Contest of Champions
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Un album Marvel Deluxe (2018) comportant les dix épisodes de la mini-série écrite par Al Ewing et illustrée par Paco Medina.

Heureusement pour le lecteur occasionnel, une introduction (pour une fois) pertinente nous annonce qu'il s'agit de la libre adaptation d'un jeu vidéo édité par Kabam en 2014, lui-même inspiré par la série portant le même nom, publiée par Marvel dans les années 80.
Est-ce pour autant plus clair ? Pas vraiment, d'autant qu'on nous prévient que la lecture de l'event Secret Wars (cf. cet article) expliquerait certaines choses, comme le fait que des failles existent dans la nouvelle réalité mise en place après l'effondrement de Battleworld, cet univers créé de toutes pièces pour y voir des super-héros venus de partout se mettre sur la gueule pour le bon plaisir de leur ancien suzerain, Fatalis (toujours dans les bons coups dès lors qu'il s'agit d'acquérir un maximum de pouvoir, rappelez-vous Fatalis Imperator).

Cette fois, au sein des ruines de cet univers alternatif, deux Doyens de l'Univers vont retrouver le goût des affrontements qui ont peuplé leur vie interminable. Les protagonistes ? Le Collectionneur et son frère, le Grand Maître lui-même. L'enjeu ? Une sphère d'énergie primale capable, à condition qu'elle soit complète, de commander à la réalité elle-même ; or, les deux adversaires n'en disposent que d'une partie, chaque victoire leur apportant un fragment de ce que possède le vaincu. Le dispositif ? Des duels entre des équipes de cinq combattants (sans compter les doublures autorisées) issus de tous les univers parallèles, même si, par principe, le Collectionneur répugne à puiser dans sa propre réalité. 
L'on verra ainsi des versions alternatives de Hulk, Iron Man ou du Punisher. Les deux Doyens font appel à un "rabatteur" pour faire le sale boulot, une sorte de pièce maîtresse qui disposera les pions à leur guise. Sauf que choisir Maestro, ce Hulk issu d'un futur dystopique qui l'a vu régner sur une Terre dévastée, n'est pas la meilleure idée qui soit : un loup peut-il se transformer en agneau ?
Un maître peut-il accepter de se conduire en valet ?


On le voit, rien d'original dans les dispositions préludant à la conception de la série : des êtres d'une puissance inouïe trompent leur ennui en lorgnant sur un pouvoir presque illimité et, plutôt que d'engendrer une guerre monotone, choisissent le biais du duel ludique, suivant des règles établies à l'avance. On voit donc des super-héros (mais aussi des super-vilains) kidnappés de leur propre réalité pour se retrouver dans une arène de combat aux décors fluctuant suivant les désirs des maîtres de Battlerealm, cet espace disloqué composé des fragments de Battleworld.
On a bien du mal à se dissocier du concept du jeu vidéo, nonobstant l'accent porté sur les manigances d'un Maestro bien décidé à ne pas se laisser manipuler longtemps ; les agissements mystérieux d'un Stick (le maître de Daredevil et Elektra) ; ou l'enquête menée par la super-agente coréenne Renarde Blanche, recherchant les circonstances de l'étrange disparition de son homologue Gun-R.

En face, malgré leur sagesse censée être à l'aune de leur âge cosmique (ils sont vieux comme l'univers), les Doyens semblent toujours aussi naïfs de croire que les humains suivront béatement leurs volontés. Pour ceux qui s'en souviennent, on les avait vus tous céder un à un face au seul Thanos lorsque ce dernier avait entrepris d'empocher les gemmes de l'Infini - dans le prologue de la première saga de l'Infinity Gauntlet. La roublardise du Grand Maître ou l'avidité du Collectionneur ne pèsent jamais bien lourds, et on a vraiment l'impression qu'ils peinent à tirer les leçons de leurs échecs passés.

L'intérêt est ailleurs, et notamment dans les agissements en sous-main de Maestro, le personnage le plus développé et le plus captivant avec un surprenant Stick et l'étrange Guillotine. Cette dernière a au moins le mérite d'intriguer : une Française qu'un ancien serment familial condamne à porter une épée démon très semblable à la Stormbringer de la saga d'Elric le Nécromancien (par Moorcock) ne peut qu'exciter la fibre patriotique qui pulse en chacun de nous.
Al Ewing parvient néanmoins à ouvrir quelques portes vers des histoires plus convaincantes et réussit à gérer efficacement la ribambelle parfois stupéfiante de super-héros rassemblés ici. Ce petit humour piquant surgissant au travers de quelques répliques bien senties ou de running-gags dérisoires donne un peu plus de sel à des affrontements rarement aussi explosifs qu'attendus : sur le papier, par exemple, Sentry pourrait tous les balayer d'un éternuement, mais sa psyché totalement volatile l'empêche d'en faire un combattant d'élite.
Malgré l'avalanche de variant covers disséminées dans l'album qui nous promettait monts et merveilles, on n'aura pas de duel Wolverine/Deadpool ou Thor/Hulk Rouge même si on aura la surprise de trouver une nouvelle équipe d'Avengers issue d'une dimension où Iron Man lui-même s'est mué en Iron Patriot...

Délassant, mais pas vraiment convaincant.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Des dessins soignés dans des décors souvent intéressants, sous les crayons de Paco Medina.
  • Une idée basique mais susceptible de proposer des confrontations musclées et inattendues.
  • Des personnages intrigants ourdissant de sombres machinations tandis que d'autres tentent de survivre pour des raisons qui leur échappent.
  • Une vision décalée de certains possibles avec des réalités alternatives parfois surprenantes.
  • Des nouveaux venus au grand potentiel.
  • Un grand choix de couvertures variantes.
  • Un humour bienvenu.

  • Un scénario prétexte qui a bien du mal à convaincre malgré les ressorts développés par Al Ewing.
  • Des combats décevants par leur brièveté, frustrants par leur résolution.
  • Des Doyens finalement ridicules par leur puérilité.