Fausse censure, vrai buzz et limites légales
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Étant donné que c’est un sujet un peu chaud en ce moment, et qu’on peut lire énormément de conneries sur les sites d’actualité, on va tout de même aborder le cas du Petit Paul de Bastien Vivès.

Auteur moi-même, je suis évidemment, par principe, contre toute forme de censure. C’est-à-dire l’interdiction d’un ouvrage ou d’un auteur pour des raisons idéologiques. Même lorsqu’il s’agit de publications avec lesquelles je ne suis pas d’accord, j’estime que les interdire n’est vraiment pas une solution acceptable. Parce que la circulation des idées, même d’idées qui peuvent paraître choquantes, est (la plupart du temps) une bonne chose.

Cependant, l’aversion éprouvée à l’égard de la censure a bien entendu également ses limites. Le respect de la vie privée, l’interdiction de la diffamation, par exemple, font que l’on ne peut pas publier n’importe quoi sur n’importe qui. Cela "limite" quelque peu la liberté des auteurs, mais l’on peut sans peine comprendre en quoi cette limitation est sensée, voire souhaitable.

En ce qui concerne la représentation de la pédopornographie, c’est encore plus simple : elle est très clairement interdite.
Diffuser l’image (ou la représentation) d’un mineur dans des scènes pornographiques est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (cf. cet article du code pénal). Ce sont les peines maximales hein, ce n’est pas automatique, mais ça montre qu’on ne rigole pas trop avec le sujet.

Dans Petit Paul, il y a bien des scènes pornographiques, mettant en scène un mineur, l’album tombe donc sous le coup de la loi, et l’auteur comme l’éditeur devraient être condamnés (même les libraires qui le vendent en réalité, même si dans les faits, ça n’ira pas jusque là).
L’argument des scènes humoristiques ne tient pas… outre le fait qu'il soit difficile d'imaginer en quoi un gamin qui est obligé de bouffer la chatte de son institutrice soit une scène irrésistible de drôlerie (mais bon, question de point de vue sans doute), l’argument est irrecevable légalement. L’article ne dit pas "on ne représentera pas de mineurs dans des scènes pornographiques, sauf pour se marrer un bon coup". C'est totalement interdit, point.

Il ne s’agit pas dans ce cas de limiter la liberté d’expression d’un artiste, puisque la représentation de mineurs dans des scènes pornographiques, même avec l’alibi fallacieux de l’humour "gras", ne fait tout bonnement pas partie de cette liberté. [1]
Pas à l’heure actuelle en tout cas si l’on en croit le code pénal.
Il n’y a pas à demander l’interdiction de l’album, la pétition qui circule actuellement est aussi inutile qu'incompréhensible, car l’album est déjà interdit par la loi.
Simplement, la loi n’a pas été appliquée (pour le moment en tout cas).

Tout le reste, les débats fallacieux sur la censure ou les appels à défendre la "liberté d’expression", avec des trémolos dans la voix, est du vent.
Par contre, cela soulève des questions intéressantes :
- pourquoi l’album est-il encore en vente ?
- comment les avocats de Glénat (ils ont bien des avocats, non ?) ont-ils pu valider ça ?
- comment Céline Tran, ex-hardeuse et directrice de cette collection à vocation assumée comme pornographique, peut-elle dire autant d'inepties dans la préface (notamment défendre cet album comme étant un "pied de nez à la sexualité bien pensante qui rassure et qui emmerde") ? La pédopornographie, c'est un remède contre le cul trop plan-plan ? Il y a des neurones encore en activité chez cette nana ? 

D’une manière moins pragmatique, l’on peut aussi s’interroger sur les limites imposées à la fiction, que j’avais déjà évoquées dans cet article (pour cette fois prendre plutôt la défense de la liberté relative dans la fiction).
Je tiens d’ailleurs à affirmer de nouveau qu’un auteur ne doit pas être limité par l’idéologie du moment ou les caprices des bien-pensants. Mais la loi, elle, me paraît difficilement contournable. Des élus d’un pays démocratique (ou en tout cas déclaré comme tel) ont fait passer un texte interdisant toute représentation, même imagée, de la pédopornographie, il est donc illégal de faire commerce d’une BD représentant un enfant dans des scènes pornographiques. C’est aussi simple que ça.
Parfois, certaines lois peuvent ne pas être "bonnes". Mais je me demande qui pourrait véritablement s’élever contre celle-ci. Et avec quels arguments. Car enfin, il faut vraiment être complètement coupé de la réalité pour penser que la représentation de la pédopornographie doit absolument faire partie de l’arsenal fictionnel des auteurs. D’autant que la pédopornographie n’est pas évidemment pour autant un sujet interdit, de très nombreux auteurs l’abordent, très souvent bien entendu pour la condamner, mais sans pour autant la représenter de manière légère et complaisante (et encore moins en rire comme un benêt décérébré).   

Il ne s’agit nullement d’opposer deux camps, les soi-disant partisans de la "liberté" et ceux de la "censure", mais simplement de faire un constat : ce livre est illégal et n’a rien à foutre en librairie. [2]
Pour changer cela, il ne faut pas démontrer que le livre est drôle ou parodique, il faut faire changer la loi. Donc demander à des députés de réviser les précautions légales légitimes prises contre la pédopornographie.
Et c’est peut-être un peu trop cher payer pour défendre un auteur médiocre obsédé par les gamins et les bites…


[1] Nous avons d'ailleurs été obligé de masquer une partie des planches illustrant l'article, car si nous les avions publiées en l'état, nous aurions pu être condamnés au même titre que Vivès et Glénat.
[2] Certains tentent parfois "d'enculer des mouches" en essayant d'extraire le dessin de l'interdiction visée par la loi. Rappelons que la loi englobe toutes les représentations d'un mineur dans des scènes pornographiques. Un dessin est une représentation d'un personnage. C'est à la loi, éventuellement, de préciser des exceptions à son application, elle n'a pas à lister toutes les formes que sa formulation recouvre, car par défaut, elles sont toutes concernées.