Luther Strode #2 : la Légende
Publié le
28.2.15
Par
Vance
Lorsque le premier volume de la série de Justin Jordan & Tradd Moore était paru, Nolt et moi avions eu peu ou prou la même vision des choses : un récit honnête, fondé sur des thèmes très souvent abordés dans la littérature liée aux super-héros, mais qui laissait sur sa faim car on manquait d'éléments permettant d'en apprécier le fond. L'usage de l'ultra-violence, voire du gore, nous avait interpellés de manière similaire, car si on ne pouvait manquer d'évoquer les créations de Mark Millar comme références (Superior ou Kick-Ass) - cf. le dossier sur Millar - le caractère décalé du récit comme des dessins lorgnaient davantage vers des produits plus "satyriques" comme Bad-Ass.
Depuis, Delcourt a sorti le second volume, nanti d'un long résumé du premier, et agrémenté en fin d'ouvrage d'un carnet de croquis des personnages principaux, la plupart en pleine page. Il y en aura au moins un troisième. Il en ressort certains éléments qui ont plutôt tendance à rassurer, même si on aurait pu préférer que les auteurs en terminent au plus vite.
D'une part, la violence graphique, déjà redoutablement présente dans le premier tome, atteint ici des sommets et cadre plutôt bien avec une évolution sensible des dessins vers moins de réalisme, à la limite de la caricature : les gars costauds sont trrrrès costauds - Luther en remontrerait au Hulk période Panthéon (illustré par Dale Keown) - les membres en action s'allongent et se déforment afin d'amplifier le mouvement, les têtes explosent et le sang coule à flot continu. Il faut dire que l'action se déroulant 5 ans plus tard, Luther Strode a non seulement amélioré ses capacités surhumaines, mais aussi domestiqué la moindre parcelle de son corps (même son sang peut devenir une arme entre ses mains !). Et aussi, et surtout, les adversaires qu'il rencontrera sur son chemin, et qui orienteront définitivement son destin, sont à la hauteur de ses facultés : on a donc plus de combats insensés, plus d'hémoglobine, plus de souffrances, de pièges pervers et de tortures. Ça pourrait n'être qu'une litanie de bastons gore ne visant qu'à satisfaire les blasés du comic-book mainstream.
Heureusement, les auteurs ont le bon goût de réorienter le récit vers l'épopée vengeresse qui s'apparente à une quête des origines, d'y insérer un peu plus de considérations d'ordre mythologique (certains éléments rappellent d'ailleurs the Sword des frères Luna) et de nous présenter une sorte de condensé du destin d'un héros, lequel, après avoir découvert ses pouvoirs dans le premier tome et affronté son premier super-adversaire, devient un champion anonyme des forces du bien avant de se voir forcé d'aller combattre, dans un futur volume, celui qui est à l'origine de ce qu'il est devenu, et qui cherche à l'abattre. Histoire de densifier un tantinet le propos. Mais ce n'est pas tout : là où le récit se distingue des histoires précitées, c'est dans l’immixtion de la petite amie. Sans doute le motif le plus réjouissant de l'entreprise Luther Strode. Rappelez-vous : Petra était cette jeune gothique qui n'avait pas froid aux yeux, avait fait comprendre à Luther tout l'intérêt qu'elle avait pour lui (bref, elle l'avait déniaisé dans tous les sens du terme) et avait illuminé le premier volume par sa verve et son côté piquant. La voici de retour, et elle parvient même à nous surprendre. Loin de l'archétype "petite-amie-du-héros-et-son-principal-point-faible", elle dynamise le récit en s'adjugeant par moments le rôle du sidekick, tout en continuant à rester fidèle à ses propres principes.
Charmante, donc. Certes, elle sera au départ plutôt comme un chien dans un jeu de quilles, mais sa force de caractère lui fera prendre une part active dans ce qui aurait pu n'être qu'une opération de sauvetage pour Strode. Le dernier tiers, après deux premiers déjà intenses, est une accumulation de confrontations épiques où le dessinateur s'en donne à cœur joie et les combattants dépassent les limites qu'on pensait leur connaître. Les répliques fusent autant que les balles, le sang éclabousse chaque case et on ne s'ennuie guère dans ces luttes apocalyptiques allant crescendo dans la destruction. Après le terrible Bibliothécaire du premier tome, on a droit au Relieur qui aura besoin d'un allié de poids, un certain Jack, parangon de cruauté perverse, le type même de l'arme qu'on hésite à employer tellement elle est incontrôlable. Et, dans l'ombre, attendant son heure, celui qui est à l'origine de tout ceci : Caïn.
L'oeuvre du fameux Jack : un artiste à l'esprit complètement barré. N'agrandissez l'image que si vous avez le cœur bien accroché ! |
L'intérêt teinté de perplexité que le premier volume avait engendré est donc maintenu, et renforcé, quand bien même on hésiterait devant cette entreprise un peu trop cool pour être honnête, pas clairement parodique, pas tout à fait sérieuse et qui semble viser le même public que les Gardiens de la Galaxie (le film de James Gunn) ou Kingsman. Bon, tant que ce n'est pas 50 nuances de Grey...
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