Reckless #4 - Ce fantôme en toi
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Un épisode de Reckless dont le héros est absent. Original.
Et le plus ironique, c'est que ça en fait un bien meilleur Reckless !


En 1989, le fameux Ethan est donc absent ; il cherche un homme disparu à Los Angeles lors du tremblement de terre. C'est le moment que choisit une ancienne gloire du cinéma horrifique pour venir proposer un contrat à Ethan. Elle est donc naturellement reçue par Anna, la fameuse associée/colocataire/amie/on ne sait trop quoi d'Ethan.
Celle-ci va accepter le job qui ne semble pas être d'une grande complexité : il faut élucider le mystère de bruits étranges dans une villa d'Hollywood où a autrefois été perpétré un crime des plus ignobles. Evidemment, ça a toutes les allures d'une histoire de fantômes mais Anna ne croit en rien de tout ça et va rester cartésienne : il y a là des enjeux et des mystères bien humains concernant des gens bel et bien vivants... dont on espère qu'ils le resteront !
L'enquête la mènera à creuser dans l'historique de cette maison et de ses occupants, à poser des questions que certains auraient voulu ne jamais entendre et à mettre son nez là où l'on ne mettrait pas un pied botté.
Le duo Brubaker/Phillips livre ici son quatrième Reckless. La traduction en français du cinquième (Descente aux enfers, retraçant l'enquête d'Ethan à L.A.) est déjà annoncée et la série poursuit son petit bonhomme de chemin éditorial, sous les louanges quasi unanimes de la presse spécialisée. Nous avons toujours été, pour notre part, plus mitigés quant à la qualité de cette collaboration qui bénéficie selon nous d'une aura de respectabilité intimidante pour certains chroniqueurs (voir nos chroniques des tomes 1 et 2)... mais cet album, par son approche davantage féminine, son exploration, d'ailleurs, d'une féminité moins basée sur le cliché de la femme fatale et sa déambulation dans Hollywood ponctuée de clins d'œil au cinéma muet, est déjà bien plus intéressant. Sans toutefois se débarrasser pour autant de défauts endémiques rédhibitoires pour certains d'entre nous.


Si l'histoire, cette fois, a un réel intérêt et parvient à éviter de trop se rouler dans les clichés du polar comme un SDF dans du vomi de toxico, il reste le sempiternel souci du dessin de Phillips et ses Phillipseries : personnages difformes, parfois peu reconnaissables d'une case à l'autre...

Et Phillips senior (le fils est à la mise en couleurs mais nous y reviendrons) n'a même pas la possibilité de prétendre que les personnages sont perçus à travers les yeux de Barry Allen et que c'est déformé par les effets de la force véloce (on ne fera pas un article sur le thème mais c'est l'argument-massue-en-plastique choisi par Andrès Muschietti pour défendre tant bien que mal les effets spéciaux datés et mal finis de The Flash, sorti il y a peu... le type ne manque pas de souffle, il peut se mettre à l'apnée).
N'y allons pas par quatre chemins : pour un duo à la réputation si légendaire, Brubaker dépasse de peu le service minimum et Phillips livre un travail honteux et indigne des ventes que ne manquera pas de faire cet album soutenu par une cohorte de fanboys aveuglés qui feraient bien de lire autre chose, parfois, histoire de revoir leurs critères de qualité.
Reste à jeter un œil sur le travail du troisième bonhomme en la personne du fils Phillips : et... non. Non, on ne fera pas ça. Nos yeux en ont marre de ses aplats sans vie, de ses aberrations chromatique, de son recours au couleurs chaudes pour les ombres (c'est dégueulasse), de son habitude de se contenter du minimum pour remplir les traits maladroits de son paternel. Mettre ça en couleurs doit en effet être démotivant, c'est concevable... mais tu es payé pour ça, espèce de tâcheron, fais-le avec un minimum de soin (même si, restons honnêtes, certaines planches sont acceptables, comme celle ci-contre) !

Vous aurez le droit de trouver injuste cette diatribe, peu importe. Mais si sa hargne pouvait un rien compenser les panégyriques infondés dont ces trois messieurs se retrouvent systématiquement couverts à la sortie de chacune de leur collaboration, comme autant d'urophiles sous des golden showers, ce serait sans doute un pas en direction d'un meilleur équilibre. Excusez-nous d'être soucieux de la vérité et de la symétrie de notre petit taijitu personnel.

Pour résumer, si vous n'êtes en rien un esthète et qu'une enquête pas mal écrite remuant les travers du vieil Hollywood vous tente, ça peut faire le travail.
Si vous êtes un de ces malheureux collectionneurs compulsifs et que vous avez déjà les autres tomes de Reckless, faites-vous plaisir (Revendez les premiers ? Je rigole !).
Si vous êtes curieux et voulez savoir ce dont sont capables Brubaker et Philips... achetez Pulp, chez le même éditeur ! C'est autrement plus qualitatif !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • C'est plus intéressant sans ce gros bourrin insensible d'Ethan.
    Anna est un personnage autrement plus subtil.
  • L'histoire tient la route et réserve même quelques bonnes surprises.




  • L'aspect visuel complet du machin est radioactif. Sauvons peut-être la couverture et quelques planches. Pour le reste, c'est indigne d'être à ce point encensé et à peine digne d'être publié.