Putain c'qu'il est blême, mon HLM, et la môme du huitième, sa hache, elle l'aime !(inspiré d'une ritournelle bien connue popularisée par un troubadour moderne avant sa déchéance)
Bonne coulée de sang ne saurait mentir !
Après le succès phénoménal de Locke & Key, Hill a lancé la collection Hill House sous l'égide de DC en la destinant peu ou prou à prendre la relève de la collection Vertigo dans son appétence pour le macabre et l'étrange.
Le dessin est de qualité mais est néanmoins mon seul bémol à cette série. Nombre de collègues parfois bien plus pointus que votre serviteur n'ont pas hésité à sortir les guirlandes de dithyrambes à l'égard de Leomacs pour ce qu'ils appellent son "côté rétro" dans Basketful of Heads... Ils ont raison : l'histoire sent les eighties à plein nez et le parti pris de l'illustrer à la façon des comics des années 80 est sans nul doute une bonne idée.
Même si je sais que comparaison n'est pas raison, je vais me permettre une analogie hasardeuse : nombre d'éditeurs de jeux vidéo sortent en ce moment des jeux témoignant de leur envie de revenir aux sources avec des musiques midi, du pixel art, des vues de côté, des mécaniques de jeu abandonnées depuis longtemps... pourquoi pas ? C'est un choix artistique, ça rappelle de bons souvenirs aux briscards tels que moi et ça fait découvrir un autre monde vidéoludique aux gamins... mais il ne copient évidemment que ce qui faisait la force de l'époque. Il ne leur viendrait pas à l'idée de simuler des chutes de framerate, des plantages de console, un système de sauvegardes expressément corrompues ou l'usage d'un unique loop musical de 25 secondes traîné durant les 25 heures de jeu.
L'accueil chez Wade est fort sympathique. Roberta comme son fils font visiter la demeure aux deux jeunes gens, ne manquant pas de leur montrer l'étrange collection d'artefacts vikings que Roberta offre à son mari chaque année pour son anniversaire : c'est que ce dernier est si fier de ses racines scandinaves !
"Tu me fais une jolie blonde sous la pluie dans un imperméable jaune de pécheur armée d'une hache viking et portant un panier en osier.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Analyse polémique en "bonus caché"... mais vachement mal caché
avec double trigger warning pour les plus sensibles
(même si j’ignore ce qu’ils feraient ici) parce que ça va polémiquer et spoiler !
Comme vous devez l’avoir déjà constaté, quand on aborde une œuvre quelle qu’elle soit selon un certain angle et qu’il nous semble pertinent, il est ensuite difficile d’en démordre. On finit par ne plus voir que ce qui nous conforte dans nos idées et souffrir d’un méchant biais de confirmation. Peut-être suis-je victime de cela mais… je ne crois pas !
L’angle en question m’est venu de deux observations au sujet de ce comic :
- le fait que nombre de sites internet le prétendent féministe juste parce qu’il met en scène une jeune femme qui tue des hommes (vision on ne peut plus idiote et contestable du féminisme) ;
- ces deux cases insistant sur les études de la jeune June sans grande raison apparente…
À force de spoilers et de pieds dans le plat, je voudrais défendre ici l'idée qu'ils le font par facilité, fainéantise ou bêtise et que, au contraire, Basketful of heads est une charge sans pitié contre le néoféminisme, le fameux et fâcheux féminisme 2.0 motivé par lesdites études sur le genre. Sortez vos boucliers, j'encoche les flèches !
Première chose à savoir. Dans cette case, la dame qui donne la réplique à June se nomme Roberta. C'est l'épouse du shérif local. Et voici ce que dit son mari à propos de sa femme :
Très clairement, Roberta est ici la femme forte, la meneuse. June, elle, est la jolie, la gentille, la mignonne. Oh certes, elle va bien sûr être amenée à commettre quelques actes montrant qu’elle est capable d'une grande force de caractère ; certes, elle va même être amenée à "trancher dans le vif" au propre comme au figuré… Mais il n'empêche que celle dont on pense qu'elle peut se montrer extrêmement dangereuse pour les quatre fuyards n'est autre que Roberta.
Que dit Roberta à cette jeune étudiante ? Simplement
que beaucoup de professeurs ont déterré la hache de guerre contre les hommes mais
devraient peut-être s'étudier eux-mêmes. Elle invalide les théories que
soutient la jeune June.
Étant donné que l'auteur est de la même génération que Roberta,
je suis tenté de penser qu'il parle peut-être à travers elle et cela offre
alors à l'histoire une saveur toute particulière
À mes yeux, Roberta pourrait éventuellement être cette
féministe 1.0, la féministe historique, celle qui effectivement revendique une
place d'égale à égal avec l'homme. Là ou June incarnerait la féministe 2. 0, celle
qui prétend que les hommes sont moins que ce qu'ils sont, celle qui prétend que "la honte façonne la masculinité", celle qui n'a pas envie d'être
l'égal des hommes, celle qui leur trouve bien des maux.
Entre les mains de Roberta, il y a de fortes chances qu'une
arme telle qu'une hache tranche et ne fasse que trancher : elle mettrait à
mort. C’est d’ailleurs pourquoi elle n’en use pas, trop consciente qu’elle n’en
a pas le droit. Entre les mains de June une hache a un tout autre effet : elle
rend sa victime inapte à agir mais continue à lui laisser la possibilité de
penser et de se révolter seule dans son coin, mais sans pour autant pouvoir
vraiment changer quoi que ce soit à son sort. Entre les mains de June, la hache
viking pourrait être (et oui je sais que je vais chercher un peu loin) pourrait
être, donc, une métaphore de la cancel culture, cette censure moderne qui ne
saurait vous ôter votre faculté de réflexion mais qui est tout à fait apte à
vous priver de toute faculté d'action.
De nombreux indices parsemés ici et là dans le volume permettent
d'illustrer cette hypothèse mais peut-être n'est ce effectivement qu’un effet de
mes biais de confirmation.
Mais si l'on y regarde bien, elle va, chemin faisant, éliminer ou plutôt empêcher d'agir quantité d'hommes. Aucune femme. Jusqu’à ce qu'elle finisse même par retrouver son petit copain qu’elle décapitera lui aussi sans autre forme de procès pour l'unique raison qu'il a volé de l'argent sur un cadavre de jeune fille.
En effet, dans une affaire de suicide sur laquelle Liam enquêtait, l'on a retrouvé une grande quantité d'argent auprès du corps de la victime. En réalité, la jeune fille était une ancienne droguée recrutée par la famille du shérif local en tant que femme à tout faire. Le fils du shérif eut avec elle une relation dont il retira énormément de plaisir, elle retira quant à elle énormément de confort matériel. Afin de sceller cette liaison très rentable, la jeune fille tenta de jouer sur la corde sensible en annonçant qu'elle était enceinte, mais la famille du shérif ne pouvait accepter cela. Ils la chassèrent donc après lui avoir donné une confortable somme d'argent et lui avoir interdit de jamais revenir. Acculée, la jeune fille désemparée a choisi de se suicider du haut d’un pont, avec à son dos le sac contenant les 10 000 $ offert par la famille de son jeune amant.
Quand elle découvrira tout cela, June ira même jusqu’à
mettre le feu au bateau abritant le corps de son fiancé… Non seulement elle le censure, mais en plus
elle le bannit !
Ça me semble être une bonne illustration de ce féminisme 2.0
qui, à coup de slogans, tente à tout prix au-delà de toute forme de raison et
au-delà de toute forme de logique, de censurer voire d'exclure au seul nom de
la morale, d'une morale uniquement féminine bien entendu. Qu'importe,
d'ailleurs, si l'acte répréhensible a été commis pour le bien d'une femme (en
l'occurrence, ici, de June elle-même puisque l’argent a servi à lui acheter sa
bague de fiançailles) ; ce qui compte, c'est qu'il a été commis et qu'il
doit être puni non pas par la loi, mais par les personnes qui se considèrent
moralement plus aptes que la moyenne à juger du bien et du mal.
En effet, le jeune Liam a été kidnappé pour être torturé car il était soupçonné d'avoir enregistré des conversations compromettantes sur cassette suite à la découverte d'un boîtier en sa possession où était inscrit "Police : preuve cruciale" (ce qui est supposé être une traduction du titre bien connu du groupe Police : "Murder by numbers"). Nous avons donc l’incarnation du féminisme 2.0 qui, fort de sa morale personnelle, nourri aux théories sur le genre, se permet de réduire au silence plusieurs hommes (certes pas des enfants de chœur mais, au final, tel n'était quand même pas son rôle) et d'assassiner froidement son fiancé et le chef de la police locale (qui, tout corrompu qu'il était, aurait quand même bien mérité un procès)… tout cela, donc, pour une simple confusion entre une cassette audio qui aurait pu contenir des révélations scandaleuses au sujet des personnes que June a assassinées et une cassette audio prouvant la grande passion de son fiancé (maintes fois rappelée dans l'ouvrage) pour le groupe Police et le chanteur Sting…
Or, nous connaissons tous nombre de cas où les nouvelles
idéologies en provenance des États-Unis d'Amérique se sont permis de censurer,
d'accuser, de condamner et de briser les vies de personnes innocentes de ce qu'on
leur reprochait, et parfois simplement coupables de ne pas avoir été comprises par
les détenteurs de la nouvelle moralité.
Ici, pour un sujet aussi bénin, pour une bête chanson, plusieurs vies furent gâchées
et deux anéanties. Suis-je vraiment le seul à qui ça rappelle des faits réels ?
Des vies sociales détruites en raison de deux pauvres mots malheureux, des
familles brisées en raison d’une accusation mensongère basée sur un malentendu…
Si June était à côté de la plaque en ce qui concerne le paternalisme qui serait forcément toxique, le livre n'oublie pas de dénoncer le sentiment de supériorité qui aveugle trop d'hommes : cette simple domestique, révoltée par le peu de cas que tous ces hommes ont fait de la vie de sa jeune apprentie, a décidé de tous les faire tomber en collaborant avec les autorités. C'est de ce genre de femme, ce genre de femme égale aux hommes, cette féministe 1.0, que ces messieurs auraient dû se méfier car elle avait bel et bien le monde droit de son côté. Mais sans aucune finesse, son aucun discernement, c'est pourtant June qui les a punis de façon expéditive, définitive et totalement illégitime.
Au final, nous avons donc l'histoire d'une jeune bécasse à
peine capable de se projeter dans le futur, oscillant entre fragilité et
violence, entre douceur et jalousie, qui va se permettre sans aucune preuve de
faire régner la terreur et la justice au nom de sa seule et unique morale personnelle dans
un patelin où certes tout le monde n'est pas blanc-bleu mais où ses méthodes radicales
feront au final bien plus de mal que de bien.
Voilà maintenant le point dont il me fallait parler. Est-ce que je crois en cette explication ? À vrai dire, pas vraiment. Est-ce qu'elle tient la route ? À la lecture du comic, oui, de toute évidence. L'auteur avait-il pensé à cette façon de voir les choses ? Peut- être. Comment le saurais-je ? Mais mon explication vaut tout autant que celles (trop faciles, à mon sens) présentant June comme étant l'incarnation parfaite d'un féminisme conquérant. C'est juste un avis, une interprétation. Alors quand je lis de-ci de-là cet avis prémâché, cette interprétation, présentée comme une absolue évidence… je ne peux m'empêcher de sourire et me sentir bien ici, sur UMAC. Non, nous ne savons pas ce que l'auteur pouvait bien avoir en tête. Et oui, ce comic peut tout à fait vouloir dire autre chose. Il peut même, à vrai dire, comme je viens de vous le démontrer, vouloir dire exactement le contraire.
Et c'est là finalement tout l'intérêt de l'exercice auquel
nous nous livrons ici. Non seulement nous vous présentons les biens
culturels. Non seulement nous les analysons pour vous, les décrivons, les
critiquons… Mais en plus de cela, dans une totale liberté, nous y apportons un
éclairage qui nous est tout personnel. Une opinion. Un avis.
C'est cela que vous trouverez sur ce site. De vraies personnes
qui ont vraiment lu les livres, vraiment regardé les films ou les séries... De
vraies personnes ayant un avis sur l'œuvre et qui le partagent avec vous, en argumentant et en illustrant leurs propos par des exemples concrets et vérifiables. Bien
entendu, comme tous les avis, le nôtre peut aussi être biaisé. Bien entendu,
comme tous les avis, il peut vous séduire où vous déplaire.
Et s'il y a bien une chose qui nous distingue de ce que d'autres peuvent faire,
c'est que nos avis, nous les présenterons toujours comme des avis. Et rien
d'autre. Je reste persuadé que l'échange d'opinions et le débat sont les
caractéristiques des plus intéressantes conversations. Et je suis convaincu que
chaque fois que l'un de nous écrit ici, en ces pages, il ne le fait pas pour
lui-même : il le fait pour converser avec vous.
N'oubliez jamais qu'une œuvre, quelle qu'elle soit, se nourrit tout autant de ce que vous lui apportez que vous vous nourrissez de ce qu’elle vous donne. L’art est doublement subjectif, dans les yeux de son auteur et ceux de son récepteur.