Ultimate X-Men par Mark Millar
Publié le
23.10.19
Par
Nolt
Retour sur le long run de Millar et Kubert sur la série Ultimate X-Men.
Tout le monde a au moins une fois entendu parler des fameux mutants et du conflit larvé entre la race humaine et l'homo superior. Voilà l'occasion de revenir aux origines du mythe, dépoussiéré à la sauce Ultimate. Bien sûr, tout ne change pas complètement et c'est bien Magnéto que devront affronter dans un premier temps les élèves de l'institut Xavier. Le casting est alléchant : Jean Grey, Colossus, Tornade, Iceberg, Wolverine... les têtes sont suffisamment connues pour que le lecteur ne se sente pas dépaysé.
Par la suite, les X-Men accompagnent le professeur pour une tournée mondiale destinée à faire la promotion de son livre. Malheureusement, dans la vieille Europe aussi les tensions sont grandes entre humains et mutants. Pire, le fils caché de Xavier, un mutant extrêmement puissant et dangereux, vient de s'échapper de l'île de Muir en laissant derrière lui cadavres et moult autres petits indices.
Au sein du groupe, la suspicion s'installe. Xavier manipule Magnéto pour effacer sa mémoire... et s'il manipulait aussi les élèves ? La belle Tornade peut-elle réellement aimer le monstrueux Fauve de son plein gré ?
Enfin, les X-Men devront de nouveau affronter la Confrérie des Mutants, à l'origine d'un immense attentat sur le pont de Brooklyn, qui a fait plus de 800 morts. Quant à Magnéto, que tout le monde pensait mort, il est en fait bel et bien vivant et plus pressé que jamais d'en finir avec les sapiens.
Le président est amené en lieu sûr, le SHIELD et l'armée sont en état d'alerte, la traque au mutant peut commencer. Même les X-Men sont obligés de fuir pour tenter d'échapper à Captain America et ses Ultimates. Le rêve de Xavier, d'une possible coexistence pacifique, s'éloigne à mesure que les explosions se rapprochent. Le citoyen lambda, terrorisé, est prêt à tout accepter pour en finir avec les terroristes. Quitte à mettre tous les porteurs du gêne X dans le même sac...
Et pendant ce temps-là, Cyclope manque cruellement à l'équipe. Il agonise en Terre Sauvage, abandonné par un Wolverine rendu fou par la jalousie. L'amour de Jean valait-il vraiment la mort d'un homme ? Dans un monde où même les plus nobles sentiments sont pervertis, ou le mal surgit des cœurs les plus purs, peut-on encore croire que Magnéto se méprend sur l'espèce humaine ? Et s'il leur fallait vraiment un Roi ? Un pouvoir pour les faire plier... un homme pour les gouverner tous.
Le scénario de ces épisodes est signé Mark Millar (cf. notre dossier sur l'auteur), l'un des principaux artisans, avec Bendis, de l'univers Ultimate. En ce qui concerne les dessins, c'est essentiellement Adam Kubert qui s'en charge, dans un style dynamique et souvent spectaculaire. Scènes d'action, paysages, personnages aux poses esthétiques, tout est léché et dénote un grand soin apporté à la réalisation de ces superbes planches.
En ce qui concerne le récit en lui-même, l'une des grandes réussites de Millar tient dans le fait qu'il parvient à maintenir un équilibre quasi parfait entre action ou combats et scènes plus intimistes. Les dialogues, la plupart du temps, sont finement ciselés et empreints d'un humour subtil qui fait souvent mouche, d'autant qu'ils tiennent parfaitement compte de la psychologie des personnages (les répliques entre Wolvie et Scott sont à elles seules un petit moment de bonheur).
Quelques bonnes trouvailles permettent également de rendre le récit plus léger sans pour autant faire retomber le rythme. Ainsi, Henry McCoy (alias le Fauve) va se retrouver en grande conversation sur Internet avec une "nanamutante" qui n'est autre que... bon, OK, on vous laisse la surprise. Sachez juste que ce "chat" passablement douloureux pour le pauvre Hank va faire office de leitmotiv plutôt amusant pendant quelques épisodes mais qu'il aura également des conséquences dramatiques.
On peut ajouter également, dans le registre humoristique, la présence de la jeune Kitty Pryde. C'est, à l'époque, une jeune ado très attachante qui a un mal fou à contrôler son pouvoir d'intangibilité : pas facile de passer à travers une voiture pour se retrouver le cul par terre ou de finir dans les égouts alors que l'on voulait simplement s'écrouler sur son lit !
Enfin, l'auteur place également ses habituelles blagues sur les Français. Voilà qui est plutôt de bonne guerre et même assez drôle, par contre, si l'on devait choisir un met répugnant typiquement franchouillard, ce serait plutôt les escargots et non les grenouilles (de la viande de grenouille, c'est très bon et ça a un aspect correct quand c'est cuit, alors qu'un escargot, même carbonisé, ça reste une grosse limace).
Évidemment, tout n'est pas axé sur la rigolade, loin de là. Magnéto se révèle ici particulièrement effrayant, et certains moments, comme le calvaire de Cyclope en Terre Sauvage, sont assez éprouvants. La radicalisation des différents camps et l'implication du gouvernement et des médias renvoient un peu, par certains côtés, au Civil War qui bouleversera quelques années plus tard l'univers 616. L'on va d'ailleurs aller, à un moment, du côté de Stamford. Autre élément bizarrement proche : la présence de Detonator, un mutant aux pouvoirs identiques à ceux de Nitro.
Le travail de Millar sur le titre s'achève avec la mini-série Ultimate War et les épisodes #26 à #33 de la série régulière, autrement dit l'arc Return of the King. L'intrigue s'inscrit dans un univers très réaliste (la base de Guantanamo ou diverses personnalités réelles, comme Condoleezza Rice, sont évoquées). Évidemment, impossible de ne pas faire le parallèle avec l'Amérique post 11 septembre. Le discours se veut humaniste, il est surtout empreint d'une grande naïveté et d'un moralisme, comme souvent chez Millar, simpliste au possible. Cela ne gâche heureusement pas la qualité globale de son run, ces épisodes s'avérant divertissants et parsemés de moments forts.
À la base, la série a bien entendu été publiée en kiosque, puis en Deluxe et, enfin, en Marvel Select (ceux-ci étant toujours disponibles en neuf, fait rare chez Panini, alors qu'ils datent de 2015).
La traduction reste à peu près correcte dans l'ensemble à part des maladresses dans la concordance des temps et quelques coquilles (sur "Brooklyn", par exemple, écrit ici avec un "i"). L'on peut noter aussi, à titre plus anecdotique, une erreur lors de la transcription de termes relevant de l'alphabet phonétique utilisé, entre autres, par les militaires ou les aviations civiles du monde entier. Le "Foxtrot November", faisant référence à Nick Fury, est alors traduit par "Foxtrot Novembre", ce qui, outre l'aspect un peu ridicule, est une faute, les codes internationaux ayant la particularité de ne pas se traduire d'une langue à l'autre... sinon, ben... ils ne seraient pas "internationaux", justement.
Une très bonne saga permettant aux nouveaux lecteurs de découvrir le riche univers des mutants sans avoir pour cela à faire le tri dans les nombreux titres X-Men de l'univers 616. Quel dommage que Marvel ait par la suite saccagé l'univers 1610 (Ultimate), qui offrait pourtant une belle alternative aux séries historiques.
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