'ai jusque-là eu ce que je souhaitais de cette série qualitativement parlant. Reste à voir ce que le casting a donné et c'est... encore une réussite !

Je m'attendais à un David Tennant des grands soirs pour incarner Rampa et c'est bien ce à quoi l'on a droit : surjeu, cabotinage, charme, démence, élégance, postiches et déguisements... le bon David se lâche ici complètement et prend de toute évidence un pied monumental à incarner ce démon accro à la vie terrestre.
Avec une carrière télévisuelle aussi variée que réussie (ne citons que Doctor Who, Broadchurch ou Jessica Jones par exemple), Tennant est le genre de comédien à qui il semble possible d'incarner peu ou prou n'importe quoi. D'ailleurs, je recommande aux plus anglophiles d'entre vous la série d'animation Final Space où il prête sa voix au méchant : il y est irrésistible. Mais nous reviendrons aux voix plus tard.
Son Rampa est diablement sympathique et je ne vois pas vraiment quel autre acteur aurait pu le jouer de cette façon. Certes, il y a d'autres manières possibles d'incarner cette boule de vices et de corruption mais Tennant tient là une incarnation oscillante, sournoise, presque ophidienne... autant dire que l'on ne saurait être davantage dans le ton !
L'on ne peut que comprendre l'affection que lui porte bientôt Aziraphale tant effectivement, malgré ses péchés en cascade, ce Rampa déborde de sympathie. Et c'est là que le surjeu devient étonnamment un outil de la finesse : Rampa est le serpent du jardin d’Éden, le tentateur ultime (et pourtant primordial). Le seul, sans doute, à être ouvertement démoniaque mais néanmoins capable d'inspirer un sentiment d'amitié à un parangon de vertu tel qu'Aziraphale.

Venons-y, à Arziraphale... À mon grand désarroi, je ne connaissais pas son interprète avant cette série. Michael Sheen. Comment ? Mais ce nom me dit pourtant quelque ch... Quoi ? Mais... J'ai regardé cette série en entier sans jamais, jamais me rendre compte que je connaissais ce comédien et l'avais vu dans des tas de films (les Underworld, Prisonniers du temps, Blood diamond, les Twilight - oui, j'ai vu ça, non, je n'en suis pas fier -, Minuit à Paris, Secret d'état, Le voyage du Docteur Dolittle...) et à la télé (Masters of sex et actuellement Prodigal son bientôt diffusé sur TF1). Mais non. Mais... cette simple coloration aurait-elle eu raison de mon œil avisé ? Quelques poils teints en blancs suffiraient-ils pour tromper ma vigilance de spectateur ? Suis-je à ce point facile à duper ?
Que nenni. Sheen offre simplement ici une interprétation loin de ses rôles habituels. Son visage rond et ses boucles blanches, son sourire angélique et sa voix suave lui permettent de nous servir un Aziraphale plus convaincant en ange un peu maladroit et naïf que toutes les images mentales que j'avais pu me faire lors de la lecture du livre.
Comprenons-nous bien : j'aime David Tennant mais Sheen est selon moi le comédien qui porte cette série. Il émane de lui un angélisme et une candeur tellement crédibles que le metteur en scène amateur que je suis ne peut qu'envier ceux qui ont la chance de le diriger. Ce comédien semble être une Rolls : la classe brit' à l'état pur qui se dirige d'un seul doigt !
Magistral.

L'alchimie entre les comédiens fonctionne à merveille et donne naissance à une amitié touchante et crédible entre les personnages. Pas étonnant que nombre de fans réclament une suite (ne rêvez pas, les gars... on est au bout du livre, là... personnellement, je n'y crois pas une seconde et je trouve que c'est très bien ainsi) : on n'a pas envie de lâcher ces deux compères.

I want to ride my bicycle, I want to ride my bike...
Pour le reste du cast, on vogue entre le bon et l'excellent. Je retiendrai personnellement...
Frances McDormand (Les panneaux de la vengeance...) qui offre sa voix à Dieu qui est donc ici une femme (mes amitiés à Dogma et à Alanis Morissette, au passage).
Benedict Cumberbatch (Sherlock, les gars !) qui sacrifie sa voix à Satan et c'est... un choix très pertinent !
John Hamm (Top gun : Maverick...) qui est un archange Gabriel chic et proche du golden boy.
Michael McKean (qui sera pour moi éternellement Chuck McGill dans Better Call Saul mais qui a bien d'autres médailles accrochées au poitrail) qui interprète l'halluciné sergent inquisiteur Shadwell, dernier chasseur de sorcières.
Adriana Arjona (True detective...) qui joue Anathème Bidule est tout à fait charmante en occultiste à la voie toute tracée par une aïeule prophétesse.
Mais aucun ne démérite et même les quatre enfants (Adam et ses amis) méritent des louanges : ça joue très bien et tout est très convaincant et... diablement british. Parce que, oui, il va falloir y venir.


It's so brit !


Un cameo de Shakespeare, ça se fête !
J'en ai vu des séries, depuis le temps ! Des bonnes, des mauvaises ; des idiotes, des complexes ; des chères, des indigentes ; de toutes longueurs, de tous styles, de tous les genres et de toutes nationalités mais... mais les séries britanniques, lorsqu'elles sont réussies, ont ce quelque chose, ce charme immédiat que l'on attend en vain lorsque l'on passe ensuite à une production venant d'ailleurs.
Cet effet se fera immanquablement sentir après Good Omens mais il sera plus présent encore si vous êtes un anglophile et que vous avez dégusté ce petit nectar dans la langue de Shakespeare (d'ailleurs présent dans la série en personne... enfin... joué par un comédien, hein !).
Saperlipopette de petit bonhomme en bois vernis ! Mais comme l'anglais sonne bien dans les bouches de Tennant et Sheen. Que c'est beau, smart, élégant, bien articulé, accessible, bien joué, vivant, moelleux... Revenir ensuite aux séries américaines en V.O. donne l'impression d'écouter sur une cassette audio de seconde main rembobinée de travers par un manchot une musique que l'on a l'habitude d'entendre en haute fidélité numérique.
Au niveau musical, ça déborde là aussi de cet esprit so british, même si on n'a pas que cela.
On aura évidemment pas mal de Queen... En effet, un running gag du roman se base sur la croyance rapportée par Gaiman que tout enregistrement de musique laissé dans une voiture pendant plus de deux semaines se transformerait comme par magie en un album Best of Queen. Au fur et à mesure que le livre progresse, chaque fois que le démon Rampa tente de changer la musique dans sa voiture pendant qu'il conduisait, il lui est impossible d'échapper à la voix de Freddie Mercury. Certains pisse-froid estiment que la blague ne fonctionne pas de nos jours où les médias physiques sont en train de disparaître puisque même la Bentley vintage de Crowley de 1934 est équipée d'un récepteur de radio satellite. Mais les réalisateurs ont quand même mis du Queen partout... des extraits dont les paroles collent le plus souvent à l'action, en plus. Merci pour ce bras d'honneur, les gars. Ça fait plaisir. Parce que je l'avais adoré, ce running gag du bouquin !
"Tu as vu, Newton, cette liste d'excellents groupes ! Voilà une liste d'enfer !
- Une liste paradisiaque, Anathème. Une liste paradisiaque."
À part ça, on a Muse, The Killers, Tori Amos, Elvis Presley, Arcade Fire, ZZ Top, Wings, AC/DC, Franz Ferdinand, Fall Out Boy, The Rolling Stones, Bruce Springsteen, Santana, My chemical Romance, Blue Oÿster Cult, Led Zeppelin, The Beatles, Scorpions, The Doors, Stevie Wonder, Scissor Sisters, Nick Cave, The Cure, Peter Gabriel, OMD, Tom Waits, Talking Heads, Leonard Cohen, The Clash, Prince, Panic! At the disco, Scott Bradley's Post Modern Jukebox, Adele, David Bowie et d'autres encore... rien que des petits nouveaux prometteurs à qui on souhaite de percer !
Oui, cette vanne est éculée, oui.
Mais c'est comme les best of de Queen. Quand on laisse un chroniqueur lister autant de groupes mythiques, l'excellente vanne qui suit devient automatiquement cette blague rance.

Conclusion

Inutile de vous faire un dessin, je vous conseille vivement de vous délecter de ce bonbon télévisuel qu'est Good Omens. Si toutefois vous n'aimiez pas ce que vous allez découvrir... ne venez pas vous plaindre auprès de moi. Je serais bien fichu de relâcher sur vous cette "ire apte à faire passer la colère divine pour un caprice de nourrisson" que je n'ai pas eu le loisir d'abattre sur la série.
Bon visionnage et merci de m'avoir lu.

Mais, en guise d'au revoir, je tenais à faire aussi un dernier adieu.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'histoire.
  • L'humour.
  • Le jeu des comédiens.
  • La photographie.
  • Ben... tout, en fait...

  • Le générique franchement long et non chapitré sur le Blu Ray... il faut le passer en avance rapide ou le regarder. Il est très beau, hein. Mais long, si long.
  • Non, rien. Sauf certains collègues chroniqueurs, peut-être...