X-Force : Sexe + Violence
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Et non, il ne s’agit pas d’un habile commentaire destiné à booster le référencement Google : X-Force Sexe + Violence est bien le titre d’une  mini-série de Craig Kyle & Christopher Yost, peinte par Gabriele Dell’Otto, et trouvable en français dans la collection Marvel Graphic Novels dans son édition Panini de décembre 2010. 
Il faut avouer que le sous-titre choisi aura le don d’attirer aisément le chaland, même (et surtout) s’il n’est pas vraiment amateur d’histoires de super-héros. Et que cela constitue sans effort un véritable piège à clics. Choix éditorial loin d’être anodin.



Cela dit, faut-il y voir enfin une opportunité pour qu’on insère volontairement des scènes de sexe explicite entre nos mutants préférés ? Parce qu’en dehors d’habiles sous-entendus et d’une liberté de ton plus prégnante depuis une dizaine d’années, le genre demeure convenablement soumis à des restrictions inamovibles pour la plupart de ses séries grand public. Oh, pour ce qui est de la violence, les limites américaines sont nettement moindres : Clayton Crain par exemple nous avait déjà abondamment servis sur les précédents épisodes de X-Force. Toutefois, en dehors de silhouettes voluptueuses à peine couvertes de tenues à même la peau, force était de constater que la nudité et les ébats sexuels n’avaient pas leur place dans les cases super-héroïques – hormis dans certaines séries orientées adultes.
Regardons-y de plus près.

Domino
revient, gravement blessée, à la base des X-Men pour se faire soigner par Elixir. Sommée d’expliquer son état par Wolverine, elle y consent de mauvaise grâce : elle aurait accepté une mission pour la Guilde des Assassins, histoire de se faire un peu de fric, mais ces derniers sont tombés sur la Main… et on connaît l’irascibilité de ces ninjas au nombre inépuisable.

Le résultat, bien que mitigé quant à l’impact sur l’avenir des équipes X, est assez satisfaisant : ça se lit vite (du coup, on se demande si ça mérite le prix auquel c’est vendu – 14 € quand même !) et l’intrigue proprement dite n’a rien de révolutionnaire, d’autant que les X-Force se voient réduits, sur 90 % du scénario, à Wolverine et Domino. La fin, en outre, est un peu téléphonée.

Bigre... dit comme cela, ce n'est pas vraiment une réussite.

Pourtant, reconnaissons que c'est assez jouissif. Kyle et Yost, habitués des tribulations de nos mutants, s’amusent réellement avec des dialogues vifs bourrés de sous-entendus, où la gouaille de Logan est régulièrement éclipsée par le tempérament très "rentre-dedans" d’une Domino qui n’a jamais été aussi séduisante. D’autant qu’ils ne nous ennuient pas avec des discussions interminables (qu’on aurait pu craindre puisque ça commence par une confession de Domino quant à l’origine de ses blessures) : les Assassins de Belladonna disposent de ressources aussi intarissables que la Main, et nos deux héros auront fort à faire pour se sortir des multiples traquenards que ces organisations criminelles leur tendront. Ça va donc défourailler sec, et les griffes de Wolverine trancheront dans le vif, découpant les têtes et les membres et transperçant les torses ; le sang giclera à profusion.

Et que croyez-vous donc que feront nos deux mutants boostés d’adrénaline à chaque pause après ces combats dantesques ? Ouaiiiis, vous devinez. C’est que Domino est loin d’être insensible aux regards que lui porte un Logan qui, décidément, a le chic pour tomber les filles farouches (mais qu’est-ce qu’elles lui trouvent, non mais franchement, quoi ?). Bref, c’est fougueux, torride et… ben juste fougueux et torride. C'est-à-dire qu’on n’en verra guère davantage et il faudra donc laisser libre cours à votre imagination libidineuse si l’envie vous prenait d’explorer les possibles.

Peut-on dès lors parler d’arnaque ? Plus ou moins, on n’est pas loin du produit purement commercial qu’étaient les X-Women dessinées par Manara : à part des jupettes raccourcies, des poses alanguies et des sous-entendus lubriques, l’album confié à l’artiste érotique italien ne proposait rien de croustillant à se mettre sous les yeux, d’autant que le scénario était infiniment plus passe-partout, voire ridicule.

Non que le contenu qui nous intéresse soit vraiment plus folichon : on a vu beaucoup mieux, plus dense et surtout plus novateur. Il y avait la place de proposer un script plus ambitieux, d’autant que la priorité n’était donc pas à la sacro-sainte continuité. Donc, on est loin du one-shot indispensable.
Néanmoins, le fait est que le récit s’avère plutôt accrocheur. D’abord parce que les planches de Dell’Otto offrent ici un dynamisme inhabituel (le fait est qu'il pouvait être profondément ennuyeux sur les séries précédentes - trop poseur, trop statique, plus graphiste que dessinateur) : sans doute parce qu’il ne s’agit pas de dessin au trait, les visages acquièrent plus de tonus et s’étoffent d’expressions d’une rare richesse (Domino, tour à tour enjôleuse, mutine, féroce ou sadique, est très réussie). Ensuite parce que l’illustrateur romain n’a pas cherché à réinventer l’équipe (comme son compatriote Simone Bianchi l’avait tenté sur les X-Men avec des costumes surchargés, transformant Tornade en une sorte de déesse de la mort asgardienne) mais s’est vraiment approché du remarquable travail de Clayton Crain (certaines attitudes, surtout dans les visages en contre-plongée, sont similaires - vous pouviez en avoir un aperçu dans Le Sauveur, cf. cet article). 

Et puis, la plupart des séquences d’action demeurent enfin lisibles tout en témoignant d’une perpétuelle recherche esthétique. C’est suffisant pour en faire un album agréable, plutôt fun et décomplexé.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une ambiance graphique réussie, avec des dessins servant bien la dynamique du récit.
  • Des personnages charismatiques parfaitement bien rendus.
  • Une violence mesurée mais bien présente, proportionnelle aux menaces bien réelles qui pèsent sur nos héros.
  • Une histoire menée tambour battant.


  • Une orientation sexuelle fallacieuse (on ne va guère plus loin que dans les récits mainstream).
  • Un scénario sans envergure ni nouveauté.