X-Men : Mutant Genesis
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Sur Univers Multiples, Axiomes & Calembredaines, on préfère généralement les éditions originales des comics aux versions disponibles en France, a fortiori lorsqu'il s'agit de Marvel et de ce qu'en font les décideurs de chez Panini. Et il nous est régulièrement arrivé de vanter les mérites de l'excellente Epic Collection qui permet aux complétistes de disposer de larges segments des aventures de leurs super-héros préférés, parfois même des arcs complets, dans des volumes denses mains néanmoins plus pratiques que des Omnibus plus massifs et surtout plus chers. Nous avions d'ailleurs récemment évoqué le plaisir que nous avions eu à relire les épisodes de la saga Proteus. Voir aussi Kraven's Last Hunt et Excalibur.

Ce volume (le numéro 19 de la collection) se concentre sur l'année éditoriale 1991 : on se situe donc après Fall of the Mutants, le passage du Seuil du Péril et X-Tinction Agenda. Les deux premiers tiers sont d'ailleurs consacrés à un gigantesque crossover concernant le Shadow King et son emprise sur l'île de Muir et le centre de recherches en génétique de Moira McTaggert, première étape de sa vengeance contre Charles Xavier qui l'avait battu de justesse lors de leur première confrontation en Égypte, alors qu'il s'était incarné dans le corps d'Amahl Farouk : l'essentiel se retrouve dans l'arc Kings of Pain contenu dans les annuals 1991 des X-Men et X-Factor, deux équipes qui vont finir par se retrouver dans cette quête brouillonne aux couleurs criardes et aux dessins parfois repoussants, lesquels ne favorisent guère la compréhension des scènes d'action totalement chaotiques. 

Tom Raney
et Terry Shoemaker proposent des cases assez grossières avec des personnages aux poses fantasques et des décors inexistants sur des arrière-plans vaguement définis. C'est souvent laid donc, et l'intrigue tissée par Nicieza et Claremont, construite sur des réminiscences foireuses d'anciens épisodes, ne convainc jamais, au point qu'on se met à tourner les pages de plus en plus vite en sautant les passages les plus hideux ou les plus verbeux, sans trop de scrupules face à la conduite incompréhensible de certains personnages qu'on croyait connaître (le traitement de Moira était nettement plus probant dans la saga Proteus citée plus haut). 

Il est assez stupéfiant de constater que ces productions constituaient le haut du panier de l'époque. 
On en voit donc péniblement le bout grâce à l'alternance avec des petits épisodes d'un arc parallèle (The Killing Stroke) mettant en scène la Freedom Force, peu captivants mais graphiquement plus présentables - et singulièrement violents et sanglants. 


La bascule s'opère alors dans le deuxième tiers avec des histoires issues de X-Factor, scénarisées par Claremont et dessinées par Whilce Portacio. Si le gars était particulièrement à son aise sur l'Iron Man de l'époque Heroes Reborn, il semble ici moins fluide et percutant. La multitude de personnages n'aide pas dans cet arc intitulé Endgame, et si l'artiste insère incontestablement plus de dynamique, notamment dans sa mise en page, il se plante dans les conflagrations d'envergure comme dans les combats rapprochés où l'on nage dans le flou le plus absolu. Il faut dire qu'entre nos mutants, les Inhumains et l'armée d'Apocalypse, on a tendance à s'y perdre. Cahin-caha, on assiste à un finale explosif sur la Lune et au choix cornélien qui se présentera à Scott Summers lorsqu'il lui faudra sauver la vie de son tout jeune fils - un choix qui aura des répercussions sur l'avenir de l'humanité.


Nous voilà alors de retour sur l'île de Muir où il va bien falloir mettre fin aux agissements du Roi d'Ombre. Cette fois, Paul Smith et surtout Andy Kubert viennent prêter main forte à Portacio, et c'est clairement pour le meilleur. Même si on se fiche un peu de la conclusion de cet arc bavard et abscons, on bénéficie enfin de pages agréables à parcourir jusqu'à l'inévitable victoire à la Pyrrhus qui marque bon nombre de conclusions des aventures mutantes. 

On se retrouve avec un Professeur Xavier de retour, nanti de deux équipes de mutants bien rôdées : ses premiers élèves et les nouveaux. Comme le demande justement Hank McCoy : "Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire avec 14 X-Men ?" On est en septembre 1991 et survient un tournant majeur dans les séries mutantes (et la littérature Marvel) : Claremont, cette fois associé à Jim Lee à la fois coscénariste et dessinateur, relancent la franchise. Et là, c'est immédiatement plus probant : l'encrage précis de Scott Williams met particulièrement en valeur les personnages les plus charismatiques : dès la seconde page, l'apparition d'un Magnéto en majesté annonce la couleur. C'est beau, et parfois même impressionnant. Les dialogues prennent parfois le dessus mais les trois épisodes présents sont agréables, puissants et cohérents, même s'il n'est pas facile de gérer une quinzaine de héros et presque autant d'antagonistes. Dommage que la confrontation entre les mutants soit amenée aussi mécaniquement, le climax "X-Men vs X-Men" sentant le réchauffé. Il n'empêche qu'on comprend aisément en comparant avec les épisodes précédents pourquoi le numéro d'octobre 1991 est le comic book le plus vendu de tous les temps.


Du coup, l'on se dit qu'il vaudrait mieux se débarrasser de cet Epic Collection décevant pour tenter de trouver à bon prix un Omnibus Jim Lee. Mission impossible... à moins de se rabattre sur l'album Genèse Mutante paru en France avec l'intégrale des sept épisodes Claremont/Lee ou la version 2.0 oversized mais consacrée uniquement aux trois premiers épisodes. Qu'importe en fait, puisqu'il faudra accepter de se farcir des traductions pas toujours adéquates (la VO montre à quel point les personnages ont leur vocabulaire, leurs tournures et même un phrasé particulier, entre le langage fleuri de Wolverine, l'accent prononcé de Moira et les citations littéraires de McCoy).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un casting d'artistes haut de gamme.
  • Un ouvrage dense et riche en intrigues et sous-intrigues.
  • La présence de "X-Men #1" de Jim Lee et Chris Claremont, le comic book le plus vendu de tous les temps.


  • Un scénario et surtout des dessins qui ont très mal vieillis.
  • La colorisation typique du début des années 90, criarde et grossière.
  • Des situations déjà vues et revues.
  • Un florilège de dessinateurs qui nuit à l'homogénéité de l'ouvrage.
  • Des personnages aux motivations parfois absconses.
  • 3 épisodes à la fin qui rehaussent le niveau mais ne sauvent pas l'ensemble.