Iron Maiden
Voilà un dossier spécial Iron Maiden, avec une approche un peu particulière puisque l'on va (presque) laisser de côté la musique pour s'intéresser à l'univers graphique du groupe ainsi qu'à ses textes.
Iron Maiden est un groupe... surprenant. C'est le mot qui convient. Et même si le hard rock n'est pas votre style de prédilection, l'univers Maiden pourrait vous étonner à plus d'un titre tant il est éloigné des idées reçues habituellement véhiculées par des médias toujours prompts à s'effrayer de ce qu'ils ne connaissent pas.
Dissipons tout de suite quelques malentendus.
Non, Maiden, ce n'est pas du "bruit", c'est au contraire des morceaux très mélodiques, complexes, aux arrangements subtils.
Non, ça ne parle pas de filles faciles, de bière et de grosses motos, le groupe trouve son inspiration dans des domaines aussi riches et variés que la littérature, l'Histoire, le cinéma ou la métaphysique.
Non, les musiciens qui composent le groupe ne sont pas des abrutis incultes, encore moins des satanistes, ce sont plutôt des gens équilibrés qui développent un discours cohérent. Pour prendre un exemple assez amusant - et déjà peu courant dans le monde de la musique - Bruce Dickinson, l'actuel chanteur, est également... pilote de ligne. C'est d'ailleurs lui qui, souvent, pilote le Boeing 757 que le groupe utilise pour ses tournées.
Mais si vous êtes un fan de la première heure, tout cela, vous le savez déjà.
Cet article s'intéresse à différents ouvrages ayant rapport avec l'univers artistique du groupe. Il a donc notamment été fait abstraction de certains livres relatant son histoire et la biographie de ses membres (comme l'excellent L'Epopée des Killers, de Mick Wall, chez Camion Blanc) pour ne garder que ce qui concerne l'aspect visuel et les textes, qui méritent largement que l'on s'y intéresse de près et constituent déjà un vaste domaine.
Run for Cover
L'on commence avec Run for Cover - The Art of Derek Riggs qui, comme son nom l'indique, est un artbook consacré au créateur d'Eddie the Head, mascotte du groupe présente sur tous les albums mais aussi sur scène.
Difficile en effet, lorsque l'on évoque Maiden, de ne pas penser à ce brave Edward, dont l'évolution est particulièrement remarquable. De simple zombie, Ed deviendra progressivement un concept métaphysique, servant entre autres à illustrer les interrogations existentielles du groupe. Le parcours de ce monstre est en effet assez exceptionnel : divinité, voyageur temporel, force de la nature ou simple rodeur malveillant, il aura réussi à incarner non pas un Mal, absolu et externe, mais les maux inhérents à la condition humaine et la frontière, bien mince, qui nous sépare de notre part d'ombre (dans un autre registre, l'on peut même également "jouer" avec Eddie, puisqu'un set de Heroclix le représentant est désormais disponible).
Bien qu'il ne soit pas le seul à avoir dessiné les pochettes du groupe, Riggs mérite bien que l'on s'attarde un peu sur son travail au travers de Run For Cover, un artbook qui donne toute la mesure de son talent. En 180 pages, et environ 200 illustrations, l'ouvrage retrace la carrière, étroitement liée au monde musical, de Riggs. Bien entendu, Maiden et Eddie se taillent la part du lion, avec les grands classiques ayant servi à illustrer albums, affiches ou singles. Un texte, signé Martin Popoff, accompagne les images. Une bonne occasion de découvrir l'envers du décor et diverses anecdotes. La mythique illustration de Somewhere in Time est notamment largement explicitée (le nombre de références, évidentes ou non, étant assez incroyable).
De magnifiques doubles pages exposent les illustrations les plus importantes, de Seventh Son à Live after Death, en passant par Somewhere in Time, déjà citée. L'on a droit également à quelques inédits ou crayonnés, mais l'essentiel réside bien dans le style, si particulier, de Riggs.
Celui-ci parvient en effet à créer des ambiances, des mondes même, qui ne sont pas seulement effrayants ou intrigants mais dans lesquels l'on peut se perdre, à l'affut d'un signe, d'un symbole, d'un regard, qui donnera un sens, unique et personnel, à une oeuvre à la beauté esthétique indéniable.
C'est sans doute en cela - cette souplesse, plus universelle dans l'interprétation qu'hermétique dans la forme - que les compositions de Riggs se rapprochent, et accompagnent de manière si parfaite, les paroles de Maiden.
D'un point de vue pratique, l'artbook peut être commandé directement sur le site de Riggs. Il en existe plusieurs versions (avec hadcover ou softcover, signé ou non signé), la plus économique revenant tout de même à 55 dollars, somme à laquelle il faut ajouter 35 dollars de frais de port pour la France. Cela reste un prix relativement élevé, mais la qualité de l'ouvrage est telle que bon nombre de collectionneurs sauteront le pas. Une adaptation par un éditeur français serait évidemment l'idéal.
Voilà en tout cas un ouvrage aussi beau qu'intéressant.
Iron Maiden : Morceaux d'Esprits
Les deux livres suivant concernent les textes du groupe. Ils sont tous deux écrits par Jean-Philippe Ury-Petesch et édités par Camion Blanc. Là encore, nous avons volontairement délaissé d'autres ouvrages, plus sociologiques, s'intéressant à la "tribu" Maiden, pour ne conserver que ce qui a trait à l'aspect artistique.
Morceaux d'Esprits : Thèmes et Origines des Chansons de la Vierge de Fer, est en réalité un travail universitaire, avec tout ce qu'il peut avoir d'aride et rebutant dans sa présentation (présentation du corpus et des documents d'appui, nombreuses notes obligeant à faire des allers-retours, définition des termes utilisés, etc.), néanmoins, si l'on excepte cette forme un peu "dure" pour un livre destiné au "grand public" (je me rends bien compte qu'il est destiné essentiellement aux amateurs de Metal, et plus spécifiquement aux fans de Maiden, toutefois, le public visé est bien plus large que celui des thèses universitaires), cet essai devient vite passionnant.
La première partie de l'ouvrage présente les différents thèmes trouvés par l'auteur. Cela va de l'aliénation aux rêves, en passant par le destin, la folie, la guerre ou encore la liberté ou le didactisme. Une aire de jeu très vaste donc. Les chapitres sont très courts et s'appuient sur des chiffres ou des citations, voire des évidences, qui, parfois, laissent un petit goût d'inachevé.
La deuxième partie, bien plus riche, analyse toutes les chansons du groupe, album par album (jusqu'au quatorzième). Cela permet d'avoir une première approche de chaque titre, d'en connaître le sens "premier" et de découvrir également quelques anecdotes.
Bien entendu il ne peut s'agir que d'un premier pas vers l'univers créé et défendu par Iron Maiden au cours des ans. Certaines paroles sont suffisamment habiles (certains iront jusqu'à dire opaques) pour permettre une interprétation personnelle complémentaire, voire même une extrapolation à des lieues de ce que l'auteur suggère.
Il convient toutefois d'émettre une petite réserve sur certaines explications de texte, parfois tout de même très naïves (Fear of the Dark par exemple, où l'auteur nous explique ce qu'est... la peur du noir chez les enfants). Cette approche quelque peu critique n'enlève évidemment rien à la qualité (et la quantité) du travail fourni. Cette étude est brillante à plus d'un titre, bien qu'elle devrait sans doute plus toucher un jeune public découvrant Maiden que certains vieux briscards aguerris.
Notons que ce livre a également le mérite de réduire en poussière les a priori entretenus au sujet du heavy metal, en mettant en lumière la grande qualité d'écriture des chansons. Cela pourra sans doute surprendre ceux qui ne connaissent pas le groupe, mais Maiden tire ses textes de domaines aussi riches que l'Histoire (avec des références à Alexandre le Grand, Jules César, William Wallace, la Bataille d'Angleterre ou la guerre des tranchées...), le cinéma (certains films de Francis Ford Coppola, Wes Craven, Ingmar Bergman ou Jean-Jacques Annaud sont des sources avérées), ou encore la littérature (le Dune de Frank Herbert, Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley ou encore Double Assassinat dans la rue Morgue d'Edgar Allan Poe). Sans parler de sujets plus sociétaux, comme les télévangélistes ou le clonage humain.
L'on est très loin du rocker décérébré, s'étouffant dans son vomi après avoir tiré la pétasse du coin un soir de beuverie.
Du moins dans les textes, et c'est tout ce qui nous importe.
L'ED'dictionnaire
Si ce livre est du même auteur et éditeur que le précédent, il s'en écarte tout de même très nettement, au moins sur son but.
Il s'agit en effet ici d'un dictionnaire, adapté évidemment au contexte Maiden. Là encore, seuls les quatorze premiers albums studio du groupe sont concernés.
Le titre annonce très clairement la couleur puisque l'on a bien affaire à un dictionnaire, basé sur les textes de Maiden. Et c'est très bien fait et d'une intelligence rare.
Alors, en quoi est-ce mieux qu'un simple dictionnaire français/anglais ? Eh bien, sans vouloir remettre en cause les mérites du Robert & Collins par exemple, qui est bien pratique, il s'agit là d'un outil optimisé dans une optique "maidenesque".
Chaque mot (et chaque forme verbale) est expliqué dans son contexte, avec à chaque fois une phrase intégralement traduite. Donc, plus de possibilité d'erreurs lorsque l'on rencontre un mot un peu rebelle qui a 50 sens différents dans le dico classique, ce qui est déjà bien, mais l'on dispose également d'une méthode d'apprentissage (ou de remise à niveau) aussi ludique qu'efficace, car directe et toujours basée sur une mise en situation précise.
C'est bien simple, cela pourrait servir dans un cadre scolaire, pour peu que le prof ne soit pas trop "effrayé" par la couverture.
Signalons que chaque section (chaque "lettre") est illustrée par un Eddie dessiné par Bones, toujours en rapport avec un titre en particulier : R comme Rime, E comme Evil, T comme Time, etc. Très sympa.
Une partie, bien plus courte, intitulée Maiden dans l'Ordinateur, complète le dictionnaire et s'intéresse, de nouveau d'une manière très scolaire, aux techniques utilisées pour analyser les textes.
Seventh Son of a Seventh Son
Le septième album d'Iron Maiden est non seulement le seul concept-album du groupe mais aussi, pour beaucoup, le "meilleur" de la Vierge de Fer. Il fait certainement partie en tout cas des plus aboutis, de là à faire un classement, c'est beaucoup plus hypothétique. Et puis, le premier opus, Iron Maiden, peut-il seulement se comparer avec Seventh Son ? Et peut-on réellement affirmer qu'entre Somewhere in Time et Piece of Mind, l'un est "supérieur" à l'autre ? Qu'il y ait une différence, oui, une évolution, c'est normal, nécessaire même, mais si l'on prend les titres épiques les plus lyriques du groupe, alors Phantom of the Opera n'a pas vieilli et tient bien la route en face de Seventh Son of a Seventh Son ou du encore plus récent Afraid to Shoot Strangers. Il y a là la même force, le même truc qui prend aux tripes, la même construction musicale, aussi riche qu'enivrante.
Toutefois, Seventh Son est un peu à part, parce qu'il s'agit d'un récit raconté au travers de toutes les chansons de l'album, mais aussi parce que cette histoire a également fait l'objet d'une adaptation en comics.
Publié par NFL Comics, en portugais et en anglais, Seventh Son of a Seventh Son est donc la version dessinée du récit développé dans l'album éponyme. Le scénario est de Hamilton T., les dessins de Fred Macêdo. Pour être honnête, il s'agit plus d'une curiosité qu'autre chose. Ce heavy rock graphic novel ne se contente pas de s'inspirer des paroles des chansons mais les suit scrupuleusement, ce qui limite bien entendu les possibilités. Si elles ne venaient pas illustrer les titres d'un album mythique, ces quarante planches n'auraient, d'un point de vue scénaristique, pas grand intérêt.
Graphiquement, même s'il y a de belles choses, le style reste trop lisse et cartoony pour véritablement impressionner et coller à l'ambiance. Même la colorisation achève de donner un aspect enfantin à l'ensemble.
Malgré tout, un véritable soin à été apporté à la finition du produit. Outre une introduction qui explique un peu l'origine du projet, l'on trouve également des éclaircissements sur les différents symboles présents dans l'histoire, des ébauches de covers alternatives, des explications, accompagnées de croquis, sur le processus créatif, et même l'intégralité des textes de Seventh Son.
En tout, une cinquantaine de pages, certes intéressantes et partant d'une intention originale, mais qui doivent plus être vues comme un hommage ou un aimable clin d'œil que comme une œuvre à part entière. De trop grandes lacunes, notamment scénaristiques, n'en font qu'un objet collector pour les fans de Maiden et non un comic ayant un intérêt intrinsèque. Dommage.
En attendant la suite...
Iron Maiden est toujours là, tournée après tournée, album après album. En attendant de peut-être découvrir de nouveaux riffs, vous avez maintenant de quoi aborder ce groupe par un autre biais que sa seule musique.
Iron Maiden possède cette force extraordinaire, presque magique, qui lui donne cette dimension si unique. Comme toute oeuvre artistique aboutie, la discographie du groupe est fascinante et possède un véritable pouvoir de séduction, mais elle est également inspirante. Harris, Dickinson et les autres, par leur musique et leurs chants, éveillent en nous des émotions nouvelles, ils nous obligent à arpenter des chemins vers lesquels, seuls, nous n'aurions même pas tourné le regard. La fougue et l'audace de leur jeunesse ont été remplacées par la maîtrise et la maturité, avec toujours cette même élégance dans l'écriture. Mais une chose n'a jamais changé : cette authenticité, ce refus de la compromission, qui, en les éloignant des radios, les a peut-être rendu encore plus proches de nous. S'il fallait bien un artbook, un comic et même un dictionnaire pour leur rendre hommage, convenons que l'essentiel est ailleurs. Sur scène. Dans les albums. Et dans l'esprit un peu fou d'un gamin de l'East End qui, après s'être acheté une basse, a rêvé un jour qu'il deviendrait une rock-star.
Nous savons aujourd'hui qu'il a fait bien plus que cela. En créant Iron Maiden, il n'a pas seulement fondé un groupe, mais une légende qui continue de s'écrire plus de trente ans plus tard...
Iron Maiden est un groupe... surprenant. C'est le mot qui convient. Et même si le hard rock n'est pas votre style de prédilection, l'univers Maiden pourrait vous étonner à plus d'un titre tant il est éloigné des idées reçues habituellement véhiculées par des médias toujours prompts à s'effrayer de ce qu'ils ne connaissent pas.
Dissipons tout de suite quelques malentendus.
Non, Maiden, ce n'est pas du "bruit", c'est au contraire des morceaux très mélodiques, complexes, aux arrangements subtils.
Non, ça ne parle pas de filles faciles, de bière et de grosses motos, le groupe trouve son inspiration dans des domaines aussi riches et variés que la littérature, l'Histoire, le cinéma ou la métaphysique.
Non, les musiciens qui composent le groupe ne sont pas des abrutis incultes, encore moins des satanistes, ce sont plutôt des gens équilibrés qui développent un discours cohérent. Pour prendre un exemple assez amusant - et déjà peu courant dans le monde de la musique - Bruce Dickinson, l'actuel chanteur, est également... pilote de ligne. C'est d'ailleurs lui qui, souvent, pilote le Boeing 757 que le groupe utilise pour ses tournées.
Mais si vous êtes un fan de la première heure, tout cela, vous le savez déjà.
Cet article s'intéresse à différents ouvrages ayant rapport avec l'univers artistique du groupe. Il a donc notamment été fait abstraction de certains livres relatant son histoire et la biographie de ses membres (comme l'excellent L'Epopée des Killers, de Mick Wall, chez Camion Blanc) pour ne garder que ce qui concerne l'aspect visuel et les textes, qui méritent largement que l'on s'y intéresse de près et constituent déjà un vaste domaine.
Run for Cover
L'on commence avec Run for Cover - The Art of Derek Riggs qui, comme son nom l'indique, est un artbook consacré au créateur d'Eddie the Head, mascotte du groupe présente sur tous les albums mais aussi sur scène.
Difficile en effet, lorsque l'on évoque Maiden, de ne pas penser à ce brave Edward, dont l'évolution est particulièrement remarquable. De simple zombie, Ed deviendra progressivement un concept métaphysique, servant entre autres à illustrer les interrogations existentielles du groupe. Le parcours de ce monstre est en effet assez exceptionnel : divinité, voyageur temporel, force de la nature ou simple rodeur malveillant, il aura réussi à incarner non pas un Mal, absolu et externe, mais les maux inhérents à la condition humaine et la frontière, bien mince, qui nous sépare de notre part d'ombre (dans un autre registre, l'on peut même également "jouer" avec Eddie, puisqu'un set de Heroclix le représentant est désormais disponible).
Bien qu'il ne soit pas le seul à avoir dessiné les pochettes du groupe, Riggs mérite bien que l'on s'attarde un peu sur son travail au travers de Run For Cover, un artbook qui donne toute la mesure de son talent. En 180 pages, et environ 200 illustrations, l'ouvrage retrace la carrière, étroitement liée au monde musical, de Riggs. Bien entendu, Maiden et Eddie se taillent la part du lion, avec les grands classiques ayant servi à illustrer albums, affiches ou singles. Un texte, signé Martin Popoff, accompagne les images. Une bonne occasion de découvrir l'envers du décor et diverses anecdotes. La mythique illustration de Somewhere in Time est notamment largement explicitée (le nombre de références, évidentes ou non, étant assez incroyable).
De magnifiques doubles pages exposent les illustrations les plus importantes, de Seventh Son à Live after Death, en passant par Somewhere in Time, déjà citée. L'on a droit également à quelques inédits ou crayonnés, mais l'essentiel réside bien dans le style, si particulier, de Riggs.
Celui-ci parvient en effet à créer des ambiances, des mondes même, qui ne sont pas seulement effrayants ou intrigants mais dans lesquels l'on peut se perdre, à l'affut d'un signe, d'un symbole, d'un regard, qui donnera un sens, unique et personnel, à une oeuvre à la beauté esthétique indéniable.
C'est sans doute en cela - cette souplesse, plus universelle dans l'interprétation qu'hermétique dans la forme - que les compositions de Riggs se rapprochent, et accompagnent de manière si parfaite, les paroles de Maiden.
D'un point de vue pratique, l'artbook peut être commandé directement sur le site de Riggs. Il en existe plusieurs versions (avec hadcover ou softcover, signé ou non signé), la plus économique revenant tout de même à 55 dollars, somme à laquelle il faut ajouter 35 dollars de frais de port pour la France. Cela reste un prix relativement élevé, mais la qualité de l'ouvrage est telle que bon nombre de collectionneurs sauteront le pas. Une adaptation par un éditeur français serait évidemment l'idéal.
Voilà en tout cas un ouvrage aussi beau qu'intéressant.
Iron Maiden : Morceaux d'Esprits
Les deux livres suivant concernent les textes du groupe. Ils sont tous deux écrits par Jean-Philippe Ury-Petesch et édités par Camion Blanc. Là encore, nous avons volontairement délaissé d'autres ouvrages, plus sociologiques, s'intéressant à la "tribu" Maiden, pour ne conserver que ce qui a trait à l'aspect artistique.
Morceaux d'Esprits : Thèmes et Origines des Chansons de la Vierge de Fer, est en réalité un travail universitaire, avec tout ce qu'il peut avoir d'aride et rebutant dans sa présentation (présentation du corpus et des documents d'appui, nombreuses notes obligeant à faire des allers-retours, définition des termes utilisés, etc.), néanmoins, si l'on excepte cette forme un peu "dure" pour un livre destiné au "grand public" (je me rends bien compte qu'il est destiné essentiellement aux amateurs de Metal, et plus spécifiquement aux fans de Maiden, toutefois, le public visé est bien plus large que celui des thèses universitaires), cet essai devient vite passionnant.
La première partie de l'ouvrage présente les différents thèmes trouvés par l'auteur. Cela va de l'aliénation aux rêves, en passant par le destin, la folie, la guerre ou encore la liberté ou le didactisme. Une aire de jeu très vaste donc. Les chapitres sont très courts et s'appuient sur des chiffres ou des citations, voire des évidences, qui, parfois, laissent un petit goût d'inachevé.
La deuxième partie, bien plus riche, analyse toutes les chansons du groupe, album par album (jusqu'au quatorzième). Cela permet d'avoir une première approche de chaque titre, d'en connaître le sens "premier" et de découvrir également quelques anecdotes.
Bien entendu il ne peut s'agir que d'un premier pas vers l'univers créé et défendu par Iron Maiden au cours des ans. Certaines paroles sont suffisamment habiles (certains iront jusqu'à dire opaques) pour permettre une interprétation personnelle complémentaire, voire même une extrapolation à des lieues de ce que l'auteur suggère.
Il convient toutefois d'émettre une petite réserve sur certaines explications de texte, parfois tout de même très naïves (Fear of the Dark par exemple, où l'auteur nous explique ce qu'est... la peur du noir chez les enfants). Cette approche quelque peu critique n'enlève évidemment rien à la qualité (et la quantité) du travail fourni. Cette étude est brillante à plus d'un titre, bien qu'elle devrait sans doute plus toucher un jeune public découvrant Maiden que certains vieux briscards aguerris.
Notons que ce livre a également le mérite de réduire en poussière les a priori entretenus au sujet du heavy metal, en mettant en lumière la grande qualité d'écriture des chansons. Cela pourra sans doute surprendre ceux qui ne connaissent pas le groupe, mais Maiden tire ses textes de domaines aussi riches que l'Histoire (avec des références à Alexandre le Grand, Jules César, William Wallace, la Bataille d'Angleterre ou la guerre des tranchées...), le cinéma (certains films de Francis Ford Coppola, Wes Craven, Ingmar Bergman ou Jean-Jacques Annaud sont des sources avérées), ou encore la littérature (le Dune de Frank Herbert, Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley ou encore Double Assassinat dans la rue Morgue d'Edgar Allan Poe). Sans parler de sujets plus sociétaux, comme les télévangélistes ou le clonage humain.
L'on est très loin du rocker décérébré, s'étouffant dans son vomi après avoir tiré la pétasse du coin un soir de beuverie.
Du moins dans les textes, et c'est tout ce qui nous importe.
L'ED'dictionnaire
Si ce livre est du même auteur et éditeur que le précédent, il s'en écarte tout de même très nettement, au moins sur son but.
Il s'agit en effet ici d'un dictionnaire, adapté évidemment au contexte Maiden. Là encore, seuls les quatorze premiers albums studio du groupe sont concernés.
Le titre annonce très clairement la couleur puisque l'on a bien affaire à un dictionnaire, basé sur les textes de Maiden. Et c'est très bien fait et d'une intelligence rare.
Alors, en quoi est-ce mieux qu'un simple dictionnaire français/anglais ? Eh bien, sans vouloir remettre en cause les mérites du Robert & Collins par exemple, qui est bien pratique, il s'agit là d'un outil optimisé dans une optique "maidenesque".
Chaque mot (et chaque forme verbale) est expliqué dans son contexte, avec à chaque fois une phrase intégralement traduite. Donc, plus de possibilité d'erreurs lorsque l'on rencontre un mot un peu rebelle qui a 50 sens différents dans le dico classique, ce qui est déjà bien, mais l'on dispose également d'une méthode d'apprentissage (ou de remise à niveau) aussi ludique qu'efficace, car directe et toujours basée sur une mise en situation précise.
C'est bien simple, cela pourrait servir dans un cadre scolaire, pour peu que le prof ne soit pas trop "effrayé" par la couverture.
Signalons que chaque section (chaque "lettre") est illustrée par un Eddie dessiné par Bones, toujours en rapport avec un titre en particulier : R comme Rime, E comme Evil, T comme Time, etc. Très sympa.
Une partie, bien plus courte, intitulée Maiden dans l'Ordinateur, complète le dictionnaire et s'intéresse, de nouveau d'une manière très scolaire, aux techniques utilisées pour analyser les textes.
Seventh Son of a Seventh Son
Le septième album d'Iron Maiden est non seulement le seul concept-album du groupe mais aussi, pour beaucoup, le "meilleur" de la Vierge de Fer. Il fait certainement partie en tout cas des plus aboutis, de là à faire un classement, c'est beaucoup plus hypothétique. Et puis, le premier opus, Iron Maiden, peut-il seulement se comparer avec Seventh Son ? Et peut-on réellement affirmer qu'entre Somewhere in Time et Piece of Mind, l'un est "supérieur" à l'autre ? Qu'il y ait une différence, oui, une évolution, c'est normal, nécessaire même, mais si l'on prend les titres épiques les plus lyriques du groupe, alors Phantom of the Opera n'a pas vieilli et tient bien la route en face de Seventh Son of a Seventh Son ou du encore plus récent Afraid to Shoot Strangers. Il y a là la même force, le même truc qui prend aux tripes, la même construction musicale, aussi riche qu'enivrante.
Toutefois, Seventh Son est un peu à part, parce qu'il s'agit d'un récit raconté au travers de toutes les chansons de l'album, mais aussi parce que cette histoire a également fait l'objet d'une adaptation en comics.
Publié par NFL Comics, en portugais et en anglais, Seventh Son of a Seventh Son est donc la version dessinée du récit développé dans l'album éponyme. Le scénario est de Hamilton T., les dessins de Fred Macêdo. Pour être honnête, il s'agit plus d'une curiosité qu'autre chose. Ce heavy rock graphic novel ne se contente pas de s'inspirer des paroles des chansons mais les suit scrupuleusement, ce qui limite bien entendu les possibilités. Si elles ne venaient pas illustrer les titres d'un album mythique, ces quarante planches n'auraient, d'un point de vue scénaristique, pas grand intérêt.
Graphiquement, même s'il y a de belles choses, le style reste trop lisse et cartoony pour véritablement impressionner et coller à l'ambiance. Même la colorisation achève de donner un aspect enfantin à l'ensemble.
Malgré tout, un véritable soin à été apporté à la finition du produit. Outre une introduction qui explique un peu l'origine du projet, l'on trouve également des éclaircissements sur les différents symboles présents dans l'histoire, des ébauches de covers alternatives, des explications, accompagnées de croquis, sur le processus créatif, et même l'intégralité des textes de Seventh Son.
En tout, une cinquantaine de pages, certes intéressantes et partant d'une intention originale, mais qui doivent plus être vues comme un hommage ou un aimable clin d'œil que comme une œuvre à part entière. De trop grandes lacunes, notamment scénaristiques, n'en font qu'un objet collector pour les fans de Maiden et non un comic ayant un intérêt intrinsèque. Dommage.
En attendant la suite...
Iron Maiden est toujours là, tournée après tournée, album après album. En attendant de peut-être découvrir de nouveaux riffs, vous avez maintenant de quoi aborder ce groupe par un autre biais que sa seule musique.
Iron Maiden possède cette force extraordinaire, presque magique, qui lui donne cette dimension si unique. Comme toute oeuvre artistique aboutie, la discographie du groupe est fascinante et possède un véritable pouvoir de séduction, mais elle est également inspirante. Harris, Dickinson et les autres, par leur musique et leurs chants, éveillent en nous des émotions nouvelles, ils nous obligent à arpenter des chemins vers lesquels, seuls, nous n'aurions même pas tourné le regard. La fougue et l'audace de leur jeunesse ont été remplacées par la maîtrise et la maturité, avec toujours cette même élégance dans l'écriture. Mais une chose n'a jamais changé : cette authenticité, ce refus de la compromission, qui, en les éloignant des radios, les a peut-être rendu encore plus proches de nous. S'il fallait bien un artbook, un comic et même un dictionnaire pour leur rendre hommage, convenons que l'essentiel est ailleurs. Sur scène. Dans les albums. Et dans l'esprit un peu fou d'un gamin de l'East End qui, après s'être acheté une basse, a rêvé un jour qu'il deviendrait une rock-star.
Nous savons aujourd'hui qu'il a fait bien plus que cela. En créant Iron Maiden, il n'a pas seulement fondé un groupe, mais une légende qui continue de s'écrire plus de trente ans plus tard...