Red Cat / Gatto Rosso
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Super-héros old school au menu aujourd'hui avec deux séries françaises : Red Cat et Gatto Rosso.
Miaw !

Ces deux titres, auto-édités sous le label 2T2N, sont écrits et dessinés par Daniel Gattone. Le lettrage, la colorisation et les retouches graphiques sont assurés par Emmanuel Bonnet. Voyons tout d'abord la première de ces deux séries, très liées.

Dino de Léone est un antiquaire qui, au cours d'une de ses explorations, est tombé sur une divinité inca qui a eu la bonne idée de lui refiler quelques pouvoirs. Réflexes accrus, force augmentée, instinct aiguisé, voilà notre homme armé pour, dans la grande tradition super-héroïque, se confectionner un costume et traquer le scélérat.
Deux tomes sont déjà sortis : Red Cat et la graine de vie ainsi que Red Cat et le temple perdu. Tous les deux au prix de 4 euros pour 24 planches. L'action se situe dans les années 30, la narration s'inspirant très fortement des classiques du Golden Age. Le dessin, en noir et blanc, accentue le côté rétro de ce matou qui rend hommage aux héros patriotiques déjouant les pires machinations des nazis.



C'est toutefois surtout pour Gatto Rosso que Virgul (notre mascotte bien aimée) s'est enthousiasmé.
L'ambiance change ici radicalement : époque moderne, planches en couleur et un public visé clairement enfantin, ce qui n'est finalement pas si courant dans les comics gaulois.
Le personnage principal est cette fois Danny de Léone, petit-fils du Red Cat, qui a hérité de la même vocation et affronte la pègre de Central City.
Première trouvaille astucieuse, alors que les pouvoirs de son grand-père augmentaient en fonction du nombre de fidèles adorant la divinité inca évoquée plus haut, ceux de Danny fonctionnent un peu sur le même principe mais, en lieu et place de fidèles, celui-ci est tributaire de ses... lecteurs. En effet, Danny est auteur de BD et met en scène les exploits de son grand-père, bouclant ainsi la boucle d'une élégante manière.

Ce Gatto Rosso, d'inspiration très "parkerienne", se révèle très sympathique et parfaitement adapté aux enfants. Tout comme son illustre modèle, il doit mener de front ses activités de justicier et une vie privée qui en pâtit forcément, Danny se retrouvant coincé entre un éditeur exigeant et une petite amie qui le prend pour un trouillard.
Bref, un joli mélange d'action et d'humour, avec des adversaires "totémiques" hauts en couleur, comme l'Hirondelle ou le Zébu.
46 pages cette fois, pour 11,50 euros.



Red Cat et Gatto Rosso, bien que faisant partie d'un même univers, proposent deux ambiances très différentes et complémentaires. La filiation entre les deux porteurs du costume est d'autant plus intéressante qu'elle est parfaitement exploitée par le scénariste.
A découvrir.

Quelques planches sur le site d'Emmanuel Bonnet.
(à noter que les auteurs seront présents au festival de la BD de Basse-Ham, en Moselle, au mois d'octobre)

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une ambiance rétro fort bien retranscrite.
  • Un héros moderne sympathique.
  • L'humour.

  • Quelques coquilles dans les premières éditions.
Seigneur de lumière
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Etre dieu est une des plus anciennes professions du monde.


A la glorieuse époque de ma boulimie littéraire (et sciencefictionnesque), Seigneur de lumière, le roman multi-primé de Roger Zelazny (davantage connu dans l’hexagone pour sa saga sur les Princes d’Ambre), avait su provoquer en moi cet enthousiasme teinté de vénération pour l’œuvre dans son ensemble, qui avait su me fasciner tant par les sujets abordés que par le style très riche et bondé de sentences exaltantes.

Grand amateur de mythes, dans lesquels il puise abondamment la matière de ses ouvrages principaux, Zelazny s’est cette fois penché sur le panthéon hindou, et raconte une véritable saga haute en couleur naviguant entre space opera et récit initiatique. L’action se passe sur un monde qui se prépare à une révolte tant théologique que spirituelle : l’un des dieux régnant sur les mentalités humaines décide qu’il est temps pour les mortels de partager les secrets savoirs que ses pairs détiennent. Car ne sont-ils pas tous (de Brahma à Vishnou ainsi que lui-même, qui a porté plusieurs noms, dont celui du Bouddha) que de simples conquérants venus de l’espace dotés de moyens technologiques impressionnants qui leur confèrent l’immortalité et des pouvoirs fantastiques ? L’heure de la vérité a sonné et Sam se fait fort de la communiquer aux hommes, quitte à trahir les siens, farouchement ancrés dans leur hégémonie - et notre dieu renégat devra se trouver de puissantes alliances afin de tenter de renverser cette théocratie, allant jusqu’à braver la mort elle-même.  

Seigneur de lumière, malgré sa densité, son caractère parfois trop didactique, ses dialogues vaguement philosophiques, s’est avéré un livre immédiatement palpitant, foisonnant, riche en citations tirées des grands ouvrages fondateurs de la culture indienne, dans lequel on ne peut que prendre fait et cause pour ce héros particulier, ancien conquérant sous le nom de Siddharta, respecté sous le nom de Bouddha, adoré sous celui de Mahasamatman mais qui préfère désormais, et plus humblement, se faire appeler Sam. A la manière d’un Prométhée équivoque, il va provoquer le Panthéon, persuadé que la chute des dieux doit être la condition nécessaire à l’amélioration de la condition humaine. Certains sont prêts à le suivre, mais il lui faudra déployer des trésors d’ingéniosité et de persévérance pour espérer vaincre ses anciens associés qui tiennent toujours à leur statut divin, enfermés dans le vaisseau qui leur sert d’Olympe inviolable.

Entre intrigues retorses, alliances contre-nature et combats dantesques où les pouvoirs apocalyptiques des Attributs se déchaînent, ce roman de fantasy sur fond de SF est une fresque baroque et stupéfiante qui demande tout de même un gros appétit de lecture (Zelazny n’est pas avare de phrases alambiquées et se la joue un peu Salaambô). Néanmoins l’œuvre procure des moments d’une rare intensité, où les amours et les haines de ces super-héros cosmiques servent de toile de fond à une épopée élégante et maîtrisée. Sam, à l’instar du Richard Francis Burton dépeint par Farmer dans le Monde du Fleuve, devient instantanément un héros moderne, puissant mais vulnérable, mû par une volonté inébranlable et doué d’un charme irrésistible. Le titre n’aura pas volé son Prix Hugo en 1968. 

 J'arracherai ces étoiles au ciel et je les jetterai à la face des dieux, si c'est nécessaire.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Très riche en personnages et en intrigues.
  • Une façon intéressante d'aborder l'hindouisme.
  • Une alternance équilibrée entre moments de réflexion et déferlements titanesques.
  • On en ressort enrichi, voire illuminé.
  • Un héros instantanément charismatique.

  • Des lourdeurs dans le style, avec des phrases multipliant les propositions.
  • Une multiplication des noms et des lieux qui semble anarchique et pousse parfois à revenir en arrière dans la lecture.
  • Quelques légères frustrations avec certaines ellipses.
Free Comic Book Day
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A l'occasion du Free Comic Book Day, ce samedi 7 mai, j'aurai le plaisir de dédicacer The Gutter chez Hisler BD bis, à Thionville, de 14h00 à 18h00.

Pour l'occasion, nos libraires préférés, aux conseils sages, aux cheveux soyeux et à la gentillesse moult fois démontrée, vous ont concocté des tas de surprises, un concours de cosplay et un paquet de cadeaux !
N'hésitez pas à venir faire un tour !


Dan Simmons : La Saga d'Elm Haven
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Ce ne sont pas moins de trois romans de Dan Simmons que nous abordons ici, avec ce qui constitue la saga d'Elm Haven.

Les récits de Simmons peuvent être rangés en gros dans trois catégories : la SF, avec notamment le célèbre Hyperion et ses suites, les polars, comprenant les enquêtes de Joe Kurtz, et les romans orientés fantastique/épouvante. Nous allons nous intéresser à ces derniers par le biais d'une trilogie ayant ses faiblesses mais possédant aussi un réel pouvoir attractif.

Été

C'est par Nuit d'Été (déjà chroniqué par Vance dans cet article) qu'il convient de commencer le voyage si l'on s'en tient à la chronologie. Ce premier roman de la saga est paru en 1991 et conte les aventures d'un petit groupe de gamins, en 1960, aux prises avec une menace terrifiante. Inutile de nous attarder sur l'intrigue que Vance a très bien abordée, mais il est intéressant d'approfondir un peu un aspect crucial : les énormes similitudes avec le Ça de Stephen King.
Que ce soit au niveau des éléments centraux du récit ou des petits détails, les ressemblances sont telles que l'on est en droit de se dire que l'on est exactement devant la même histoire. Un groupe de jeunes enfants (1), dans un petit village (2), confrontés à une menace paranormale (3), protéiforme (4), ne pouvant compter sur les adultes qui parfois sont également des menaces (5), à une époque similaire (6), affrontant également d'autres enfants parfois aussi effrayants que les pires monstres (7), le tout avec un lieu constituant à lui seul un personnage (8 : Derry pour King, Old Central pour Simmons). L'on est déjà à huit points communs importants, et l'on pourrait encore continuer : une scène de sexe un peu osée entre deux très jeunes enfants (9), une narration se déroulant sur plusieurs époques si l'on prend en compte l'ensemble de la trilogie (10), une amnésie concernant les évènements passés qui semble toucher les adultes (11), des lieux reculés, dans la nature, qui servent de refuges aux personnages principaux (12), une épique bataille de cailloux/mottes de terre (13), un des personnages principaux devenant écrivain (14), un personnage obèse (15), l'importance de certains lieux, comme la bibliothèque (16), etc.

C'est rigoureusement la même histoire, les mêmes ressorts, avec finalement des styles très proches, même si King s'en sort largement mieux (Ça étant sans doute son plus grand chef-d'œuvre et l'apogée de sa réflexion sur le monde de l'enfance, cf. cet article).
Nuit d'Été, pour peu que l'on aime la thématique, est cependant un vrai bon roman, réservant son lot de frissons et d'émotion. Paradoxalement, si Vance lui a reproché quelques lenteurs et un manque d'action, c'est surtout ces moments intimistes, tendus, patiemment construits, qui m'ont semblé les plus réussis. Le final au contraire, avec son débordement d'action chaotique, se révèle moins passionnant (au contraire de certaines scènes épiques, avec le monstre du placard ou la fusillade dans les bois).
Sans doute plus idyllique que King concernant la dureté du monde de l'enfance, Simmons livre tout de même une histoire touchante, non dénuée de suspense et d'une certaine forme de nostalgie élégante qui parvient à donner du lyrisme même à de simples virées en vélo.

Automne

Le deuxième roman, Les Fils des Ténèbres, est publié l'année suivante. Et il est clairement mauvais. Très mauvais. [1]
Voyons déjà un peu l'intrigue avant d'essayer de comprendre les raisons de ce naufrage.
L'action se déroule en grande partie dans une Roumanie qui vient à peine de se débarrasser de Ceausescu. Une américaine, médecin, y adopte un bébé gravement malade et le ramène aux États-unis avec l'aide d'un prêtre, Mike O'Rourke (l'un des gamins de l'histoire précédente, qui depuis a fait le Vietnam et est rentré dans les ordres). Il s'avère que le bébé va bientôt faire l'objet d'une tentative d'enlèvement qui va emmener les personnages sur les traces des strigoi, autrement dit, des vampires...

Si l'idée de départ (aborder le thème du vampire sous un angle réaliste) n'était pas mauvaise, Simmons s'est par contre complètement planté au niveau du traitement de ce récit, poussif, maladroit et ennuyeux au possible. Les rares moments intéressants sont dus aux flashbacks revenant sur la vie de Vlad Tepes, le véritable Dracula. Le reste se résume à de longs et interminables trajets (en ville, dans les montagnes, à pied ou en voiture...) qui sont totalement dénués d'intérêt et à un étalage comique de documentation mal digérée.
Il est intéressant ici d'ouvrir une parenthèse sur ce fameux travail de documentation, indispensable pour l'écrivain. Il est important de se renseigner sur un sujet avant de l'aborder, ne serait-ce que dans le but de préserver une certaine crédibilité (le lecteur se rend vite compte quand un auteur survole un domaine qu'il ne maîtrise pas). Pourtant, l'erreur à ne surtout pas commettre est de recracher cette documentation, comme un élève ayant bien fait ses devoirs (ou un auteur voulant "rentabiliser" le temps perdu). En général, un écrivain se sert d'une partie infime des renseignements glanés. Ici, Simmons tombe dans ce piège grossier en nous bombardant de dialogues techniques abscons (les discussions entre spécialistes des rétrovirus flirtent presque avec la parodie tant elles sont incompréhensibles pour qui n'est pas médecin, voire chercheur) et de trajets sans doute précis (avec noms des rues et moult détails) mais assommants et fades. L'auteur évoque des tonnes de termes mais on ne sait jamais s'il s'agit de rues, de places, de monuments, de parcs ou d'autre chose... il passe complètement à côté d'une description qui aurait pu être vivante et contribuer à l'ambiance mais qui s'avère terne et absconse. 

Au final, ce qui aurait dû être effrayant est surtout insipide, les vampires et leur organisation se révélant aussi fascinants qu'un séminaire sur les techniques de vente pour appareils ménagers. L'on avait eu les vampires chochottes grâce à Anne Rice (cf. notre dossier spécial vampires), Simmons invente le dentu sinistre (et pas dans le bon sens du terme). Heureusement, à part O'Rourke et quelques mentions de personnages qui n'ont qu'un rôle très secondaire (Harlen notamment, devenu sénateur), ce titre n'a pas vraiment de rapport avec Nuit d'Été et peut donc être laissé de côté sans regret.

Hiver

Et pour cause, c'est le troisième roman, Les Chiens de l'Hiver, qui constitue la suite directe de Nuit d'Été. Cette fois, Simmons, au contraire du laborieux Les Fils des Ténèbres, y est brillant. La différence est telle que sans le nom de l'auteur sur la couverture, il serait difficile de deviner qu'il s'agit de la même plume. Pour prendre une métaphore culinaire, l'on passe d'un steak gras, trop cuit et indigeste à une mousse au chocolat légère, aérienne et délicieusement sucrée.

C'est cette fois Dale, devenu écrivain, que l'on suit. Celui-ci, après une séparation douloureuse, revient dans la ville de son enfance. Il s'installe même dans l'ancienne ferme de son ami Duane pour se mettre à l'écriture de son nouveau roman.
Et très rapidement, les ennuis commencent pour ce pauvre Dale. Tout d'abord d'étranges messages qui apparaissent sur son ordinateur. Une odeur épouvantable qui disparait aussi vite qu'elle était apparue. Un étrange chien noir qui semble suivre Dale partout où il va. Et pour ne rien arranger, la rencontre avec une ancienne brute qui le terrorisait devenue... shérif !

Ce roman, assez court et particulièrement nerveux, est d'une grande habileté. Cette fois, pas de temps mort ou de longues descriptions inutiles, l'on est plongé dès le début dans un cauchemar infernal qui mènera Dale aux portes de la folie.
La tension est constante, certaines scènes vraiment efficaces (même si l'on devine parfois un peu vite vers quoi nous entraîne l'auteur), et l'on a le plaisir de retrouver des lieux connus et des personnages ayant joué un rôle important dans Nuit d'Été.
La bande n'est pas pour autant réunie, mais Simmons trouve une manière astucieuse de boucler la boucle, de remettre en perspective les évènements de 1960, et de nous livrer une réflexion amère, froide, un peu dure, sur les chimères de l'enfance, les renoncements de l'âge adulte et les égarements de l'écrivain. Pour l'anecdote, il égratignera au passage les français, les critiques et les gens qui chroniquent des livres. Comment lui en vouloir ? Les trois sont détestables.

Véritables Saisons

Plutôt qu'une saga en trois volets (voire quatre si l'on compte Les Feux de l'Eden, livre dans lequel apparait Cordie, la petite fille pauvre, étrange et quelque peu obsédée de Nuit d'Été), il serait plus sage de considérer le cycle d'Elm Haven comme un diptyque composé de Nuit d'Été et Les Chiens de l'Hiver. Ces deux romans sont particulièrement complémentaires, bien pensés, sans défauts majeurs et d'une construction implacable.
Simmons se montre suffisamment inventif en matière de hantise et de spectre pour parvenir à créer un sentiment de malaise, d'étrangeté, voire presque de peur, ce qui est d'une rare difficulté en littérature (un auteur pas trop manchot peut facilement émouvoir ou dégouter, mais créer une atmosphère tendue et rendre le lecteur nerveux n'est pas si aisé (cf. cet article), même King, abusivement considérer comme le "maître de l'épouvante", est en réalité un auteur qui joue essentiellement sur l'émotion, pas la peur).

À savourer à la nuit tombée, ce moment où quelque chose d'enfoui et ancien, tout au fond de nous, fait inexorablement se fissurer ce verni de croyances cartésiennes qui tient les monstres à une distance respectable de nos préoccupations quotidiennes.



[1] Ce qui ne l'a pas empêché de remporter le prix Locus du meilleur roman d'horreur, tout comme Nuit d'Été qui lui le méritait, ce qui donne une bonne idée de la "valeur" de ce genre de récompenses, attribuées par des amateurs.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une description efficace et nostalgique d'une époque révolue.
  • Des personnages attachants.
  • Plusieurs scènes tendues et effrayantes.
  • Une tension constante.
  • Un final futé et plaisant.
  • Le deuxième opus, totalement raté et dispensable.
  • La fin de Nuit d'Été, trop chaotique et dénuée d'émotion pour être marquante.
Crystal sky of yesterday
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Difficile de ne pas être attiré par Crystal sky of yesterday. Les couvertures, agréables, les couleurs à l’intérieur convient le lecteur à se plonger dans cette bande dessinée de Pocket Chocolat, paru en 2015 aux éditions Kotoji. L’ensemble est intrigant à bien des égards, laissant présager une expérience visuelle forte, intensifiée par le ton employé.

Chine, de nos jours. Tu Xiaoyi reçoit un appel sur son téléphone mobile. Un ex-copain de lycée l’invite à son mariage dans leur ville natale. Cette courte conversation immerge le jeune homme dans ses souvenirs et plus particulièrement lors de la terminale, cette dernière année fatidique, symbole du passage entre l’adolescence et le monde des adultes.
Dans la commune provinciale de Lanxi, durant les années 90, Tu Xiaoyi est un adolescent comme il en existe tant d’autres : rêveur, amateur de jeux vidéo, lecteur de manga, et des résultats scolaires dans la moyenne. Son quotidien, des plus banals, est un mélange de pression de ses professeurs pour qu’il s’applique dans ses études, de ses premiers émois pour la svelte Yao Zhetian, des rires avec son ami surnommé Peanut. L’arrivée d’un redoublant, Qi JingXuan va lui ouvrir de nouvelles perspectives sur l’univers qui l’entoure.

Crystal sky of yesterday est un manhua [1] intimiste, complet en deux volumes, publié par les éditions Kotoji. Cette œuvre n’est pas spécialement ce qu’il y a de plus révolutionnaire, mais le ton adopté tout le long du récit réussi à captiver, malgré la banalité des situations. La narration, qui suit les pensées de Tu Xiaoyi, tisse des liens entre diverses anecdotes, douloureuses ou non. Peu de personnes côtoient les héros, peu de lieux sont présents : les souvenirs ne sont que fragments issus de la mémoire sélective. Chaque étudiant possède ses tourments : le rebelle, Qi JingXuan, rejeton de l’inspecteur de l’académie refuse d’être un fils à papa ; l’unique jeune fille du manhua, Yao Zhetian, est écrasée par sa famille qui contrôle jusqu’à ses lectures… Les introspections de Tu Xiaoyi, les non dits appuient sur cette ambiance douce amère. Le chagrin d’amour n’est pas l’enjeu principal du récit, il fait partie d’un tout où les mal-être des adolescents se confrontent, se lient et s’explorent.
Cette bande dessinée chinoise possède un graphisme indéniablement influencé par les mangas, parfois vaporeux et éthéré, qui sied à l’évocation des souvenirs. La mise en couleur numérique maitrisée propose de magnifiques ambiances, teintées de mélancolie. Le dessin agréable oscille entre du croquis et des illustrations plus abouties. Quelques petits défauts au niveau des proportions des mains et des visages demeurent, mais les protagonistes sont expressifs et les émotions transparaissent dans leur attitude. Le découpage dynamique escamote au besoin le cadre des cases. Certains détails sont typiquement chinois : les uniformes scolaires (un survêtement), les bureaux des élèves dans les classes, encombrés de livres, qui laissent penser que ceux-ci restent à leurs places et ne changent pas souvent de salle, l’arrivée en gare d’un train à vapeur...
Le travail de l’éditeur est de très bonne facture : outre un papier qui fait ressortir les couleurs, la traduction est très fluide, le texte intégré dans les images, tout en conservant des onomatopées en chinois. Il est juste dommage que ces deux tomes, pas très épais, n’en soient pas devenus un seul et que le titre demeure en anglais. Quelques pages supplémentaires autour du système scolaire local auraient été un plus non négligeable pour découvrir une autre culture. Dans les livres, l’emploi de mots tels que "terminale", "bac", nous renvoi à notre propre culture. Mais qu’en est-il vraiment là bas ? Pourquoi ce type d’uniforme ? Comment se déroulent leurs études ? 
Crystal sky of yesterday propose le temps de sa lecture une pause, un retour sur soi. Ce touchant manhua en huit chapitres invite à se remémorer les doux instants et les moments plus douloureux. Il montre qu’il faut apprendre à avoir du recul, à faire le deuil du passé, à l’accepter tel qu’il est pour aller de l’avant. Cette histoire ne critique pas le modèle chinois en lui-même ni ne le confronte au modèle occidental, ils exposent des faits universels.

Avec un concept simple, Pocket Chocolat (déjà publié chez nous aux feues éditions Xiao Pan avec Butterfly in the Air et Le Mont du Sud) nous offre des souvenirs teintés d’une douce mélancolie. Il s’interroge sur ce passage entre deux mondes, celui de l’adolescence — fin de l’enfance — et celui des adultes — une nouvelle vie, un saut vers l’inconnu.

Série en 2 tomes, 11 €, 122 pages, éditions Kotoji.

Site officiel

Page Facebook de l’auteur 

[1] Terme chinois désignant la bande dessinée. Un article plus complet pour en savoir plus sur Umac.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • La mise en couleur et les ambiances.
  • La traduction fluide.
  • Le prix.
  • Absence de documents sur le système scolaire chinois.
  • Deux livres alors qu'un seul aurait suffit.