Le Livre des Morts
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Pour un premier roman (paru en France aux éditions Le Cherche Midi en 2009), Glenn Cooper a quasiment réalisé un coup de maître, transcendant le genre pour s'essayer au polar trans-temporel, sans pour autant sombrer dans les délires pseudo-occultistes d'un Dan Brown. Il conserve cependant les ingrédients susceptibles de captiver, tout en demeurant ancré dans le temps présent : ce n'est donc pas un polar historique, mais bien un thriller contemporain dont les racines plongent au début du Moyen Âge.

En choisissant de naviguer entre les contextes spatiaux et temporels différents (de l'île de Wight du VIIIe siècle au Las Vegas actuel, en passant par la salle de guerre de Churchill au lendemain de la victoire sur Hitler, puis par le passé récent de deux des protagonistes), Cooper propose une mise en page aérée proche du rythme propre aux productions audio-visuelles : les chapitres sont courts, les dialogues incisifs, les meurtres souvent violents et les cliffhangers se multiplient. Impossible de s'arrêter sur une fin de chapitre tant la promesse qu'elle recèle est tentante.

D'un côté, on a Will Piper, un vieux briscard du FBI, ancienne gloire du profilage, aujourd'hui au seuil de la retraite, qui se voit confier une affaire tordue : des morts suspectes survenues le même jour et annoncées par une carte postale. L'affaire fait déjà tache d'huile et la presse s'en est emparée, titrant déjà sur "le Tueur de l'Apocalypse", capable d'exécuter sa victime après l'avoir prévenue. Aucun lien n'a été décelé entre les personnes assassinées, outre le fait qu'elles résident à New York, ni entre les différents modus operandi puisqu'on va du crime crapuleux par arme blanche à la défenestration. Ça sent mauvais pour Will qui comprend que cette enquête pourrie pourrait compromettre ce qui reste de sa carrière.

De l'autre, on a un informaticien taiseux, complexé, ancien camarade de chambrée de Will, travaillant désormais dans ce complexe mystérieux que le grand public connaît sous le nom de zone 51. Son seul loisir : la fréquentation des salles de black jack dans son casino préféré de Las Vegas.
Évidemment, les deux sont liés, tout comme ce qui préoccupe le prieur de l'abbaye de Wight à la veille du 7e jour du 7e mois de l'an 777 : la naissance d'un septième fils au village, annonciateur de catastrophes d'ampleur biblique...


Comment ce qui a été mis au jour par une équipe d'archéologues britanniques en 1947 pourrait engendrer une vague de crimes inexorables un demi-siècle plus tard ? Par quel biais ? Pour le compte de qui ? C'est ce que va tenter de comprendre Will qui, s'il n'est pas aussi subtil que ses équivalents littéraires, a conservé un flair hors du commun et une volonté d'acier. N'acceptant plus d'être le jouet d'une hiérarchie qui lui fait peut-être payer ses récents écarts, refusant d'être la risée d'un public se gaussant déjà des vains efforts de la police, Will investit tout son savoir et son expérience dans l'investigation, remontant la plus infime des pistes. Il a de plus en plus de mal à croire en l'action d'un tueur isolé, d'autant qu'une des victimes est carrément décédée sous ses yeux le jour annoncé par la carte postale mortelle !

Un suspense habile, une écriture efficace, des personnages peut-être un peu caricaturaux (l'agent blasé, l'adjointe zélée, la chef autoritaire, le scientifique complexé) pour une lecture enrichissante à la construction implacable, toute en accélération jusqu'à une résolution plutôt satisfaisante. 
Bref : une bonne lecture pour l'été. 
S'il vous a plu, sachez que Cooper vous propose deux autres aventures policières autour de son héros Will Piper.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une écriture incisive.
  • Un découpage adroit qui ne nous noie pas à travers les époques.
  • De nombreuses références historiques utilisées avec parcimonie et efficacité.
  • Un suspense redoutable.
  • Un personnage attachant dans ses travers.


  • Des personnages secondaires un peu caricaturaux.