X-Men : Origins
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Les origines des X-Men revisitées.

Ah, le bon vieux temps des Strange "Spécial Origines"... cela permettait de faire le point sur les personnages tout en embarquant au passage une poignée de lecteurs nouveaux et curieux. Comme toujours avec ce genre de recette, cela marche plus ou moins bien et le résultat dépend surtout du talent des auteurs et non de la supposée facilité d'accès à un univers dont la complexité embarrasse décidément souvent les éditeurs qui en ont la charge.
Conservant ce principe, la Maison des Idées a lancé, il y a quelques années, une série de one-shots revenant sur les origines de certains des plus célèbres mutants. Panini avait à l'époque publié ces épisodes en deux tomes, dans la collection 100% Marvel, puis, le tout avait été réédité en 2014 dans un Marvel Select moins onéreux, que nous allons détailler ici (plus récemment, ces épisodes ont également été publiés à nouveau, dans un Deluxe).
En tout, onze célèbres mutants sont présents : Cyclope, Iceberg, Jean Grey, Beast, Emma Frost, Colossus, Diablo, Gambit, Wolverine, Sabretooth et Deadpool.

On commence par Colossus, avec Chris Yost au scénario et Trevor Hairsine aux dessins.
Bon, vague histoire d'espionnage, avec des agents soviétiques qui tentent de mettre la main sur le petit Piotr, plus une intervention du quasi omnipotent Xavier (qui souhaite d'ailleurs qu'on l'appelle absolument "professeur" et non "monsieur", ça y est, il a pété les plombs).
Pour une entrée en matière, c'est plutôt faible.

On enchaîne avec Diablo (Nightcrawler donc), par Adam Freeman & Marc Bernardin (scénario) et Cary Nord & James Harren (dessin). Classique récit de cirque, avec de gentils hurluberlus exploités en tant que monstres et de très méchants (et stupides) exploiteurs. Les scénaristes ont ici visiblement du mal à rendre leurs "vilains" crédibles. Tout est tellement évident, téléphoné et déjà vu que l'on a du mal à aller jusqu'au bout.
L'idéal aurait été de s'adresser à tous les lecteurs, donc autant aux vieux briscards qu'aux nouveaux venus. Là, il n'est même pas certain que cet essai s'adresse réellement à quelqu'un.


On vous l'accorde, ça commence mal. Heureusement, le reste va tout de même relever le tout.
Emma Frost tout d'abord, par Valerie d'Orazio au scénario et Karl Moline au dessin.
Mine de rien, c'est plutôt bien fichu, pas si monolithique que ça (notre brave Emma passant tout de même par pas mal d'émotions) et relativement complet. C'est même raccord avec certains éléments publiés en Marvel Age, une collection en VO qui est revenue (bien plus longuement) sur l'enfance de la miss (cf. cet article).
Voilà qui permet en tout cas de relever le niveau, en s'attardant sur la jeunesse de la télépathe et en permettant de briser un peu l'apparente froideur du personnage. Le tout en plus avec de très belles planches.

On passe ensuite à Gambit, avec Mike Carey au scénario et David Yardin et l'excellent Ibraim Roberson aux crayons. L'épisode est bien réalisé et même sacrément complet (l'on découvre notamment les Maraudeurs de Sinistre et leur mission contre les Morlocks), avec une petite intrigue sympathique au niveau de la présentation du personnage, et ensuite une sorte de rappel de ce qu'il est ou peut faire. Bref, cela permet de bien découvrir le cajun, ses pouvoirs et une partie de ses ennemis.

Vient ensuite le tour de Scott Summers. Au scénario, Stuart Moore, au dessin, Jesse Delperdang. Toutes les "premières fois" de Cyclope sont passées en revue : découverte de son pouvoir, première confrontation avec Magneto, première passation de pouvoir entre Xavier et lui, et même... première paire de lunettes. Une mise en bouche sympathique, sans plus. Il manque notamment quelques explications au début, lors de la scène de l'attaque de l'avion. Ce n'est pas essentiel mais les nouveaux lecteurs se demanderont sans doute ce que ce vaisseau venait faire là. L'épisode a par contre l'avantage de montrer un Cyclope qui pourrait bien se révéler un juste et bon compromis entre la niaiserie idéaliste du professeur Xavier (qui ne respecte d'ailleurs son propre idéal que quand ça l'arrange) et la radicalisation de Magneto.


Au tour d'Iceberg à présent. C'est cette fois Roberto Aguirre-Sacasa qui s'occupe du scénario, secondé par Phil Noto aux crayons. Histoire classique, sans grande surprise, mais bien menée. L'auteur y exploite notamment le rejet que suscitent les mutants, mais il a le bon goût de faire ressentir ce sentiment (mélange de crainte, de dégoût et de haine) à un personnage qui n'est pas l'abruti de service et n'a rien de caricatural.
Quelques doubles planches pas dégueulasse. Certaines cases paraissent néanmoins un peu troubles, comme si l'encrage ou les couleurs "bavaient" un peu.
Malgré tout, là encore, une lecture plutôt agréable et une bonne présentation du personnage.

On passe à Jean Grey, avec un scénario de Sean McKeever et des dessins de Mike Mayhew. Ce dernier réalise un travail extraordinaire : les planches sont simplement sublimes et réellement impressionnantes, non seulement par leur réalisme mais également leur composition.
Le récit est très bien mené également, avec une vraie progression psychologique du personnage, une mini-scène d'action bien fichue et finalement une très bonne présentation de Jean, qui la rend attachante et très séduisante.
Du très bon boulot, mais rien de surprenant de la part de McKeever qui s'était déjà illustré sur Sentinel ou Spider-Man loves Mary Jane, des séries secondaires mais qui possédaient des qualités indéniables.

C'est le brave Henry McCoy, alias Beast, qui débarque ensuite, avec un épisode écrit par Mike Carey et dessiné par J.K. Woodward. Là encore de très jolies planches et une bonne mise en scène des origines du Fauve. Seul petit bémol, l'intervention du Conquistador, un vilain un peu kitsch dont la présence respecte certes la continuité mais n'apporte pas grand-chose. L'on aurait largement préféré que l'aspect vie quotidienne soit plus poussé, d'autant que Hank est censé avoir tout de même pas mal souffert des quolibets sur son physique, ce qui n'apparaît pas tellement ici.
Rien de bien méchant cependant et, au final, une histoire sympathique qui devrait largement contribuer à humaniser McCoy auprès des lecteurs qui ne connaissent pas bien le personnage et sont habitués à ne le voir que comme une grosse boule de poils au QI élevé.


On attendait beaucoup de l'ami Wolverine, évidemment, ne serait-ce que pour justifier son statut de vedette. Malheureusement, Chris Yost ne parvient pas à écrire autre chose qu'une sorte de résumé confus du passé du Griffu. Il y a bien quelques références aux jeunes années de Logan (rééditées à de nombreuses reprise, cf. cet article) ou à l'Arme X, mais l'ensemble reste (peut-être volontairement) complexe et fragmenté. Même les scènes de carnage, censées pourtant être bestiales, manquent leur but et n'ont qu'un impact très limité, sauf pour l'aspect graphique, Mark Texeira parvenant à leur donner un côté brut et violent visuellement réussi.

On poursuit avec Dents de Sabre. Le début commence fort bien, avec un Victor Creed très jeune, mais déjà sadique et fascinant. C'est probablement cette piste qu'il aurait fallu continuer d'explorer. Au lieu de cela, Kieron Gillen développe une sorte de chassé-croisé ennuyeux et absurde entre Creed et Wolvie, à base de bastons sans fin.
Décevant.

Et enfin, on termine par Deadpool, avec une entrée en matière déjantée, typique du bonhomme. Le mercenaire veut en effet contacter des scénaristes afin de lancer un projet de film sur sa vie. Une bonne occasion d'en dévoiler certaines parties.
L'astuce trouvée par le scénariste, Duane Swierczynski, est plutôt bonne et a le mérite d'expliquer, en quelques scènes clés, le passé du mutant.

Difficile au final de tirer un bilan général de ce Marvel Select. Les épisodes sont très inégaux, autant sur leur aspect graphique que leur valeur informative. Certains peinent même à seulement divertir et se révèlent lourdingues, alors que d'autres mettent parfaitement en valeur les personnages et leur insufflent une bonne dose d'humanité.
Quelques coquilles ou maladresses au niveau de la traduction, mais ça reste dans les limites du tolérable.

Un ensemble finalement moyen mais qui bénéficie d'un prix avantageux et constitue un bon tour d'horizon des mutants les plus célèbres.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Les épisodes sur Frost, Grey ou Beast, émouvants et profonds.
  • De superbes dessins, notamment de Mayhew ou Moline.
  • Petit prix pour la version Select.

  • Les épisodes sur Wolvie, Diablo ou Colossus, plutôt plats et blindés de clichés.
  • Un passé qui reste trouble pour certains personnages.
  • Le côté trop quelconque de certains récits.