First Look : Wunderwaffen
Publié le
17.7.17
Par
Nolt
Guerre uchronique et avions de légende sont au cœur de ce First Look consacré à l'album ouvrant la série Wunderwaffen.
Le premier tome de Wunderwaffen, intitulé Le Pilote du Diable, sort en 2012 chez Soleil. Le scénario est écrit par Richard D. Nolane (auteur également de Space Reich dans un genre similaire), les dessins sont de Maza.
Tout commence en août 1946, alors que les alliés ont connu plusieurs revers, dont l'échec du débarquement en Normandie le 6 juin 1944. Les scientifiques et ingénieurs du Reich ont mis au point de nouvelles armes dont le niveau technologique leur donne une supériorité tactique évidente.
C'est dans ce cadre qu'évolue le capitaine Walter Murnau, pilote chevronné aux commandes d'un Lippisch P13a. Mais dans l'Allemagne nazie, remporter des combats aériens ne suffit pas toujours pour rester à l'abri des foudres d'un Führer plus paranoïaque que jamais après un attentat lui ayant coûté un bras.
C'est en premier lieu l'aspect visuel, superbe, qui frappe le lecteur. Les avions sont magnifiquement représentés, les décors sont très beaux, les personnages historiques parfaitement reconnaissables. Si le novice pourra prendre au départ les avions à réaction présentés dans ces planches pour de pures inventions, les amateurs reconnaîtront sans problèmes les engins dessinés ici. Le niveau de documentation, indispensable pour ce genre de récit, est donc bon.
Niveau intrigue, nous sommes dans du géostratégique, c'est le destin de plusieurs nations qui se joue ici, ce qui relègue les protagonistes dans un rôle parfois minimaliste. Ainsi, Murnau, le personnage principal, n'est défini que par le fait qu'il est un excellent pilote et qu'il ne porte pas Hitler dans son cœur. Un peu léger. Tous les autres personnages secondaires "non historiques" sont complètement lisses. Dommage, un peu de chaleur humaine aurait permis d'atteindre un niveau supplémentaire de dramatisation.
Certains éléments sont néanmoins parfois un peu légers question vraisemblance. Les échanges radio par exemple ne respectent pas la phraséologie ni même une vague approximation ("on arrive" comme seul échange avec la tour lors d'une approche, c'est quand même un peu light). Au niveau du réalisme de vol, là aussi une scène un peu mal foutue où un bimoteur Focke-Wulf 189 semble plonger vers le sol parce qu'il perd un moteur. Il faut savoir que même si les deux venaient à s'arrêter au même moment, l'avion continuerait de planer si le pilote le laisse descendre légèrement [1]. Le fait d'atterrir sans moteur fait d'ailleurs partie de la formation initiale d'un pilote.
Dans le domaine stratégique, si l'on comprend fort bien que l'échec du débarquement ait pu porter un sérieux coup d'arrêt aux prétentions des alliés, l'on voit mal comment la simple mort de Joukov (et d'une partie de son état-major) pourrait justifier l'effondrement du rouleau-compresseur soviétique et le rétablissement allemand à l'Est.
Cette petite insuffisance explicative mise de côté, le récit, basé sur de nombreux éléments réels, parvient à convaincre. L'on retrouve bien sûr des noms très connus (Himmler, Churchill, De Gaulle, Goebbels...) mais aussi les fameuses armes miracles développées par les Allemands (qu'elles aient été réellement utilisées au combat ou qu'elles soient restées à l'état de prototype).
Il faut dire que les progrès stupéfiants de l'Allemagne dans tous les domaines techniques sont encore aujourd'hui une source d'émerveillement tant les technologies pouvaient passer pour de la pure science-fiction pour l'époque. Premier chasseur à réaction, premier bombardier à réaction, premier hélicoptère, premier fusil d'assaut, premier équipement de visée nocturne à infrarouge, sans compter des études sur les premiers appareils à décollage vertical, ces engins tenaient effectivement du "merveilleux" (= wunder).
Quelques pages en fin d'ouvrage reviennent d'ailleurs sur ces appareils parfois si exotiques (le Messerschmitt Me 163, un enfer à faire atterrir, le Lippisch à ailes delta, à l'aspect si futuriste encore aujourd'hui, l'aile volante Horten Ho-229, l'Arado ar 234...). Ce supplément évoque également l'enjeu majeur que représentait le vol de technologie après la défaite allemande (l'opération américaine Paperclip exfiltre des centaines de scientifiques, dont Wernher von Braun, qui sera l'artisan principal du programme spatial US) mais aussi les légendes et thèses complotistes qui fleurirent après la guerre (avec un extrait, relativement bien vu, du magazine français Top Secret, un torchon publiant un ramassis de conneries, allant des théories de la Terre plate à la mise en doute de l'existence des missions lunaires ou même des satellites).
Si la série en est déjà à son onzième tome (sorti le mois dernier), il faut également reconnaître que les auteurs ont tendance à diluer énormément une histoire qui aurait gagné à être plus dense. Notons également que des éléments plus SF/fantastique donnent à la suite une atmosphère quelque peu différente (qui peut aussi s'expliquer néanmoins par les recherches occultes de Himmler).
Un contexte historique passionnant, des engins volants fascinants, de superbes planches et un côté ésotérique et mystérieux parviennent à rendre ce titre addictif et agréable malgré quelques petits défauts et un souci de rythme sur la longueur.
Vivement conseillé aux passionnés d'aviation, d'Histoire et d'uchronie.
[1] Le rapport entre la hauteur de l'appareil et la distance qu'il peut parcourir après une panne moteur totale s'appelle la finesse. Contrairement à ce que l'on pourrait instinctivement penser, la plupart des gros avions de transport civils possèdent une très bonne finesse.
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