Letter 44 - Tome 4 : Le Temps des Sauveurs
Publié le
7.12.16
Par
Thomas
Rappel des précédents tomes de Letter 44, une série de science-fiction publiée chez Glénat Comics. Le 44ème Président des États-Unis, Stephen Blades, a appris peu de temps avant d'entamer son nouveau mandat, que son prédécesseur Francis Caroll avait lancé une mission spatiale secrète. Ce dernier lui a expliqué les enjeux dans une lettre numérotée 44 : tout le travail géopolitique sur Terre n'était guère important face à une menace extraterrestre décelée des années plus tôt. Neuf personnes, scientifiques et militaires, se trouvent à bord du Clarke, vaisseau se rapprochant des entités extraterrestres. L'équipage (qui a accueilli un nouveau-né durant leur périple) découvre des organismes à moitié métalliques, d'étranges mélanges de cônes et de tentacules. Les spationautes et ces créatures cohabitent bon gré mal gré tout en ignorant ce qu'il se passe sur leur planète natale. L'heure est à la troisième Guerre Mondiale entre les États-Unis et l'Allemagne (chacun allié à d'autres pays), le tout discrètement orchestré par Francis Caroll (l'ancien Président). Une autre menace pèse : un astéroïde menace de s'écraser sur Terre. Après avoir essayé plusieurs options pour le détruire, aussi bien depuis le Clarke que depuis Washington ou le reste du monde, l'astre gigantesque se pose finalement tout doucement devant la Maison Blanche ! Un membre de l'équipage de Clarke (présumé mort depuis longtemps) en sort, souhaitant parler de toute urgence à Stephen Blades. C'est ainsi que s'achève le troisième tome et que le nouveau, chroniqué ici, débute.
Le Major Gabriel Drum est de retour sur Terre, à Washington. Il vient de la part des « Constructeurs » (nom donné aux extraterrestres) qui ne sont pas là pour exterminer la race humaine mais au contraire la sauver. Excepté que ce sauvetage n'inclut que 666 personnes. En effet, la Terre va être détruite, les aliens peuvent sauver 666 êtres, chargés de repeupler ultérieurement leur lignée et assurer un héritage. C'est le Président des États-Unis, Stephen Blades, qui doit sélectionner les humains qui resteront en vie.
Dans le Nevada, l'ancien Président Caroll est dans son abri antiatomique avec plusieurs centaines de citoyens qu'il avait personnellement choisi pour son ascension. Caroll pensait que l'astéroïde détruirait en grande partie la Terre et a donc enfermé une poignée d'élus qui croient en lui. Sauf que l'astre n'a absolument pas causé la mort de qui que ce soit. Ce n'est pas un problème pour Caroll, il continue de faire croire à son public qu'ils sont sains et saufs et que le reste du monde n'est plus...
Dans l'espace, les spationautes sont virés du Terrarium des Constructeurs et rejoignent le Clarke avec la dépouille de Gomez. Mais la petite Astra, capable de communiquer avec ces extraterrestres, a été gardée par les trois plus importantes (vOL, kIN et hILLA). Parallèlement, Drum se confie à un révérend, dévoile les premiers jours de l'aventure et confesse un lourd pêché.
Si les débuts s'avéraient un poil convenus, malgré le registre science-fiction qui laisse une carte blanche en terme d'inspiration, Letter 44 a rapidement su trouver son chemin en terme d'originalité. Ici, les aliens sont ambigus, à la fois sauveurs mais aussi menace. Malgré tout, ils ne sont clairement pas au cœur du récit, ce sont les personnages humains qui ne cessent d'évoluer qui le sont. Cela rappelle modestement The Walking Dead, où le développement psychologique de Rick et sa bande l'emporte sur les zombies. On n'est pas encore à un stade d'évolution majeure chez les protagonistes de cette série (et c'est bien dommage), mais force est de constater que quelques-uns sortent du lot. Ce qui est paradoxalement un défaut récurrent car beaucoup de personnages mériteraient d'être approfondis, à commencer par les membres du Clarke. Ces derniers bénéficient par à coup de petites présentations mais manquent cruellement de consistance pour la majorité d'entre eux. À ce titre, il serait très appréciable que l'éditeur, Glénat Comics, propose en ouverture de chaque tome un petit récapitulatif de l'histoire et un trombinoscope. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Qui est où ? Cela éviterait de perdre un peu le fil entre chaque livre. On aurait aussi aimé la conservation des couvertures originelles (cf. images ci-dessus). Quitte à prendre une d'un chapitre pour illustrer tout un tome, celles des volumes trois et quatre en France semblent à la fois peu esthétiques et pas forcément représentatives du contenu (idem pour ce dernier point concernant le tome 2).
L'autre point faible de la série sont ses graphismes qui ne restent pas vraiment en tête. Les traits d'Alberto Jiménez Alburquerque (à ne pas confondre avec Rafael Albuquerque) ne sont pas mauvais (au contraire, les bonus en fin de tome montrant ses crayonnés sont superbes) mais l'encrage et la colorisation (confiés respectivement à Crank! et Dan Jackson, Sarah Sterne pour le dernier chapitre) desservent peut-être l'ensemble. Le gros point noir restant les visages, même s'ils sont reconnaissables ils ont un côté parfois trop "cartoon". Le style d'Alburquerque est particulier, pas forcément déplaisant, mais pas non plus des plus élégants, au contraire.
Côté personnages, le couple présidentiel, Stephen Blades et son épouse Isobel, continue d'être apprécié, même si le rival politique Francis Caroll a quasiment pris leur place tant cet ennemi est plus intéressant et manipulateur. On notera qu'Isobel, qui ne cessait de surprendre dès le premier volume, est ici très en retrait, gageons que ce soit éphémère, c'est l'un des personnages secondaires les plus attrayants de Letter 44. Drum est mis en avant dans ce quatrième tome, sans que l'on sache concrètement ce qu'il a fait lors de sa « disparition » (dans le premier volume de la série). On découvre une facette d'un homme moins « gentil » qu'il n'y paraît à bord du vaisseau. Ce qui débouchera sur une intrigue plus ou moins amoureuse et sexuelle, avec son lot de crédibilité. Un passage assez faible dans le récit, mais heureusement plutôt court ; en gros les relations (amoureuses et sexuelles) étaient déconseillées à bord du vaisseau, certaines ont eu lieu secrètement donc toutes furent interdites avant que chaque membre se voit faire partie « d'un ensemble » où chacun est libre de copuler avec un autre, voire deux, trois... Soit.
Chez les Constructeurs, s'ils sont de moins en moins mystérieux (et peu charismatiques), la curiosité l'emporte sur deux éléments gravitant autour d'eux : la petite Astre, le bébé conçu dans l'espace, qui communique déjà avec eux, et les humains qui « fusionnent » avec eux (l'un étant déjà mort), accroissant des pouvoirs. C'est dans cette direction que Charles Soule doit continuer d'alimenter son histoire, en plus du thriller géopolitique terrien et, si possible, du développement des membres de Clarke. On aurait aimé qu'il s'étende sur le questionnement moral du choix nécessaire à la survie des Terriens (Blades opte pour une majorité d'enfants de sexe féminin, ainsi que quelques guides adultes intellectuels, pour les 666 êtres à sauver, dont son fils).
Chez les Constructeurs, s'ils sont de moins en moins mystérieux (et peu charismatiques), la curiosité l'emporte sur deux éléments gravitant autour d'eux : la petite Astre, le bébé conçu dans l'espace, qui communique déjà avec eux, et les humains qui « fusionnent » avec eux (l'un étant déjà mort), accroissant des pouvoirs. C'est dans cette direction que Charles Soule doit continuer d'alimenter son histoire, en plus du thriller géopolitique terrien et, si possible, du développement des membres de Clarke. On aurait aimé qu'il s'étende sur le questionnement moral du choix nécessaire à la survie des Terriens (Blades opte pour une majorité d'enfants de sexe féminin, ainsi que quelques guides adultes intellectuels, pour les 666 êtres à sauver, dont son fils).
Letter 44 est une série résolument originale, actuellement en cours de publication aux États-Unis (mais le scénariste a déjà la fin en tête). Elle plaira aux amateurs de science-fiction ou aux simples curieux de bandes dessinées novatrices. Sélectionnée au Festival d'Angoulême en début d'année, elle propose également une réflexion sur l'humanité et les rapports entre les citoyens, avec un œil intéressant sur le monde politique, sans renier être avant tout un divertissement populaire.
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