L'Homme Craie
Par

Après L'Homme Craie, vous vous méfierez des dessins apparemment innocents que les enfants tracent sur le sol...

Ed a la quarantaine. Il est professeur dans une petite ville. Il mène une vie sans histoires dans la demeure qu'habitaient autrefois ses parents. Un jour, il reçoit une lettre contenant un dessin malhabile et des morceaux de craie. Le voilà replongé trente ans plus tôt, alors qu'il était enfant, dans les... évènements qui ont marqué sa petite bande d'alors.
À l'époque, tout avait commencé par un jeu. Un code secret mis au point par une bande de potes. Juste des petits bonshommes de craie. Jusqu'au jour où les dessins ne sont plus le fait des enfants et qu'ils mènent droit à un cadavre démembré dans les bois...
Et si, trente ans après, l'Homme Craie n'en avait pas terminé avec Ed ?

Voilà un excellent premier roman, sorti le mois dernier chez Pygmalion et écrit par C. J. Tudor. La jeune femme (le "C" signifie "Caroline") réussit ici le double exploit d'allier une trame relativement habile et un style enlevé et efficace.
Tout amateur de Stephen King verra obligatoirement dans The Chalk Man des proximités au niveau de la narration (notamment dans le traitement des personnages) mais parfois aussi dans certaines scènes qui font penser à plusieurs de ses récits, dont Ça (une bataille de cailloux, une brute perverse, deux trames narratives, une petite fille violentée par son père, des apparitions monstrueuses... les points communs sont nombreux) [1]. Toutefois, bien que certaines scènes oniriques flirtent avec le genre, il ne s'agit pas d'un récit fantastique mais bien d'un thriller.

La thématique principale s'avère originale mais un peu sous-employée tant il était possible d'infiniment plus développer cette idée de petits dessins à la craie, aussi enfantins que terrifiants. Elle est par contre très habilement reprise sous forme métaphorique en ce qui concerne le père du personnage principal, dont l'esprit s'efface peu à peu, comme un dessin à la craie exposé à la pluie.
L'intrigue est également soutenue par une construction narrative minutieuse (avec des flashbacks très bien gérés), des personnages épais, profonds, à la psychologie fouillée, et quelques sous-thèmes forts, comme la lutte larvée entre partisans et opposants de l'avortement, ou encore l'amour interdit entre une jeune élève et un professeur très... particulier.

Caroline Tudor, même si elle a du mal à trouver encore sa propre signature (les scènes fortes du roman ont presque toute une résonance très directe avec l'œuvre de King, dont l'auteur avoue être fan), fait preuve d'une aisance certaine et d'un goût pour la noirceur assez marqué, ce qui rend sa retranscription des rapports humains aussi douloureuse que foutrement réaliste. Il est juste un peu étonnant que Tudor, inconditionnelle de King et James Herbert, en vienne à écrire un "simple" polar, d'autant que l'on sent son goût pour l'épouvante et le fantastique poindre dans bien des scènes.
Impossible en tout cas de lâcher ce livre une fois commencé.

Un très bon roman, aussi jubilatoire que sombre.
Et un auteur de talent à surveiller.
 


[1] Il n'est cependant aucunement question ici de plagiat. Rappelons qu'une idée n'est pas "protégeable", c'est sa mise en œuvre, l'originalité de son traitement, qui l'est. Le Nuit d'Été de Dan Simmons aligne d'ailleurs encore plus de points communs avec Ça.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une construction habile, tant dans le rythme que l'alternance des deux trames.
  • Des personnages forts.
  • Un petit côté "presque" paranormal.
  • Quelques scènes "coup de poing" assez osées.

  • Difficile de ne pas voir des ressemblances très appuyées avec les romans de King.