First Look : Thorgal
Publié le
12.4.17
Par
Vance

Qu'est-ce qui a fait le succès sur quatre décennies de cette saga ? Sans doute ce syncrétisme particulier, cher à Jean Van Hamme, entre plusieurs genres et styles. On ne présente plus le talent à géométrie variable de cet auteur bruxellois qui a accumulé les honneurs dans tous les domaines de l'écriture : plusieurs fois lauréat du meilleur scénario de BD et notamment pour Thorgal mais aussi pour l'universellement renommé XIII, il a également été titré dans le cadre de la littérature dramatique et a rédigé des scripts pour le cinéma et la télévision. Sans doute aussi grâce à l'acuité et la beauté formelle du trait de Grzegorz Rosinski, graphiste émigré de Pologne et très justement récompensé de nombreux prix du meilleur dessin (rien que pour Thorgal, en 1983 le Grand Prix Saint-Michel, en 1987 l'Athis d'Or).


Le récit avance vite, les péripéties s'enchaînent (Slive parvient à se venger de Gandalf et l'emmène en captivité mais tombe dans un guet-apens qui permet au roi fou de s'échapper, quoique blessé). On se retrouve automatiquement frustré, d'autant que l'histoire s'achève si vite qu'il en faille une autre pour emplir l'album, une sorte de nouvelle fantastique sur le thème de la vallée perdue et hors du temps. Thorgal est encore en devenir mais on apprécie déjà le personnage, tout comme le trait précis et fluide de Rosinski, déjà assez proche de son summum (qu'il atteindra moins de dix ans plus tard avec la saga du Pays Qâ). Le découpage est efficace et on apprécie la grâce implacable des mouvements dans les rares situations de combat, ainsi que l'intensité des regards. Les visages n'ont toutefois pas encore cette méticulosité qui frappera l'œil du lecteur dans les futurs albums, les paysages manquent de relief et la colorisation s'avère perfectible. Enfin, le lettrage demeure le point faible de l'album avec des phylactères mal définis, surtout dans les premières pages, et des lettres manquant de rigueur et de régularité, sans toutefois comporter de coquilles gênantes - cela va d'ailleurs en s'améliorant.
La Magicienne trahie, on s'en doute, n'est pas le meilleur épisode de la série, loin s'en faut. C'est de l'heroic-fantasy légère avec un background encore mal dégrossi : si le second récit, Presque le paradis..., nous évoque les alentours de l'an mille, l'historien amateur, au fil des aventures épiques de Thorgal, y verra plutôt de nombreuses allusions à des événements et personnages des VIIe et VIIIe siècles. On est loin des Vikings entreprenants et sauvages de la série TV éponyme et on n'aura jamais la moindre allusion aux royaumes britanniques ou à celui des Francs (bien que Brek-Zarith pourrait se situer en Écosse et que les derniers volumes semblent parler d'un empereur occidental ressemblant à Charlemagne). Cependant l'irruption d'éléments de SF dans la saga, et très tôt, conduit à définir un univers autrement plus vaste que celui conscrit aux fjords nordiques : oui, oui, il y aura aussi des vaisseaux spatiaux, des pistolasers et même des voyages temporels ! Une série à nulle autre pareille, d'une richesse insensée, qui commencera vraiment à se dévoiler dans le déjà excellent les Trois Vieillards du Pays d'Aran (le tome 3 de la série).
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