The Incredible Hulks : Dark Son
Par


Spider-Man et Wolverine, à lire nos chroniques, sont les deux piliers de l’Univers Marvel. Le premier a pour lui l’ancienneté et un statut d’icône (sa face masquée ayant longtemps accompagné le logo de l’éditeur), l’autre un charisme inimitable et une popularité incontestable. Cependant, il est un troisième personnage qui a régulièrement été mentionné sur nos pages : Hulk. Ce personnage au pouvoir presque sans limite, à la furie incontrôlable dépendant de la frustration de son alter-ego à l’intellect brillant, a souvent été le héros d’épisodes ou d’arcs particulièrement réussis, parvenant à faire vibrer voire émouvoir ses lecteurs tout en proposant, sous la plume incomparable de Peter David, certaines des plus belles pages de comics de la fin du XXe siècle. Inclassable, quoique ayant de plus en plus tendance à se ranger - c’est d’ailleurs son côté Bruce Banner qui devient plus redoutable et implacable - il dégage une aura particulière et permet ainsi des scripts à rebondissements.

Qu’il ait fait face à des armées extraterrestres ou des entités cosmiques, Hulk a toujours réussi à sauver sa planète natale, dont les habitants n’ont rien trouvé de mieux pour le remercier que de l’exiler outre-espace. Bien mal leur en a pris, et vous le savez si vous avez parcouru la série World War Hulk. Si le crossover souffre des mêmes défauts de la quasi-totalité des events du genre, en aboutissant à un statu quo tiré par les cheveux, il a tout de même été engendré par une mini-série de très haute qualité, Planet Hulk, qui a permis par la suite d’amener un nouveau personnage dans la galaxie hulkienne : son fils Skaar.



L’arrivée de Rulk (le Hulk Rouge), malgré une écriture intéressante et d’excellents dessins, a divisé le lectorat. Un mystère des origines un peu forcé et des combats titanesques avec des adversaires de plus en plus puissants vont contribuer à pousser le premier Hulk dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il parvienne à le vaincre. Voir Rulk assommer d’une pichenette des sommités galactiques, c’était fun, mais ça n’augurait rien de bon. 

D’autre part, ajouter des Hulk jusqu’à plus soif, c’était aussi courir le risque d’épuiser le filon. World War Hulks et la venue de Skaar ont été l’occasion d’arcs denses et souvent passionnants, avec un Banner aux commandes (en mode Tony Stark, jouant constamment aux échecs en tentant d’avoir en permanence un coup d’avance sur l’Intelligentsia) mais ont généré un peu trop de créatures aux pouvoirs dévastateurs. Nul doute qu’il faille élaguer, mais les scénaristes hésitaient encore en s’égarant dans la période « exploitons cette aubaine ».




Et cette aubaine, ce fut un autre fils : il se nomme Hiro-Kala, est né sur une autre planète (évidemment). Avec une autre reine extraterrestre (ben tiens !). Le fils a (bien entendu) hérité des pouvoirs de son titanesque père, mais également de l’Ancienne Force. Ça lui est monté à la tête. Il a commis des atrocités. Hiro-Kala est tout-puissant. Il revient sur Terre, armé de tout un monde, pour se venger. À moins que ce ne soit pour autre chose, que son cerveau malade a du mal à formuler. Et c’est à l’équipe des Hulk de faire face, l’ultime chance de sauver la Terre dans un remake apocalyptique d’Armageddon (le film) mais sans la fiancée qui pleure son papounet.


L’arc de six épisodes a été publié en 2010 dans la série The Incredible Hulks. On y voit Bruce Banner, entouré de ses amis fidèles Korg, Jennifer Walters/Miss Hulk et A-Bomb/Rick Jones, tentant de recoller les morceaux avec Betty (elle-même encore perturbée par sa transformation en Miss Hulk Rouge) et d’élever son fils Skaar comme il le peut. Cela donne lieu à des séquences familiales pour le moins explosives : quand les Hulk s’énervent, ils détruisent une montagne, mais ça les fait marrer. Une scène de ménage entre Bruce et Betty engendre des séismes. Imaginez donc le plan : avec une telle puissance, associée à celle de Skaar, on peut facilement dévier une planète. Ou la faire sauter. Il serait intéressant de voir s’affronter Hulk et Sangoku, tiens… juste pour voir. À tous les coups, un geek s’est penché sur la question et a pondu un petit film d’animation bien sympathique. 

Greg Pak nous a ainsi concocté quelques affrontements bien dévastateurs, et un épisode commence par une belle baston entre Hulk et les Secret Avengers, baston traitée avec une étonnante légèreté de ton. Tom Raney fait son boulot sans génie, néanmoins les deux épisodes qu’il illustre sont agréables à regarder. Les derniers sont orchestrés par un Barry Kitson bien pâle, incapable de rendre correctement les duels gigantesques du grand finale. On n’est pas loin du pétard mouillé.

Pour d’autres super-héros, cela aurait pu constituer des épisodes dans la moyenne, avec un petit « pourquoi pas ? ». Pour Hulk, c’est forcément décevant. Ceux qui voudraient tout de même tenter le coup peuvent le trouver pour pas cher chez Panini comics (édition 2011) en seconde main.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Hulk au pluriel.
  • Des scènes de ménage boostées aux rayons gamma.
  • Banner va devoir encore sauver le monde.

  • Rien de nouveau. La redite est même agaçante.
  • Des dessins n'étant pas à la hauteur des enjeux.
Legenderry
Par


Un auteur exceptionnel, des personnages légendaires et à l'arrivée... un gros flop ! C'est le bilan de Legenderry - L'Aventure Steampunk.

Tout commence dans la ville de Big City, quand une jeune femme poursuivie par un groupe de clones surarmés se réfugie au Scarlet Club, tenu par Madame Pendragon, alias Vampirella. La demoiselle, courroucée par le comportement des malfrats qui ont eu l'outrecuidance d'occire une partie de son personnel, va les découper en rondelles avec l'aide d'un certain Britt Reid, richissime magnat de la presse et alter ego du célèbre Frelon Vert.
Enquêtant sur cette tentative d'enlèvement, les deux compères vont découvrir une machination obscure, dans laquelle sont mêlés les pires criminels du continent. Avec l'aide de prestigieux alliés, ils vont devoir s'interposer pour éviter l'avènement d'un terrible monstre.

Quand un auteur de la trempe de Bill Willingham développe un nouveau projet, l'on a tendance à espérer le meilleur. Le scénariste a en effet fait des merveilles sur Fables, une série devenue culte par la grande qualité de son écriture. Et le pitch de départ de Legenderry ressemblait d'ailleurs étrangement à la relecture des contes pour enfant que Willingham avait brillamment réalisé. Ici, le Grand Méchant Loup ou Cendrillon font place à Red Sonja, Zorro, Flash Gordon, Green Hornet, Vampirella ou encore Steve Austin (l'homme qui valait trois milliards, ou plutôt, dans cet univers, trois mille yars). Le tout dans un environnement steampunk, tout cela sentait donc plutôt bon.
Et pourtant, les problèmes sont nombreux à l'arrivée.




Tout d'abord, les dessins de Sergio Fernandez Davila échouent totalement à rendre la magie de l'univers décrit. Les décors sont peu nombreux, bien ternes et souvent très artificiels. Même si l'illustrateur s'en sort mieux avec les costumes et les véhicules, on est loin de l'atmosphère envoûtante d'un Luther Arkwright ou d'un Grandville par exemple. La colorisation de Wes Hartman et Robby Bevard, très flashy, n'aide pas à embellir les rares lieux qui pourraient avoir un certain charme. Et il faut dire que le choix de l'éditeur, portant sur du papier glacé, amplifie encore cet effet clinquant et sans nuances. Un papier mat aurait sans doute été plus approprié.

Mais les plus gros problèmes proviennent étonnamment de l'écriture. Tout d'abord, l'univers décrit manque de profondeur. Là encore, toujours cette impression, tenace, d'artificialité, et ce jusqu'au niveau de la carte du monde de Legenderry, dont les noms reflètent la platitude de l'ensemble : La mer s'appelle "la Mer" ; les noms de régions sont aussi originaux que "le Nord", "la Forêt" ou "la Jungle" ; la ville principale s'appelle "Big City" et le nom de l'île la plus importante est... "l'île".
L'intrigue, simpliste, n'est pas bien gérée non plus. Il y a bien des combats réguliers (assez gore d'ailleurs, avec décapitations et démembrements), mais sans véritable enjeu ni dramatisation ou suspense. D'autant que l'on se fiche aussi des personnages, dont on ne connaît rien si ce n'est le nom. C'est sans doute le plus gros couac de la série, Willingham ne parvenant pas du tout à insuffler un peu de vie dans les nombreux protagonistes qui défilent au long des épisodes. Il y a certes des noms connus, même parmi les "méchants", avec le Docteur Moreau, l'Empereur Ming ou encore Kulan Gath, mais héros comme antagonistes ne sont que des coquilles vides, sans aucune personnalité, aucun caractère.




L'on pourra objecter que l'auteur doit gérer une foultitude de personnages et qu'il n'est pas facile de leur donner à tous de l'épaisseur, mais là, en 154 planches (ce qui est énorme !), il n'y en a pas un qui ait ne serait-ce que le début d'une personnalité. Alors que Fables était passionnant dès les premières pages. Et quand bien même le format imposé empêcherait de traiter convenablement les personnages, la logique commanderait alors d'en changer. Depuis quand le format serait prioritaire par rapport à l'intérêt de la série ? Le côté très fonctionnel des scènes est étonnant également. Il n'y a aucun humour, aucun moment permettant d'étoffer les personnages et de comprendre leurs motivations, aucun moment d'émotion, aucun "habillage", rien que du très pragmatique servant à faire avancer une histoire poussive et déjà lue un bon milliers de fois.

Et ce n'est même pas tout. L'adaptation française souffre de quelques fautes (dont certaines énormes tout de même, la traductrice ne faisant visiblement pas la différence entre un "boxeur", donc quelqu'un qui pratique un sport de combat, et un "boxer", qui désigne un caleçon ou un chien), d'une ou deux erreurs de lettrage et d'une ponctuation hasardeuse (avec notamment des points d'interrogation qui n'ont rien à faire dans des phrases affirmatives). Ce n'est pas honteux non plus sur l'ensemble, mais ça aurait mérité une bonne relecture. Par contre, niveau bonus, c'est blindé : le lecteur aura droit au scénario complet du premier épisode, à des études de personnages et à un paquet de variant covers
D'autres tomes, écrits par des auteurs différents, continuent l'exploration de cet univers et sont centrés sur des personnages particuliers (Red Sonja, le Green Hornet et Vampirella). Le souci, c'est que ce premier volume est tellement insipide qu'il ne donne pas du tout envie de se plonger dans la suite. On se demande d'ailleurs comment Dynamite, l'éditeur américain, a pu valider une telle soupe tiède alors que Legenderry aurait pu servir de vitrine de luxe à son univers. Quel gâchis !
  
L'éditeur français, Graph Zeppelin, aguichait le lecteur sur la quatrième de couverture en parlant d'une "aventure illuminée aux becs de gaz et propulsée à la vapeur et à l'adrénaline". La vapeur, il n'y en a pas eu tant que ça, et l'adrénaline, on l'attend encore. Avec une intrigue convenue et plate, des personnages transparents et un univers peinant à générer le moindre intérêt, le résultat s'avère décevant. 






+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Des personnages connus, qui rappelleront certainement de bons souvenirs à certains.
  • Une partie bonus très complète.

  • Un univers manquant d'intérêt et qui paraît très factice.
  • Des personnages dénués d'âme. 
  • Une intrigue banale.
  • Une VF perfectible.