Wolverine : Ennemi d'état
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Fin 2004, Marvel balançait une bombe, usant d'une de ses armes de prédilection : Wolverine, personnage charismatique dont le potentiel, pas encore complètement exploité (on verra par la suite des scénaristes aller encore plus loin dans l'exploration des limites du mutant canadien), permet aux auteurs les plus ambitieux de développer des récits à la limite de la censure maios reposant également sur les inévitables quêtes d'humanité, de rédemption et de vengeance.
On associa Mark Millar, alors en plein boum avec l'éditeur des X-Men et des Avengers, avec ce vieux routier (et déjà partenaire sur Kick-Ass ! - cf. ce dossier) qu'était John Romita Jr à partir d'un pitch aussi évident qu'alléchant : Wolverine contre... eh bien, tous les super-héros !


Le genre de promesses que l’Écossais sait parfois tenir, habitué des propositions surprenantes, audacieuses, fascinantes, mais qui ne parviennent pas toujours à trouver une conclusion satisfaisante. Il n'empêche que ses Ultimates faisaient alors l'unanimité, et son travail sur Ultimate X-Men avait marqué les esprits (cf. cet article).

On savait donc le créateur de Wanted ou Superman : Red Son capable de démarrer tambour battant, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Millar ne fait pas dans la dentelle puisqu'il parvient à se réapproprier le matériau de base avec une audace jouissive. Avec autant de respect que d'efficacité, limitant le temps d’exposition, il nous fait entrer dans cette intrigue sur des chapeaux de roues avec une idée de base rien moins que stimulante : faire du "gentil" Logan l'ennemi public numéro 1, recherché par toutes les agences gouvernementales et menaçant jusqu'à l'équilibre géopolitique du moment. Mais... comment a-t-il viré de bord ? Et surtout, pourquoi ? La faute à une organisation vieille comme le monde qui a vu beaucoup trop souvent ses projets funestes contrariés par les actions de notre héros au squelette d'adamantium : la Main, dont les membres semblent innombrables et qui se trouve capable de recruter des morts. La Main a déjà fait le coup avec Elektra, mais, sous l'impulsion de Gorgone, ses ambitions sont décuplées : créer une armée de méta-humains en les tuant et en les retournant contre leurs anciens alliés. Et voilà que le plus célèbre des mutants griffus tombe entre les mains de... la Main (oui, elle était facile !).



Les amateurs de Wolverine vont peut-être tiquer sur le fait qu’il se fait avoir un peu facilement (le postulat de Millar se fondant entre autres sur cet ennemi redoutable et apparemment invincible qu'est Gorgone - il fallait bien commencer par une sorte d'Everest pour notre héros à la peau dure qui s'était déjà sorti des pires cauchemars). D'autres argueront sans doute d'un air de déjà-vu (rappelez-vous le somptueux run de Jim Lee sur les X-Men en 1990, où un Logan diminué, en proie à des hallucinations, se voyait capturé par la Main qui tenta comme à son habitude de procéder à un lavage de cerveau, aidé en cela par la puissance du Mandarin et l'aide forcée d'une Psylocke déjà conditionnée). Il n’empêche que faire du mutant griffu une menace contre l’ordre établi (il a pour tâche de s’attaquer au S.H.I.E.L.D., aux Fantastiques, aux X-Men et même au Président des États-Unis !) constitue une gageure parfaitement maîtrisée par un auteur totalement à son aise multipliant les confrontations musclées et sanglantes et mettant habilement en valeur le potentiel déjà énorme du "Meilleur dans sa partie".
Il se trouve bien secondé par un John Romita Jr qui n’aime rien tant que les combats brutaux et les destructions massives, au détriment sans doute - c'est assez évident ici - de la science du combat et de l’agilité des protagonistes ; Logan y apparaît ainsi un peu trop pataud, massif, manquant de cette félinité que d'autres artistes ont su bien mieux rendre. Quant à  Elektra, on se rend compte qu'elle y perd tant en féminité qu'en souplesse, deux de ses caractéristiques principales pourtant. Les affrontements s'enchaînent sans temps morts, la tension monte en même temps que les doutes des anciens alliés tandis que les stratégies mises au point pour stopper Logan s'effondrent les unes après les autres.Comme lorsqu'il incarnait l'un des Cavaliers d'Apocalypse, Wolverine s'avère la parfaite incarnation de l'inéluctabilité : implacable, incoercible.

La seconde partie (Agent of S.H.I.E.L.D.), tout aussi réjouissante par son prétexte (s'il y a une chose que Logan ne supporte pas, c'est qu'on l'utilise contre son gré, et il y a bien peu de choses au monde capables de l'empêcher d'exercer des représailles), table sur quelques ficelles un poil plus grossières, une conversion à l’envers beaucoup trop rapide et une croissance exponentielle du nombre de victimes. L’ensemble fera date dans la série sur Wolverine, relançant Logan dans ce qu’on le préfère voir faire : se venger.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un postulat incisif et alléchant.
  • Des confrontations musclées, des duels impressionnants.
  • Un récit mené à toute allure.
  • Une connaissance impressionnante de l'univers Marvel avec en outre quelques anecdotes visant à moderniser certains concepts.
  • Un passage en revue d'un grand nombre de héros, de formations et d'ennemis.

  • Quelques facilités plus ou moins acceptables selon l'idée que l'on se fait de Wolverine.
  • Un super-vilain bien trop puissant, simplement parce qu'il fallait donner du fil à retordre au héros.
  • Un tempo soutenu, au détriment parfois de la narration.
  • Une partie graphique certes impressionnante dans la destruction et la violence, mais manquant de finesse et de variété dans les postures, les visages et les silhouettes.