The Art of Self-Defense
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La figure idéalisée du Sensei.
Original et drôle, The Art of Self-Defense est probablement la comédie référentielle à ne pas rater cette année !

Casey est un type banal, discret, timide, se faisant malmener par ses collègues de travail ou par un simple inconnu qui cogne sa voiture sur un parking. Après une violente agression qui a failli lui coûter la vie, Casey a même du mal à sortir de chez lui. Et puis, un jour, il entrevoit un début de solution, une planche de salut : des cours de karaté.
Il découvre alors le monde de Sensei, un enseignant pour le moins particulier. Sensei est tout ce que Casey n'est pas : viril, fort, sûr de lui. Casey se lance à corps perdu dans la pratique de cet art martial qui le fascine tant et pourrait faire de lui ce qu'il a toujours rêvé d'être.
Mais... tout ne va pas forcément très bien se passer.

Sorti en juillet dernier aux États-Unis, il est à craindre que The Art of Self-Defense ne soit présent, en France, que dans certains festivals (comme celui de Strasbourg, en septembre dernier). On ne voit en tout cas même pas poindre une sortie vidéo à l'horizon. Ce qui est complètement fou, car ce film est incontestablement bon et, en tout cas, incontestablement novateur dans son approche second degré (sans être tout à fait parodique) des films d'arts martiaux.
Le réalisateur est Riley Stearns, et c'est Jesse Eisenberg que l'on retrouve dans le rôle principal. Et ça dure 1h44. Voilà pour les infos "techniques", voyons maintenant de quoi il retourne.

Le personnage principal face à des rites sociaux qui le dépassent.


Ce film n'est pas tout à fait sérieux (il s'amuse des codes du genre avec une aisance jubilatoire), ce n'est pas non plus tout à fait une parodie (il y a bien une véritable histoire et même une forme de "morale"). En fait, l'on peut être dérouté dans un premier temps (et même dans un second temps), mais c'est tellement bizarre, hilarant et efficace que l'on reste scotché tout du long.
Évidemment, impossible ne de pas penser à un Karate Kid, voire encore plus à un Karate Tiger (moins connu mais très proche par la violence et la "figure" de l'enseignant, alors représenté par le fantôme de Bruce Lee). Tous ces films ont contribué à véhiculer, à une époque, une image romancée, violente et peu nuancée du karatedo (à mille lieues des véritables arts martiaux, cf. notamment ce long entretien avec Maître Roland Habersetzer). The Art of Self-Defense s'amuse ainsi des fausses promesses, du culte de l'apparence et des raccourcis idiots qui ont découlé de ces films, il est vrai, simplistes au possible.

Dans le vestiaire, il se passe pas mal de choses aussi.
Ainsi, la représentation de la "virilité" est un sujet permanent de gags tellement elle est exagérée par un "enseignant" à la vision passéiste et limitée. De la même manière, le dojo, les ceintures, les règles à respecter sur le tatami, tout est à la fois suffisamment empreint de vérité pour tenir la route et pourtant absurdement exagéré et tordu. Attention, il ne s'agit pas de se moquer des arts martiaux et de ceux qui les pratiquent, mais bien de l'image qu'en donne (ou a pu en donner) un certain cinéma.
Cette quête de la "réponse magique", de la facilité, de la recette miracle, est parfaitement retranscrite ici, dans un second degré assumé qui atteint régulièrement un double but : faire rire tout en donnant une piste de réflexion sur le sujet.
Certaines scènes ou répliques sont aussi surprenantes que drôles. Que ce soit la réaction de Casey à la sollicitude de son patron, la manière dont est mort le Grand Maître du dojo (j'en ai chialé de rire tellement je ne m'y attendais pas), ou le combat final, dont je ne peux malheureusement rien dévoiler (pour le coup, ce serait vraiment un spoiler).

Et mine de rien, il y a un vrai "fond", un véritable propos, qui amène une réflexion sur ce que doit être ou faire un "véritable" homme, sur la violence et son contrôle, sur les fausses chimères vendues trop vite par des gourous malintentionnés, sur l'humilité, sur la manière d'avaler les saloperies du quotidien sans devenir soi-même un salopard...
Un divertissement qui propose quelque chose d'aussi riche, sans même en avoir l'air, sans le côté prétentieux que peuvent avoir certains films "d'auteurs" franchouilleux, c'est clairement une bouffée d’oxygène dans un monde vicié. Quel dommage que ce long-métrage ne sorte pas en salles...

Bref, c'est excellent. Pour peu que l'on aime sortir des sentiers battus. Et que l'on ait les bonnes références. Par contre, il existe une VF qui circule à l'heure actuelle, et j'avoue que... je ne sais pas si c'est de la merde ou du génie. C'est doublé façon telenovelas, ces soaps latinos qui sont devenus cultes tellement les voix françaises sont nazes. Là, c'est pareil, le ton est si bizarre que je me demande si ce ne sont pas des particuliers qui ont pondu ça. Ou alors, c'est fait exprès pour parodier certaines adaptations de films d'action. En tout cas, comme d'habitude, mieux vaut opter pour la VO.

Ultra-conseillé !

L'une des meilleures scènes du film.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Drôle.
  • Original.
  • Des références martiales et cinématographiques parfaitement employées.
  • Un vrai fond malgré le côté divertissant et "pas sérieux".
  • Quelques scènes véritablement violentes et drôles, sans pour autant verser dans le burlesque, ce qui est peu commun. 

  • Ça ne viendra probablement pas chercher (ou moins disons) les spectateurs qui n'ont pas les références adéquates en ce qui concerne un certain cinéma d'action des années 80/90.