La Communication Politique
Publié le
17.2.17
Par
Thomas
En plein #PenelopeGate et à l'approche des élections présidentielles, le discours politique est au cœur de l'actualité. Au-delà d'un simple discours, c'est toute une mécanique orale et gestuelle qui doit être parfaitement pensée en amont. Le but est toujours le même : séduire de potentiels électeurs, convaincre ou rassurer des militants...
Ce n'est pas nouveau, l'exercice de la communication politique repose de plus en plus sur l'image et le capital sympathie d'un élu. Depuis quand existe-il des conseillers pour ce genre de choses ? Qui en usent et abusent ? Avec l'évolution du numérique, comment le discours politique s'est-il s'adapté ? C'est ce que propose de découvrir la petite bande dessinée sobrement intitulée La Communication Politique, quatorzième tome de « La petite Bédéthèque des Savoirs » (cf. Digest #27),
une collection de l’éditeur Le Lombard proposant une vulgarisation de sujets
allant du féminisme à Internet, en passant par le heavy metal et le
minimalisme. Riche et variée donc.
La BD est écrite par l’historien français Christian
Delporte, spécialiste en politique et médias, qui a déjà rédigé une
trentaine d’ouvrages sur ces sujets depuis 1993. Les dessins sont signés par
Terreur Graphique, Fred Lassagne de son vrai nom, qui collabore (ou a
collaboré) avec plusieurs revues de genre, comme Psikopat, L’Écho des savanes
et Fluide Glacial, ainsi que des titres de presse comme Les Inrocks ou Libération
(son travail pour ce journal est disponible ici). Cliquez sur les images d'illustration de cet article pour les voir en plus grand.
Le propos du livre est (normalement) connu de tous mais
dévoile un historique passionnant, enrichi d’exemples très concrets, étayés
par des faits et des études démonstratives. Ainsi, on apprend que l’origine de
ce travail de l’image en politique prend ses sources dès 1956, aux États-Unis, avec Joseph Napolitan, un jeune journaliste qui ouvre un cabinet de « conseiller en communication »,
profession qu’il vient d’inventer (« Political Consultant » pour être plus précis). Il contribua a rendre le candidat Thomas O'Connor à la mairie de Springfield énergique et sympathique, sortant cet anonyme de l'ombre et le faisant élire. Même Valéry Giscard d'Estaing a fait appel aux services de ce gourou de la communication en 1974. Vient ensuite l'évolution de ce nouveau métier et son impact à travers
les pays et les âges.
On passe ainsi, en vrac, des photos de John Fitzgerald Kennedy (pionnier de la « peopolisation »
des politiciens) aux langages du corps devenus obligatoires pour les passages
télé, tout horizon confondu. Les coachs et les
conseillers s’enchaînent avec des stratégies diverses et variées : Sarkozy
et son tutoiement de multiples journalistes pour le « copinage »,
Hollande et l’obligation de sourire au « petit peuple »
dans certaines occasions… En 1981, le slogan « force tranquille » est refusé par Valéry Giscard d'Estaing avant d'être accepté par François Mitterrand, preuve en est que tout est interchangeable d'un camp à l'autre, tant que l'image et les mots sont une force, à base de storytelling et formules gagnantes.
La Communication Politique regarde
aussi hors de l’Hexagone, avec notamment le phénomène Obama (saviez-vous que
son équipe de communicants avait acheté des emplacements « publicitaires »
dans des jeux vidéo ?) qui a été le premier a investir les réseaux
sociaux et Internet de façon efficace (à l’époque MySpace, YouTube et
Facebook). L'ancienne Présidente du Brésil Dilma Rousseffa, elle-aussi, a bénéficié d’un relooking
complet pour faciliter son élection en 2010 : qualifiée de brillante économiste,
elle plafonnait dans les sondages avant de subir un changement de look radical (régime, opération chirurgicale, coupe de cheveux, positionnement physique,
etc.). On ignore l’impact sur sa victoire mais nul doute que cela y a
contribué. Tony Blair n’est pas en reste, acteur vecteur d’un « avant /
après » indiscutable dans le genre.
« La communication, c'est un moyen d'informer et de tenir compte de l'opinion,
mais c'est aussi, revers de la médaille, une culture de l'apparence.
Le moule de la télégénie a effacé toutes les aspérités sur lesquelles, jadis, l'homme politique pouvait compter pour faire oublier une apparence voire une certaine laideur ; l'intelligence, la culture, l'éloquence, les effets de la tribune…
mais c'est aussi, revers de la médaille, une culture de l'apparence.
Le moule de la télégénie a effacé toutes les aspérités sur lesquelles, jadis, l'homme politique pouvait compter pour faire oublier une apparence voire une certaine laideur ; l'intelligence, la culture, l'éloquence, les effets de la tribune…
Comme si les idées comptaient moins que le look. »
Côté France, on découvre notamment que François Mitterrand
avait décidé de sacraliser sa parole et ses interventions, là où la course à l’omniprésence
télévisuelle était pourtant salutaire. Avec les chaînes d’informations en
continu, les sites Internet et les réseaux sociaux, cette quasi-« obligation »
de paraître pour exister, d’être diffusé pour être, les politiciens cherchent
des stratégies novatrices (cf. Jean-Luc Mélenchon et son hologramme, une
trouvaille sur la forme mais dont les rares médias qui s’en sont fait écho n’ont
pas relevé le fond – étrangement seule la sphère du web a évoqué ce double
meeting là où la presse télé évoquait majoritairement ceux d’Emmanuel Macron et
Marine Le Pen qui avaient lieu au même moment).
Pour quelqu’un qui s’intéresse de loin au sujet, cette bande
dessinée est un complément indispensable pour parfaire sa culture du genre,
pour les autres passez votre chemin et, pour ceux qui sont déjà plongés dedans,
vous n’apprendrez pas grand-chose de réellement nouveau. Malgré un format
relativement petit (13,5 cm de largeur pour 19,5 cm de largeur) et un prix un chouilla trop élevé (10€), ce
guide-bilan-encyclopédique humoristique (les dessins font mouche, aidés par une colorisation très vive) dresse un constat effrayant par rapport
à notre démocratie et appelle au bon sens des citoyens. C'est-à-dire s’informer sur des
faits et un « vrai » programme sans se laisser convaincre par un
sourire ou un charisme (même si, idéalement, un bon équilibre des deux est
essentiel, ne serait-ce que pour l’image et la représentation du pays à l’étranger). Le débat pourrait aller plus loin en remettant en cause le système démocratique actuel, mais cela est un tout autre sujet qui mériterait un autre livre.
Les soixante-dix pages contiennent un avant-propos de David Vandermeulen, auteur de bandes dessinées belges (Fritz Haber) et un guide en fin d'ouvrage pour approfondir ses connaissances avec des suggestions des deux auteurs : trois livres, un journal (Le Canard enchaîné) et deux films, dont l'excellent L'Exercice de l'État, long-métrage français de Pierre Schoeller sur les rouages et les coulisses d'un cabinet de ministre. Nous ajouterons les deux formidables séries House of Cards (sur la politique américaine, bien que parfois non-plausible par certains aspects) et, surtout, Baron Noir, plongée dans la politique française avec un écho foudroyant au gouvernement actuel.
Les soixante-dix pages contiennent un avant-propos de David Vandermeulen, auteur de bandes dessinées belges (Fritz Haber) et un guide en fin d'ouvrage pour approfondir ses connaissances avec des suggestions des deux auteurs : trois livres, un journal (Le Canard enchaîné) et deux films, dont l'excellent L'Exercice de l'État, long-métrage français de Pierre Schoeller sur les rouages et les coulisses d'un cabinet de ministre. Nous ajouterons les deux formidables séries House of Cards (sur la politique américaine, bien que parfois non-plausible par certains aspects) et, surtout, Baron Noir, plongée dans la politique française avec un écho foudroyant au gouvernement actuel.
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