Wolfskin
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À la fin des années 2000, Warren Ellis, sans doute pour changer un peu des histoires de super-héros auxquelles il s'adonnait depuis plus de quinze ans (il a commencé à écrire pour Marvel dès 1994 cf. notre dossier sur l'auteur), et peu après la publication de son premier roman, a fait un petit détour par l'heroic fantasy, plus précisément cette sword & sorcery naguère mise à l'honneur par les aventures de Conan le Barbare, en s'intéressant aux pérégrinations d'un guerrier nordique dans les contrées hostiles de l'Europe centrale.

Ça a donné la mini-série Wolfskin, dont les premiers épisodes ont été dessinés par Juan José Ryp (ils avaient travaillé ensemble sur No hero et Black Summer) qui sont trouvables en France dans un album broché de la collection "Milady Graphics" chez Bragelonne, complétés par un autre épisode dispensable et une belle galerie de couvertures originales

Le contexte rappellera aux amateurs la série Thorgal (malgré des noms différents, on évoque les mêmes territoires et peuplades dans une époque similaire), sauf qu'Ellis et Ryp s'en donnent à cœur joie dans l'éviscération et la décapitation : le personnage principal, un "Peau-de-loup", est un guerrier féroce, tenace, plutôt malin et bretteur émérite, doté qui plus est d'une force spectaculaire (imaginez un grand guerrier viking capable de manier d'une main une épée longue ! Parfait personnage pour un rôliste à tendance grosbill) ; cependant, lorsqu'il est sous l'emprise des « têtes noires », les champignons sacrés de Wrod, son dieu de la mort, le voilà qui vire berserk ! Et c'est parti pour des pages entières sans texte, inondées du sang des malheureux adversaires de ce Lone Ranger des âges farouches : les têtes volent, les membres tombent, les tripes se déversent par les profondes entailles portées par ses deux armes de prédilection. Au besoin, il peut aussi défoncer des crânes à coups de marteau... 

À un contre dix, il garde l'avantage, ses sens suraiguisés lui permettant d'anticiper les pièges éventuels. En outre, doté de cette sagesse conférée par d'innombrables combats, il sait les éviter lorsque c'est possible et ne laisse pas aisément manipuler ou attendrir. Solitaire survivant des siècles sauvages, tel un John Wick des temps anciens, notre héros ne parle que lorsqu'il y est contraint - et le bougre n'est pas avare de bons mots.

Mais alors que Conan, cet autre fier-à-bras, ne craignait pas grand-chose en dehors de la magie, et respectait les cultes de ses adversaires, le Peau-de- loup ne recule que devant les machines : l'un des belligérants brandit en effet une sorte de mousquet rudimentaire (rappelez-vous les boute-feux dans Princesse Mononoké), arme qu'il considère juste bonne pour les traîtres et les veules qui frappent de loin, mais dont il connaît le pouvoir destructeur.

L'ensemble aurait pu être écœurant, cela dit, ou agaçant et répétitif, d'autant que le scénario ne brille guère par son originalité (notre fier barbare se trouve pris entre deux clans qui se disputent un village, chacun cherchant à s'attirer ses faveurs pour faire pencher la balance). Néanmoins, grâce à quelques répliques bien senties où pointe l'ironie mordante du Ellis de Supergod, ainsi qu'à une vision assez lucide des cultes qui régentent la vie des peuples en cette ère trouble, le lecteur tolérant devrait passer un bon moment, plein d'hémoglobine et de fureur. 



+Les points positifs-Les points négatifs
  • Un récit enlevé, brutal et sanglant, sans aucune concession sur la violence.
  • Une vision intéressante d'un âge proto-médiéval où la magie est quasiment absente.
  • Une édition française soignée.


  • C'est parfois très gore. Trop ?
  • Une histoire sans aucune originalité.
  • Plus disponible neuf en français.