Les récits de Star Wars - La Haute République se poursuivent : après le très bon La lumière des Jedi et avant En pleines ténèbres tout juste disponible, retour sur un excellent titre jeunesse sorti fin mars [1] : Une Épreuve de Courage, signé Justina Ireland.
La galaxie est en paix, placée sous le règne de la glorieuse République ainsi que sous la protection des nobles et sages Chevaliers Jedi. Symbole du bien sous toutes ses formes, le Flambeau Stellaire est sur le point d'être inauguré par la République aux confins de la bordure Extérieure. Cette nouvelle station spatiale projettera dans la galaxie une lueur d'espoir. Mais tandis que la République tout entière connaît une glorieuse renaissance, un nouvel adversaire effrayant déploie ses forces. Les gardiens de la paix et de la justice doivent dès lors faire face à un péril qui menace l'Ordre, la galaxie et la Force elle-même…
Vernestra Rwoh vient de devenir Chevalier Jedi à seize ans seulement (son Maître était Stellan Gios, croisé dans La lumière des Jedi). Un statut prestigieux auquel elle compte bien rendre honneur. Sa première mission semble simple : assurer la protection de deux enfants à bord du prestigieux vaisseau Steady Wing, en partance pour l'inauguration du Flambeau Stellaire. Vern doit surveiller Avon (fille d'une sénatrice), qui est accompagnée de son droïde de protocole J-6 (équivalent féminin de C-3PO) et Honesty, fils d'un ambassadeur. Après une tragédie, ils font équipe avec Imri Cantaros (Padawan à bord, avec son maître Douglas) et vont tenter de survivre en milieu hostile.
Une Épreuve de Courage apporte une certaine "transition légère" après les évènements lus dans La lumière des Jedi (les deux livres se déroulent à peu près en même temps et leurs fins se rejoignent). Même s'il est destiné aux plus jeunes, ce nouveau roman de 225 pages environs (vingt-cinq chapitres dont un prologue et un épilogue) est évidemment parfaitement lisible par les adolescents ou les adultes. On insiste sur le terme "léger" puisque - à notre plus grande surprise - le récit évoque la mort à de nombreuses reprises et la côtoie concrètement. Le deuil est ainsi abordé, plus ou moins subtilement, et accompagne ses très jeunes protagonistes ! Les chapitres se concentrent sur chaque héros tour à tour : la Jedi exemplaire Vernestra Rwoh, qu'on a hâte de voir évoluer, le fragile Padawan Imre Cantino, séduit par le coté obscur de la Force (il est jaloux et énervé), lui aussi va être intéressant à suivre, l'intrépide et bricoleuse Avon (et plus anecdotiquement J-6, mi-garde du corps, mi-gourvernante) et enfin Honesty, clairement le moins intéressant du lot (pleutre et en retrait presque tout le long de l'aventure).
On loue le rythme du texte, presque sans temps mort et qu'on visualise aisément, à l'exception peut-être de son prologue qui risque d'être confus pour ceux qui n'ont pas lu La lumière des Jedi (mais sur lequel le roman revient plus tard avec brio). La suite apporte bien sûr son lot de connexion avec le précédent livre mais il n'est pas du tout obligatoire de le lire (rappelons que, de toute façon, Une épreuve de courage est avant tout destiné aux enfants). Ainsi, de longues séquences parfois compliquées dans La lumière des Jedi trouvent une description simple et efficace tout en étant importante dans la narration. Par exemple : "La destruction initiale du Legacy Run a déclenché une série de cataclysmes que les gens appellent des Émergences : des éruptions de morceaux de l'épave, qui apparaissent aléatoirement dans toute la galaxie." Ici, le lecteur n'a pas besoin d'avoir tous les détails pour comprendre ce qui se déroule et percevoir le danger de ces fameuses Émergences.
Parmi les nouveautés qui viennent enrichir le mythe Star Wars, on retient une allusion à un pouvoir Jedi permettant de "visualiser le passé" ("La Force te permet-elle de voir le passé ? […] Certains Maîtres Jedi peuvent l'utiliser ainsi mais j'en suis incapable" : concept encore brumeux donc, à voir s'il sera mentionné ailleurs) et, surtout, une nouvelle arme : un fouet laser ! Ou plutôt un sabre laser bidouillé pour devenir un fouet laser. C'est un objet déjà apparu par le passé pour les connaisseurs de l'ancien univers étendu : trois personnages féminins l'utilisaient (en romans, comics ou jeux vidéo), incluant Silri, une Sœur de la Nuit. Ce clan de sorcières de Dathomir (planète d'où provient Dark Maul) est sensible à la Force et est apparu dans la série The Clone Wars (donc dans l'univers canonique) et est d'ailleurs mentionné dans Une Épreuve de Courage : "Les fouets laser sont utilisés par les Sœurs de la Nuit" stipule Imri. Elle sont également associées aux Gardiens de Javin, eux aussi séduits par "le côté chaotique et destructeur de la Force". Ces mystérieux Gardiens sont une nouveauté créée pour La Haute République. Une fois de plus : hâte de les découvrir davantage à l'occasion.
Si le récit suit un sentier plus ou moins balisé passé une grosse surprise, il reste efficace dans sa proposition et amène légitimement à une suite (déjà prévue, on en reparle plus loin). Une Épreuve de Courage n'hésite pas à dérouter à la fin de son premier tiers et propose dans un second temps quelques chouettes passages, entre les deux Jedi notamment. L'écriture de Justina Ireland [2] est limpide, usant majoritairement du présent et passé composé mais piochant dans un vocabulaire particulièrement riche et appréciable, aussi bien dans les termes communs que dans le lexique propre à Star Wars, toujours aussi abondant. Pour les férus de la saga étoilée, pas d'allusions cette fois à des noms familiers (pas de Yoda par exemple). En revanche, Maître Sskeer (apparu dans La lumière des Jedi) est de la partie avec Keeve Trennis. Tous deux sont les héros de la bande dessinée La Haute République dont les deux premiers chapitres sont disponibles en français chez Panini Comics depuis ce mercredi 12 mai (la critique arrive sur UMAC prochainement).
La conclusion est, à l'instar de La lumière des Jedi, une promesse vers d'autres aventures. Le statu quo étant bouleversé et des séquences ouvrant volontairement sur "une suite", on se retrouve donc avec un récit qui gagnera en intérêt en fonction de son enrichissement interconnecté à venir (à la fois la force et la faiblesse de La Haute République jusqu'à présent). À ce sujet, il est (presque) dommage qu'une seule petite phrase de La lumière des Jedi, tout à la fin, dévoile une évolution importante de deux protagonistes de ce roman. Rien de très grave au demeurant (et probablement oublié par le lecteur de toute façon... nous avons tout de même modifié notre propre critique du livre afin de ne pas gâcher cet élément). L'auteur d'Une Épreuve de Courage co-écrit également le manga The Edge of Balance (avec Shima Shinya - on ignore pour l'instant s'il va être traduit en français) et Out of the Shadows, autre roman jeunesse prévu aux États-Unis le 3 août prochain et dont la couverture met en avant Avon, Vern et Imri. On est impatient de les retrouver !
Les Jedi ne croient pas à la vengeance. Comme la colère, elle appartient au côté obscur, et les Jedi appartiennent à la lumière. Tout ce qui arrive devait arriver. La Force œuvre de manière mystérieuse, mais une des choses qui font de nous des Jedi, c'est que nous avons confiance en elle, même dans les moments difficiles.
Justina Ireland, traduit par Julien Bétan.
Un mot sur le livre en lui-même : en plus de bénéficier d'un prix très attractif (5,95 €), on apprécie sa mise en page soignée et ses ajouts graphiques élégants, notamment en bas de page et en transition entre les chapitres (cf. photo ci-après). Des systèmes planétaires minimalistes sont apposés en bleu derrière le texte de temps à autre.
Rappelons que tous nos articles sur Star Wars - La Haute République sont compilés dans cet index.
[1] Le roman se veut à destination des 10-12 ans et est publié dans La bibliothèque verte au prix de 5,95 €.
[2] L'auteur n'est pas très connue en France mais fut au centre de certaines polémiques. Elle est à l'initiative des sensitivity readers en 2012, des relecteurs d'œuvres de fiction visant (en gros) à s'assurer que des clichés stigmatisants ne portent pas préjudices à des communautés ou minorités. Une approche de l'écriture à tendance "woke" qui part peut-être d'un bon sentiment mais qui est en réalité très clivante et que nous jugeons comme une dérive dangereuse sur UMAC. Comme le rappelait Chuck Palahniuk (Fight Club, À l'estomac, Peste, Snuff…) dans le magazine Standard : "Si, au moment d’écrire, vous pensez au public, à votre mère ou à votre grand-mère […] et si vous commencez à ne pas écrire telle ou telle chose à cause de ça, vous vous retrouvez dans la peau d’un censeur. C'est inacceptable. Vous devez prétendre que jamais, jamais personne ne vous lira. Sinon, vous n’irez jamais assez loin." Pour revenir à Justina Ireland, Charlie Hebdo expliquait en 2020 : "la base de données [d'aide aux auteurs] a été supprimée […] ; ces relecteurs étaient rémunérés au lance-pierre. Comme quoi on peut être sensible aux minorités, mais pas au droit du travail." Mais tout ceci est un autre débat, qui n'a pas lieu d'être ici puisque le livre Star Wars en question reste de qualité, non militant ou quoi que ce soit qui n'aurait rien à faire dans un ouvrage jeunesse.
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