Step Back in Time #1 à #6
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Notre série d'articles Step Back in Time (cf. les SBiT #7 et #8) ayant débuté sur l'ancienne version du site, nous avons décidé de regrouper tous les anciens sujets en un seul et même lieu. L'occasion de (re)découvrir d'anciens jeux, comics ou quelques films et séries TV liés à l'histoire de la Pop Culture.
Bon voyage dans le passé !


-- AMSTRAD : Petits Soldats sans IA --

Nous sommes dans les années 80. Internet n'existe pas, vous n'avez ni profil facebook, ni pub pour Meetic dans votre boîte aux lettres qui est encore bien physique. Jeanne Mas crie des noms de couleurs à la radio et vous pensez que le top de la branchitude, c'est de porter une veste aux manches retroussées au-dessus de votre t-shirt. Et lorsque vous voulez appeler quelqu'un, c'est impossible. Le téléphone, à cette époque, sert à appeler un lieu, pas une personne. Mais, dans ce qui semble un enfer pour ceux qui sont nés dans les années 2000, il y a tout de même une bonne nouvelle : les jeux vidéo existent déjà !
Alors, attention, on ne parle pas de Mac ou de PC, mais de bécanes style Amstrad et autres Commodore. Si tu as de la chance, tu échappes aux cassettes et tu as le dernier cri technologique : la disquette. Et pour lancer un jeu, on ne clique sur rien, on rentre des lignes de commande. 
Oui, le monde a bien changé... mais ce qui reste identique, c'est que déjà à l'époque, on avait envie de flinguer tout le monde, au moins virtuellement. Et dans ce domaine, il existe un jeu qui a clairement atteint son but : Who Dares Wins II.
Il s'agit de tableaux, remplis de petits soldats, qu'il va falloir calmer au flingue et à la grenade. 

Si la capture d'écran ci-dessous est dégueulasse, c'est parce qu'à l'époque, tout était visuellement proche d'un assemblage de Lego vu par un myope qui aurait paumé ses lunettes. C'est comme le papier peint d'époque, ça fait mal aux yeux. 
Pour ce qui est de l'Intelligence Artificielle, tu oublies. Les ennemis, quand ils ne sont pas statiques (avec une grosse mitrailleuse entre les pognes tout de même), se baladent en tirant au hasard, à droite, à gauche ou même vers leurs propres lignes. On pourrait appeler ça de la Bêtise Artificielle, mais ces pauvres combattants demeurés font pourtant figure de génies en comparaison des stars télévisées actuelles.
Par contre, c'était le bonheur. Et pour une raison simple : le challenge était assez relevé et varié.
Les nombreux tableaux devaient être nettoyés pour pouvoir progresser. Si les premiers ne présentaient pas de réelles difficultés, les "salauds d'en face" s'organisaient rapidement pour avoir des appuis. Ainsi, au fil des décors, l'on devait faire face à des avions, des jeeps, des bateaux, autant dire un univers d'une richesse incroyable pour l'époque. Et terminer le jeu (après bien des heures) vous faisait passer dans les rangs des vétérans... ceux qui ont le regard perdu à l'horizon et qui, taciturnes, avalent leur whisk... leur lait-fraise avec cet air détaché et blasé de ceux qui ont connu le "merdier". Ouaip.

Bon, bien sûr, WDWII a été très vite détrôné, notamment par des jeux comme Ikari Warriors, qui permettait, sur un long scrolling vertical, de jouer à deux et de prendre le contrôle des chars ennemis. Malgré tout, cette première expérience ludique du massacre de connards pixelisés reste mémorable. Une Rolls, c'est luxueux, mais ça a bien moins de charme que la première diligence sans chevaux, propulsée à la vapeur, sur laquelle personne ne s'inquiétait de la dureté des sièges, tout simplement parce que le mouvement en soi était magique...

Attention, ça pique un peu les yeux.



-- CINÉMA : Frotter, Lustrer... --

On reste dans le combat mais dans quelque chose de plus fin tout de même avec Karate Kid.
Je vous vois venir, vous allez me dire "fin" et "Karate Kid", ce sont deux notions incompatibles. Détrompez-vous.
Tout d'abord, oui, le film a mal vieilli. C'est normal, il date de 1984 et on ne raconte plus du tout les histoires de la même manière aujourd'hui. Regardez L'Arme Fatale, Top Gun ou même le premier Die Hard, vous verrez que les répliques sont caricaturales, les situations parfois absurdes, les personnages risibles, etc. La narration évolue, bien plus vite que les effets spéciaux en réalité. Donc, oui, Karate Kid est un film des années 80, qu'il convient de voir avec un regard non pas actuel mais en le remettant dans son contexte. Chaussons donc nos lunettes spéciales eighties.

Les personnages principaux, surtout pour l'époque, sont loin d'être parfaits et monolithiques. Daniel Larusso est issu d'une famille monoparentale et pauvre. Monsieur Miyagi, bien que d'origine japonaise, a combattu en Europe dans le 442nd RCT, une unité réservée aux américains d'origine asiatique dont les familles étaient pourtant parfois détenues sur le sol américain, pour des raisons de sécurité.
Les arts martiaux également sont montrés, ce qui est rare même aujourd'hui dans un film occidental, comme ce qu'ils sont : non un simple sport ou une technique de self-defense, mais une voie qui élève l'individu et l'enrichit spirituellement. N'oublions pas qu'à l'époque, il existe encore une idée reçue dans les cours d'école qui veut que le judo soit conçu "pour la défense" et le karaté "pour l'attaque". Pire encore, dans les années 60, voire 70, un sport de combat utilisant des techniques de pied était considéré par beaucoup (en France du moins) comme un sport de "voyous". Autre temps, autres mœurs...

Surtout, avec certes de gros sabots, le film a le mérite de présenter de manière assez exacte la différence fondamentale qui existe entre la culture occidentale, pressée de donner un sens immédiat et de trouver une utilité à toute chose, et la culture asiatique, reposant sur une manière d'enseigner qui ne suppose pas une pré-validation par l'élève. 
Enfin, au contraire des films "d'art martiaux" du moment, le héros ici n'est pas un guerrier musculeux qui combat des hordes de bandits ou s’entraîne comme un taré en cognant dans des murs. C'est un gamin, mince, désemparé parfois, qui repeint des clôtures et nettoie des bagnoles.
Oui, c'est ultra-niais aujourd'hui mais en 1984, c'est aussi révolutionnaire qu'un souffre-douleur se faisant piquer par une araignée radioactive. Et ça a amené un tas de gamins dans les dojo... malheureusement, il y ont rencontré plus de John Kreese que de monsieur Miyagi (ceux qui veulent approfondir le sujet pourront le faire en lisant les mémoires d'un vrai sensei, un "monsieur Miyagi" français, aussi humble qu'intelligent dans son parcours, et qui nous a fait l'amitié de nous accorder un entretien il y a quelque temps : Roland Habersetzer).

Le film a été un tel succès que plusieurs suites ont suivi. Le deuxième opus, qui se passe sur Okinawa, est assez décevant. Le troisième, qui montre la différence entre karaté traditionnel et karaté "sportif", est plus sympathique. Et l'envoûtante musique de Bill Conti est toujours présente. 
Plus tard, l'on aura droit à une version féminine (The Next Karate Kid), avec le même monsieur Miyagi faisant le lien entre les deux protagonistes principaux. Plus moderne mais plus anecdotique aussi. 
Enfin, très récemment, un remake a été osé, avec le fils de Will Smith dans le rôle titre, et Jackie Chan en vieux maître. Je ne l'ai pas vu. Et ne le verrai pas. 
Il est des souvenirs qu'il vaut mieux garder intacts. Et s'il faut qu'ils se lézardent, alors il vaut mieux que ce soit à cause de notre propre regard et non par la profanation d'un clone qui ne peut avoir le même impact et ne joue que sur une hypothétique "marque".

Les temps changent, les passions restent et les stratégies marketing tentent de nous faire prendre des Venom pour des Lantern. La télévision nous explique pourquoi certains jeux sont dangereux, et à quel point certains films sont géniaux...
En réalité, l'art populaire, lorsqu'il est rigoureux, touche toujours sa cible, parce que la sincérité de la démarche répond à un besoin, pas si compliqué que ça : être diverti sans être pris pour un con.
Une exigence qui ne semble pas si absurde finalement. Aujourd'hui comme hier.

Affrontement final entre Daniel Larusso et un Johnny Lawrence qui sera réhabilité dans Cobra Kai.



-- ORDI : À la Conquête du Monde ! --

On avait commencé à la préhistoire avec un vieil Amstrad, on fait un bon dans le temps maintenant en aboutissant sur Amiga et même PC. Le truc moderne quoi. Enfin, moderne dans les années 90.
Le jeu ?
Civilization.
Rien que le nom devrait, ô gamer, te faire frémir et saliver. Mais bon, on peut aussi remettre le truc dans le contexte, d'accord.
Imaginez... vous en avez assez des R-Type et compagnie, vous êtes un vétéran de Barbarian (vous rêvez même de décapitations parfois), bref, vous êtes revenu de tout, même des wargames balbutiant, à la Battle for RFA. Vous êtes un dur, un coriace, un mec (ou une fille) qui en veut.

Pour assouvir vos envies de conquêtes, Civilization tombe à point. Non seulement parce que l'on peut se castagner à l'échelle planétaire, mais parce qu'il va falloir développer votre nation dans tous les domaines. Dans chaque cité, construite ou durement conquise, il faudra décider quoi bâtir, quoi favoriser. La culture, avec une bibliothèque, le commerce, avec un marché, la défense, avec un mur protecteur...
En réalité, à cette époque, les possibilités sont si immenses que l'on en trépigne de joie. Bon, tout n'est pas toujours très bien optimisé (notamment les rencontres entre unités militaires à la pointe du développement et celles censées être obsolètes), mais c'est un détail en comparaison de la sensation jouissive d'être à la tête d'une nation entière.

Les Civilization connaîtront bien des versions, dont la très réussie Civilization II. Là, on passait dans un autre monde. Pensez, à l'époque où, sur PC, la mémoire vive standard était de 8 Mo (ouep, méga, pas giga), il fallait monter à 16 Mo de RAM pour pouvoir bénéficier des avancées de Civilization II, sinon, tu pouvais remballer le binz dans sa boîte, le jeu ne démarrait même pas. Un truc de dingue, une course à la puissance quoi ! Nous voilà parti dans la démesure.
Mais, vraiment, c'est si bien que ça Civilization ?
Évidemment ! Il y a deux noms que l'on peut à tout jamais graver dans le marbre au panthéon des jeux vidéo, et qui constituent une sorte de Yin et de Yang ludiques : Mario Kart, pour le fun, et Civilization, pour tout le reste.
Tout le reste, ça veut dire commencer avec des trous du cul à poil, qui ne savent même pas lire, en passer par les classiques légions romaines, découvrir la poudre, et finir par atomiser les connards récalcitrants avec des bombes atomiques. Et ça, c'est génial.

Non, il n'est pas "génial" de disperser une nation voisine à l'aide d'armes basées sur les joyeusetés de l'atome (encore que...), il est par contre excitant de traverser les époques pour avoir la véritable sensation d'influer sur le destin d'un monde. D'autant qu'il y a (il paraît) plusieurs manières de gagner (économique, scientifique...), mais bon, on ne va pas se mentir, je ne connais personne qui n'ait jamais joué "bourrin" à ce jeu. Et ça marche pas trop mal si l'on est un peu patient au début et pas avare sur les recherches technologiques.
Des versions plus modernes (parfois bien buguées d'ailleurs) existent, mais le plaisir de décider de la construction d'une pyramide ou d'une phalange, d'opter pour un régime politique particulier ou de simplement renommer des villes, était déjà présent et reste inoubliable et orgasmique.
Le brave Sid Meier a fait de nous des Alexandre numériques et des gamins passionnés, ce qui n'est déjà pas si mal.

Ça a l'air moche mais une technologie essentielle parvient à faire le job : l'imagination.



-- CINÉMA : Voyage dans le Corps Humain --

On repart dans les années 80. Attention, 1987 quand même, la partie "moderne" quoi.
L'Aventure Intérieure, film typique de l'époque mélangeant action, SF soft et gros gags, fait un carton. Je vais même le voir plusieurs fois au cinéma, un sourire béat aux lèvres. Bien des gens se disent aujourd'hui qu'un remake ne ferait pas de mal, au moins technologiquement, mais ils ignorent que le film surfait déjà dans le sillage du Voyage Fantastique, réalisé vingt ans plut tôt par le mythique Richard Fleischer. Eh oui, on recycle, on modernise, on adapte, mais on invente rarement.

Mais revenons à cet Innerspace de 87. Tout est réuni pour faire un honnête divertissement : Dennis Quaid en héros viril, Martin Short en "Pierre Richard" maladroit et la douce, belle et pétillante Meg Ryan en atout charme. Il y avait de quoi vous faire faire délaisser une partie de Gauntlet, je vous assure.
On a aussi droit à une histoire assez improbable qui se base sur une sorte d'espionnage technologique. Une excuse pour balancer des gags, une love story convenue et quelques péripéties (on pouvait même s'attendre à une suite qui, finalement, ne viendra pas).

Il y a là tous les défauts narratifs (et le charme) des eighties : c'est surjoué, bizarre, cliché, mais... c'est parfois (encore) drôle et finalement pas si mal fait si l'on a une vague sympathie pour le héros, monolithique et prévisible, de l'époque.
Tuck Pendleton n'est pas un mauvais personnage, il est une émanation de son temps. Le mec cool, qui affronte tout sans paniquer, a toujours une bonne vanne en réserve, et se tape la meilleure nana du film. On le regarde aujourd'hui avec tendresse, car l'on sait qu'il n'existe pas. Il est l'un de ses fumeux personnages qui hantent les légendes et les panthéons. Une incarnation, malhabile, d'un besoin, d'un moment.
Là où le film parvient à être innovant, c'est quand il écarte (en le rapetissant de plusieurs manières) ce héros propre sur lui pour finalement donner la vedette à un Jack Putter, timide, angoissé, gauche mais capable de se dépasser. Il parvient même à charmer, un peu, la très sexy Lydia qui finira par comprendre que... ce qu'elle aime est en lui.
Ouais ben, à l'époque, c'était top. Avec un double sens et tout. 

Il existe plusieurs manières de regarder en arrière. Jeter un œil rapide et suffisant, en ricanant de tout ce qui paraît suranné, en est une. Elle est parfois appliquée malheureusement même dans le domaine historique. Chausser des lunettes d'époque, pour comprendre les moyens techniques, le contexte, la culture, la narration, bref, les sables mouvants de l'Histoire (et des histoires), en est une autre. Il ne s'agit pas de dire que tout était sans défauts, mais de se remémorer les émotions éprouvées devant nos bécanes, dans les salles ou l'oreille collée à nos radios.
Ce n'était pas forcément mieux, mais c'était indéniablement souvent bien.

Meg, avant la chirurgie esthétique, quand elle était encore humaine.



-- ORDI : Magicien Gore --

Notre machine à remonter le temps s'arrête cette fois en 1995 pour découvrir de jeunes gamers, le sourire aux lèvres, rentrant chez eux dépouillés de leurs économies mais avec un bon jeu sous le bras et le fol espoir de chier dans leur froc à la nuit tombée. 
Bon, vous me direz, à l'époque, rien que le système d'exploitation des PC vous filait déjà des sueurs froides. Pour tenir deux heures sans un reboot, il fallait s'y connaître en vaudou et sacrifier quelques poulets. M'enfin, malgré cela, certains souhaitaient stresser encore plus et hurler derrière leur écran pour une autre raison que la millième apparition d'un "écran bleu de la mort".  
Et Phantasmagoria semblait être tout désigné pour ça. 

L'histoire est assez simple. Une jeune romancière, Adrienne Delaney (interprétée par la jolie et inconnue Victoria Morsell) débarque avec son photographe de mari dans un manoir qu'ils louent pour trois fois rien et qui a autrefois appartenu à un certain Zoltan, un magicien qui avait aussi comme hobby de trucider ses épouses en faisant preuve d'une certaine inventivité (le mec a mauvais fond, mais il est créatif).
Bon évidemment, quand on demande 35 dollars le mois pour un 150 pièces, c'est qu'il y a une couille quelque part. Soit c'est Valérie Damidot qui a refait la déco, soit il y a un fantôme qui traîne. 
Le mari se transformant peu à peu sous l'influence des lieux, l'on peut aussi y voir quelques similitudes avec le Shining de Stephen King.

Techniquement, c'est un point & click, avec des scènes filmées plutôt bien fichues et parfois même assez gore. C'est cependant surtout l'ambiance, très réussie, qui fit le succès et la renommée du jeu. L'angoisse est constante, les lieux inquiétants et la progression suffisamment facile pour finalement privilégier la narration et ne pas se coltiner des énigmes trop tordues.

La musique joue aussi un rôle crucial et permet une immersion parfaite. Évidemment, tout cela fonctionne bien une fois et pas deux, mais le côté flippant était tellement réussi que même pour un jeu à "usage unique", on en avait pour son argent.
Pratiquement au même moment, Gabriel Knight 2 : The Beast Within, sortira également chez Sierra et reprendra le même environnement ludique (cinématiques et point & click) ainsi qu'une intrigue également horrifique. Il échouera cependant à véritablement effrayer (le jeu se basant par contre sur des énigmes bien plus relevées) et va surtout faire ricaner à cause d'une VF lamentable et d'un jeu d'acteur digne d'AB production.

Voilà sans doute ce que l'on retiendra de Phantasmagoria : ça faisait vraiment peur. Et c'était délicieusement bon !

Une interface très simple pour un jeu qui l'est tout autant.



-- CINÉMA : Star Wars parodié --

On repart à bord de notre Logan (oui ben, sur UMAC, on n'a pas les moyens d'avoir une DeLorean, soyez déjà contents qu'on ait trouvé un machin pas trop cher à bricoler avec les moyens du bord !) pour atteindre ces bonnes vieilles années 80.
Oh, regardez ! Voici un fringant jeune homme s'apprêtant à pénétrer dans une salle obscure. Ne prêtez pas attention à son look (une veste aux manches relevées, portée négligemment sur un t-shirt, et quelques litres de gel dans les cheveux), n'oubliez pas que nous ne sommes pas là pour juger (et puis bon, c'était ma période Miami Vice, ça va, on a tous fait des erreurs, OK !?). 
Faisons un zoom sur le ticket que l'adolescent vient d'acquérir en échange de quelques sesterces francs... il y est inscrit La Folle Histoire de l'Espace.

Ce film de Mel Brooks est essentiellement une parodie, potache, de Star Wars. À l'époque, j'ai déjà failli mourir d'ennui devant la première trilogie, mais j'étais encore insouciant et je n'imaginais pas quel courage et quelle abnégation il allait me falloir pour aborder la seconde brochette de films spatio-insignifiants, quelques années plus tard. Mais bon, ayant survécu à la platitude de Lucas (qui n'était pas à l'époque considéré comme un génie, c'est dire si le temps qui passe pousse parfois les peuples à la ruine), je m'étais dit qu'une parodie ne pouvait être pire. Et que, au contraire, elle allait se moquer de ces mauvais films, peut-être avec panache.

Bon, oubliez le panache. On est plutôt dans le gros lourd qui tache. C'est un navet mais... un navet sympathique, qui bascule parfois - certes pendant de très brefs instants - dans le génie. Ou disons dans l'efficace. Les dialogues notamment sont surréalistes (tout le film ne tient que par ça en réalité). 
De la princesse qui exige que tout soit nettoyé parce qu'elle refuse d'être "secourue dans cette crasse", aux Trouducul (c'est un nom de famille) qui entourent Lord Casque Noir, en passant par "la" révélation du film (Casque Noir annonçant à l'un des personnages qu'il est le cousin du neveu du frère du père de son premier copain de chambrée), tout contribue finalement à dérider l'adolescent des années 80 et même l'adulte contemporain. 
C'est gentiment débile mais l'on ne peut s'empêcher de sourire la plupart du temps, voire même de lâcher régulièrement un petit ricanement. Ou un gros éclat de rire ! Et si en plus vous matez ça avec quelqu'un qui ne pige pas les références, c'est encore plus drôle. Parce qu'évidemment vous passez pour un idiot ("il rigole pour ça ??") et que la mine consternée des personnes présentes fait que vous riez encore plus... 

Si l'univers Star Wars est plutôt fascinant, les films le sont beaucoup moins et démontrent que l'action, même soutenue par quelques concepts sympa, ne suffit pas à rendre une histoire intéressante. S'en moquer, même de manière aussi "bourrine", reste aussi jouissif que salutaire. Il faut tout de même reconnaître que pour pouvoir s'en moquer, il faut que le matériel original ait connu un succès populaire.
La pop culture n'a pas que des aspects positifs. Elle glorifie parfois des œuvres qui ne semblent guère le mériter ou qui, au minimum, mériteraient d'être relativisées au lieu d'être érigées en absolus. 
Heureusement, la pop culture génère aussi souvent ses propres vaccins, non sous la forme - assez terrifiante et pathologique - d'acerbes exigences de fans, adressées à des auteurs en panique, mais bien par le biais d'une désacralisation artistique, certes percluse de défauts mais essentielle tout de même.
La parodie est encore la manière la plus polie de dire à ceux que l'on aime qu'ils ne sont pas parfaits.

Un peu comme dans Kaamelott, tout le monde n'est pas à son avantage avec un casque.
 


-- CONSOLE : Casques Multiples --

Premier arrêt en 1992. Pas d'Amstrad ou de PC cette fois mais une bonne vieille Megadrive et, surtout, un excellent jeu de plateformes : Kid Chameleon.
Si Nintendo a bien évidemment les Mario, Sega pouvait largement rivaliser avec ce jeu à la difficulté progressive et aux niveaux nombreux et variés. 
Malgré les classiques blocs à détruire pour récupérer différents items, Kid Chameleon va surtout se montrer innovateur au niveau du gameplay grâce à un personnage pouvant revêtir plusieurs apparences.

En effet, le jeu est basé sur des masques, ou des casques, que l'on trouve tout au long des niveaux. Ces derniers permettent à notre jeune Kid à Ray-Ban de changer de tenue et d'acquérir les capacités spéciales qui vont avec.
Votre personnage peut ainsi devenir un samouraï (armé de son sabre), une sorte de Rhino (qui peut défoncer les murs), un juggernaut (un tank à casque à pointe qui tire des crânes !) ou encore une toupie. 
Inutile de dire qu'il était assez jouissif de pouvoir ainsi changer aussi radicalement de personnage, d'autant que les références étaient sympathiques : l'on pouvait incarner un "maniaxe", ressemblant furieusement au Jason de Vendredi 13 ou utiliser un hoverboard en provenance directe de Retour vers le Futur. Il y avait même une tenue ressemblant un peu au Cyclope de Marvel (mais en vert).

Si l'on pouvait jouer à deux joueurs (en alternance, il ne faut pas rêver, le deuxième reprenant la manette après que le premier se soit fait buter), le jeu avait tout de même un défaut irritant : il était impossible de conserver sa progression. Pas de sauvegarde ni même de mot de passe, il fallait donc être particulièrement motivé pour tout finir en une seule fois (ou ne pas éteindre la console...).
Les différentes incarnations jouables constituaient évidemment l'intérêt essentiel de Kid Chameleon. Certaines permettaient de détruire ou faire apparaître des blocs, d'autres d'adhérer aux murs ou d'inverser le sens de gravité, ou encore d'augmenter vos points de vie.

Les lieux à traverser étaient également variés : jungle, grotte, désert, monde de glace ou environnement urbain. Quant aux ennemis, ça allait du dragon au robot en passant par des trucs liquides ou gluant, ou même de grosses têtes en brochette, crachant des saloperies, en guise de boss. Les mecs ne s'étaient pas trop embarrassés avec la vraisemblance, mais ce n'est pas en général ce que l'on demande à ce genre de jeu.
Pour l'anecdote, Kid Chameleon sera même adapté en comics, dans le magazine anglais Sonic the Comic, magazine qui comptera dans son staff quelques noms célèbres, comme Mark Millar ou Andy Diggle.
Oh, au fait, je vous ai dit que le Kid pouvait aussi se transformer en mouche ? Eh bien c'est fait, et, ô art subtil de la transition, cela nous amène à considérer une transformation du même ordre mais beaucoup moins agréable...

Un exemple de la bonne dizaine de transformations possibles : le Rhino.



-- CINÉMA : Goldblum ailé --

Notre Logan nous amène cette fois jusqu'en 1986, année de sortie de La Mouche, film de David Cronenberg et remake d'un vieux classique des années 50. 
L'on retrouve Jeff Goldblum dans le rôle principal, celui de Seth Brundle, un scientifique ayant mis au point une technique de téléportation révolutionnaire à base de pods. C'est en apparence très simple : on place un objet ou un être vivant dans l'un des pods et, hop, il réapparaît dans l'autre. 
Alors, c'est comme les "sièges de transport" de Kaamelott, ça n'a d'intérêt véritable que si les deux pods sont éloignés l'un de l'autre. Ben oui, se téléporter à deux mètres, c'est classe au début, mais ça devient vite idiot. Et dangereux !

Bien entendu, tout ne se passe pas très bien pour notre ami Seth. Après avoir effectué un test sur un singe, il n'écoute que son courage et se lance lui-même dans l'expérience. Mais comme son labo est un nid à merdes et qu'il n'a même pas pris le temps d'acheter du barrage à insectes au téléshopping, Seth se retrouve avec un invité-surprise à l'intérieur du pod : une mouche. 
Et voilà notre Seth qui fusionne, au niveau génétique, avec l'insecte. Sans le savoir.
Au début, tout se passe bien. Les effets sont même plutôt cool. Seth est plus fort, plus agile (c'est le syndrome Peter Parker)... malheureusement, son ADN dégénérant de plus en plus, la suite va être beaucoup moins fun, et au lieu d'un super-héros, le scientifique va lentement devenir un monstre.

C'est peu de dire que le film était impressionnant visuellement. Les effets dévastateurs de la fusion étaient lentement dévoilés (Seth commence à perdre ses ongles, ses cheveux...) jusqu'à l'horreur finale. Mais surtout, l'on assistait à un drame humain qui était finalement assez éloigné des films d'épouvante habituels.
De héros, Seth se transforme en menace, pour finalement retrouver in extremis la parcelle de lucidité qui fait de sa mort une véritable tragédie.

Ce classique donnera naissance à une suite, avec le fils de Seth dans le rôle principal, ainsi qu'à... un opéra. La première eut lieu à Paris en 2008. Howard Shore en signa la musique, Placido Domingo la direction artistique, et Cronenberg himself en assura la mise en scène (ce n'est pas un opéra-rock ou une comédie musicale, c'est de l'opéra classique, donc heu... il faut aimer).

Heu... t'as vraiment pas l'air bien, tu devrais aller voir un médecin. Pis... ce truc blanchâtre gluant, sur ta chemise,
je ne sais pas ce que je trouverais le plus flippant... que ça vienne d'où je pense... ou bien... d'ailleurs.



-- ORDI : Apocalypse Nucléaire --

La guerre froide n'a pas eu que de mauvais côtés. Bien sûr la population vivait dans la terreur de recevoir une bonne grosse bombe sur la trogne, mais cela a également inspiré le jeu Nuclear War, sorti à la fin des années 80 sur Amiga (et PC).
Il s'agit d'un jeu de stratégie assez simpliste mais plutôt fun et au second degré clairement revendiqué.

Dès la scène d'introduction, on annonce la couleur : un bombardier s'élève lentement au-dessus des nuages. La trappe de la soute s'ouvre pour laisser passer une bombe atomique... chevauchée par un cowboy. 
Plan ensuite sur un paisible village au clair de lune. Quelques secondes s'écoulent avant que le bled soit pulvérisé dans une violente explosion nucléaire. 

Avec un sujet pareil, l'on aurait pu croire que l'on se dirigeait vers de la simulation très pointue, or il n'en est rien. Les actions sont même plutôt limitées : construire des bombes de différentes puissances, construire des avions pour larguer ces mêmes bombes, protéger vos villes à l'aide de systèmes interceptant bombes ou avions (pendant un seul tour), ou encore balancer de la propagande permettant d'influencer les populations étrangères.
Le but, aussi clair que jouissif, est de toute façon de vous débarrasser de tous vos adversaires. Bien à l'abri dans votre bunker, il vous faudra donc choisir le bon moment pour appuyer sur le bouton ou, au contraire, adopter une stratégie défensive.

Plutôt bourrin, parfois très aléatoire, Nuclear War, sans aller jusqu'à la subversion, flirtait avec une certaine critique de la course au surarmement et puisait ses références du côté du Docteur Folamour de Kubrick.
Les grands responsables politiques mondiaux étaient tous représentés sous des formes parodiques facilement identifiables (Reagan, Thatcher, Castro, Gorbatchev, Mao, Kadhafi, Khomeiny ou même Gandhi) et ils ne s'avéraient finalement pas si manichéens que ça, car tous dangereux et égocentrés.

Bien sûr, ce serait abuser d'affirmer que l'on y voyait un réel message politique ou philosophique sur le moment. Mais être de l'autre côté des bombes (celui qui décide de les lancer, et non celui qui les reçoit) était sans doute libérateur, et pulvériser des millions de personnes (des bilans chiffrés arrivaient bien entendu au bunker) avait aussi son charme, sadique mais réel.
Et puis c'est beau une ville, la nuit, éclairée par le feu nucléaire.

Ronnie Raygun, Infidel Castro... a priori, il y a moyen de reconnaître les modèles originaux.



-- SÉRIE TV : Jolie British et Rustre Ricain --

Puisque ce Step Back in Time n'est que paix et amour, on poursuit dans un autre registre avec Dempsey & Makepeace, une série connue en français sous le titre Mission Casse-Cou (vraiment un titre VF pourri, sans rapport avec la série et prêtant le flan aux quolibets).

Il s'agit d'une série policière, diffusée en France à partir de 1986, sur FR3 (en deuxième partie de soirée, si je me souviens bien). En gros, un flic américain, James Dempsey, doit quitter New York pour se protéger d'anciens collègues corrompus. Il est alors muté à Londres, où il va faire équipe avec la sublime Harriet Winfield, alias Makepeace.

Les intrigues sont parfois tirées par les cheveux, mais l'essentiel de l'attrait de la série repose sur la confrontation de deux univers opposés : d'un côté le flic américain, cool, fonceur et bourru, de l'autre la charmante aristocrate anglaise, réfléchie et respectueuse des procédures.
Rien de nouveau en soi, bien des séries (entre autres Clair de Lune, avec Bruce Willis) reposaient sur le même principe. Et pourtant...

Et pourtant, ça fonctionnait très bien. En premier lieu grâce au charme ahurissant d'une Glynis Barber lumineuse et divine. Glynis... est-il prénom plus doux ? On dirait une princesse de conte de fées, mais ça reste quand même moderne, comme dans "Glyn, j'espère que t'as fait à bouffer, je suis crevé et j'ai la dalle !" (ça se sent qu'elle a eu un très fort impact sur l'adolescent que j'étais ? Vous remarquerez que malgré tout, j'arrive très bien à me projeter dans le quotidien).
L'humour de la série a également beaucoup contribué à sa popularité (surtout en Angleterre, je ne sais pas si en France elle a rencontré un réel succès). Les deux personnages se titillaient souvent et s'opposaient sur de nombreux points : un Dempsey audacieux mais machiste, une Makepeace un peu "coincée" mais futée...

L'ambiance londonienne apportait également un indéniable plus et changeait de New York ou des autres villes américaines. Les récits, bien qu'inégaux, étaient relativement variés. L'on pouvait passer d'une guerre des gangs, à des terroristes, un serial-killer ou un classique whodunit dans un vieux manoir.
Enfin, outre l'humour, les enquêtes et le côté flirt (qui se poursuivra dans la réalité puisque les deux acteurs principaux finiront ensemble), certains épisodes affichaient parfois un aspect plus sombre, voire mélancolique, qui acheva de donner à la série son cachet unique.

Les trois saisons (30 épisodes en tout) sont aujourd'hui disponibles en DVD (à un prix bien trop élevé, une intégrale à prix raisonnable se faisant attendre) ou sont visibles sur youtube en VO.

Et, puisque l'on a ici rendu un hommage visuel mérité mais très appuyé à Makepeace, il semble de bon ton de terminer par une réplique culte, souvent employée par ce bon Dempsey : Life is hard... then you die !
Une philosophie de cowboy, certes, mais qui n'est pas si éloignée de la réalité et a le bon goût d'aller droit au but. Yep !

Quelle que soit sa tenue, même en costard-cravate, Makepeace conserve un charme intact.



-- COMICS : Bouquiniste, Bananarama & Tisseur --

De nouveau le cap sur les années 80 avec une pratique un peu particulière et quelques chansons d'époque.

Il y a bien longtemps, avant de prendre l'habitude de courir acheter mon Hebdogiciel le samedi matin, j'avais un autre rituel du samedi (un rituel de gosse).
Le marché. L'endroit ne me passionnait guère et je me limitais en fait toujours à un seul et unique stand : un bouquiniste ambulant. 
C'est grâce à ce vieux monsieur que j'ai déniché mes premiers albums Lug, de L'Araignée ou des Quatre Fantastiques. Bon, les BD n'étaient pas toujours en très bon état, certaines étaient même gribouillées, mais ce n'était pas cher et, surtout, l'on pouvait revenir la semaine suivante avec les livres sous le bras, et le saint homme les reprenait sans faire le difficile. Cela permettait d'avoir une bonne fournée de lecture chaque semaine, pour une somme dérisoire. 

Les temps ont bien changé pourtant. Vous êtes allé récemment chez un bouquiniste ? J'en connais un phénoménal pas très loin de chez moi. Je pouvais me ramener avec n'importe quoi (j'étais alors bien plus grand), selon lui, ce n'était jamais bien. Il passait son temps à m'expliquer que j'achetais de la merde. Enfin, il ne le disait pas comme ça, mais c'était en gros le sens de son discours. À force, c'était presque devenu un gag :
- Du Spider-Man ? Hmm... si ça avait été du McFarlane j'aurais pris, mais là...
(une autre fois)
- Du McFarlane ? Bah tu sais, les comics c'est fini, les gens veulent du manga maintenant.
(une autre fois encore)
- La nouvelle série Saint Seiya ? Pfff, c'est pourri, personne n'achète ça. Encore tu serais venu avec la première...
Voyez le genre ? Le mieux c'est je crois lorsque j'ai tenté de lui refourguer des romans de la Bibliothèque Verte (des Michel, Bennett & Mortimer, Club des Cinq, Langelot...). Je pose mon sac sur sa table. Il me regarde d'un œil circonspect, il farfouille un peu, prêt à ricaner. Et là il fait une tête d'ahuri, comme si je lui avais ramené des crottes de chien.
- Mais... qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça ?
- Ben... les vendre. Ils sont en super état.
- Mais mon pauvre vieux, t'as vingt ans de retard, personne ne veut plus de ces trucs !
Au final, je les ai vendus par lots dans une bourse aux livres, tout est parti, et à un bon prix. Parfois, il vaut mieux éviter les intermédiaires...

Ma dernière expérience avec un bouquiniste a eu lieu il y a quelques années. J'avais racheté des versions révisés de romans de King et, pour faire de la place, je me décide à refourguer les anciens. Cette fois, j'évite le "phénomène" et je trouve une autre boutique. J'arrive sûr de moi ; du King, ça se revend forcément bien. Je présente mes livres. La bouquiniste, derrière sa caisse, y jette un œil puis part dans sa réserve, sans dire un mot. Je dis à la personne qui m'accompagne "tiens, c'est peut-être la sœur de l'autre, elle va aussi me dire que ce sont des conneries invendables", mais en fait, je plaisante, je suis certain que ça va partir. 
La fille revient et me sort : "Non, j'en ai déjà un exemplaire de chaque."
Il faut savoir que le premier bouquiniste est perdu dans une petite ruelle alors que celle-ci est dans une grande ville, sur une place fréquentée. Je m'apprête à lui dire que, pour du King, on peut se permettre d'en avoir un d'avance, ce n'est pas un pari trop risqué, quand finalement mon regard est attiré par un gros bouquin, au-dessus de la caisse. Le truc est relié au mur par une toile d'araignée ou un filament de poussière. C'est "Ma médecine naturelle" de Rika Zaraï. Quelqu'un lui a refourgué un Rika Zaraï, elle l'a même mis en place d'honneur, comme si c'était la prise du siècle, mais moi je repars avec mes King ?
Ben oui. Du coup, bourse aux livres. Tout vendu. Mais tout de même, je regrette le bonhomme des marchés. On pouvait lui ramener un vieux Picsou, avec la couverture arrachée, des pages manquantes et des traces de feutre un peu partout, il l'accueillait sans discuter, un peu comme un ami des animaux prend soin d'un chat boiteux à qui il manque une oreille. Et il arrivait à lui trouver un nouveau propriétaire. 

Un autre truc que j'ai toujours associé aux livres et aux années 80, c'est la musique. 
Je lisais systématiquement avec la radio allumée, ou une cassette dans mon vieux lecteur. Au fil du temps, certains livres ont fini par acquérir, dans mon esprit, leur propre bande originale. Je me souviens avoir longtemps associé Spectres, de Koontz, à Piece of Mind de Maiden, que j'écoutais en boucle à ce moment-là. Et ça collait plutôt bien. Parfois c'était plus étrange comme association, comme du Arsène Lupin et Voyage, Voyage, de Desireless (qui devait passer 15 fois par jour à la radio !), mais l'esprit a ceci de particulier qu'il parvient à trouver des liens logiques entre les choses que l'on aime, même lorsqu'il n'y en a pas d'évidents. L'intro me semblait suffisamment mystérieuse pour convenir au gentleman-cambrioleur de Leblanc.
L'une de ces associations bizarres concerne certains comics et Do they know it's christmas ?
À la base, il s'agit d'un titre caritatif, visant à récolter des fonds pour lutter contre la famine en Éthiopie. Le truc a cartonné. Il faut dire que la plupart des pointures britanniques étaient présentes. McCartney, Phil Colins, Sting, Bono, Paul Young, Boy George, Bowie et, entre autres, les Bananarama !
J'aimais bien les Bananarama. Je ne connaissais rien de leur musique à l'époque (et pas beaucoup plus aujourd'hui) mais elles avaient l'air cool ! (J'étais - enfin, je suis toujours - bien plus jeune qu'elles, et toutes les filles de cet âge me paraissaient cool à l'époque.) Alors qu'aujourd'hui, quand je regarde le clip, je me rends compte qu'elles n'ont en fait pas l'air très à l'aise. Elles sont plus détendues de nos jours (et ont un meilleur look). 

Bref, j'ai plusieurs fois entendu ce titre, par hasard, alors que je lisais du Spidey, et ça "s’emboîtait bien". 
C'est très super-héroïque comme titre. Je ne parle pas du texte mais de la mélodie et de la progression "dramatique" dans la chanson. C'est le propre des bons titres je crois, d'être efficaces même lorsque l'on fait fi des paroles : ils possèdent une puissance et un langage universels.
Pendant la partie de Young, c'est l'exposition du problème. Le ton est grave. Mélancolique. Le héros semble désemparé, il erre lentement, la tête basse, dans une ruelle sombre. Avec la partie chantée de Boy George, on sort de la ruelle, quelque chose va se passer. Puis Collins attaque son morceau de batterie et George Michael enchaîne : le héros relève la tête, il va lutter. Quelque chose d'énergique passe maintenant, mais c'est encore contenu. Le héros lutte mais ne se révèle pas tout à fait, même si la lumière perce peu à peu les ténèbres. À partir de "and there won't be snow in Africa...", les voix sont multiples, le héros sent le pouvoir couler en lui et les responsabilités l'appeler. Les "feed the world" sont alors un hymne, brillant, lumineux : peu importe l'issue, le héros va lutter. Peut-être pas gagner, mais il va se battre. C'est cela que l'on célèbre, pas la victoire forcément, mais la fin du renoncement. Les ténèbres sont repoussées pour un temps...

C'est une chanson qui parle de Noël, de la famine frappant une terre lointaine, et pourtant, elle m'évoque, encore aujourd'hui, un Parker malmené, ou coincé sous des tonnes de fonte, alors que l'eau monte. Il ne devrait pas pouvoir s'en sortir, la situation est désespérée, il va mourir noyé. Et pourtant, il lutte et se relève, malgré le poids qui l'écrase.
Et avec un peu de musique sur les planches, on a l'impression que c'est possible, que les lois du destin et de la physique peuvent être contournées avec du courage et de la volonté.
On pourra à la fois trouver à manger et vaincre Octopus ! 
C'est bien sûr moins facile de ce côté des pages. Si l'on est coincé sous des tonnes de merde, en général, l'on se noie bien gentiment. 
C'est cela je crois que j'aimais à l'époque chez Parker. Cette capacité à se transcender et à dire "je ne renonce pas". D'autres héros le font aussi, mais lui m'a toujours paru moins avantagé que les autres. Plus banal. Plus attachant aussi.

Vous savez quoi ? J'aime beaucoup les Bananarama, pour des questions qui n'ont que peu à voir avec la musique, mais... c'est surtout le vieux bonhomme des marchés qui me manque. C'était l'un des derniers vendeurs de potions magiques. Les autres, aujourd'hui, la gueule enfarinée et le cul entre quatre murs, en vendent parfois aussi, mais par hasard. C'est noyé entre les fioles de conneries et les bols de soupe. Alors que chez lui, tout était vivant et vibrant. Un peu salopé, parfois, mais attirant quand même. Ce type était un putain de personnage de conte. Le Père Noël des samedis. Et, cette chanson de Band Aid, ça lui va bien aussi finalement.
Il y a plusieurs façons de nourrir le monde. La sienne n'était pas si mal.