Interview exclusive de Fabien Dalmasso, scénariste de Orépia #1 : L'héritier d'Atlantis
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C’est avec un grand plaisir que nous donnons aujourd’hui la parole à Fabien « Le Fab » Dalmasso, auteur de la série Orépia, parue aux éditions Soleil, dont nous parlions il y a peu.
Ce jeune (hahaha, merci ! ndFab) auteur né en 1980 tâte autant du clavier que de la tablette graphique. Vous avez pu voir son nom sur la couverture d’albums tels que Un pour tous ! La jeunesse des Mousquetaires ou Reflets d’acide.

— Bonjour, Fabien, et merci de nous accorder un peu de ton temps pour répondre à quelques questions. La première pourrait être on ne peut plus basique, on pourrait te demander de nous présenter ce nouvel album. Mais on n’en fera rien, vu qu’on l’a lu et chroniqué… On est donc prêts, d’emblée, à entrer dans le gras. Du coup, Fabien, première question : quelles sont tes influences, au niveau narratif ; d’où te vient cette idée de mélanger high et light fantasy ? Suis-je totalement azimuté de percevoir des pincées de Pratchett et d’Astier dans ton écriture ?

— 
Eh bien déjà bonjour également, et merci de m’accorder ces quelques pages d’expression libre.
Pour répondre à ta première question, je dois bien t’avouer qu’avant que tu n’en fasses la remarque, je n’avais pas du tout pensé mon scénario en terme de high ou light fantasy. Ce sont d’ailleurs des classifications que j’emploie peu. Alors par contre, oui, évidemment, il y a des influences fantasy dans mon récit, puisque c’est un genre qui a ses codes et dont je suis assez friand. Mais mes inspirations vont plus vers des classiques du jeu vidéo comme World of Warcraft, ou certains cycles plus ou moins connus, comme un certain Seigneur des Anneaux, mais aussi Les Seigneurs des Runes, de David Farland. En terme d’univers, le résultat final est plutôt une conséquence positive de la première version du récit qui ne mettait pas en scène des êtres de fantasy, mais des animaux anthropomorphes. L’évolution vers un bestiaire plus classique m’a permis de m’appuyer sur des éléments connus, d’en introduire d’autres de ma conception, et de mixer le tout au sein d’un univers original. Mais il n’y a pas de vision initiale d’une certaine façon d’agencer les styles de fantasy au service d’un récit. La dynamique des personnages est principalement inspirée de celle que j’avais mis en place sur WaoW, ma série parodique sur World of Warcraft qui a eu son petit succès autour des années 2010.
Et pour ne pas oublier toute la question : je suis un immense fan de Pratchett (ndGriZZly : tout fan de Pratchett est forcément un type bien qui mérite d'être salué pour son intelligence, son bon goût, son humour et sa faculté à faire la différence entre un nain et une naine du premier coup d'œil malgré la barbe !), donc il est possible qu’une infime partie de son génial talent ait déteint sur ma façon de raconter certaines choses, mais ce n’est pas voulu. Quant à Astier, malgré tout le respect que j’ai pour son talent et son travail, je dois avouer que je suis resté totalement hermétique à son approche de l’humour - à mon grand regret, c’est pas faute d’avoir essayé plusieurs fois -, donc il n’y a rien à chercher de ce côté-là (ndGriZZly : tu es pardonné, nul ne saurait être parfait !).

— Pourquoi avoir choisi de mettre en scène un groupe d’aventuriers hétéroclites dans un monde de fantasy, sachant pertinemment que certains commentateurs ne manqueraient pas d’y voir un manque d’originalité : « Gneugneugneu, encore une histoire d’aventuriers échappés de Donjons & Dragons » ? Qu’y a-t-il, à tes yeux, de si intéressant avec ce schéma pour que l’on y revienne sans cesse ?

— Ce qu’il y a d’intéressant avec ce schéma, c’est qu’il fonctionne, et qu’il permet de faire à peu près n’importe quelle configuration d’histoire à partir de là : frères d’armes, compagnons d’infortune, amis d’enfance, ennemis forcés de collaborer, les choix sont infinis. Et puis bon, quelle histoire ne commence pas par une rencontre ? Ou par un évènement qui va mener à une rencontre (bon, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ça existe sûrement) ? Mais d’une façon générale, ce sont les interactions des personnages qui donnent de la dynamique au récit, aux dialogues, et c’est encore plus vrai quand on veut y mettre un peu d’humour. Des personnages a priori éloignés, mais qui ont fini par s’apprécier, tout en ayant trop de fierté pour se l’avouer, c’est un mix parfait pour que le lecteur ne s’ennuie pas : ça permet l’humour, l’action, la bravoure, mais aussi l'approfondissement de chaque personnage ; comment il évolue en fonction de son vécu avant de rencontrer la compagnie, et comment il a évolué depuis.
La compagnie d’Adhémar est quelque part entre ces deux moments. Ils se connaissent depuis un bout de temps, mais n’ont pas encore vécu la grande expérience qui va faire d’eux plus que de simples compagnons d’armes forcés.

— Pourquoi avoir choisi de présenter les humains comme une espèce « oppressive », même si c’est un trope fréquemment utilisé ? 

La version anthropomorphique abandonnée.
— 
C’est encore une conséquence de l’évolution du projet initial. L’oppresseur initial, c’était le chien. Animaux fidèles et parfois bornés, ils faisaient une parfaite espèce « de base » pour définir le monde. Nos héros étaient alors soit des cousins des chiens (loup, renard, belette) soit des antagonistes (tel que le chat, ou le lion que représentait Adhémar : un animal détesté par les chiens en sa qualité de félin, mais d’une noblesse indéniable). Il y a encore pas mal de traces de ce projet dans la version actuelle : le méchant s’appelle Miw, ce qui veut dire « chat », et on comprend mieux le jeu de mot sur « chat-tastrophe » en sachant cela.
Bref, quand la version animaux est devenu une version fantasy plus classique, les chiens sont devenus des humains, dont la culture prédomine, pas forcément pour les meilleures raisons, et les autres personnages sont devenus des reflets de l’humanité, de ses erreurs ou de son passé, bref, de tout ce qu’elle ne veut pas reconnaître, par peur de devoir remettre en cause sa place prépondérante dans ce monde de fantasy. On peut bien sûr faire quelques parallèles avec le monde moderne, mais ce n’est pas le but premier du récit.

— Quel serait ton personnage préféré, dans le groupe de héros que tu nous décris dans Orépia ? Et pourquoi ?

— J’ai une affection particulière pour Savaric (« Sav »), le gobelin. C’est un personnage a priori insignifiant, issu d’une espèce qui est à peine mieux considérée que le rat, mais qui s’est extrait de sa condition par goût de la connaissance et volonté de ne pas être victime de son image. Il n’est pas taillé pour l’aventure, et pourtant c’est un membre indispensable de la compagnie. Il est cultivé, loyal et de bon conseil, en plus d’assurer l’intendance et la trésorerie. Il n’hésitera pas non plus à vous larder de coups de couteau si la survie d’un de ses amis en dépend.

— La première chose que mes proches ont dit en voyant la couverture du tome 1 d’Orépia fut : « C’est un Chevalier d’or ? » On ne va pas se mentir : entre le look d’Adhémar et ta vitrine bourrée de figurines de Chevaliers du Zodiaque, on détecte chez toi un certain goût pour cet univers… On est sensiblement de la même génération, alors soyons directs : serions-nous en contact avec un ancien passionné du Club Dorothée ?

— Bien évidemment. Mais pour autant, l’apparence de chevalier d’or d’Adhémar n’est pas volontaire. Certes il est doté d’une classe naturelle, et d’une armure de type paladin, mais le choix du doré revient à Cyril, notre coloriste. Ce n’était pas une demande expresse de ma part. Ça lui a semblé le prolongement naturel de la description « classe » du personnage. Je n’avais pas du tout fait le lien avec les chevaliers d’or jusqu’à ce qu’on m’en fasse la remarque avec les premiers retours du lectorat (ndGriZZly : sérieux ?). Après, oui, en revanche, je suis issu d’une forte culture manga, ça se voit si on regarde les albums que je dessine également. C’est aussi pour ça que je suis très fier de travailler avec JaeHwan, qui est un dessinateur coréen très à l’aise sur ce format, qui a accepté de se plier au format BD dont il a moins l’habitude.

— À ce propos, comment un auteur français voit-il son histoire illustrée par une pointure du manwha (les bandes dessinées coréennes) ? Était-ce une volonté personnelle ou un choix de l’éditeur ?

La version définitive, bye bye, les "zanimos".
— 
C’est un choix personnel, fruit heureux d’anciens travaux. Et en disant ça, je me rends compte que le nombre de conséquences heureuses sur ce projet est assez incroyable. Rien ne se perd, rien ne se crée, comme on dit.
Pour résumer, lorsqu’il y a quelques années, j’ai scénarisé WaoW, dont je parlais un peu plus tôt, l’éditeur d’alors m’a permis de travailler avec un autre dessinateur coréen qui a permis à WaoW d’avoir une patte graphique exceptionnelle, qui l’a amené plus loin que la simple parodie. Je suis resté en contact avec René Park, notre traducteur. Lors de tractations plus récentes, il m’a dit qu’il connaissait d’autres dessinateurs coréens, et nous avons commencé à évoquer l’idée d’une collaboration. À ce moment, j’avais déjà fait pas mal de recherches sur Orepia avec mes propres dessins. Mais je n’arrivais pas à lui donner la dimension épique que j’avais en tête. René m’a présenté JaeHwan et son équipe, ils ont fait quelques essais (c’était encore la version avec animaux) et ça a matché tout de suite. On a ensuite monté le projet sans tarder et on l’a envoyé aux éditeurs. Merci à l’équipe de m’avoir fait confiance sur ce projet, je suis convaincu que sans les qualités graphiques de JaeHwan, je ne l’aurais jamais signé seul.

— Tu t’es défini, lors de notre conversation préliminaire, comme un « champion de la catégorie frustrations et déceptions », dans le monde de la BD… Peux-tu nous expliquer un peu ton parcours, du coup… ça m’a intrigué.

— Disons que la vie d’auteur n’est pas de tout repos. Je n’appartiens pas à cette catégorie d’auteurs dont le travail est assorti d’un trait qui touche au sublime. Malgré tous mes efforts, je suis bon sans être excellent (mais j’y travaille constamment). C’est déjà une première frustration, que de toujours me sentir à la traîne sur le niveau général.
Ensuite, c’est vrai que j’ai un peu cumulé les mésaventures dans le milieu, entre les deux petits succès qu’ont été WaoW et Reflets d’Acide. Ça touche à beaucoup de choses, comme des albums repoussés sans raison qui ont fait chuter le lectorat, des éditeurs qui se sont plantés financièrement en embarquant mes droits d’auteurs dans leur faillite et mes séries avec, ou encore des séries à succès pour lesquels aucun éditeur n’a fait l’effort de pousser la comm' pour gagner du lectorat. Il y a aussi cette série sur laquelle j’ai travaillé, sur laquelle on m’a promis cinq tomes et pour laquelle, au final, je n’en ai fait que deux... sur la couverture desquels mon nom n’apparaît même pas. 
Un exemple parmi d’autres : sur Un Pour tous, j’avais établi des partenariats avec des vendeurs de matériel d’escrime qui voulaient distribuer la BD dans toutes les compètes d’escrime de France. J’ai fait suivre à l’éditeur, qui ne s’est jamais montré réellement intéressé, malgré les ventes faciles que ça représentait. Idem pour le partenariat avec la Fédération Française d’Escrime, qui s’est mis en place grâce à mes maîtres d’armes d’escrime, lorsqu’on en était au tome 3 et que la série était déjà condamnée commercialement. C’est agaçant de se démener sans avoir de retour.
Mais bon, il y aussi des erreurs de jugement de ma part. J’ai parfois trop ouvert ma gueule, et ça s’est retourné contre moi. Il vaut mieux éviter de s’attirer les foudres de l’éditeur ou celles d’un auteur plus connu. Mais ça, c’est mes conneries, j’ai mal joué, et j’en ai fait les frais. 
Entre ça et le covid, j’ai passé deux années de creux pendant lesquelles j’ai pensé arrêter totalement la BD pro, mais il faut croire que je n’en ai pas encore fini avec le sujet.
Aujourd’hui, j’aborde tout ça avec plus de philosophie. Je suis reconnaissant d'être payé pour mon travail, de collaborer avec des personnes que j’apprécie et de pouvoir rencontrer mes lecteurs en dédicaces. J’évite de trop prendre parti car je suis conscient que j’ai encore du chemin à faire et c’était une erreur de jeunesse que de me croire déjà arrivé... alors que la route commençait à peine. J’ai cessé d’attendre l’explosion de mes ventes, et je me concentre sur le plaisir que j’ai à raconter des histoires.

— Aurais-tu un conseil à donner à quiconque rêverait de devenir auteur ? Y a-t-il selon toi un parcours à privilégier, des qualités à avoir à tout prix … ?  

— 
Il n’y a pas de parcours particulier à suivre. On a la chance, en BD, d’être d’abord jugés sur notre dessin et notre capacité à raconter une histoire. Que ça passe par une école ou par du travail personnel, l’important c’est le résultat. Ce qu’il faut, c’est surtout apprendre à s’améliorer par soi-même, repérer ses défauts, travailler ses points faibles, prendre les avis et conseils des plus expérimentés que soi et chercher constamment à pratiquer et à progresser. On atteint régulièrement des plafonds de verre et il faut aller chercher au fond de soi pour les briser. Ça arrive à tous les auteurs régulièrement. Moi, j’en sors juste et je sens déjà se profiler le prochain. C’est une lutte sans fin. Il y a parfois un don, parfois même du génie mais, à la base, il y a surtout du travail. Et de la persévérance. Se faire jeter avec un projet, ça arrive souvent, même aux auteurs chevronnés. Mais ça n’est pas une raison pour se décourager. Il faut y retourner, et y retourner encore (en prenant en compte les axes d’amélioration), jusqu’à ce que ça finisse par passer. Bon, on va pas se mentir, pour certains, ça ne passe jamais et il faut se destiner à autre chose. Et même pour ceux qui passent, ce n’est pas gagné pour autant. La route est longue et les possibilités de chutes nombreuses.
Pour se faire éditer, au sens pratique, c’est surtout le réseau qui joue. Il faut aller à la rencontre des auteurs, des éditeurs, montrer son travail (aux pros ou sur les réseaux sociaux). Aujourd’hui les moyens sont multiples. Chaque rencontre faite un jour peut être un marchepied pour plus tard. Donc, il ne faut pas négliger cet aspect. 

— Avant de revenir à des choses plus légères, j’ai cru comprendre que cet album est malheureusement endeuillé, suite à la disparition d’un de ses artisans… Souhaites-tu profiter de ces quelques lignes afin de lui rendre hommage ? 

— Oui, comme je l’ai mentionné plus tôt, JaeHwan, à l’instar de nombreux artistes asiatiques, travaille avec des assistants. Son principal assistant, responsable de cet encrage si authentique qui a fait la qualité de l’album, nous a malheureusement quitté en décembre 2020, lorsque l’album en était à ses deux tiers. Il a été très compliqué ensuite de lui trouver un remplaçant car je ne retrouvais pas la qualité de trait initiale. Un œil averti remarquera d’ailleurs quelques fluctuations de style en fin d’album, heureusement lissées par l’excellent travail de couleurs de Cyril. Nous avons fini par atteindre un résultat satisfaisant, bien qu’un peu différent, sur les dernières pages de l’album et la couverture. Merci donc au nouvel assistant qui a pris le relais et assurera le tome 2.

— As-tu des maîtres ou des sources d’inspiration dont tu aimerais nous parler (en bande dessinée ou dans n’importe quel art) ?

— Oulah, la bonne question ! Comme tout le monde, je ne me suis pas construit tout seul et mes références et goûts sont multiples. Je suis à la fois un enfant du franco-belge et du manga et j’ai grandi avec cette dualité qui fait aujourd’hui parfaitement partie de ma façon de raconter ou de dessiner.
Le seul « maître » que je me reconnais au sens strict, car son dessin est inscrit dans l’ADN du mien, c’est Akira Toriyama de Dragon Ball. J’ai toujours admiré l’incroyable pureté de son dessin, qui va à l’essentiel sans jamais faire d’erreur, et sa façon simple de nous raconter une histoire à partir de laquelle on peut sortir plein de sujets sans qu’il ait eu besoin de nous les asséner en pleine poire.
Mais encore une fois, les artistes que j’admire, passés ou présents, et même futurs, car je suis beaucoup de jeunes auteurs, sont très nombreux. Je n’ai qu’une seule certitude : ils sont tous meilleurs que moi et je n’ai pas fini de leur courir après pour ne pas me laisser distancer.

— Les éditions Soleil, c’est la maison-mère de Lanfeust. C’est de la BD avec une couverture cartonnée, du papier glacé et des couleurs riches. Qu’est-ce que ça fait de tenir en mains un de ces beaux objets et de lire son nom sur la couverture ? 

— C’est une fierté, bien sûr. Même si aujourd’hui Soleil est détenu par Delcourt, ça reste l’éditeur de toutes mes BD's de référence, du temps de mon adolescence. J’ai dévoré les productions Soleil, surtout entre 15 et 25 ans (1995 à 2005, grosso modo) et leur vision de la fantasy m’avait totalement embarqué. Il y avait Lanfeust, bien sûr, mais aussi  Zorn & Dirna qui est une série qui m’a complètement scotché à l’époque, tant graphiquement que scénaristiquement. (ndGriZZly : Zorn & Dirna est un de mes monuments bédéistiques à moi aussi et je me permets de conseiller à nos lecteurs de se jeter sur l'histoire de ces deux frères et sœurs, seuls vecteurs de mort définitive dans un univers de fantasy que la mort a déserté... c'est très beau et ça fourmille d'idées géniales !). 
Alors oui, voir mon bouquin estampillé du logo Soleil, ça me donne une sensation de fierté, d’accomplissement. Pour autant, encore une fois, je ne m’estime pas du tout au niveau des très grands auteurs qui ont fait les grandes heures de cette maison. Le syndrome de l’imposteur n’est jamais très loin.

— Et du coup, que penses-tu des bandes dessinées au format numérique ? 

— 
Personnellement, ma préférence va au papier, c’est comme ça que je me sens le plus à l’aise pour lire. Mais je n’ai rien contre les autres formats. Pour aller au bout du principe, je suis assez fan du concept vertical des webtoon optimisés pour la lecture sur smartphone. Je m’y suis frotté un peu et c’est une toute nouvelle façon d’envisager la narration. C’est très stimulant. Mais bon, à 40 ans presque passés, il semble que je suis plus attaché au papier et que je décroche plus facilement quand je tente de lire au format numérique. C’est peut-être générationnel ou juste moi qui commence à devenir "trop vieux" pour suivre les nouvelles tendances. Comme tous les médias, la BD va évoluer, mais ce n’est pas pour autant que sa forme traditionnelle est condamnée. Il en faut pour tous, et c’est très bien comme ça.

— Les bandes dessinées sont innombrables dans les rayons des librairies et, parfois, l’on s’y perdrait. Quels seraient selon toi les incontournables du genre que l’on se doit d’avoir lus (toutes origines et époques confondues) ? 

AKIRA de Katsuhiro Otomo... un incontournable !
— 
Je vais me contenter de citer mes incontournables à moi parce qu’évidemment, mes goûts ne sont pas absolus. Il y a pas mal de chefs-d'œuvre reconnus auxquels je reste hermétique, donc je ne peux pas généraliser.
Côté manga, mon incontournable, c’est Akira. C’est une œuvre magistrale, tant par le dessin que le scénario, et qui n’a pas vieilli. Pour beaucoup, dont moi, c’est le premier contact avec le manga "papier" dans les années 90, mais c’est aussi le plus abordable pour son format pas si éloigné de la BD traditionnelle de chez nous. Mes autres titres de référence en manga sont Dragon Ball, Gunnm, Kenshin le vagabond, Full Metal Alchemist, Dragon Quest, Saint Seiya et Bastard (dont je ne verrai jamais la fin, snif). Plus récemment, Naruto, One Punch Man ou encore My Hero Academia sont des titres que j’apprécie tout particulièrement.
Côté BD, c’est varié. L’incontournable français reste Astérix, tant pour la qualité du trait d’Uderzo que la finesse des scénarios de Goscinny. C’est un monument intelligent, accessible et diablement bien ancré dans l’analyse de la société française. Il suffit de voir comment on se prend la tête en ce moment pour se rendre compte que les querelles de village gaulois ne sont pas inspirées de nulle part.
Mon autre classique absolu, c’est Les 7 vies de l’Epervier. C’est pour moi un chef-d’œuvre, qui mêle avec brio histoire de France, drame historique, récit de cape et d’épée et une touche de fantastique, le tout servi par un dessin brillant qui ne fait que s’améliorer. Je l’ai découverte quand j’avais 15 ans au CDI de mon lycée, et je la relis régulièrement.
Au niveau des titres phares : Lanfeust, Rapaces, Skydoll, Sillage, Krän le barbare, mais il y en a tant d’autres. Ces dernières années, ma principale claque en BD, fut Charly 9. Ce récit historique mis en scène de façon hyper audacieuse m’a vraiment captivé.
Je suis aussi lecteur de comics, mais ce sont surtout des anthologies de super-héros, Star Wars, etc… et je ne suis pas assez calé pour citer des auteurs en particulier.

— Toi qui aimes l’humour dans la bande dessinée, quel est, selon toi, l’album de BD le plus drôle que tu aies lu ? 

— Alors, j’ai deux exemples : un en BD et un en manga. Et les deux n’ont rien à voir.
En BD, c’est Les Bidochon. Le trait de Binet, sa mise en scène de ces antihéros et encore une fois la critique sous-jacente d’une certaine idée de la beaufitude attachante, ça m’a toujours fait mourir de rire, parce qu’on se reconnaît dedans, quel que soit notre propre niveau de culture.
En manga, c’est Love Hina, dont les situations me faisaient me bidonner jusque dans les rayons des librairies. Potentiellement parce que j’étais moi-même un ado assez mal à l’aise avec la gent féminine en ce temps-là, et que les situations que rencontre le héros me faisaient m’identifier à lui facilement. 

— Pour ceux qu’Orépia aurait convaincus, peut-on savoir si tu as prévu d’en faire une série sur le long terme ? As-tu déjà un nouveau projet en cours chez Soleil ou ailleurs ? 

— 
Pour l’instant, on est parti sur 2 tomes, qui permettent de développer ce que j’ai à raconter. Si le public suit, j’ai l’idée d’un tome 3 qui pourrait apporter un chapitre supplémentaire et complémentaire au récit. Après ça, l’univers laisse des ouvertures nombreuses et la possibilité de multiples destins à aborder. Mais ça, on verra si les lecteurs en ont envie et si je trouve quelque chose de valable à raconter. Je préfère arrêter ma série quand j’ai dit ce que j’avais à dire, plutôt que de l’étirer sans fin (... l’honnêteté - et le peu de chances que ça arrive - me pousse à dire qu’en cas de gros succès, les perspectives financières me motiveront d’autant plus à trouver des idées... parce que bon, il faut avouer, comme tout le monde, j’aime bien gagner de l’argent !).
Pour être plus sérieux, je veux déjà que les lecteurs, qu’ils soient nombreux ou pas, prennent plaisir à lire ces deux tomes. Je n’ai aucune emprise sur ce qui adviendra par la suite, en bien ou en mal (ndGriZZly : lisez le tome 1, les gars : c'est très frais et ça donne envie de connaître la suite ; ce qui sera possible si vous le lisez !).
Côté projet, j’ai signé une série pour grands ados chez Glénat, que je dessine et scénarise et dont le tome 1 est prévu pour juin 2022. Je travaille aussi, en fond, sur un projet manga... mais il faut encore que je bosse pour atteindre le résultat escompté. 
Quant à Orepia 2, il est déjà en chantier et sortira vraisemblablement en septembre 2022, un an après le premier tome. Toujours chez Soleil, j’ai aussi scénarisé Nëkro (basiquement, c’est Tanguy chez les nécromants) qui sortira en deux tomes l’an prochain, avec le très talentueux Piotr Meneguzzo au dessin.

— Rêvons un peu : parmi les très nombreuses licences déjà existantes dans le monde des comics, des mangas et de la bande dessinée, à laquelle rêverais-tu de pouvoir un jour prêter ta plume, et pourquoi ?  

— Dragon Ball, parce que le kiff absolu ! Il y a pas mal d’adaptations vers la BD de titres japonais connus en ce moment. J’adorerais pouvoir proposer une histoire dans ce monde-là, en explorant un peu des perspectives avec mon méchant préféré (ndGriZZly : je sais qui c'est mais je ne le dirai pas, nananèreuh !). Mais bon, on est dans le domaine de l’utopie, à ce stade. Si ça se fait, je pense qu’il y aura d’autres auteurs bien plus talentueux que moi prêts à relever ce challenge haut la main. Il n’y a qu’à voir ce qui a été fait sur Albator et Goldorak (coucou les copains), c’est sublime (ndGriZZly : Fabien parle du Capitaine Albator par Jérome Alquié qui est effectivement hautement recommandable et du futur Goldorak par Xavier Dorison et Denis Bajram, déjà chroniqué en avant-première sur UMAC).

— Merci, Fabien, pour ta disponibilité. La tradition veut que l’on termine tous nos entretiens par une question rituelle… alors, la voici : « Si tu pouvais avoir un super-pouvoir, lequel serait-ce et pourquoi ? »

— Fut un temps où j’aurais donné des réponses assez basiques mais je crois qu’actuellement, ce dont j’aurais besoin, c’est d’un pouvoir de distorsion du temps. Entre le dessin, mon job de prof de SVT (eh ouais ! -ndGriZZly : nul n'est parfait, te répond le prof de français) et ma famille que je ne tiens pas à délaisser, j’aurais bien besoin de pouvoir rajouter quelques heures de travail et de sommeil à chaque journée. 
Merci à vous pour cette très chouette série de questions et, pour ceux que ça intéresse, n’hésitez pas à m’interpeler via mes pages Facebook, Instagram ou ma chaîne Youtube. J’essaie toujours autant que possible de répondre à tout le monde (ndGriZZly : je confirme, cet entretien en est la preuve !).
À bientôt !