The Push : Comment pousser réellement quelqu'un à commettre un crime ?
Publié le
6.1.20
Par
Nolt
Nous abordons aujourd'hui un programme un peu particulier, disponible sur Netflix et intitulé The Push.
Peut-on pousser un individu normal, équilibré, à commettre un meurtre, juste parce qu'on a décidé de l'influencer ? C'est la question à laquelle The Push tente de répondre. Il s'agit d'une émission assez spectaculaire, dans laquelle Derren Brown, un magicien, mentaliste et hypnotiseur anglais, va se servir de diverses techniques, notamment puisées dans les sciences comportementales, pour obtenir ce qu'il souhaite d'une personne lambda.
Enfin, pas si lambda que ça, car pour les besoins de l'émission, une sélection est tout d'abord effectuée parmi des candidats qui ignorent à quoi ils vont exactement participer. L'équipe de Brown va ainsi retenir les sujets les plus influençables et éliminer les autres. Par exemple, dans une salle d'attente, trois acteurs se lèvent et s'assoient à chaque fois qu'une sonnerie retentit. L'on fait entrer un candidat, s'il se met à singer les acteurs, il reste, sinon il est évacué de la salle. À la fin, les acteurs partent, et il ne reste que des candidats à qui l'on n'a jamais rien demandé mais qui se lèvent et s'assoient sur commande. Cela peut avoir l'air stupide, mais il s'agit d'une technique bien connue de "conformisme social". Il est en effet plus facile, au sein d'un groupe, d'agir comme tout le monde afin d'être accepté et de ne pas attirer l'attention.
Le but de l'expérience est de voir si les individus sélectionnés vont accepter ou non de tuer une personne qu'ils ne connaissent pas et qui ne leur a absolument rien fait. Dit comme ça, ça a l'air absurde. Si quelqu'un vous disait d'aller buter un type quelconque, vous ne le feriez évidemment pas. Mais la mise en scène et surtout la mise en condition sont bien plus longues et complexes que ça.
De très nombreuses techniques vont être employées pour fragiliser le candidat et le mettre dans les bonnes dispositions. Au début, des choses très simples et basiques : par exemple, on va demander à la personne piégée de transgresser une règle, mais quelque chose d'anodin. On va également le placer dans un cadre où il se sent une responsabilité morale (ici, la récolte de fonds pour venir en aide à des enfants). On va également "l'aider" à se sentir quelque peu mal à l'aise voire inférieur en ne le prévenant pas du dress-code, etc. Il s'agit vraiment d'une très longue préparation, par petites touches.
Le piège commence déjà à se refermer sur Chris, 29 ans. |
À un moment donné, lorsque les choses sérieuses commencent et que les transgressions sont plus importantes (mais là encore, elles suivent de nombreux paliers de progression), l'effet agentique va intervenir (cf. cet article évoquant notamment les expériences de Milgram à ce sujet). Pas tant dans la soumission à l'autorité que dans la difficulté, une fois une direction prise, de revenir en arrière. En effet, l'individu va, à chaque transgression, tenter inconsciemment de "valider" la précédente. Si à un moment, il cesse d'obéir et de se conformer au "plan" de celui qui le manipule, alors ce serait se désavouer et admettre qu'il a eu tort d'agir ainsi dès la première transgression.
De la même manière, une fois que l'on en arrive au meurtre, pas question d'exiger de la personne piégée une violence trop évidente (un simple geste suffira). La victime ne regarde même pas son bourreau dans les yeux, autre élément qui va faciliter le passage à l'acte.
Les résultats sont pour le moins surprenants. Sur quatre sujets piégés... trois vont passer à l'acte. Alors, attention, ce n'est évidemment pas représentatif de la population, puisque les candidats sont présélectionnés en raison de leur malléabilité et de leur tendance à être facilement influençables, mais tout de même, ça reste impressionnant en regard de la gravité de l'acte final qu'ils accomplissent, certes avec peine, mais sans réellement remettre en question le groupe qui les pousse à agir.
Le sujet est en tout cas suffisamment intéressant et l'émission suffisamment bien fichue pour garder en haleine pendant toute la durée (1h09) du programme.
Les moyens déployés sont énormes. Peu à peu, la pression monte. |
Il existe également d'autres programmes élaborés par Derren Brown, comme The Apocalypse, où un jeune homme est plongé dans un monde post-apocalyptique. Les moyens sont ici encore plus démesurés : pour donner du crédit à l'événement qui va survenir, l'équipe de Brown s'arrange pour pirater le téléphone de la personne piégée, lui montrer de fausses infos, etc. La préparation dure des semaines. Cependant, c'est tellement "gros" et les réactions du jeune homme sélectionné sont parfois si peu naturelles (mais, dans des circonstances exceptionnelles, personne ne réagit de la même façon) que l'on a du mal à véritablement y croire.
Autant dans The Push, l'on se demande avec une certaine fascination si le piégé ira jusqu'au bout, autant ici, l'on se pose des questions sur la réalité de ce "test" grandeur nature. Notamment, comment peut-on prendre autant de risques pour une émission ? En effet, le piégé pense avoir affaire à des gens contaminés par un virus mortel, il pourrait donc fort bien se blesser en tentant de se mettre à l'abri, voire tuer un acteur en le prenant pour un individu dangereux et déjà condamné...
L'on est en droit également de se demander pourquoi les candidats qui en sont venu à tuer quelqu'un (en tout cas en étaient-ils persuadés) dans The Push acceptent aussi facilement de passer pour de parfaits idiots manipulables (dans le meilleur des cas) ou de sinistres assassins. Les images diffusés ne vont en tout cas pas vraiment améliorer leur image.
Enfin, si tout est vrai dans ces show TV (il subsiste un doute), il convient aussi de s'interroger sur les limites à définir lorsque l'on "teste" ainsi les réactions de personnes qui ignorent tout de la supercherie dans laquelle elles sont embarquées.
Tout cela est en tout cas suffisamment intéressant (et tout à la fois révoltant) pour que l'on se penche sur le sujet.
À découvrir, au moins pour se faire une idée.
Pour les besoins de l'émission, un faux cadavre d'un réalisme stupéfiant a été réalisé par une équipe de spécialistes des effets spéciaux. |
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