Celle que...
Publié le
22.6.15
Par
Nolt
On se penche aujourd'hui sur l'intégrale de Celle que... éditée par Dargaud.
Cette intégrale regroupe en fait la trilogie écrite et dessinée par Vanyda, à l'origine sous les titres Celle que je ne suis pas, Celle que je voudrais être et Celle que je suis.
L'auteur suit Valentine, une adolescente, de la troisième à la première, au travers de sa vie scolaire et amoureuse.
Et si le public visé est sans doute à la base plutôt jeune et féminin, l'on va vite se rendre compte que, finalement, une bonne histoire s'adresse toujours à tout le monde.
Celle que... fait partie de ces BD un peu étranges, dans lesquelles il ne se passe a priori pas grand-chose. Nombre d'auteurs actuels, par le biais de ce genre de "chroniques du réel", noient ainsi leur manque d'imagination dans une démarche égocentrée et souvent fort prétentieuse (beaucoup pensent par exemple avoir découvert le spleen ou la solitude, mais comme j'aime à le dire un peu vulgairement, ce n'est pas parce qu'on va dans des toilettes publiques et qu'elles sont vides que l'on vient d'inventer l'envie de pisser).
Heureusement, Vanyda parvient à échapper aux stéréotypes du genre et livre un récit agréable, subtil et doux, qui nous embarque pour un trop court voyage au pays de tous les possibles, celui de l'adolescence.
Le style graphique est d'inspiration clairement nippone. Du coup, on a droit à du noir et blanc, bien qu'en réalité, une version colorisée soit disponible (en six tomes par contre). Les visages sont expressifs, certains décors sont plutôt détaillés (et basés sur des photos, mais cela n'a rien de dérangeant). Valentine et la plupart des personnages évoluent visuellement au fil des ans, passant d'un physique enfantin à une allure bien plus adulte.
Le parti pris de l'auteur est clairement celui du réalisme. Pas de grand drame ici, ni même une menace quelconque : les abrutis du collège et du lycée sont traités plus comme de petits impondérables un peu gênants que comme des "ennemis" véritables. Pas de conflit non plus réel avec l'autorité parentale, la maman de Valentine n'étant pas plus chiante que la moyenne des géniteurs, et même plutôt sympa.
Les adultes d'ailleurs, parents ou professeurs, sont assez peu présents, même si se sont bien leurs décisions qui rythment et encadrent la vie des personnages principaux.
Bien entendu, l'on n'échappe pas à l'histoire d'amour contrariée, Valentine fantasmant sur un garçon qu'elle connaît à peine et qu'elle n'arrive pas à aborder. Mais limiter Celle que à un propos facile pour midinettes serait clairement injuste tant l'œuvre aborde bien d'autres aspects de ce moment crucial de la vie.
Valentine, mignonne sans être une bombe, intelligente mais pas toujours très sage, est à l'image de cette histoire, mesurée et tout en nuances.
Ainsi, le mec un peu paumé, boutonneux et laissé de côté, apparait comme quelqu'un de touchant et sympa, mais, au lieu d'en rester sur un cliché, Vanyda va plus loin et dévoile aussi les côtés plus inquiétants de celui qui était censé attirer la sympathie du lecteur. L'absence du père de Valentine est également très intelligemment traitée, sans le côté larmoyant qui aurait été de trop.
De la même manière, un changement fondamental mais très progressif accompagne l'évolution physique des personnages. Peu à peu, les moqueries s'estompent, les frontières se font plus floues, et des groupes improbables se forment.
Ce livre aborde sans grandiloquence et avec beaucoup de tendresse les pires moments de l'adolescence tout en cherchant à en dévoiler certains mécanismes, du leader que l'on suit par habitude, par besoin de faire partie d'un groupe, à la fille que l'on exclut pour des raisons idiotes, en passant par ce besoin fondamental de se trouver vraiment.
Le choix de faire de Valentine une adolescente banale, sans énorme problème spécifique à surmonter, rend le propos universel. Propos encore renforcé par des dialogues bien écrits, qui ne caricaturent pas la façon de s'exprimer des ados.
Certains pourront trouver qu'il ne se passe rien dans ces 550 et quelques pages. Pourtant, elles sont d'une richesse peu commune et abordent l'essentiel, sans jamais verser dans la démonstration pédante ou la leçon de morale.
Voilà une preuve de plus que, dans une histoire, l'histoire importe en réalité peu (cf. ce dossier). C'est bien la manière de raconter qui envoûte ou non le lecteur et rend le propos passionnant, ennuyeux ou ridicule.
La forme, ici, est clairement belle, inspirée et délicieusement amère.
À conseiller à ceux qui ont été touchés par des œuvres comme Blankets.
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