Saint Seiya : Épisode G - Assassin, encore un manga passable ?
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Quel bazar ! Depuis quelques années, entre les séries d'animations et de mangas papier, les célèbres Chevaliers du Zodiaque ont droit à un traitement complètement inégal et perturbant. À ce jour, la seule suite officielle semble être Saint Seiya : Next Dimension. Les autres séries ne sont donc pas canoniques, même si certaines sont scénarisées (ou validées en tant que consultant) par le créateur, auteur et dessinateur de la série-mère initiale : Masami Kurumada. C'est le cas de Saint Seiya : Épisode G - Assassin, qui s'est achevée début 2021 en France, au terme d'un seizième tome. Alors, qu'est-ce que c'est que cette série ? Un spin-off de Saint Seiya : Épisode G ? Une suite de cette dernière ? À peine évoquée sur Wikipédia et ne bénéficiant pas de réelles critiques sur Internet (ce qui a conduit à l'écriture de celle-ci), on vous explique tout !

Dans Saint Seiya : Épisode G - Assassin, l'on suit Shura, Chevalier d'or du Capricorne, qui mène une croisade contre des guerriers armés d'épées légendaires. Shura est "l'assassin des assassins". Mais le Grand Pope ne l'entend pas de cette oreille et compte bien lui mettre des bâtons dans les roues en lui envoyant Aiolia dans un premier temps. Shura croisera nos cinq Chevaliers historiques (Seiya, Shun, Hyoga, Shiryû et Ikki) et la plupart des Chevaliers d'or connus. Mais attention, tous sont en retrait et ont un rôle vraiment secondaire.

Sur le papier, tout cela est plus ou moins alléchant. Si le premier volume est peu encourageant (on ne croise aucune figure réellement familière de l'univers), il faut s'accrocher un peu avant de trouver un certain plaisir à suivre cette nouvelle "quête" et attendre le dixième tome (sur seize) afin de comprendre les véritables enjeux de tout ce qu'on nous a montré auparavant. Pour cause : toute l'histoire se déroule en fait dans... un univers parallèle ! Ce qui explique le retour à la vie de certains Chevaliers et l'orientation de cette nouvelle épopée. Une pirouette scénaristique plus ou moins plausible mais qui arrive trop tardivement. Pire : partant de ce postulat, il existait un éventail des possibles assez extraordinaire qui n'est finalement qu'effleuré (chaque Chevalier aurait mérité un tome complet centré sur lui afin de le suivre dans cette nouvelle vie, Hyoga est père de famille par exemple, mais on le voit peu dans ce rôle, idem pour Shun, devenu médecin, et ainsi de suite).

L'ensemble du titre est assez mal rythmé et développé. Visiblement le scénario est signé Masami Kurumada lui-même, on a du mal à y croire et on penche plutôt pour une écriture de Megumu Okada – qui s'occupe intégralement des dessins – avec une validation du maître dans un second temps. En effet, Megumu Okada avait écrit et dessiné entre 2002 et 2013 la série Saint Seiya : Épisode G. Assez inégale, la fiction mettait en avant pour la première fois uniquement les Chevaliers d'or, en suivant notamment Aiolia (Lion) dans des événements antérieurs à la série-mère. Le rapport avec Saint Seiya : Épisode G - Assassin ? Aucun si ce n'est qu'on suit à nouveau des chevaliers d'Or (le fameux G du titre, pour Gold en anglais) et que c'est toujours dessinée par Okada (de 2014 à 2019 pour Assassin). Depuis 2020, le mangaka est à l’œuvre sur une troisième série : Saint Seiya : Épisode G - Requiem, écrite à nouveau par Kurumada et qui serait la dernière de cette "trilogie".

Clairement, les aventures de Shura ne sont guère palpitantes. Tout d'abord, on n'y comprend pas grand-chose : il combat des guerriers issus de l'histoire ou de la mythologie franco-britannique cette fois. Préparez-vous à croiser Arthur et Excalibur ! Encore une fois, sur le papier, l'idée est sympa mais évolue terriblement mal, ça ne fonctionne pas du tout. On peine à s'attacher aux personnages, on ne comprend pas leurs motivations, certains sont ridicules et disparaissent après quelques volumes (quid de la sœur jumelle d'Athéna ?). Les dialogues sont souvent risibles, à base de clichés employés depuis des décennies dans Saint Seiya : le combat doit être gagné pour l'honneur, bla bla bla, la force et le destin de ce monde bla bla bla, si je dois mourir pour préserver Athéna alors je le fais bla bla bla...

Ensuite, si Shura reste au centre de l'intrigue, on apprécie nettement plus les échanges avec d'autres Chevaliers ; même si ça ne fait pas forcément avancer le récit, on s'étonne de suivre avec plaisir les déclinaisons dans cet univers du Chevalier d'or des Poissons ou du Cancer ! Enfin, malgré tout l'intérêt du concept initial, le cheminement et la conclusion ne sont pas très passionnants, la fin est très soudaine, ouvrant sur une suite (on pouvait penser à la fameuse Requiem, évoquée plus haut, mais visiblement non, il faudra donc se contenter de ça) et, finalement, l'ensemble n'aura pas vraiment eu d'autre intérêt que celui de regarder des jolies planches en couleur, parfois.

C'est là le point fort (l'unique ?) de Saint Seiya : Épisode G - Assassin, les dessins bénéficient tous d'une colorisation extrêmement soignée, conférant, c'est le cas de le dire, une nouvelle dimension aux Chevaliers du Zodiaque (et qui manquait cruellement à la série précédente du même mangaka, Épisode G donc). Mais attention, cela ne veut pas dire que toute la partie graphique est réussie, au contraire ! Si les armures sont sublimes et les scènes de combat plutôt épiques (grâce, entre autres, aux palettes chromatiques appliquées), les cases perdent vite de leur aura dès qu'elles ne présentent pas un Chevalier en armure ou qu'elles se concentrent sur les visages (majoritairement androgynes pour tous les hommes) ou la vie quotidienne des protagonistes, donc en civil. En synthèse, sur seize volumes, à raison de sept à huit chapitres par tome, seulement un retient réellement l'intérêt de nos rétines – et encore, il faut que le dessin ne soit pas trop chargé en détails, ajoutant une confusion supplémentaire dans la lisibilité et fluidité de l'action !

 

Saluons la curiosité colorimétrique de la série ET de l'édition (Panini Manga propose l'intégralité en couleur et sur papier glacé, à raison de 8,99 € le tome). Malheureusement, à part quelques planches pleine page ici et là et la nostalgie de retrouver des têtes connues, ce manga, que l'on ne vous conseille pas d'acheter, n'est pas une réussite. Si vous pouvez l'emprunter en médiathèque ou à un ami (merci Stephen), c'est toujours ça de gagné !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Retrouver quelques figures familières des Chevaliers du Zodiaque.
  • Les dessins des armures en pleine page avec une colorisation soignée sont superbes, mais...


  • ... les dessins des visages et à peu près tout le reste dès que les protagonistes ne portent pas leur armure ne sont pas très réussis, voire franchement hideux, disproportionnés, etc.
  • Une histoire confuse qui prend un peu de sens au bout du dixième tome (!) sur seize.
  • Quelques personnages ridicules (qui disparaissent au fil du récit).
  • Des dialogues globalement mal rédigés.
  • Un mélange de mythologies qui ne fonctionne pas du tout. 
  • Un concept sympathique mais très mal développé, peu d'intérêt in fine.
  • Une conclusion abrupte qui ouvre vers une nouvelle série (qui n'a toujours pas vu le jour apparemment).
  • Pas du tout accessible si on ne connaît pas Saint Seiya.