Michel Vaillant - Saison 2 : Le Bilan
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Après 12 tomes, il est temps de dresser un état des lieux de l'ambitieuse Saison 2 de la série Michel Vaillant.

Rappelez-vous, nous vous avions présenté le premier tome dans ce First Look. Cette fois, c'est une analyse des qualités (nombreuses !) et défauts de cette saga que nous allons vous proposer. 
Attention, l'intégralité des événements importants concernant l'histoire développée dans les tomes #1 à #12 sera dévoilée dans ce qui suit. Si vous poursuivez la lecture de cet article, vous avez donc supposément déjà lus les BD en question.

Une reprise d'une série mythique, on l'a déjà vu (avec Astérix notamment), peut s'avérer très délicate. Il faut notamment composer avec les attentes du lectorat (dont les souvenirs sont souvent embellis par la nostalgie) et parvenir, sans dénaturer le personnage, à installer un ton propre. Dans l'idéal en tout cas. Et c'est ce qu'est parvenue à faire l'équipe en charge des nouvelles aventures du pilote. L'on parle bien d'équipe car entre le scénario (Philippe Graton, Denis Lapière), les dessins (Marc Bourgne, Olivier Marin, Benjamin Bénéteau, Vincent Dutreuil, Tomas Moron), la colorisation (Sébastien Gérard, Christian Lerolle, Antoine Lapasset, Bruno Tatti, Luan Kodra, Thomas Levadoux) et le lettrage (Claude Hauwaert), il y a pas mal de monde sur ce projet (dont les publications sont régulières, avec un album par an depuis le lancement).

La grande idée, à la base de ce nouveau départ, est simple mais cruciale : l'abandon des récits en un seul album au profit d'une grande saga mêlant courses, politique, économie, sentiments et affaires criminelles. Le tout bien entendu en conservant les personnages emblématiques.
Mais encore faut-il une certaine qualité d'écriture et un brin d'audace pour permettre à ce brave Michel Vaillant d'aborder le XXIe siècle avec une certaine fraîcheur. Et il faut dire que les auteurs n'ont pas lésiné sur les scènes chocs et les sous-intrigues en tout genre. Voyons ce qui a parfaitement fonctionné et ce qui s'est révélé un poil décevant.




Le premier gros événement de cette série, c'est bien entendu la descente aux enfers de Jean-Pierre Vaillant (le frère de Michel) et son... suicide spectaculaire. En fait, ce passage est très bien géré. On assiste à l'acte à la fin d'un album, puis on retrouve Jean-Pierre à l'hôpital, dans le coma, au début du suivant. Là on se dit "bon, OK, ils n'ont pas osé aller au bout, c'est compréhensible, ça serait assez violent, c'est un personnage important, etc." Mais en réalité, un album plus tard, exit le frangin ! Non seulement ils sont allés au bout, mais les scénaristes nous ont fait croire le contraire. D'un point de vue narratif, c'est brillant, puisque cela apporte deux scènes fortes (ou retournements de situation) avec un seul événement. 

Le mélange entre saga familiale, courses (certaines étant très bien mises en scène), aspect économique, aventure pure et même politique est très bien dosé également. On a droit à quelques scènes marquantes, du suspense, de la tension, bref, c'est efficace. Surtout, l'on sait que tout est possible, même le pire. Cela installe une véritable dramatisation, de vrais enjeux et une maturité certaine.
C'est sans doute la plus grande qualité de la série : effectuer un virage plus sombre et réaliste. L'on a pu entendre certaines critiques (peu éclairées) à ce sujet, notamment en évoquant le départ de Michel, en pleine course, alors qu'il est inquiet pour son fils. D'une part, ce n'est en rien irréaliste, des gens qui font n'importe quoi sous l'effet de l'impulsion du moment ou de l'inquiétude, ça existe. D'autre part, il faut bien raconter quelque chose. On ne va pas dépeindre la vie sans aspérités d'un comptable histoire de pouvoir se targuer de "réalisme". Non, en réalité le réalisme (de par les aspects familiaux et économiques, ou la disparition de certains personnages) est bien présent. Surtout si l'on compare à la première série. Celle-ci est bien plus moderne et tendue (ce qui ne veut pas dire que la précédente était médiocre, elle n'avait juste pas le même ton).




Pour autant, tout n'est pas parfait, loin de là. L'on peut aisément passer sur certains défauts graphiques (des différences assez nettes, entre deux cases, au niveau des visages par exemple), d'autant que les décors sont, eux, en général fort jolis voire parfois spectaculaires. 
Par contre, étonnamment, les scénaristes ont gâché de belles pistes d'intrigues qu'ils avaient pourtant patiemment mises en place. La première concerne Patrick, le fils de Michel. Ce dernier, en pension, connaît de nombreuses difficultés : ses notes sont mauvaises, il a un évident problème de comportement et finit même par fuguer. Là, on nous dit qu'il veut s'éloigner du clan Vaillant et s'émanciper de la lourde tradition familiale. Ce qui pourrait donner quelques scènes poignantes. Or, tout cela est vite bazardé un peu n'importe comment. En fait, alors que l'on pense que Patrick a vraiment mal tourné, on se rend compte qu'il bosse très sérieusement avec des petits génies sur un projet de... roues intelligentes et de bagnole du futur. Ah ben, pour quelqu'un qui voulait "s'éloigner" de la tradition familiale... c'est réussi !
Pire, alors qu'il croyait que son fils trempait dans un trafic de drogue, ce qui s'avère finalement faux, et qu'il se rend compte qu'il a non seulement un solide projet professionnel mais également une entreprise florissante entre les mains, Michel est quand même déçu car son fils est trop "terre-à-terre" et n'aborde pas le domaine automobile avec la même "passion" que lui. On frise le ridicule. D'autant que le gamin finira par rejoindre l'équipe Vaillante. Bref, un coup dans l'eau.

La seconde intrigue gâchée concerne la vie amoureuse de Michel. Alors qu'il semble très heureux avec sa femme, Françoise, il fait la connaissance d'une jolie journaliste, Carole, dont il se rapproche. On sent venir la relation extraconjugale (et les soucis et rebondissements qui pourraient l'accompagner), mais en réalité, tout cela en reste à un chaste baiser et à quelques regrets et fantasmes. 
Là encore, on a l'impression d'une longue mise en place qui, au final, n'aboutit à rien de bien palpitant.




En ce qui concerne les personnages secondaires, là encore, ils sont traités avec beaucoup (trop !) de tact et de prudence. Steve Warson semble s'écarter assez vite de la politique et des magouilles qui l'accompagnent, quant à Bob Cramer, il est aussi caricatural (et peu impressionnant) que par le passé. Bien entendu, tout cela peut évoluer dans les prochains albums, mais on ne peut s'empêcher de constater une certaine frilosité alors que le suicide de Jean-Pierre semblait au contraire annoncer une approche culottée et percutante. 
Il n'est pas question de "buter" tous les personnages, bien entendu, ce serait stupide, mais de les malmener de manière osée, de les pousser dans leurs retranchements, de secouer un peu les anciennes règles pour que le lecteur puisse vraiment vibrer et se plonger dans un univers à la fois familier mais totalement revisité et parcouru de nouvelles menaces et passions.  

Au final, ces 12 premiers albums s'avèrent globalement très bons, avec de belles planches, une approche moderne, de l'émotion, du suspense mais aussi, paradoxalement, une certaine timidité scénaristique qui empêche la série de passer un cap et d'atteindre l'excellence. 
Une Saison 2 tout de même très conseillée.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le côté feuilletonnant.
  • Le ton moderne et plus sombre que celui de la précédente série.
  • Les décors.
  • L'aspect familial, économique et politique.


  • Certaines intrigues insuffisamment exploitées ou trop "frileuses" dans leur issue.
  • Des dessins inégaux, surtout au niveau des visages.