I.S.S. Snipers #1 - Reid Eckart
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Les I.S.S. Snipers sont des bourrins formés, armés, soignés et nourris par la Fédération des Planètes Unies.
Leur boulot, c'est d'étouffer les révoltes dans l'œuf. Et tant pis s'ils foutent l'œuf en l'air par la même occasion,
ça fera une omelette pas pour les femmelettes !


Jean-Luc Istin
est un auteur prolifique bien connu des amateurs de BD franco-belge pour lancer des collections dont il confie la suite à des collègues en gardant dessus un regard attentif. Cela permet de voir fleurir nombre de collections avec des rythmes de parution impressionnants. C'est même souvent assez qualitatif, dans le cas d'Istin. Pour ceux que son travail intéresse, on trouve la plupart de ses ouvrages aux éditions Soleil.

Parmi les écrits du Monsieur, menés jusqu'au bout ou confiés à d'autres, citons par exemple Aleph, Alice Matheson, Aquilon, Les Brumes d'Asceltis, La Cathédrale des Abymes, Le Cinquième Evangile, Les Contes de l'Ankou, Les Contes du Korrigan, Les Druides, Elfes, Excalibur, Le Grimoire de Féerie, Lancelot, Merlin, Le Sang du Dragon, Le Seigneur d'ombre, Les Terres de Sienn et Tom Sawyer ou Mages...
Et la liste n'est pas exhaustive. Ah ben, je vous avais prévenu : il bosse, le gaillard !

Du coup, ici, nous allons nous pencher sur son dernier projet : I.S.S. Sniper. On a reçu le tome 1 et quatre autres sont déjà prêts à sortir au rythme d'un tome tous les trois mois. Ah ben ça ne rigole pas, hein ! Ça sort comme des balles de mitrailleuse projetées d'un canon fumant. Et le choix lexical de cette comparaison n'est clairement pas innocent. Alors faisons connaissance avec ce nouvel univers et permettez, pour l'occasion, que mon ton neutre cède sa place jusqu'à la fin de la chronique à un vocabulaire plus conforme à l'ambiance générale de cette BD. Une lourde ambiance virile façon cinéma américain testostéroné de ces foutues années 80, quand Sly et Arnie éclataient des tronches et vidaient des chargeurs sans se préoccuper de l'indignation des ligues de familles offusquées. On va faire dans la finesse et la poésie à en éclabousser les murs, ouais !


Reid Eckart est un membre important des I.S.S. Snipers, un sombre salopard connu comme le loup blanc et chargé de commander des soldats à peu près aussi irrécupérables que lui dans des missions regroupant grosso modo les pires des basses besognes que la Fédération des Planètes Unies peuvent avoir à confier à des troupes surarmées, surentraînées et dénuées de la moindre once de foutue moralité.
Pour faire simple, ils se chargent de calmer toute tentative de rébellion par une forme de diplomatie radicale, assurant ainsi que le terme "Unies" soit rétabli après leur départ dans le nom de la Fédération, fut-ce parce que plus personne sur place ne soit encore assez en vie pour contester ladite union.
Ces gars bouffent des munitions et chient du plomb en fusion. Ils sont capables de cartonner une mouche sur le sol d'une planète depuis un vaisseau en orbite stationnaire.
Reid Eckart, on le surnomme Stock à cause du stock de cadavres qu'il entasse derrière lui. Le mec est un boucher sans remords, une machine à découper la bidoche, un livreur de bastos par lot de cinq cents.  
Oh, Reid n'est pas totalement con : il sait ce qu'il vaut ; il sait qu'il est une enflure sans conscience ; il sait qu'on l'a toujours utilisé pour débiter en rondelles des gars avec qui on aurait juste pu dialoguer... Mais tous ces connards étaient des membres de la Fédération et savaient à quoi s'en tenir. Signer avec la Fédé et croire pouvoir leur faire un gosse dans le dos, c'était comme sauter dans le vide depuis un immeuble et espérer que la dernière chose qui vous passe par la tête ne soit pas la rue en contrebas. Ces mecs avaient joué et avaient perdu : ils connaissaient les règles, alors quand leur venait l'idée idiote de vouloir niquer le système, il signaient forcément pour recevoir la visite de Stock et de ses potes qui allaient leur faire payer la facture à coup de shrapnels dans la tronche.

Mais dans cet album; Reid va recevoir l'ordre de trop. On va lui demander de buter des gens encore plus innocents que d'habitude : des extra-terrestres même pas au courant de l'existence de la Fédération. Et là, ce qui reste d'honneur et d'humanité va se réveiller chez cette brute assoiffée de combats... parce que ça, c'est pas juste, putain ! C'est purement et simplement un génocide qu'on lui demande ; sans autre raison, en plus, que mettre la main sur les réserves de combustible minéral de ces pauvres gens inoffensifs, au seul prétexte que, pour les humains, ce matériau (un minerai rare du nom de koropnite) peut être utilisé comme une drogue surpuissante à laquelle s'adonnent les élites de la Fédération.
Alors qu'ils aillent se faire foutre ! Suivi par tous ses hommes, Stock décide d'arrêter là les conneries et refuse d'obéir aux ordres. C'est décidé : ils vont camper là et protéger ces pauvres gens inoffensifs contre la fédération.
La configuration des lieux empêche que la Fédé atterrisse sur site, le minerai convoité est hautement explosif et les armes de tir seront donc impossibles à utiliser... ça va se jouer au corps à corps, façon spartiate ! Et comme dans les Thermopyles, Stock et ses hommes vont tout faire pour limiter l'accès à la mine de koropnite à un seul corridor. Ce sera du mano à mano et à ce petit jeu, les chiens de guerre de Stock sont les meilleurs de l'univers ! On peut bien leur envoyer les pires crapules vomies des entrailles les plus gangrénées de l'humanité, ils tiendront bon. Et la lie de l'humanité, le pire psychopathe formé par la Fédération, l'assassin ultime, c'est bel et bien ce qu'on va leur envoyer... à la tête d'une armée de mecs remontés à bloc.


De l'aveu même de son auteur, vous pourrez trouver pas mal de trucs dans cette BD sauf... un message ! Ici, on a un concentré de testostérone façon film d'action des eighties. Ça joue avec un paquet de références de l'époque et c'est impossible de ne pas penser de temps à autres à Judge Dredd, par exemple... Pour les vaisseaux spatiaux, on est carrément sur du design grimdark façon Warhammer Battlefleet Gothic, ça saute aux yeux !

L'idée est de sortir ces cinq tomes en un an... et d'autres ensuite si ça fonctionne.
Reste à voir si le succès sera au rendez-vous. Mais que ça marche ou non, on est obligés de constater le talent d'Istin pour distiller des synthèses des genres qu'il aborde. Ici, on n'a pas du Space Marine lambda, mais l'élite technique de la profession. Ils ne sont pas brutaux, ce sont des équarisseurs sur pattes. Ils ne parlent pas, ils vocifèrent et balancent des punchlines. Il n'y a pas un dialogue intérieur du héros, il y a une voix off du héros qui se raconte autant qu'il se la raconte, à force de gros mots, d'injures et de roulages de mécanique. 
Istin nous conseille de lire sa BD avec, en musique de fond, un bon vieux Metallica. Ça vous donne le ton du machin mais qu'il me permette de le contredire : ça ne se lit pas sur du Metallica, non ; ça se lit sur la bande originale des deux derniers jeux vidéo de la licence Doom. Ça se joue sur du rock gras, synthétique, apocalyptique, dépressif et bourrin !
Et voilà le terme qui résume toute la BD : "bourrin". Pas "badass", hein, c'est autre chose. Bourrin ! Ça gueule, ça éclate des trucs, ça parle mal, ça menace, ça défonce des trucs, ça défouraille, ça coupe des trucs en deux. Pas de nuance ni de second degré, pas de subtilité ni de faux semblants : c'est un groupe de brutasses qui sont là pour flinguer du rebelle mais il n'y a pas de rebelles ; alors ils se retournent pour mordre la main qui les a nourris. Voilà. Point. C'est juste ça : tu voulais une guerre ? Ben tu vas l'avoir ! Et parfois, lire un truc bête et méchant, ben c'est cathartique !

Pour le dessin, les images ici parlent d'elles-mêmes, non ? 
Erwan Seure-Le Bihan (Légende des pays celtiques...) nous livre un travail crédible, façon SF brutale du siècle dernier. On sent les auteurs inspirés par les univers de la firme Games Workshop. J'y vois aussi parfois des parallèles graphiques à faire avec La caste des Méta-Barons, même si je me doute bien que ce rapprochement ferait hurler les fans de Juan Giménez comme de petites chattes dont on arracherait les poils un par un.
Seure-Le Bihan fut responsable de la création de la Bible graphique de la série, puisqu'elle va passer entre diverses mains. Autant dire que ça me semble une bonne idée, la qualité des dessins et les concepts sous sa patte étant pile poil ce à quoi on attend de ce genre d'univers pessimiste : tout semble futuriste mais néanmoins vieux et endommagé. Qu'il s'agisse des armures ou des vaisseaux, voire des armes... ça sent la lourdeur, la solidité et l'usure des ans.

En gros : c'est du divertissement. Ça cogne dur et ça frime un maximum. Si vous êtes client des "come get some" de Duke Nukem, des rafales de Doom, des épées tronçonneuses et autres armes à plasma de 40K, des films des années 80 et des bons gros délires juste faits pour passer un moment sympa de défoulement... n'hésitez pas ! 



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un univers sombre et violent.
  • Un héros dangereux, charismatique et violent.
  • Un dessin parfaitement approprié au sujet... et violent !
  • Une écriture façon 80's, donc, euh... ben... violente.
  • Un scénario sans message, de fait !
  • Une histoire prévisible... mais c'est paradoxalement ce qu'on en attend. Il fallait que ça colle au genre.
    Ça n'empêche pas quelques petites trouvailles scénaristiques élégantes comme les effets de la drogue sur les humains, bien utiles à la narration.