Pump up the Volume
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Retour sur un teen movie pas si sombre qu'il le voudrait, mais pas si bête non plus : Pump up the Volume.

C'est en 1990 que sort ce film d'Allan Moyle, dont la promotion va être plus que marquante pour les adolescents de l'époque puisque sont distribués, dans les cinémas, de jolis autocollants représentant... un bon gros fuck. Autocollants qui orneront la plupart de mes affaires scolaires cette année-là. Ridicule mais, sur le moment, ça paraît être une idée cool. Tout comme ce film d'ailleurs, au charme certain mais aux défauts évidents.
Mais commençons par le pitch.
Mark Hunter, interprété par un Christian Slater de 21 ans, est un lycéen mal dans sa peau qui vient de débarquer dans une petite ville de l'Arizona. Il est plutôt solitaire, timide, mais le soir, dans sa cave, il se transforme totalement en endossant la personnalité de "Harry la trique" sur les ondes. Son émission de radio, au ton libre et percutant, va bientôt passionner les élèves de son bahut et entraîner l'ire de certains professeurs.

La scène d'intro, sur Everybody Knows (voir encadré), qui sera également repris par Concrete Blonde, donne le ton. Le film se veut sombre, désespéré, rebelle. Et il en a les codes, à défaut du cadre. Le casting est sympa (avec notamment une Samantha Mathis envoûtante), certaines scènes ont un vrai potentiel dramatique et l'atmosphère musicale est parfaite. Mais le fond, en l'occurrence la rébellion adolescente, est ici bien mal traité. Pour une raison évidente : on ne comprend pas du tout contre quoi ces jeunes sont en guerre.

Sur le moment, quand j'ai vu ce film (alors que j'étais plus jeune que le personnage), je n'ai pas spécialement trouvé quoi que ce soit à redire. Mais l'ayant revu récemment, un élément pourtant crucial m'a frappé : la révolte mise en scène dans le film n'est justifiée par rien.
Déjà, l'époque est très mal choisie. La fin des années 80 ou le début des années 90, c'est un peu le "golden age" des ados, il peut y avoir des exceptions individuelles, bien évidemment, mais globalement, la société a totalement intégré l'adolescent en tant qu'être humain éprouvant des sentiments. Et en tant que consommateur, ce qui lui vaudra encore plus de respect. On est très loin du rigorisme des années 50 (qui aurait justifié un sentiment de colère).

Bon, si l'époque ne se prête pas au propos, c'est simple, il suffit de décrire un lycée particulièrement épouvantable, avec des profs injustes, des violences, etc. Et c'est un peu ce que va tenter de faire Moyle, également auteur du scénario, mais bien maladroitement.
Il y a bien des magouilles dans ce bahut, mais on ne les apprend qu'à la fin (et ça consiste à virer les élèves indésirables, ce qui se faisait déjà dans des tas de bahuts privés, même à l'époque). C'est insuffisant pour que les personnages principaux, héros de l'histoire, puissent faire face à une menace perçue comme terrible. 
En fait, il y a des profs sympa dans ce lycée. Il est plutôt moderne, propre, les scènes se déroulent en plein soleil, tout à l'air plutôt agréable. Même Hunter, tout replié sur lui-même qu'il soit, ne se fait pas malmener par les caïds habituels. En fait, le lycée décrit est non seulement normal, mais on a l'impression qu'il y fait bon étudier (ou glander). Il n'y a qu'un seul véritable drame dans tout le long-métrage, et il n'est pas lié directement au lycée (et encore moins à Mark). C'est trop peu pour donner à l'ensemble un ton grave et une justification. 

Et le pire, c'est bien entendu le personnage principal, le fameux Mark Hunter. Il ne parle à personne, il est complètement renfermé sur lui-même, il est en conflit plus ou moins larvé avec ses parents, il est totalement déprimé et désabusé, crache sur la société, etc. Très bien, mais il faut à ce moment-là qu'on puisse percevoir ses motivations, pourquoi il souffre, ce que ses proches ou la société lui ont fait. 
Or, en fait de "souffrance", on va se rendre compte que Mark a une vie de rêve : ses parents sont très cool avec lui, personne ne l'emmerde au bahut, il se fait même draguer par une nana mignonne, et surtout, il dispose chez lui d'une sorte de mini-appart privé (la cave) où il bénéficie, en plus d'une grande intimité, de toute la technologie du moment : chaîne hifi, téléphone et même... une station de radio. Pas un poste de radio, pour écouter la radio, une station de radio privée, pour émettre. Mais mec, moi quand j'étais au lycée, j'aurais donné une couille pour avoir sa vie !

Et c'est tout cela qui ne va pas. Le ton, la forme, sont bien trop graves et sombres alors que, au final, Mark est un privilégié, scolarisé dans un bahut normal et ayant des parents aimants et pas trop chiants (ils sont même contents quand ils le découvrent dans sa cave avec une fille). À part lui filer directement de la coke et des putes, je ne sais pas ce que maman et pôpa Hunter peuvent faire de plus pour que le petit Mark soit content. 
Ce décalage entre la souffrance ressentie par le personnage et sa situation quasi idéale font que la révolte, pourtant au cœur du film, paraît bien fade et artificielle. Pire, quand il tente de mobiliser son auditoire, avec des "talk hard !" (traduit par "dites des horreurs !"), cela semble vain et même quelque peu ridicule. 

Pourtant le film n'est pas mauvais. Il évite même certains écueils de Breakfast Club (avec des adultes bien trop vieux jouant des lycéens, et des personnages trop caricaturaux), autre film sur le mal-être d'adolescents nantis ou, en tout cas, pas si mal lotis. Pump up the Volume a ce charme désuet - et quelque peu pathétique - des œuvres qui ont mal vieilli et dont les rides laissent voir des défauts qui n'étaient pas forcément évidents en 1990. Mais après tout, n'est-ce pas cela aussi, le mal-être adolescent : être révolté, quelle que soit sa situation, et souffrir, quel que soit le bonheur que l'on s'ingénie à ignorer ? Et puis, il reste tout de même cette idée, folle et fabuleuse, que quelques mots prononcés sur les ondes peuvent libérer celui qui les prononce et aider celui qui les entend. De nos jours, où ce qui nous paraissait naguère évident devient de plus en plus menacé, ce message pourtant simple prend une résonnance particulière.


Extrait de Everybody Knows, de Leonard Cohen.

Everybody knows that the dice are loaded
Everybody rolls with their fingers crossed
Everybody knows the war is over
Everybody knows the good guys lost
Everybody knows the fight was fixed
The poor stay poor, the rich get rich
That's how it goes
Everybody knows

Everybody knows that the boat is leaking
Everybody knows that the captain lied
Everybody got this broken feeling
Like their father or their dog just died
Everybody talking to their pockets
Everybody wants a box of chocolates
And a long-stem rose
Everybody knows





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le casting.
  • La musique.
  • Le charme de l'ensemble, désuet mais certain.


  • Le manque de justification à l'esprit de révolte qui souffle sur le récit.
  • Le côté parfois "petit con" de Mark Hunter.