Retroreading : Etoiles, garde à vous !
Publié le
24.7.17
Par
Vance
Alors oui, Robert A. Heinlein est un ancien militaire,
frustré par une grave maladie qui lui a fait renoncer à la brillante carrière
qu’il avait entamée. On ne discutera pas non plus le fait que l’armée et les
valeurs qu’elle véhicule ont fortement impacté son œuvre.
Oui, (d’ailleurs) la citation finale du roman Étoiles, garde à vous ! est bien :
A la gloire éternelle de l’Infanterie.
Oui également, la seule note historique incluse dans le livre met en exergue l’acte d’héroïsme du soldat de 2e classe Rodger Young pendant la Seconde Guerre Mondiale (blessé trois fois, il a pu à lui seul détruire un nid de mitrailleuses et permettre à son unité de s’en sortir).
Oui derechef, le roman est dédié à un certain A. G. Smith ainsi qu’à tous les adjudants de tous les temps.
Oui, (d’ailleurs) la citation finale du roman Étoiles, garde à vous ! est bien :
A la gloire éternelle de l’Infanterie.
Oui également, la seule note historique incluse dans le livre met en exergue l’acte d’héroïsme du soldat de 2e classe Rodger Young pendant la Seconde Guerre Mondiale (blessé trois fois, il a pu à lui seul détruire un nid de mitrailleuses et permettre à son unité de s’en sortir).
Oui derechef, le roman est dédié à un certain A. G. Smith ainsi qu’à tous les adjudants de tous les temps.
Et oui, enfin, l’histoire met en lumière la façon dont un
jeune ado désœuvré trouvera dans l’armée le cadre et les valeurs qui feront de
lui un homme, c'est à dire un adulte parfaitement intégré dans la société : un "citoyen". En effet, le roman (publié en 1959) se déroule à l’aube du XXIIe siècle, lorsque Juan Rico décide
de s’engager dans l’Infanterie Spatiale. Le Terre sur laquelle il vit est alors régentée par l’Armée depuis la Grande Guerre Atomique dont il a fallu
un siècle pour se relever (espérons que l'auteur ne soit pas visionnaire, sinon on va droit dans le mur). Et l’exploration spatiale repose sur des principes
similaires. Juan, déjà échaudé par un premier refus au poste
qu’il souhaitait, va devoir se conformer à la dure loi du fantassin, un
entraînement rigoureux et impitoyable, d’autant que, sur les mondes lointains,
la guerre contre les Arachnides fait rage…
Doit-on pour autant s’arrêter à ces observations et classer définitivement ce roman dans la catégorie des livres militaristes et réactionnaires ?
Ce serait une erreur, pourtant régulièrement commise par la plupart des
critiques littéraires français de la fin du XXe siècle. Car quoi
qu’on en dise, Heinlein est un sacré écrivain (cf. cet article consacré à l'adaptation de son All you zombies). Autant pour les passages où les
personnes doutent, se sermonnent, prennent des résolutions, que pour les moments
de bravoure où il décrit les combats, âpres, inhumains, au sein desquels le
fantassin, malgré son équipement incroyable (armure auto-réparatrice, unité de
propulsion - ou jet-packs - permettant de faire des bonds de plusieurs dizaines
de mètres, réseau de communication inter-unités - ceux qui ont vu le très bon Edge of tomorrow peuvent se faire une bonne idée de ce que cela représente) n’est qu’un pion presque
impuissant, mais un pion nécessaire, dans un conflit dont les enjeux le
dépassent. Face à l’adversité, à l’enfer qui se déchaîne à la surface des
planètes où s’effectuent les raids, oui, les jeunes hommes pour survivre
doivent faire appel à toutes leurs ressources, et ne font confiance qu’à la
voix féminine qui leur signalera le retour au bercail (car dans cet univers, les
femmes, plus vives, plus douées, plus rationnelles et dignes de confiance que les mâles, occupent des postes
capitaux comme celui de pilote des vaisseaux de combat).
Starship Troopers est un roman jouissif d’une très rare
qualité d’écriture, redoutablement efficace dans ses descriptions, pertinent et
dynamique dans sa narration. Si nombre des juveniles de l'auteur (livres pour la jeunesse) insistent effectivement sur la
place que doit se faire un jeune être humain dans une société où l’ordre doit
être rétabli, des petits romans sincères et sensibles comme Une porte sur l’été ont su étonner par leur justesse de ton et un
certain accès de sentimentalisme nostalgique – et puis, on remarquera au gré
des lectures son amour immodéré pour les chats, et un homme qui aime et respecte
autant nos amis félidés est forcément représentatif de l’élite humaine. Avec En
Terre étrangère et son cycle sur l'Histoire du Futur (un cycle construit patiemment et depuis ses débuts comme écrivain, divisé ultérieurement en quatre âges), Heinlein a d’ailleurs prouvé qu’il
était capable d’écrire encore autre chose, dans une perspective plus étendue et
avec un talent sans cesse renouvelé, même s’il a eu bien du mal à convaincre
l'intelligentsia française qui ne voyait dans ses écrits que des pamphlets
réactionnaires et vains (sans doute les mêmes qui réduisaient Clint Eastwood au
personnage de l’inspecteur Harry…).
L'adaptation cinématographique par Verhoeven, pourtant singulièrement jubilatoire, d’une grande audace stylistique, a souffert d'une forme similaire de rejet lié à une compréhension biaisée, alors que son anticonformisme triomphant n'est finalement pas si éloigné du sous-texte d'Heinlein, quand bien même, et il faut le reconnaître, l'auteur admette son attirance pour des régimes autoritaires, tout en rejetant avec la plus grande force toute forme de communisme (c'est particulièrement évident dans sa description de la civilisation extraterrestre). On pourra également hésiter face aux arguments développés sur la nécessité du rétablissement de la peine de mort dans certains cas extrêmes. Rico (le roman est écrit à la première personne) et son mentor, un professeur d'Histoire aigri (on le serait à moins devant le gâchis total qui a engendré les conflits nucléaires), développent également cette notion de civisme particulière mettant en avant les devoirs au détriment des droits citoyens. Ces thèses assumées par Heinlein lui ont valu quelques volées de bois vert et un statut de réactionnaire dont il a lui a fallu quelques décennies pour se débarrasser, même si, le succès aidant, il fut par ailleurs largement récompensé (Starship Troopers, le titre original du roman, a reçu notamment le prix Hugo de la SF en 1960). Aujourd'hui, face à l'ampleur de l'œuvre qu'il a conçue, ces polémiques ont fait presque toutes long feu.
L'adaptation cinématographique par Verhoeven, pourtant singulièrement jubilatoire, d’une grande audace stylistique, a souffert d'une forme similaire de rejet lié à une compréhension biaisée, alors que son anticonformisme triomphant n'est finalement pas si éloigné du sous-texte d'Heinlein, quand bien même, et il faut le reconnaître, l'auteur admette son attirance pour des régimes autoritaires, tout en rejetant avec la plus grande force toute forme de communisme (c'est particulièrement évident dans sa description de la civilisation extraterrestre). On pourra également hésiter face aux arguments développés sur la nécessité du rétablissement de la peine de mort dans certains cas extrêmes. Rico (le roman est écrit à la première personne) et son mentor, un professeur d'Histoire aigri (on le serait à moins devant le gâchis total qui a engendré les conflits nucléaires), développent également cette notion de civisme particulière mettant en avant les devoirs au détriment des droits citoyens. Ces thèses assumées par Heinlein lui ont valu quelques volées de bois vert et un statut de réactionnaire dont il a lui a fallu quelques décennies pour se débarrasser, même si, le succès aidant, il fut par ailleurs largement récompensé (Starship Troopers, le titre original du roman, a reçu notamment le prix Hugo de la SF en 1960). Aujourd'hui, face à l'ampleur de l'œuvre qu'il a conçue, ces polémiques ont fait presque toutes long feu.
A noter que le titre français est emprunté à une chanson
de... Guy Béart dont les paroles figurent en exergue. Dit comme ça, ça fait
drôle, et presque peur…
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