Doggy Bags - Saison 2, tome 16
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Tous les Jean-Kévin de cette page (sérieux, il y en a encore ?) connaissent donc maintenant DoggyBags (ces petits malins ont lu la chronique du numéro 14 ici, celle du numéro 15 , voire même l'article de Nolt ). Il n'est plus guère utile de revenir sur la description de ce qui se veut une série d'anthologie créée par Run sous le Label 619. Le souci étant que, si c'est bel et bien le cas, les Jean-Kévin en question ont dû se rendre compte que je viens de plagier ma propre introduction du tome 15 comme un doppelgänger de Gad Elmaleh.

Du coup : salut, les Jean-Kévin... et les autres. 
DoggyBags, c'est donc une anthologie de suspense, de frissons et d'horreur mêlant un édito engagé, des nouvelles graphiques un peu pulp, des articles informatifs intéressants relatifs auxdites nouvelles graphiques, un poster gratuit et une nouvelle littéraire. C'est la dernière fois que je vous explique le concept, ça devient lourd, les gars. Faites un effort !
Tiens, j'y pense : pas de fausses pubs, dans ce numéro... c'est dommage.
Au sujet de l'édito, il aborde cette fois un sujet peu original sous un angle qui l'est davantage. En effet, Run confie ici le rôle que le Covid19 (trop punk, je n'écris pas LA Covid 19, malgré l'Académie Française, quel rebelle !) a joué sur sa vision des catastrophes fictives... 
Mais qui n'est pas dans le cas ? Après tout, la gestion de cette crise rend les fictions les plus anxiogènes sur le sujet quasi rassurantes...
Souvent, les DoggyBags tournent autour d'une thématique. Cette fois, le seul point commun évident semble être le meurtre, la mort ou les armes à feu... mais c'est le cas de tous les DoggyBags, quasiment. Soyons clairs : vous ne trouverez pas de politiquement correct, pas de bisounours, pas de safe space, pas de moraline dans ces recueils.
Pour ceux qui n'en ont jamais eu entre les mains, c'est un format 25x17, couverture souple, enfermant un paquet de pages sur du papier certes granuleux mais de qualité... et débordant de goût douteux et d'intérêt pour le louche et le macabre. Si Halloween était Noël, on découvrirait ces bouquins sous les citrouilles, emballés dans du papier de verre.

Pour couronner le tout, il est coutumier chez DoggyBags d'accompagner les histoires d'articles exposant leurs sources d'inspiration et... ça fait froid dans le dos !

Première histoire : ROTTEN HEART (de El Puerto et Tomeus)


Dans le paysage paradisiaque de l'Afrique de l'Ouest, en la si calme année 1984, le dénommé Seinfeld (mercenaire de son état) et ses hommes ont planifié de faire de gros câlins aux seigneurs de guerre locaux pour leur rappeler la toute-puissance du pouvoir de l'amour. Malheureusement, après quelques péripéties, ils devront se rendre à l'évidence : il sera malaisé de dispenser autour d'eux une infinité de sentiments choupinets en ayant pour seuls outils des flingues et des explosifs. Déçus mais déterminés à faire cadeau aux pires salopards locaux de quelques balles et quelques rockets, il se résigneront bien vite à les leur envoyer le plus vite possible par le biais de canons appropriés. 
Plus sérieusement... ça cause d'organisations paramilitaires, religieuses, politiques et/ou criminelles qui s'entretuent pour un butin aussi surprenant que déstabilisant et non, ce n'est pas mignonnet le moins du monde. Ce l'est d'autant moins que c'est crédible et passablement réaliste, malgré la dose de fantastique africain que l'on trouve dans le camp des seigneurs de guerre.
La conclusion de la nouvelle est astucieuse et dérangeante à souhait mais pas plus que l'article qui suit faisant état de certaines croyances entretenues au sein des milices d'Afrique de l'Ouest... Vous saviez que ces gars croyaient en l'existence d'un vaccin pare-balles ? Quand je pense que certains de mes concitoyens ont du mal à croire en l'efficacité de celui contre la poliomyélite...

Deuxième histoire : Tool (de Mud et Evin)


S'inspirant ironiquement du slogan avançant qu'une arme n'est qu'un outil, cette nouvelle graphique repose sur un procédé dont j'avais déjà apprécié l'efficacité dans le très bon roman États de lame de Pascale Fonteneau : faire parler l'arme et non le criminel ! Ici, l'on a droit aux mémoires d'un Colt Python, d'un Beretta 92F, d'un AK-47 et d'un Colt M16... soit les armes utilisées dans les fusillades perpétrées par les frères Stovall le 28 septembre 2001 au Colorado.
Ce n'est pas la première fois que Doggybags met en images des faits divers réels mais cette prise de position au niveau de armes est ici bien vue tant l'obsession des deux frères pour l'armement a joué une place importante... Ici, les armes parlent, ont soif de sang et semblent manipuler les humains, les poussant à commettre des tueries autodestructrices qui sont pour elles autant d'actes érotiques. Perturbant ? Oui. Pertinent ? Aussi. Ce drame attire notre attention sur le cas de ces super-owners entassant les armes de tous calibres non dans le légitime but de simplement les collectionner mais par réelle fascination pour leur potentiel de destruction. Certains possèdent de véritables arsenaux contenant même des armes de guerre, des casques et gilets pare-balles... ce qui fait d'eux des gens bien plus armés que les policiers qui leur font face le jour où ils décident de passer à l'action. Des gens difficilement arrêtables.

Troisième histoire : REAL SOCIOPATH (de Run et Ké Clero)



Les auteurs reviennent ici sur l'affaire Donnah Winger, cette jeune mère américaine massacrée à coup de marteau dont le mari a assisté au meurtre avant de tuer lui-même l'agresseur... 
Affaire qui bouleversa l'Amérique à deux reprises : lorsque l'on dévoila cette histoire et... lorsque l'on dévoila que c'était un mensonge cachant une vérité bien plus glaçante encore.
Rien ne vous sera épargné : c'est cru, violent, sans une once de compassion... ça porte bien son nom.
On vous offre là une plongée en apnée dans la sociopathie. Bienvenue dans le monde enchanté des personnes agissant sous le coup de leurs impulsions immédiates, sans se soucier des conséquences. Run confesse en préambule avoir toujours été terrorisé par ce type d'individus imprévisibles, lui qui est du genre à toujours tout planifier... et c'est avec empressement que l'on se range à son avis après la lecture de ce récit.
Au niveau du dessin, celui de la première histoire est assez simpliste et parfois maladroit mais il sert le propos et fait le taf. La deuxième histoire bénéficie d'un trait précis et détaillé, comme il se doit d'une histoire axée autour d'objets mécaniques de précision. La troisième offre un dessin un peu torturé aux traits anguleux et c'est bien le moins qu'elle méritait. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • C'est du DoggyBags dans tous ses excès et toutes ses audaces. Ce qui est très bien.
  • Ça amène son lot d'informations et de réflexions... ce qui n'est pas le cas de toutes les BD qui passent entre nos mains.
  • La qualité de cette collection reste égale et c'est un petit exploit digne d'être salué d'une frénétique rafale de... non... d'applaudissements. De rien d'autre... 

  • Le dessin de la première nouvelle me semble un rien léger par rapport aux autres mais n'est en rien indigne.
  • Ça pourrait choquer les lecteurs les plus sensibles, je suppose... mais la couverture annonce la couleur, non ? Alors qu'ils restent à l'écart de cette lecture et qu'ils nous laissent en profiter !