Une semaine en enfer
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C'est un polar moite, sombre et oppressant que l'on aborde aujourd'hui avec Une semaine en enfer.

John Moon a depuis longtemps perdu les terres familiales et vit dans une modeste caravane, au cœur de l'Amérique profonde. Comble de malchance, il a aussi perdu sa femme qui est parti, avec son fils, voir si la vie n'était pas plus douce ailleurs et sans lui. John vivote grâce à de petits boulots et un peu de braconnage. C'est justement une chasse au cerf - interdite - qui va bouleverser sa vie.
Quelques kilos de viande gratuite, même hors période de chasse, ça ne se laisse pas passer, surtout quand on n'a pas de pognon. Alors John abat un cerf, ou plutôt, il le blesse seulement et commence à le traquer. La forêt est dense, il fait chaud, les kilomètres défilent, augmentant les risques de croiser un garde-chasse. Et enfin, John l'aperçoit. Il tire, pensant achever l'animal.
Mais ce qu'il découvre derrière un bosquet n'est pas un cervidé. La bestiole serait plutôt du genre blonde, jolie, seize ans... et ces bestioles-là, ça supporte très mal le calibre 12.
La vie de John Moon vient de basculer. Il est maintenant devant un choix crucial. Ou plutôt une série de choix qui vont, peu à peu, l'entraîner en enfer...

Ce roman de Matthew F. Jones (publié en France quelque 17 ans après sa parution aux États-Unis) se rapproche un peu de l'ambiance d'un Bull Mountain, au moins pour le décor et dans une certaine mesure les protagonistes, bien qu'il s'agisse plus ici de paumés que de véritables criminels.
La nature, sauvage, âpre, étouffante, tient une large place dans le récit, non seulement parce qu'elle contribue à l'ambiance tragique, comme si elle pesait de tout son poids sur le destin des hommes, mais aussi parce qu'elle explique en partie le caractère de certains protagonistes, débrouillards, durs à la tâche, mais parfois également aigris, isolés, cyniques et violents.

Jones livre plus ici le récit d'une perdition qu'un polar au sens strict du terme. Le roman bascule d'ailleurs, vers son milieu, d'une histoire tendue, pleine de suspense, vers quelque chose de plus fiévreux et halluciné, Moon perdant pied peu à peu et réagissant aux évènements comme s'il n'avait aucune prise sur eux.
Ce basculement, en intervenant si tôt, constitue peut-être le principal défaut de cette intrigue pourtant plaisante. La fatalité, l'improvisation et même le délire qui dominent le cours de la vie de ce pauvre Moon finissent par nuire au personnage pour qui l'on éprouve de moins en moins d'empathie, un peu comme si, en baissant les bras (bien que ce soit relatif, il en accomplit des choses le bougre !), il ne permettait plus au lecteur de réellement s'identifier à lui.

Ceci dit, la galerie de personnages est savoureuse (de l'avocat aux petites frappes locales en passant par le meilleur pote), la tension palpable dès les premières pages et Moon, dans le genre "type normal qui tente de faire du mieux qu'il peut avec les moyens du bord", est décrit avec beaucoup de sincérité et de tendresse.
Et puis, même s'il est suffisamment pudique pour être caché, le message sur la véritable valeur des hommes, qui même pauvres, cabossés et perdus conservent des principes et un sens moral véritable (celui qui agit sur les actes et non sur les paroles), s'avère suffisamment honnête et bien foutu pour donner à cette descente aux enfers un petit parfum lyrique pas dégueulasse.

Une très bonne lecture pour peu que l'on apprécie les vastes forêts et les personnages rugueux.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le cadre.
  • Une tension constante et immédiate.
  • Des personnages bien campés pour la plupart.
  • Quelques touches d'humour lumineuses au milieu de la noirceur.

  • Le côté amorphe et la psychologie embrouillée du personnage principal dans la deuxième moitié de l'ouvrage.